sur les pas de la banane. (leo)

La fumée s’échappe de tes lèvres. T’observes la rue animée dans laquelle tu te trouves, clope à la main. Leo ne devrait pas tarder à arriver, vous aviez prévu de vous retrouver ici. Tu ne sais pas vraiment où il te fait débarquer, le doc’. Tu regardes les passants, de la tête aux pieds, les sourcils froncés. Il t’emmène dans un nouveau bar, apparemment. Il t’emmène, mais en attendant, c’est toi qui l’attends. Tu ne sais même pas comment s’appelle ce bar.  Alors tu essayes de deviner. Tu ne connaissais pas très bien ce coin-là du quartier, ce n’était pas ton préféré, alors c’était plutôt compliqué pour toi de savoir lequel pourrait venir d’ouvrir. Vous n’aviez pas encore fait ce genre de sorties depuis ton retour. T’avais pris le temps de t’installer, d’essayer de retrouver tes parents, et les quelques fois où tu sortais, c’était sans lui car il avait d’autres occupations. Cette soirée, c’était la vôtre. Un bon moyen de discuter autour d’un verre dans un endroit calme. T’étais de retour en ville depuis plus d’un mois, et vous ne vous étiez vus que quelques fois. Après tout, toi, t’avais tout ton temps libre. Pas lui. Il serait temps que tu trouves un job, Chance. Pour le coup, tu essayais. Mais travailler dans un bureau, ce n’était pas pour toi. Tu ne savais pas vraiment ce que tu voulais, à vrai dire. T’avais pas pris le temps d’y réfléchir. Et pour toi, y’avait jamais eu que l’armée. Tu prends une nouvelle taffe, adossé contre un mur. T’entends des rires, des cris d’excitations, ici et là. La douce musique d’une soirée qui s’annonce en ville, en week-end. Tu vois des jeunes passer. Ils n’ont pas vingt ans, ça se voit à leur visage d’enfant. Tu souris en repensant à ces premières soirées en ville que tu passais toi aussi, quand t’avais dix-sept piges. T’étais toujours avec les mêmes ; aujourd’hui ça a changé. T’es seul, ou avec Leo. Le regard légèrement nostalgique, t’éteins ta clope. Machinalement, tu ressors le paquet de ta poche. « Leo, à cause de toi j’vais finir mon paquet plus vite que prévu… » tu marmonnes. Ça, c’est se dédouaner, Chance. T’es le seul responsable de la descente de ton paquet. Mais t’aimes pas attendre comme ça, dans une rue que tu ne connais pas. Y’a des bruits ne que t’aimes pas. Ça te rappelle des souvenirs que t’aimerais chasser de ton esprit, ces fois où tout semblait aller bien, que vous étiez en patrouille, et que ça finissait en fusillade, dans les villes que vous gardiez. Dans un souci de reflexe, tu regardes les hauteurs des bâtiments qui t’entourent. Les toits qui à ton avis auraient pu cacher des hommes. Tu sais pertinemment que y’a personne, mais c’est encore trop récent pour que tu te réhabitue à une nouvelle vie, une nouvelle ville. Tu souffles en recrachant la fumée que tu venais d’inhaler. Une voiture te klaxonne, tu lèves les yeux : c’est Leo. Tu réponds par un doigt d’honneur, grand sourire aux lèvres. Tu le vois partir se garer quelques rues plus loin, alors tu décides de suivre son chemin pour le rejoindre. Alors qu’il sort de la voiture, tu ouvres tes bras pour le serrer, une tape sur l’épaule, cigarette entre le majeur et l’index. « T’en a mis du temps Doc’. J’croyais que tu m’avais abandonné. » Tu l’observes prendre ses affaires avant de lancer : « Tu nous amène où cette fois ? J’dois avoir peur ? Les trois quarts des passants étaient déguisés. J’ai vu une banane géante, s’il-te-plait. » Tu lâche un léger ricanement en pensant au mec qui peinait à marcher avec son costume qui devait faire le même poids que lui, tout en commençant à marcher pour suivre Leo, là où, ce même garçon en costume s’était engouffré. 


@leo thompson

Les histoires de couple, tu ne connaissais pas. Les prises de têtes comme les bons moments. Ta dernière relation devait remonter à l’époque du lycée, avant que tu ne t’engage. Mais même celle-ci, ce n’était pas une relation sérieuse. Alors quand Leo t’annonce que c’est sa fiancée qui lui tenait la grippe, tu te met à te foutre de lui. Ton pote allait se marier, mais c’est pas comme si c’était quelque chose qui l’enchantait. Plus il sortait et mieux il se portait, c’est ce qu’il disait toujours. Visiblement, la vie de couple n’était pas faite pour lui. Tu savais pas vraiment si cette vie aurait été faite pour toi. Tu ne faisais pas attention à ce que l’ancien militaire farfouiller dans son coffre, trop occupé à observer les quelques personnes en costume qui se baladaient dans la rue et portant la cigarette à ta bouche. Tu reporte ton attention sur lui, surpris, alors qu’il insinue qu’il était au courant pour les costumes. « Tu te fout de ma gueule j’espère ? » mi-surpris, mi-en colère. T’es pas agressif, non, tu en veux seulement à ton ami d’avoir omis ce détail sur votre soirée. « J’ai une gueule à me costumer pour aller boire un coup ? » tu marmonnes. Si tu avais su, tu aurais pris ton ensemble de treillis militaire que tu avais pu garder et qui prenait la poussière dans ton sac. Tu faisais la gueule, c’est sûr. T’étais pas du genre à aimer te donner en spectacle, et pour toi, ces soirées n’étaient faites que pour ça. Tu préférais passer incognito, pas te faire remarquer. Tu toisais du coin de l’oeil les housses de protection que trimballait Leo. « Non mais t’aurais pu me prévenir. Et puis c’est quoi les costumes que tu as prévu du coup ? » Tu aurais été de mauvaise foi si tu avais rajouté que tu préférais te trouver nu devant le conseil de l’armée. Mais t’avais hésité, vraiment hésité à le rajouter. Bien sûr, Leo n’avait aucune envie de te dévoiler la surprise qu’il te réservait, et tu appréhendais. T’étais parfaitement conscient de ce que ton pote était capable de faire : vous ne vous êtes pas aussi bien entendu dès ton premier séjour dans son service pour rien. Vous étiez capable de faire les même blagues parfaitement débiles, et c’est bien ça qui te faisait peur. Et alors que vous prenez la même direction que tous les fous en costume, tu finis la clope que tu avais en main avant de reprendre ton paquet pour compter celles que te restaient. Quatre. En espérant qu’elles te fasse la soirée.
Vous avez à peine fait la queue, malgré le monde. La bar était déjà bien rempli, et vu ce qu’il se passait sur la piste de danse certains avaient déjà bien profité de leur boisson gratuite -et même plus-. Tu suis Leo, toujours dégouté de ce qu’il était en train de te faire faire. On vous avait précisé que vous ne pourriez pas passer la barrière du vestiaire si vous n’étiez pas en costume, alors il était temps de découvrir ce que Leo t’avais réservé. Tu lui répond par un sourire ironique alors que lui se fout littéralement de toi. « J’te jure que si tu m’as fais un sale coup je rentre illico. » tu lances en sortant une pièce. Non, tu rentreras pas, t’étais d’une mauvaise foi parfaitement connue de Leo, et maintenant que tu étais là, tu repartirais pas. Malgré tout, il t’avait chauffé et t’avais besoin de te vider la tête. Quoi de mieux pour le faire que te déguiser en quelqu’un que tu n’étais pas ? Tu décides rapidement d’attribuer pile au costume de gauche et face au second. « Tu permets, je commence? Quitte à me déguiser contre mon gré autant que ce soit mon karma qui l’ai décidé. » tu soupires avant de lancer la pièce. Face. Tu t’empares rapidement du costume en regardant Leo prendre le sien et t’engouffres dans les toilettes pour te changer.
Tu sors des toilettes pour mettre ton sac au vestiaire, la pièce que vous aviez utilisé pour tirer au sort les costumes pour la caution. « Sexy le pompier !» t’entends pouffer des gamines qui venaient de rentrer dans le bar, et ton visage se referme un peu plus. Leo te revaudra ça. Il aurait pas simplement pu louer des costumes de militaires? Ca vous serait allé à tous les deux, et au moins, c’était pas le pompier strip-teaseur que le hasard t’avait attribué. Mine de rien, t’aurait pu avoir pire. Ton costume était composé d’un pantalon foncé à bandes fluorescentes similaire à celui des combattants du feu, attachés par de simples bretelles. Le costume omettait le haut, volontairement. T’avais aussi un casque sur la tête que tu risquais de laisser au vestiaire à un moment de la soirée, vu la chaleur qu’il faisait déjà dans la salle. Tu vois la porte des toilettes s’ouvrir sur Leo « C’est pas trop tôt, j'étais sur le point de part…» tu finis ta phrase sur un grand sourire avant d’éclater de rire. « Non mais c’est une blague ! T’avais vraiment prévu que l’un de nous deux tombe sur ça ? Mais quel enfoiré... » à moitié choqué de la tenue de Leo, c’était quand même toi qui était en train de te foutre de lui. Drag Queen Leo était dans la place. « Il moule bien ton petit cul ce pantalon en cuire, ça change de ta veste. » tu ricanne avant de te mordre les lèvres pour t’empêcher de continuer de rire. Ton ancien collègue qui faisait à peu près ta taille faisait maintenant une bonne tête de plus, perché sur des talons hauts à plateforme. Un joli t-shirt à paillette qui recouvrait à peine son torse et laissait ses pectoraux se dévoiler : pas de fausse poitrine, ou alors le médecin l’avait enlevée. « T’es belle mon pote.» tu finis par lancer, une larme de rire à l’oeil à force de te retenir. « Mais t’es vraiment un petit con. Une chance sur deux et je tombais dessus. » tu t’avances vers lui pour lui donner une tape sur l’épaule. La soirée risquait finalement d’être plus drôle que tu ne le pensais.


@leo thompson