Shit life... [ft. Celeste]

Depuis quelques jours, ma routine a quelque peu changé. Entre Elliot, mon couple et le bébé, il a fallu que je fasse des adaptations. Pour commencer, Natalie a rencontré mon fils et ça, ce n'est pas rien, ça lui permet ainsi de passer un peu de plus de temps ici, avec nous deux, ou plutôt nous trois si on compte l'être qui grandit en moi. « Tu te dépêches Elliot, on va finir par être en retard sinon. » Le petit garçon n'est pas resté très longtemps à table, il a grignoté quelques gâteaux et est ensuite parti jouer. Mais ça, ça ne va pas faire nos histoires. En effet, il n'a pas du tout la tête à se préparer pour aller à l'école. Les minutes passent et le petit garçon ne bouge pas d'un poil. Cependant, il a un peu de répit, mon téléphone sonne et je suis obligée de prendre l'appel. Il s'agit de Noah, mon frère, qui à l'entendre s'est mis dans de beaux draps. « Et mer.. » Merde. Mais en tant que mère, j'ai pris l'habitude de m'interrompre assez tôt, surtout quand Elliot est dans les parages. Natalie qui se tient face à moi me regarde, un air interrogateur présent sur son visage. « Mon frère est en garde à vue et je suis celle qu'il a décidé d'appeler. » On est une famille nombreuse et pourtant, c'est moi qu'il a choisi. Pourquoi ? Je l'ignore encore. Peut-être parce que de tous les enfants, je suis relativement calme et il sait que je ne lui rappellerais pas cet événement chaque jour. « Tu as besoin d'aide ? » Elle est avocate, elle a toutes les cartes en main pour m'aider, mais notre relation reste récente et je ne veux pas l'impliquer là-dedans. « Je pense que ça va aller, mais si j'ai besoin, je t'appelle. » Si vraiment, je me retrouve dos au mur, alors je l'appellerais. Mais pour l'instant, je vais voir ce qu'il en est. « Elliot, viens mettre ta veste. On y va. » Je contacterais Luana sur le trajet pour la prévenir de mon retard.

Elliot déposé à son école, je file au commissariat. Je suis née et j’ai grandi ici, pourtant, je crois que je ne suis jamais venue dans ce lieu. Je ne vais pas m’en plaindre, moins on vient ici, moins on s’en plaint je suppose. Je me présente à l’accueil et indique que je suis là pour Noah. Le fait que je sois novice ne m’aide pas, j’ignore ce que je dois faire et où aller. Un agent finit par venir à ma rencontre, accompagné d’un homme. Bien vite, je comprends qu’il s’agit du propriétaire de mon frère. Nous allons dans une pièce à part et j’essaye de plaider la cause de mon frère, même si au fond de moi, je ne suis pas sûre que son geste soit vraiment défendable. La discussion passe et j’essaye de retenir toutes les informations nécessaires, afin de les répéter à Noah après. Le propriétaire part et le policier m’emmène alors voir mon frère. « Vous avez de la chance, Monsieur Wade, votre soeur est beaucoup plus diplomate que vous. Elle vient de vous sauver les miches, vous voyez ? Parce que votre propriétaire était prêt à déposer plainte contre vous pour agression. Elle l'a persuadé de s'abstenir. A sa place, je ne sais pas si j'en aurais fait autant. » Je regarde mon frère et balance doucement la tête de gauche à droite. Même si je n’accepte pas forcément ce qu’il a fait, il reste mon frère et je me dois de le protéger. « Eh bien, Madame, si j'avais su qu'il y avait juste besoin de votre présence pour lui rabattre le caquet, je vous aurais faite venir plus tôt ! Je suis vraiment navrée que vous ayez à subir cela... je suis sincère. Bref. Monsieur Wade, vous êtes libre pour cette fois, mais vous n'aurez pas toujours quelqu'un pour vous essuyer le derrière. Oh et. j'allais oublier. » Avant de laisser Noah partir, l’agent lui tend une amende. « C'est une blague ! 7500 dollars d'amende ! » Je n’ai eu qu’une version des faits, mais vu ce qu’ils ont énoncé, c’est un minimum. « Et encore, j'ai été clément, voyez... parce que normalement vous pouvez aller en prison. Allez, sortez, je ne veux plus vous voir dans ce commissariat. Plus jamais. » Et j’espère bien ne plus avoir à revenir. Mon frère sort et je lui enchaîne le pas. Une fois dehors, il déchire l’amende qu’il vient d’avoir et la jette dans une poubelle. Je soupire légèrement et m’empresse de la récupérer avant qu’elle ne s’enfonce trop dans le sac. « Je sais ce que tu vas me dire, alors épargne-le moi. J'ai pas envie d'entendre un sermon, d'accord. Je n'aurais pas du le frapper, mais il n'aurait pas du mal me parler. J'imagine qu'il veut que je me tire ? » « Exactement. J'ai réussi à négocier une semaine, le temps que tu puisses trouver quelque chose et faire tes cartons. » C'est un moindre mal. Avec leur altercation, le propriétaire de Noah n'a plus du tout envie de le voir. « Tu m'as appelé pour que je puisse utiliser la carte de la grossesse ? C'est malin. » Je suis sûre que cela a joué, j'ai bien vu que parfois, il regardait mon ventre. « Tu sais que tu vas devoir en parler à maman, tu ne pourras pas lui cacher indéfiniment. Tu vas devoir la payer aussi. » Dis-je, tout en lui tendant l'amende déchirée que j'ai récupéré derrière lui. « La jeter n'y changera rien, ça ne fera qu'aggraver les choses même. » Ils ne vont pas s'asseoir sur 7500 dollars, ils vont vouloir qu'il paie, quitte à devoir lui rappeler plusieurs fois. « Je t'aiderai à la payer et tu me rembourseras quand tu le pourra. Tu peux aussi loger à la maison, le temps que tu trouves quelque chose. Sauf si tu as déjà une autre idée en tête. » Je ne vais pas le laisser dans la merde, même si Noah n'a pas toujours été le frère idéal.

Les gestes de Noah ne peuvent pas rester impunis. Je n’ai eu qu’une version de l’histoire, celle de son propriétaire et il n’a pas forcément été tendre avec mon frère, il a peut-être même exagéré les choses, mais Noah l’a frappé et ça, c’est difficile de l’effacer. « Une semaine ! Mais quel fils de pute ! » Il a le droit d’être énervé, cependant, je ne suis pas sûre que l’insulter arrangera les choses, même si l’homme est bien incapable de l’entendre. Dans un réflexe, je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel. « En parler à maman ? Pour quoi faire ? Pour qu'elle paie ces connards ? Je vais pas lâcher 7500 dollars pour ces trous de balle ! Je préfère aller en prison. Au moins je serais logé, nourri, blanchi au frais de la princesse... ouais, vu que dans une semaine, je suis SDF... » J’ai vraiment l’impression d’entendre un enfant que l’on vient de punir. C’est un peu ce qui est arrivé, c’est vrai, il a passé plusieurs heures en cellule, mais est-ce vraiment une raison pour dire des choses aussi insensées ? « C’est vrai, je suis bête.. c’est clairement mieux d’être en prison. » Je n’arrive pas vraiment à le comprendre pour le coup. Sa vie n’est peut-être pas idéale en ce moment, il voudrait sûrement être encore aux États-Unis, mais c’est sûrement mieux que d’être enfermé dans un endroit qu’il ne contrôle pas. C'est un peu égoïste pour toutes ces personnes qui rêveraient d'être à sa place. « Te fatigue pas... je vais trouver un moyen de m'en sortir seul... Comment, je ne sais pas, mais je verrais bien... » Dit-il, en réponse à l'aide que je lui propose et je ne peux m'empêcher de soupirer un peu. « Je veux bien admettre que je suis un connard... et que je mérite peut-être un peu ce qu'il m'arrive... mais je crois que j'ai ma dose. Je crois que je vais laisser tomber. Je commence à en avoir marre... de tout... j'ai bien compris que je n'allais rien faire de ma vie... à quoi bon m'acharner... » Petit Calimero. « Et si tu mettais ta fierté de côté un peu ? » Au lieu de s'apitoyer sur son sort, il pourrait accepter mon aide et s'en servir pour relever la tête. « Je ne sais pas pourquoi, mais parfois, j'ai l'impression que tu nous détestes. » Qu'il nous reproche tout ce qui lui est arrivé et pourtant, depuis son retour en ville, on fait tous de notre mieux pour que les choses se passent bien. Malgré son caractère de cochon. « Pourquoi tu n'acceptes pas mon aide ? Nous sommes une famille Noah. Que tu réussisses ou non, on partage le même sang et je ne te laisserais pas dans la merde. » Je ne le jugerais jamais, quoiqu'il arrive. La preuve, je suis ici aujourd'hui, malgré ce qu'il a fait à cet homme. Je ne suis pourtant pas pour la violence. « Ça n'a pas marché là-bas, c'est vrai. Et quoi, tu vas attendre maintenant ? Que les choses te tombent toutes faites dans les mains ? Pendant soixante-dix ans ? » Dans l'optique qu'il vive jusque cent ans bien sûr. « Dans ce cas-là, tu as raison, ne viens pas chez moi. Je tiens à ma vie de famille et de couple. » Je veux bien lui offrir un pied-à-terre le temps qu'il ressorte la tête de l'eau, mais si c'est pour qu'il se morfonde et qu'il reste là, sans rien faire pendant des mois, ça ne sert à rien.

Noah m'a appelé pour le sortir de là, mais à l'entendre, c'est censé s'arrêter là. Pourtant, je ne peux m'empêcher de lui proposer plus que ça. Il vient de se faire virer de son appartement, il doit trouver autre chose pour retomber sur ses pâtes et autant dire que je suis presque sûre qu'il n'ira pas voir notre mère pour ça. « Non, non... toi, tu as une famille. Tu as Natalie, tu as Eliott, tu auras bientôt ton bout de chou qui va débarquer. Ta priorité, c'est tout ce beau monde, pas moi... Il n'est pas question que je débarque chez toi, pour deux raisons : d'abord oui clairement, tu as une vie de famille à préserver et ensuite, si je me pointe, plus jamais de ta vie tu ne voudras m'adresser la parole. Donc, tu as raison, pour ta vie de famille et de couple, c'est mieux que je refuse ton aide. » « Tu es ma famille aussi. » Ce n'est pas la même, c'est vrai, mais Noah compte tout autant pour moi. Ensemble, nous avons dû faire face à différentes épreuves, nous avons dû apprendre à nous serrer les coudes pour avancer. Même si de tous les Wade, le jeune homme a toujours été le plus rebelle, celui qui n'en fait qu'à sa tête. J'ai peut-être été un peu écrasée par son rôle, mais aujourd'hui, ça n'a plus vraiment d'importance. « Je ne vous déteste pas. C'est... juste que... je veux me débrouiller seul... autant que possible. Appelle ça de la fierté, si tu veux... mais si je ne suis pas capable de me démerder, même dans les coups durs... » À l'entendre, je ne peux m'empêcher de soupirer. Des coups durs, nous en avons tous et pourtant, nous ne sommes pas tous têtus comme lui. Pour s'en sortir plus fort, il faut parfois savoir demander de l'aide. C'est plus ou moins ce que j'ai fait avec Elliot, au début, je me suis appuyée sur ma famille pour m'en sortir. « Qu'est-ce que je devrais faire à ton avis ? Il me faudrait un travail... où le patron soit pas un gros emmerdeur de première, parce que sinon ça va pas le faire. Déjà, ouais, ça réduit le champ des possibles. Je tenterais bien de donner des cours, seulement la grande majorité des étudiants que j'ai connu, j'avais envie de leur botter le cul... et puis, tu crois que je reste là, à attendre ? Je passe des auditions... ça ne mène à rien... La vérité, c'est que je ne sais pas quoi faire. Je n'ai pas de plan B... mon projet c'est d'être acteur. Qu'est-ce que je pourrais faire d'autre ? » D'un point de vue professionnel, j'ai mis mes rêves de côté et pourtant, je ne le regrette pas. Parfois, il faut savoir se trouver d'autres objectifs, d'autres rêves, car ceux initialement prévus ne nous correspondent plus ou sont trop loin de la réalité. Noah a réussi à suivre sa voix un certain temps, en allant aux États-Unis, mais il est peut-être temps de revoir les choses ou au moins de se fixer des rêves plus atteignables, le temps au moins de sortir la tête de l'eau. « Découvre-toi. » Il a toujours aimé le cinéma, mais il y a peut-être autre chose qui le rend vivant, quelque chose qu'il ignore encore aujourd'hui. Mais c'est peut-être plus facile à dire qu'à faire. Un silence s’installe entre nous et j’en profite pour réfléchir à une option pour lui. Il pourra toujours la refuser, comme il l’a fait avec ma proposition d’hébergement, mais je dois tenter. « J’ai peut-être une idée. Mais je ne sais pas si ça va coller à tous tes critères. » Si ça colle et si c’est une bonne idée de mélanger vie privée et vie professionnelle. « Je peux être chiante parfois, alors je te laisse imaginer en tant que patronne. Mais.. si tu veux, tu peux venir travailler au café. » C’est un emploi assez accessible et il n’a pas besoin d’une quelconque formation. Il doit juste être habile de ses mains pour limiter les catastrophes, ce doit être jouable. « J’espère pour toi que ce ne sera pas sur du trop long terme, mais ça pourrait t’aider un peu. À relever la tête au moins. » Je lui propose seulement une solution temporaire, le temps qu’il se refasse un peu et qu’il paye cette amende. Je ne peux pas le laisser comme ça, je me sens obligée de l’aider et j’espère qu’il ne me le fera pas regretter. Surtout que là, je n’agis que sur l’embauche, pour le reste, tout dépendra de lui et de son travail. « Tu n’auras pas à travailler tous les jours et tu ne travailleras pas huit heures d’affiler, ça pourra te permettre de continuer des auditions à côté. » Je ne sais pas trop ce qu’il a de ce côté-là, mais s’il galère ainsi, c’est qu’il ne doit sûrement pas courir d’une audition à une autre. Alors ça tombe plutôt bien, puisqu’avec mes associées, nous sommes partisantes du mi-temps. Ça permet de faire tourner l’effectif, ça évite à chaque personne de faire des journées trop longues et enfin, ça permet aussi d’embaucher des personnes qui pourraient avoir besoin d’un peu d’argent tels que des étudiants ou des acteurs en mal de films.

Noah est un Wade et pour moi, ça signifie beaucoup. Il a toujours été le plus difficile et pourtant, il reste mon frère. Depuis le décès de notre père, j’ai toujours mis ma famille avant le reste. Ils ont toujours été là pour moi et je le serais toujours pour eux. Noah a voulu s’émanciper de nous, avant de revenir la tête basse à cause de son échec aux États-Unis. Il risque de m’envoyer sur les roses, à n’importe quel moment, mais je tente quand même et je lui propose de travailler avec moi. « Euh... ouais... ok... » « Tu acceptes ? » Dis-je, alors que mes sourcils se froncent légèrement. C’est peut-être bête, mais je suis surprise de le voir accepter. Noah est du genre à envoyer bouler toutes les personnes qui osent lui venir en aide et après l’avoir plus ou moins fait avec ma proposition d’hébergement, je pensais qu’il le ferait une nouvelle fois là. « Je commencerai à partir de quand ? Il faudra parfois que je m'absente si une audition tombe un peu au dernier moment. Des fois j'apprends que c'est déplacé la veille pour le lendemain... » J’ai bien conscience de cela, alors si je pensais que c’était incompatible, je ne lui aurais pas proposé. Néanmoins, il va devoir faire des efforts sur certains points. Notamment pour que l’organisation se passe au mieux. Avant même que je ne lui réponde, Noah continue sur sa lancée. « Si tu as besoin d'une animation, je peux chanter de temps en temps. Ca m'entretiendra la voix... et comme ça, ça t'attirera peut-être du monde. Je me suis bien débrouillé au gala, même si la majorité des gens qui y assistaient étaient de vrais cons, davantage soucieux de soulager leur conscience que de vraiment aider les gens qu'ils prétendaient défendre... bref... Je te propose, c'est pas une obligation, mais si ça te dit, je serais enchanté. » Bien qu'hésitant au départ, mon frère semble finalement partant. Est-ce qu'il me proposerait cela sinon ? Pour se mettre sur le devant de la scène, peut-être. Je ne sais pas. Néanmoins, même si sa proposition est intéressante, je ne peux pas me permettre de m'avancer. « J'en parlerai aux filles, mais je ne te promets rien. » Je ne suis pas seule dans cette histoire : les décisions, nous les prenons à trois. « Pour tes débuts, c'est quand tu veux. Il faut juste que tu passes au café pour qu'on te fasse un contrat de travail. Je fais cela dans les règles, que tu sois mon frère ou non. » Cette phrase fonctionne pour le contrat de travail, mais pas que. Pour tout le reste aussi. Le fait qu'on porte le même nom ne lui donnera pas de laissez-passer pour faire ce qu'il veut. « D'ailleurs, pas de coups foireux. Ne me fais pas regretter ma proposition. » S'il arrive en retard à plusieurs reprises, il aura un avertissement, comme les autres. En cas de faute aussi et au bout de trois avertissements, ce sera dehors. « Pour les services, on s'arrangera. Tu auras le numéro de plusieurs autres employés, tu pourras t'arranger avec eux pour échanger vos heures de travail. Mais n'oublie pas qu'ils peuvent aussi avoir des contraintes à côté, bien souvent, ils ne se tournent pas les pouces lorsqu'ils ne travaillent pas au café. » Je le vois déjà venir, faire sa star et envoyer tout valser si jamais quelqu'un lui refuse un échange. Ils ne sont pas là, à attendre que le grand Noah Wade vienne travailler avec eux, en réalité, une grande majeure partie des employés ne doit même pas savoir qui il est. Je préfère lui dire maintenant, qu'il ne me le reproche pas plus tard. « Au fait, on parlait de Natalia tout à l'heure... tu m'as jamais trop parlé d'elle... » Je le regarde, une nouvelle fois surprise. « Tu n'as jamais vraiment demandé. » Notre relation a été rendue officielle auprès de toute ma famille lors du réveillon de Noël, j'ai rapidement évoqué la nature de notre relation et quelques détails à son sujet. Mais après ça, plus rien. Pas de manière groupée en tout cas. Mes sœurs savaient déjà un peu ce qu'il se passait entre nous et ma mère a joué les curieuses, mais mes frères ont été plus timides. « Ne compte pas sur moi pour lui demander de t'éviter la case garde-à-vue la prochaine fois. » Dis-je en rapport à son métier. Natalia travaille ici, au commissariat, mais je ne me servirais pas de ça pour éviter les soucis de Noah. Passer quelques heures en garde-à-vue, c'est finalement un mal pour un bien, ça lui remet les idées en place et ça lui rappelle que ses gestes ont des conséquences. « Et tu veux savoir quoi ? » Autant aller droit au but, ça m'évitera d'en dire trop ou pas assez. Le connaissant, il serait capable de dire que je l'ennuie si je commence à raconter en détail la vie de ma petite amie et comment tout s'est goupillé entre nous.

J’ai toujours été très famille, sûrement à cause du décès de notre père. Cette épreuve nous a rapproché en quelque sorte, mais Noah a toujours eu ce besoin de se différentier des autres Wade, de prendre ses distances. Cela l’a même poussé à partir aux Etats-Unis. Pour ses rêves, mais il y avait peut-être d’autres raisons. Seulement, pour ça et pour son attitude générale, les relations entre les membres de la famille et lui sont parfois compliquées. Mais il reste un Wade et c’est pour cela que j’ai envie de l’aider au maximum. Si ce n’est pas pour le loger, alors ce sera au café, c’est toujours mieux que rien. « Est-ce que ça se passe bien avec Eliott ? » Lâche-t-il lorsque je lui demande ce qu’il veut savoir. Je m’attendais à beaucoup de choses venant de lui, mais pas ça. « J'ai bien compris que vous vous aimiez et ma foi, si ça te rend heureuse, j'ai rien à savoir de plus sur le sujet. Je veux juste être sûr qu'elle est gentille avec Eliott et que lui le vit bien, c'est tout. » À l’entendre, on dirait vraiment que Natalia est la pire personne sur Terre. Pourquoi est-ce qu’il voudrait directement penser au pire ? Ce sont des choses qui arrivent, c’est vrai, mais je ne laisserais pas cela arriver. Très vite, il relève ma phrase concernant le poste qu’occupe ma petite amie. De l’aide ? Non. De l’aide venant de la police ? Encore moins. Ce qui m’arrange pour le coup, je n’ai pas envie de me retrouver entre deux personnes. « Il y a autre chose que je voudrais savoir, aussi. Comment est-ce qu'elle voit l'arrivée du bébé ? » « Tu fais quoi là ? Tu joues au frère protecteur. Enfin non, même pas, à l'oncle protecteur plutôt. C'est mon fils, une partie de moi et tu crois que je ferais passer l'une de mes relations avant lui ? » Je réponds un peu sur la défensive. Sûrement parce que ses questions pourraient presque sonner comme des reproches. Néanmoins, il y a certainement une bonne intention là-dessous, mais Noah reste Noah. « Quand les personnes sont éphémères dans ma vie, je ne les présente pas à Elliot. Il n'a pas besoin de connaître des personnes qui ne feront pas partie de sa vie. S'il a rencontré Natalia, c'est pour une bonne raison. Et puis, tout se passe bien entre eux. Ils s'adorent. » En réalité, la jeune femme est la première personne que je présente au petit garçon : mes autres histoires n'étaient pas suffisamment sérieuses pour en arriver là. Le courant est naturellement passé entre eux et il a parfaitement compris ce qu'il se passait. Pour l'instant, la jeune femme ne vit pas avec nous, pas complètement en tout cas, mais nous arrivons tout de même à passer certains soirs comme une famille. « Son père est parti vivre à l'autre bout du monde pour je ne sais combien de temps, il a le droit d'avoir quelqu'un dans sa vie qui se préoccupe de lui. » Son père ne l'a jamais reconnu, cela aurait fait tâche pour son héritage, et quand il a essayé d'être présent, il ne l'a pas vraiment été. Natalia n'est pas biologiquement liée à Elliot, mais il compte vraiment pour elle et ça se voit. « Il en sera de même pour ce futur bébé. Enfin j'espère. » C'est encore compliqué de se projeter là-dessus, ça ne fait qu'un mois que je sais. « Je ne peux pas lui imposer cette vie de famille. On est ensemble depuis peu de temps, cette grossesse nous est tombée dessus. Beaucoup de personnes seraient déjà partis. » Je prends ce qu'elle a m'offrir pour l'instant, quand les choses deviendront un peu plus concrètes, quand on se rapprochera du terme de cette grossesse, on verra bien ce que ça donne. « On ne sait pas de quoi l'avenir sera fait, on verra bien. » Dis-je, en haussant légèrement les épaules. « Mais pour l'instant, je suis heureuse avec elle. Elliot aussi. C'est le plus important. » Que ça lui plaise ou non. De toute façon, il n'a pas vraiment son mot à dire. Enfin si, il peut, mais rien ne dit que je l'écouterais. « Quelque chose comme ça te serait tombé dessus, je suis presque sûre que tu serais parti en courant. Qu'est-ce que tu ferais si une femme venait t'annoncer qu'elle était enceinte de toi ? » C'est facile de s'inquiéter pour la réaction de Natalia, mais qu'en serait-il pour lui ?

À peine ai-je le temps d’être surprise par l’intérêt que Noah porte à son neveu qu’il redevient le frère que j’ai l’habitude de côtoyer. Celui qui s’emporte pour un rien. Il est impossible de lui dire quelque chose, de lui dire la vérité, sinon il se vexe. Pourtant, il reste un Wade et j’ai envie d’être à ses côtés, de l’aider comme je peux, même si parfois, c’est compliqué. « Il n'a pas besoin de son père. De toute façon, tu sais ce que je pense de ce connard... T'as jamais voulu me dire qui c'était, mais le jour où je le découvre, je vais lui défoncer la tronche. Je finirais peut-être en garde à vue de nouveau, mais je m'en balance... » Et après on se demande pourquoi Noah est le seul de la famille à ne pas savoir pour Archie. Pour lui, tout se résout par la violence. En réfléchissant bien, mon ancien petit ami n’a pas grand-chose à se reprocher, hormis le fait d’avoir trompé sa femme. Dès le début, il a été clair avec moi : pour pouvoir prendre la direction de l’entreprise familiale, il ne pouvait pas faire de vagues, encore moins dans la presse. Alors forcément, avoir un enfant des suites d’un adultère, ça ne collait pas à l’image parfaite. Malgré tout, j’ai fait le choix de garder Elliot et à sa manière, Archie a fait en sorte que le petit garçon ne manque de rien. « Après, tu sais, j'ai grandi sans père et je m'en suis très bien sorti, regarde ! Et puis ça été pareil pour Robin, Lou, Lane et toi ! Nous nous en sommes très bien sortis, avec les personnes qu'on avait dans notre entourage. » Il ne comprend pas. Il ne voit les choses qu’à sa manière : il ne prend pas en considération le reste. Je pense que si on avait eu à choisir, on aurait aimé avoir notre père à nos côtés. Malheureusement, l’armée nous a privé de cela. Là, pour Elliot, c’est différent : son père est bel-et-bien vivant. Qu’est-il censé dire aux autres enfants ? Pour lui, la situation n’est pas évidente. « Le plus important c'est qu'elle soit aussi là pour te soutenir quand il y a des coups durs. Même si j'ai peine à croire que tu ne t'en sortirais pas tout seule, après tout, tu l'as très bien fait jusqu'à maintenant. » Une once de gentillesse dans ce flot de paroles. C’est toujours mieux que rien, mais bien sûr, avec Noah, ça ne peut pas durer et j’en ai la confirmation lorsque je lui demande ce qu’il aurait fait à la place de Natalia. Il s’emporte et pire, il insinue que les femmes pourraient profiter de sa notoriété. Quelle notoriété ? Quel argent ? À l’entendre parler, je me sens visée. En quelque sorte. Si vraiment je l’avais voulu, j’aurais pu faire cela avec Archie. J’aurais pu le faire chanter, faire en sorte qu’il me donne de l’argent. Nous, les femmes, sommes donc réduites à ça ? C’est écœurant. Mais ignorant une partie de mon histoire, Noah ne peut pas savoir que tout ce qu’il dit me touche personnellement. « Mais.. qu’est-ce que tu fais là ? Est-ce que tu t’entends ? Dès qu’on te dit quelque chose, tu pars au quart de tour et nous, on devrait rester là, à attendre quand c’est toi qui parle ? » Je suis venue ici, pour lui, j’ai plaidé sa cause et j’en tire quoi ? La colère de monsieur est des mots semblables à des reproches. Je m’en souviendrais pour la prochaine fois. « Est-ce que c’est de ma faute si toute cette conversation au sujet d’Elliot a sonné comme un reproche au moment même où tu as commencé à en parler ? » Qu’il n’aime pas Natalia est une chose, mais il n’a pas à monter sur ses grands chevaux pour me parler. « Et.. tu traites vraiment les femmes comme des objets ? Si seulement elles pouvaient s’en rendre compte avant de passer la nuit avec toi, juste pour te laisser sur le côté. » Bien que là, ça reste propre à moi. Quand il parle des autres femmes, ça me répugne, mais je suis sûre que pour certaines, ça ne les dérangerait même pas. Je prends un peu mes distances et soupire un long coup, avant de reprendre. « Si tu es si débrouillard, tu vas pouvoir rentrer tout seul. » Il a été amené ici, à l’arrière d’une voiture de police, mais il arrivera facilement à trouver une solution pour rentrer chez lui. Je suis sûre que des bus passent dans le coin. « Cette amende, tu vas la payer. » Dis-je, alors que je viens coller le morceau de papier déchiré contre son torse. « Si j’apprends que ce n’est pas fait, j’en parle à maman. » Ce n’est pas vraiment une action très fraternelle, mais tant pis, il l’a bien cherché. « Et je pense que tu préfères qu’elle soit la dernière impliquée dans cette histoire. » Parce qu’elle aussi, elle tiendra au fait qu’il paye pour ce qu’il a fait. Alors s’il ne le fait pas, elle le fera à sa place et lui devoir autre chose ne fait sûrement pas partie de ses plans. Sans un sourire, je tourne les talons et me dirige vers ma voiture. Mais avant d’être trop loin de lui, je me retourne une dernière fois. « Ne fais pas ton Noah habituel, soit à l’heure au café. Ne me fais pas regretter de croire en toi. »