Undisclosed desires (+) Livia & Teddy

Un peu préoccupé, Teddy arpente les rues d’Island Bay les mains dans les poches. En ce début du mois de juillet, il commence à faire vraiment froid, pourtant il préfère encore marcher que prendre sa voiture. En fait, la fraîcheur de l’air l’aide même à éclaircir quelque peu ses idées, du moins c’est ce qu’il se plaît à penser. Parce qu’il faut dire que, depuis quelques jours, il s’inquiète un peu. D’ordinaire, il n’y a presque rien qui puisse le mettre dans cet état, à part peut-être sa crainte que sa soeur replonge dans ses anciens démons, ou dans une moindre mesure l’éventualité d’avoir du mal à boucler la fin du mois. Mais aujourd’hui, son sujet de préoccupation est bien différent. Il s’agit de Livia et, pour le coup, le trentenaire se rappelle que c’est précisément une des choses qu’il aime le plus dans le célibat : la solitude, quelque peu égoïste par définition, fait qu’on ne se prend pas la tête. Aujourd’hui, il ne sait pas très bien quoi penser. Ça fait plusieurs jours qu’il n’a pas de nouvelles de la brunette et ça n’aurait sans doute pas été inquiétant si ce n’est qu’elle ne répond à aucun de ses appels et de ses textos. Au début, Teddy s’est dit qu’elle devait être occupée. Puis il s’est mis à penser qu’il avait peut-être fait quelque chose qui lui a fortement déplu. Et enfin, après l’avoir laissée un peu tranquille, il s’est dit qu’il ferait mieux d’aller la voir parce que, si ça se trouve, elle a quelque chose de sérieux et il pourrait faire quelque chose pour elle. On ne sait jamais, mais c’est un peu de son devoir de s’assurer qu’elle va bien et qu’elle n’a besoin de rien, non ? C’est pour ça qu’il se retrouve devant chez elle à sonner. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvre sur la demoiselle. Comme d’habitude, sa beauté frappe le surfeur. « Hey… Salut toi. » Il s’approche pour déposer un baiser sur ses lèvres. « Désolé, je sais que tu m’attendais pas. Mais comme j’avais plus de nouvelles… Je voulais seulement m’assurer que tu allais bien. »

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Un jour de congé, puis un second et finalement, une fin de semaine, elle a un patron compréhensif, de plus, avoir un nouveau mécanicien, cela aide grandement le garage, sinon, ils sont peu et ça leur arrive parfois d'être débordé. Quoi qu'il en soit, si elle n'avait pas été agressée, l'anxiété est restée depuis la dernière fois, des marques encore visibles, elle a évité de répondre à ses proches, sauf John, le patron du garage, il lui a fait promettre de la couvrir, bien qu'inquiet par la situation de la brune, elle qui ne se laisse jamais abattre, surtout après quelque chose qui n'est finalement pas arrivé. Elle s'était réfugiée dans une galerie d'art, un bon samaritain, après tout, il aurait pu la foutre dehors avec ses angoisses et ses blessures, mais ce n'est pas ce qu'il a fait et pour une fois, elle est vraiment reconnaissante. Elle a pensé à passer quelques jours chez sa maman, mais elle a préféré opter pour sa chambre, enfin, surtout ses couvertures. Après deux jours, elle a décidé d'aggraver ses plaies après une chute, mais qui tombe dans les petits escaliers devant de la maison avec les sacs à vidanges ? D'accord, peut-être qu'éviter de manger et de bouger, ça peut-être aidé à perdre l'équilibre, mais quoi qu'il en soit, elle n'a pas envie de se plaindre, car oui, il faut dire, qu'elle s'en veut d'être faible et ce sentiment, elle le déteste plus que tout, c'est une femme forte et indépendante, pas une demoiselle en détresse. Bref, si au départ cela n'avait rien de grave, maintenant, elle se retrouve avec deux larges pansements sur les genoux, qu'elle n'hésite pas à arracher pour les changer et désinfecter, ce qu'elle n'a pas encore fait, car elle paresse toujours dans son lit. Livia se met à grogner, on sonne à la porte, elle hurle, mais elle se souvient que Nina est en train de travailler, alors, elle se lève, elle enfile un jogging et elle se décide à ouvrir la porte, qui s'ouvre sur Teddy. Elle prend une respiration, elle le laisse s'approcher de son visage pour l'embrasser. « Oh, salut. » Elle se recule pour le laisser entrer et elle referme aussitôt la porte, ce n'est pas trop le bordel, après tout, elle ne vit pas seule, par contre, sa chambre, c'est une autre histoire. Elle croise les bras en le regardant. « Tu n'étais pas obligé de te déplacer, tu sais, je vais bien, il n'y a pas encore le feu. » Elle hausse légèrement les épaules. « Je vais bien. » Elle se répète, elle lui tourne finalement le dos pour se rendre à la cuisine, elle s'installe sur un tabouret. C'est vrai, elle l'a ignoré, mais c'est surtout qu'elle ne veut pas de sa pitié et de son aide, ni celle des autres. « De plus, tu devrais plutôt prendre la fuite, je ne suis pas sous mon meilleur jour. » Pas qu'elle s'est négligée, mais elle ne porte clairement pas une tenue pour sortir à l'extérieur. « J'avais besoin d'être seule. »

Elle le laisse entrer sans poser de questions et il en est soulagé, parce qu’il trouve qu’il commence à faire vraiment froid. Alors ça lui fait du bien de retrouver la chaleur d’une habitation et cette sensation est sûrement aussi liée au fait de revoir Livia. Bien entendu, elle lui dit qu’il n’était pas obligé de se déplacer et qu’elle va bien. « Euh… T’en es sûre ? » Parce que Teddy, lui, n’est pas tout à fait convaincu. Peut-être parce qu’elle se répète. Peut-être parce qu’elle a deux grands pansements sur les genoux. Peut-être parce qu’elle n’a pas l’air aussi pétillante que d’habitude. En réalité, ça doit sûrement être un mélange de tout ça. « De toute façon, je suis aussi passé parce que tu me manquais. » Pour le Canadien, ça doit être l’équivalent d’une véritable déclaration d’amour. Il n’est pas très doué dans ce domaine, mais à ses yeux, de simples phrases suffisent. Et surtout, il préfère agir plutôt que parler. C’est pour ça qu’il s’est pointé plutôt que de continuer à envoyer des textos, suivant la brunette dans la cuisine pour s’asseoir à son tour sur un tabouret en face d’elle. « Tu rigoles ? Tu ne prends pas la fuite les matins où tu te réveilles à côté de moi, alors crois-moi, je t’en dois une… Et même plusieurs. De toute façon, tu peux bien mettre les haillons de Cosette que tu seras toujours aussi belle. » Et même si ça ressemble à du baratin de dragueur, il le pense sincèrement. Peut-être qu’il ne lui fait pas assez de compliment, d’ailleurs. Il faut dire que depuis que leur relation a commencé, il a toujours un peu de mal à y croire. Parce que visiblement, ça ne ressemble à aucun des deux. Pourtant, ils continuent à se voir, à apprécier la compagnie l’un de l’autre, à faire des choses ensemble. Et même si ça lui fait peur, Teddy a la nette impression qu’il commence à s’attacher. Sinon, elle ne lui aurait pas manqué. Sinon, il ne se serait pas inquiété de ne pas avoir de nouvelles. Ça lui serait passé complètement au-dessus de la tête. « D’accord. Je peux comprendre. Et maintenant, est-ce que tu ressens toujours le besoin d’être seule, ou est-ce que je peux profiter un peu de ta compagnie ? Parce que ça me fait vraiment plaisir de te voir. Et j’ai emmené de la bouffe aussi, si ça t’intéresse. »

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« Tu deviens sentimental ? » Qu'elle répond suite aux paroles où il mentionne qu'elle lui manquait. Personne ne lui a jamais dit cela, en dehors de sa mère, qui est un cas à part, car elle est sa famille, mais cela lui fait tout de même étrange de l'entendre de la bouche de Teddy. Elle s'échappe dans la cuisine, du moins, ce n'est pas vraiment une échappatoire, il ne compte sûrement pas repartir après cela et elle a déjà hâte de retrouver son lit, ou peut-être qu'elle ira faire un tour dans la cour, pour se détendre avec Marie-Jeanne, alias le cannabis. Elle se passe une main sur le visage, un peu d'eau, ce serait mieux, mais elle reste sur son tabouret et elle le regarde s'installer face au sien, de l'autre côté du comptoir, mine de rien, c'est peut-être sa première maison, mais elle ne ressemble pas non plus à un tas de débris avec de vieux meubles et des murs à papier peint des années cinquante, c'était sa récompense pour avoir réussi ses études, elle est fière. Liv secoue la tête, elle se met à rire, il se fout sûrement de sa gueule ou alors, c'est un moulin à compliments, elle sait pas, mais elle se contente de rire, un peu pour le taquiner aussi. « Attention, mon prince charmant est arrivé ! Où est le cheval ? » Livia se moque légèrement de lui, c'est sa façon de faire passer les choses, de penser à quelque chose d'autre. Elle hausse à nouveau les épaules, elle est perdue, elle est partagée entre l'envie de le laisser partir et le voir rester auprès d'elle, d'accord, elle ne va pas nier, il lui plaît, elle a dépassé le stade du, je te trouve mignon et on prend tout cela à la légère, maintenant, elle peut sentir son cœur qui s'accélère lorsqu'elle se blottit contre lui ou lorsqu'il pose ses lèvres sur les siennes, elle n'aime pas du tout ce sentiment, son esprit s'embrouille, est-ce qu'elle doit tout lui dire, ou elle a le droit de se garder une gêne, après tout, pour elle, elle ne doit de compte à personne, mais elle a appris que la communication est parfois une bonne chose dans un couple. « Tu peux rester, mais.. je n'ai pas envie de sortir, c'est un peu ma seule condition. » Pour le moment, elle préfère rester chez elle et être dans son petit confort, surtout qu'elle doit faire peur et qu'elle a la flemme de s'arranger, en tout cas, s'il veut la revoir après cela, c'est peut-être le bon. « Tu as apporté quoi ? » Curieuse, mais l'appétit n'y est pas vraiment en fait. Elle pose son menton sur ses bras allongés sur le comptoir. « Je t'ai vraiment manqué ? »

Sentimental. C’est un mot qui ferait presque peur, à elle comme à lui. Mais plutôt que de hausser vaguement les épaules pour signaler qu’il l’ignore, Teddy préfère adresser un clin d’oeil à Livia. « Qui sait… » Il sait que ce n’est pas ça qui va la faire fuir en courant. Il y a plein d’autres choses qui pourraient produire cet effet, ceci dit. N’empêche, il faut dire qu’il n’est pas avare de belles paroles, quoi que sincères, aujourd’hui. C’est peut-être parce qu’il ne l’a pas vue depuis un petit moment.. Ou alors c’est peut-être parce que les semaines s’écoulent et que, contre toute attente, ils continuent leur bout de chemin ensemble. Il ne sait pas trop, il se contente d’être spontané, mais il en vient presque à le regretter. « C’est ça, fiche-toi de ma tête. Le prince charmant est un fake parce qu’il est venu à pied, même pas de destrier d’acier ou quoi. » De toute façon, le Tremblay ne se considère pas du tout comme un prince charmant. Ce n’est pas juste sa façon de se voir lui-même, d’ailleurs, c’est la stricte réalité. Mais de toute manière, il sait que même s’ils continuent à sortir ensemble, ils ne finiront jamais comme ces couples niais à souhait et bourrés de clichés. « Pas de problème, ça caille trop dehors, de toute façon. » Comme elle demande, Teddy déballe ce qu’il a apporté. Il s’est arrêté en chemin pour acheter des mini-pizzas et des cookies, un combo qui n’est peut-être pas très classique mais qui reste très bon. « J’espère que tu vas m’accompagner, mais sinon, tout disparaîtra quand même. » Il relève finalement les yeux de son sac à dos pour les plonger dans les siens. Avant de répondre à la question qu’elle lui a posée, il se laisse glisser de son tabouret, fait le tour du comptoir et la prend dans ses bras. Il est loin d’être un romantique, c’est vrai ; en revanche, il aime beaucoup la sensation qu’il éprouve quand il la serre contre lui. « Croix de bois, croix de fer… Du coup je suis vraiment content de te revoir. » Il l’embrasse sur le front avant de se détacher d’elle. Il n’a pas l’impression qu’elle est dans son assiette, mais il n’a pas l’impression non plus qu’elle ait envie d’en parler. Alors pour l’instant, il va se contenter d’être là. « Et toi, tu as pensé quand même un peu à moi ? » demande-t-il pour la taquiner.

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Livia le regarde, un peu de façon suspecte, ce n'est pas mal d'avoir des sentiments, mais le montrer, c'est une autre histoire pour Liv, qui n'est pas habituée et qui reste surprise à chaque fois que Teddy lui montre une marque d'affection, comme si elle n'avait jamais reçu de câlin ou de baiser, seulement ce n'était pas de la même façon, cela dit, ce n'est pas désagréable, elle va peut-être finir par y prendre goût à toutes ces marques de tendresse et d'amour. « Ah, zut.. un point en moins ! » Elle plaisante bien évidemment, parce qu'encore une fois, Livia n'est pas à l'argent, donc, elle se fiche bien qu'il soit venu dans la plus belle voiture sportive qui existe ou qu'il soit sur son vélo, qu'importe, ce n'est pas cela qui va l'empêcher de l'apprécier et de le voir, puis, ça fait longtemps qu'elle a renoncé au prince charmant, même qu'elle n'y a jamais cru. Quoi qu'il en soit, il accepte de rester à l'intérieur et c'est tant mieux, elle n'a pas envie de voir la lumière du jour, pas plus loin que son jardin ou sa fenêtre. L'odeur du fromage et du chocolat se mélange, mais ne lui donne pas envie de manger pour le moment, elle sait qu'elle ne pourra pas avaler plus de deux bouchées. Livia se fige au départ, mais elle se détend peu à peu, lorsqu'il vient la prendre dans ses bras, elle aurait quand même aimé être dans un meilleur jour, plutôt que de ressembler à ça, bref, elle profite de cette chaleur, jusqu'à ce qu'il reprenne sa place. Elle attrape un élastique qui traînait là, pour pouvoir s'attacher les cheveux. « Surtout durant mes moments de solitude. » Elle se met à rire, même pas la force de le faire, mais c'est tout de même marrant de le voir réagir à cela. Elle a encore un peu d'énergie pour plaisanter, alors, elle le fait. « Quoi de neuf depuis la dernière fois ? » Elle focalise sur lui, non pas sur elle, elle sait qu'il va lui retourner la question, alors, elle prend les devants. « Pour ma part, c'était plutôt tranquille.. » Elle ouvre la porte du réfrigérateur pour sortir deux boissons, pour elle, il s'agit d'une bouteille de jus d'orange vitaminé, qu'elle s'empresse d'ouvrir pour boire quelques gorgées.


L’air circonspect de Livia, qui se demande peut-être s’il plaisante ou s’il est sérieux, fait sourire Teddy. Une fois de plus, il se dit qu’ils se sont assez bien trouvés, puisqu’ils ont des aspirations similaires en termes de relations amoureuses. Pourtant, il semble que la leur évolue petit à petit, même s’ils n’en parlent pas. D’ailleurs, peut-être qu’ils n’y pensent pas beaucoup non plus. Ne pas se prendre la tête au sujet de l’avenir, c’est assurément un sacré bon point. Mais bien entendu, dans l’instant présent, Teddy se préoccupe d’elle, sans quoi il ne serait pas venu la voir, trop vexé pour faire un pas supplémentaire alors qu’elle ne lui répondait pas. En fait, il est soulagé de constater que son état n’est visiblement pas catastrophique. Ça n’a pas l’air grave vu de l’extérieur, mais il doit forcément y avoir quelque chose qui fait qu’elle se traîne chez elle, parce que ça ne lui ressemble pas du tout. Elle n’a pas l’air d’avoir envie de lui en parler pour l’instant, mais il va au moins lui imposer un peu sa compagnie, ainsi que l’odeur de la nourriture apportée. « Rien de bien intéressant… Au boulot, ça commence à être plutôt calme, c’est clairement la basse saison pour les sports nautiques. Il y a quand même quelques durs à cuire qui se pointent quand le soleil est au rendez-vous. » Il remercie Livia pour la boisson et continue à grignoter (du moins selon sa définition) tout en discutant avec elle. « Cette semaine, je suis tombé au loft sur le nouveau petit ami d’une de mes colocataires. J’étais sorti avec il y a longtemps et il était déjà pas très fan de moi à l’époque. C’est un peu gênant, mais j’imagine qu’il faut s’y attendre quand on vit à plusieurs. » Il hausse vaguement les épaules, avant de poser une main sur celle de la brune. « Je me doute bien que c’était tranquille si tu es restée à la maison. Du coup, ça te dirait de sortir ce week-end ? On pourrait aller manger un morceau à Wellington, histoire de se balader un peu. J’ai entendu dire qu’un nouveau Steak House a ouvert. » Il n’est pas sûr qu’elle ait envie de quitter son chez-elle, mais justement, il essaye de tâter le terrain.

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Elle n'a jamais été très douée pour parler de ses sentiments, à qui conque d'ailleurs, Teddy n'est pas en cause, c'est seulement son problème à elle, elle camoufle bien cela, enfin, en général, elle tente de s'y faire et de faire comme si rien n'était. Livia n'aime pas se plaindre et elle continue de vivre, elle passe par-dessus, comme elle le faisait avec sa fenêtre lorsqu'elle était adolescente, en faisant le mur. Hélas, la situation n'est pas vraiment la même, mais elle fait comme si cela l'était. Elle hoche la tête en l'écoutant parler, même en appréciant les défis, elle n'irait même pas oser se tremper les orteils, le corps peut vite mal réagir à la basse température de l'eau, pas besoin d'avoir fait de longues études en médecine pour le savoir. « Ah oui, j'imagine bien le malaise. » Enfin, elle suppose, certaines personnes le cachent mieux que d'autres, de toute façon, ce sont des choses qui arrivent, surtout dans une petite ville comme Island Bay. Livia y habite depuis sa naissance, jamais elle n'a couché avec l'ex d'une amie, enfin, ça, c'est parce qu'elle n'a pas vraiment d'amie féminine, sauf peut-être Nina et elles ne doivent pas avoir les mêmes goûts, du moins, peut-être le physique, le reste, peut-être pas, Liv a tendance à choisir les mauvais garçons, ceux qui ne la rendront jamais heureuse. « Je ne sais pas. » Voilà sa seule réponse. Elle se lève de son tabouret et puis elle se met à tourner un peu en rond, se grattant légèrement le coin du front, un peu comme si elle avait envie de dire un truc, mais que rien n'arrivait à sortir de sa bouche. L'alcool, l'alcool ça peut toujours aider, non ? Elle ouvre la porte d'une armoire et sort la bouteille de vodka, il reste un fond, aussitôt avalé, aussitôt recraché dans le lavabo, non, c'était une mauvaise idée. Elle fait une grimace avant de reposer la bouteille. « Bon.. » Elle grimace une dernière fois, le fond, c'est toujours horrible au goût. Elle se pose contre le comptoir, lâchant un soupir. « Je sais que c'est stupide, mais.. récemment, il y a peut-être une semaine, j'ai cru qu'on me suivait et.. et j'ai eu la peur de ma vie puis j'ai trébuché avant de déranger un pauvre galeriste qui m'a soigné et aidé. Je me sens plutôt stupide. » Voilà, c'était enfin dit.


Même s’il n’a rien d’intéressant à raconter, Teddy partage des banalités avec Livia, ne serait-ce que pour répondre à sa question. Parce qu’il imagine que c’est ça aussi, quand on sort avec quelqu’un depuis un moment, se raconter mutuellement le quotidien. Il faut dire qu’il n’a pas beaucoup d’expérience en la matière, mais ses parents sont un couple marié et uni depuis plusieurs décennies et, de ce qu’il voit, ils communiquent beaucoup même quand leurs propos n’ont pas l’air d’être importants. Alors même si sa relation avec Livia est très loin de leur stade, il imagine bien qu’il faut commencer quelque part. Donc même si ce n’est pas leur truc d’exprimer leurs sentiments ou quoi, Teddy essaye d’apprendre, sans se prendre la tête parce que ça se passe plutôt bien entre eux. Il ne changerait rien au côté décontracté de leur histoire qui convient à l’un comme à l’autre, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’a pas envie de prendre soin d’elle et de la protéger. Ça, il ne le lui dit pas, parce qu’elle va répondre qu’elle n’a besoin de personne et qu’elle sait parfaitement se débrouiller toute seule. Mais intérieurement, c’est plus fort que lui. Alors quand il comprend qu’elle va se confier à lui, il commence par se sentir soulagé. Puis à nouveau, il s’inquiète un peu. « C’est pas stupide d’avoir peur… » Bien sûr, c’est facile à dire, mais il sait que dans sa situation, il se serait senti bête aussi d’en parler. Mais justement, il aimerait bien qu’elle se sente à l’aise pour parler de tout avec lui. « Tu dis que quelqu’un t’a soignée. Qu’est-ce que tu t’es fait exactement ? » Il la regarde posée contre le comptoir, elle a toujours l’air un peu dégoûtée par la gorgée de vodka qu’elle vient de prendre. « C’est pour ça que tu es restée chez toi ces temps derniers ? Est-ce que tu as peur que quelqu’un t’ait vraiment suivie ? » Il attrape à nouveau sa main, parce qu’il a envie qu’elle le regarde.

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Elle sait que c'est facile de dire cela, après tout, elle sait bien que ce n'est pas stupide, enfin, bien au fond d'elle, mais Livia a toujours été ce genre de fille, à régler ses propres problèmes et à ne compter que sur elle-même, pas sur les autres, encore moins sur un homme. Donc, forcément pour la jeune femme, c'est une drôle de mentalité, car elle a toujours été ainsi, elle préfère se débrouiller et refouler certaines émotions qui peuvent paraître inhabituelles à ses yeux, des sentiments tout à fait normaux pour les autres humains. Elle n'aime pas se confier, elle sait que les gens jugent facilement, elle-même, elle le fait, mais bon, c'est peut-être le moment de se dévoiler un peu, de lui faire confiance, peut-être que cela va pouvoir la soulager, à part Gabriel, le galeriste et son patron, personne n'est au courant, ni même sa maman et son beau-père, dont elle est très proche depuis son enfance. Liv se lance à l'eau, tant pis, s'il lui rit au nez, s'il prend la porte, parce qu'elle montre ses faiblesses. Étonnamment, ce n'est pas le cas, il reste là, il veut savoir. Elle se passe une main sur le visage, même si elle aime bien la vodka, cette fois-ci, cela ne passe pas très bien. Elle baisse son bas, vêtue d'un sous-vêtement tout de même, elle retire les pansements, pour montrer les plaies qui commencent un peu à guérir, enfin, quand Livia ne tente pas d'arracher la peau qui se forme sur la plaie. Elle remonte son pantalon jogging, une fois qu'il a pu regarder. « Je suis tombée sur les genoux et les mains. » Bon, bien sûr, cela ne va pas la tuer, elle a connu pire, mais c'est plutôt la situation dans laquelle qu'elle s'est retrouvée qui l'a effrayé. Elle hausse doucement les épaules en le regardant. « Je ne sais pas... je crois que c'est aussi un mélange de la honte, même si personne ne le sait et puis... si jamais c'était vraiment le cas. » Qui sait ce qui ferait la prochaine fois, surtout qu'elle fait toujours les fermetures, elle reste jusqu'à la fin, plus d'argent dans ses poches, moins dans ceux des autres employés. « Ce n'est pas dans ma nature d'être comme ça, mon ex était parfois brutal et j'étais toujours en train de le provoquer, ça ne me faisait pas peur, mais là... c'était différent. » Brutal, il ne la battait pas non plus, disons qu'ils avaient tendance à aboyer plus fort que les autres et des objets se retrouvaient un peu partout dans l'appartement.

Il sait que c’est difficile pour elle de parler, de se confier, de s’ouvrir à un homme. Pour lui aussi, parler de ses sentiments ou d’expériences passées compliquées, c’est difficile. Parce ce n’est pas dans sa nature non plus. En revanche, poser des questions, s’intéresser à l’autre, l’écouter, c’est tout de suite chose plus aisée. Et quand elle commence à parler de ce qui s’est passé, Teddy a tout de suite envie de s’approcher pour l’entourer de ses bras et la serrer contre lui. Peut-être qu’il mérite bien son surnom, après tout. Mais il n’est pas sûr que Livia, elle, en ait envie. Elle risquerait de croire qu’il la prend pour une faible alors qu’en fait, son désir de la protéger est tout à fait naturel. Alors pour l’instant, il reste sur son siège, regardant les blessures qu’elle lui montre sous son jogging, notamment aux genoux. Ça a l’air assez superficiel, ce qui est plutôt bon signe. Mais il faut quand même qu’elle continue à faire quelque chose pour ça, c’est sûr. « Tu as tout ce qu’il te faut ou tu voudrais que je passe à la pharmacie pour te prendre des trucs ? » Bien entendu, il a compris que le pire, ce n’est pas le fait qu’elle se soit blessée. Mais apparemment, elle a vraiment eu peur et, l’espace de quelques secondes, un pli soucieux barre le front de Teddy. Pourquoi quelqu’un l’aurait-il suivie ? Un dégénéré parce qu’elle est belle ? Une ancienne connaissance qui tentait de se rapprocher d’elle ? Les possibilités sont infinies et il espère vraiment qu’elle s’est trompée. Mais il ne sera sans doute pas beaucoup plus tranquille que la jeune femme. Il comprend bien que cette dernière est mitigée dans ses sentiments et que ça ne lui ressemble pas d’être comme ça. Il ne peut néanmoins retenir une moue réprobatrice quand elle évoque la brutalité de son ex. Il préfère ne pas s’engager sur ce terrain-là parce qu’il aurait bien des choses à dire et que ce n’est pas le moment - ça ne le sera peut-être jamais. Pour l’instant, il a juste envie de la rassurer. « Tu avais fini tard au garage, c’est ça ? » En plus, en cette saison il fait nuit très tôt, ce qui n’est pas forcément arrangeant. « Je finis plus tôt que toi… Alors si tu veux, tous les jours après ton travail, je peux te rejoindre pour te raccompagner. Je suis peut-être pas Hulk ou quoi, mais si quelqu’un te suivait vraiment, j’imagine que la présence de quelqu’un d’autre serait déjà plus dissuasive. Et je t’arrête tout de suite, je fais pas ça par charité ou je sais pas quoi. Ça me ferait plaisir aussi de te voir encore plus souvent. On pourrait s’arrêter manger un morceau quand on veut, par exemple. » Après tout, ils sortent ensemble depuis le mois de mars, alors sans parler de grand pas, leur relation en est peut-être arrivée à ce stade, au fait de se voir plus régulièrement encore.

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C'est la première fois, ou plus ou moins, qu'elle se dévoile, qu'elle ose lui dire quelque chose, qu'elle garde en elle, depuis déjà plusieurs jours. Elle ignore si cela est un soulagement ou non, pour le moment, elle ne ressent pas ce sentiment, mais ce sont peut-être les émotions du moment qui l'empêche de bien se sentir. Les blessures ne sont pas profondes, elles finiront par disparaître, comme elle finira par passer au-dessus de cette histoire, ce n'est pas dans sa nature d'agir ainsi, de laisser les autres la bousculer et lui faire peur, elle se relève toujours aussitôt, la preuve, elle avait quitté Colt, pas seulement sur un coup de tête, mais parce qu'elle pensait à son avenir et que même si elle n'est pas devenue avocate ou médecine, c'est un métier qui lui convient amplement, qui la représente entièrement, car c'est une passionnée de la mécanique, mais également de la beauté des voitures, notamment comme celle qu'elle possède. Livia avait fait le bon choix et aujourd'hui, elle sait qu'elle finira par passer à autre chose, sauf que cette fois-ci, elle n'est pas seule et Teddy ne semble pas avoir l'intention de la laisser vivre seule cette histoire. « Oui, ça ira, merci. » Au pire, elle pourra toujours en souffler un mot à Nina ou commander par internet, c'est comme ça que les gens font aujourd'hui, ils ne se déplacent plus, alors, pourquoi pas elle. « Je termine toujours aux même heures, vers vingt heures et demie. » Ils ferment à vingt heures, plus tard que les autres garages, mais après dix-neuf heures, il ne s'agit plus de réparation, mais de dépannage et la petite boutique est ouverte, pour les imprévus, voilà pourquoi ils ferment plus tard, ils aiment dépanner les âmes perdues qui ne savent pas faire démarrer une voiture ou changer un pneu. L'été ça va, le soleil se couche plus tard, l'hiver, c'est une autre histoire. « Pourquoi pas.. je veux bien, je reprends mercredi. Merci Teddy.. » La fin de semaine, elle dépanne parfois, mais elle a souvent ses deux jours de congé bien mérités et même d'autres jours, quand elle demande. Elle soupire légèrement, maintenant, elle peut sentir le soulagement qui commence à s'emparer d'elle. Livia attrape finalement un cookie pour en prendre une bouchée. « Donc, tu n'avais rien de mieux à faire, finalement ? » Qu'elle dit pour le taquiner un peu.

« Je suis là pour toi, c’est normal. » Et il le pense sincèrement. Même s’ils ne sont pas du genre à exprimer leurs sentiments, même s’ils sont loin des clichés romantiques, même si l’excès de niaiserie les fait rire tous les deux, ils forment tout de même un couple aujourd’hui. Non, ils ne vivent pas ensemble, non, ils ne font pas de projets d’avenir, mais en attendant ils sont ensemble. Alors oui, Teddy a envie de prendre soin d’elle, même si elle n’en ressent pas le besoin, même si c’est une femme indépendante, même si on ne vit plus au dix-neuvième siècle. « Je servirais à quoi, sinon ? » Il lance une plaisanterie pour détendre l’atmosphère. Et visiblement, Livia est sur la même longueur d’ondes que lui, puisqu’elle fait la même chose. « Qu’est-ce que tu voulais que je fasse un dimanche ? Le surf est ma passion, mais ça caille vraiment trop aujourd’hui. » Il fait à nouveau le tour du comptoir pour la rejoindre. Il voit qu’elle a commencé à manger un cookie, alors ça le rassure un peu. C’est plutôt bon signe. Sans plus tarder, il la prend dans ses bras, avant de déposer un baiser sur ses lèvres. Il n’a pas besoin d’être un grand romantique pour montrer des signes d’affection. « J’avais envie de retrouver ma petite amie, ça t’étonne ? » Parce que oui, c’est ce qu’elle est pour lui, même s’ils ne prononcent pas ce genre de mots. Mais ce sont deux personnes qui se sont mises d’accord pour n’en voir aucune autre, c’est sûrement ça la définition, non ? Ça lui fait bizarre de se dire ça. Mais c’est sympa aussi. Ça a de bons côtés qu’il apprécie. « Alors… Tu me fais de la place dans ta chambre pour qu’on se mate un film avec ces cookies, ou tu préfères te reposer ? »

undisclosed desires.
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« Hum, tu me servirais d'esclave ? » Qu'elle dit sous le ton de la plaisanterie. Bien sûr, elle n'a pas besoin d'homme pour quoi que ce soit et il le sait très bien, c'est pour cela que Livia a mis autant de temps à lui dire ce qui lui est arrivé, elle n'a pas envie de devenir dépendante de quiconque et ni avoir la pitié des autres, elle est forte, mais il y a quand même des moments où elle veut se réfugier toute seule et vivre sa peine. Cela dit, elle est contente d'avoir pu lui en parler, ainsi, elle peut respirer et passer à autre chose, elle peut répondre à nouveau à ses coups de fil ou encore ses textos, en gros, elle ne va plus l'ignorer. C'est encore un truc dont elle n'a pas l'habitude, se confier, c'est bizarre, mais au final, c'est plutôt soulageant de pouvoir en discuter et ne pas lui cacher les faiblesses qui font d'elle un être humain. Elle ignore vraiment où cette relation va les mener, ils n'ont pas vraiment de projets, si ce n'est qu'ils finiront par sortir à l'extérieur pour manger un bout et surtout, pouvoir affronter la réalité et les peurs qui entouraient Livia jusqu'à ici. Elle hoche la tête, un peu quand même, mais il semble plus ouvert à vouloir parler et à l'appeler « sa petite amie » sans que cela soit gênant. En tout cas, elle sait qu'elle a des progrès à faire, mais tant qu'il ne la pousse pas, tout devrait bien se dérouler entre eux. Elle attrape les biscuits et de sa main libre, la main de Teddy, elle l'entraîne dans sa chambre, ils s'installent confortablement sur le lit, tant pis pour les miettes, elle changera plus tard les couvertures, pour l'heure, elle a simplement envie d'être dans les bras du beau brun et de mater un film en arrière-plan pour passer le temps et mettre un peu d'ambiance.