reset myself and get back on track (ashley)

En tournant les pages de son carnet de contacts, un outil bien pratique qu’elle ressort chaque fois qu’elle fait des rencontres ou qu’elle égare son téléphone, Brooke se rend compte que les gens que les gens qu’elle a rencontrés ailleurs que dans un bar ne sont pas bien nombreux. Pas étonnant, puisque c’est là-bas qu’elle passe le plus clair de son temps quand elle n’est pas déjà occupée chez elle ou au bureau, et ça ne changera pas de sitôt d’ailleurs : chaque fois qu’elle s’installe au comptoir, de bonnes choses finissent toujours par lui tomber dessus - et on ne parle pas que des verres qu’elle vide. Elle a récemment fait la rencontre d’Ashley Wilder, une femme d’à peu près son âge avec laquelle elle passe beaucoup de temps ces derniers temps. Ça lui fait du bien de sortir un peu, d’arrêter d’utiliser le travail ou la flemme comme prétexte chaque fois qu’on l’invite à faire une activité pour plutôt faire des mots-croisés où boire des bières en jouant à Fortnite. Et puis, il faut bien dire qu’en dehors de Nick, qu’elle fréquente au quotidien et avec qui la vibe est un peu bizarre ces derniers temps, elle n’a pas grand-monde à qui se confier à Island Bay. C’est pour ça qu’un beau matin, alors qu’elle s’était donné rendez-vous avec Ashley pour aller boire un café en ville, Brooke a décidé de sortir ses vieux patins à roulettes du placard pour plutôt l’emmener faire un tour du côté de la plage. Ça promettait de belles gamelles en perspective, au moins pour elle, mais ça lui permettrait aussi de souffler un peu et de penser à autre chose qu’à Nick et, accessoirement, au boulot. Comme à son habitude, elle arrive avec un peu de retard sur les lieux du rendez-vous : une petite rue de West Bay, juste à côté de l’école d’où émanent des cris aigus insupportables et, accessoirement, à côté du café où elles sont censées discuter de leurs petits potins autour d’un breuvage chaud. Ashley avait vécu un tas de mauvaises choses, dernièrement, alors lorsqu’elle l’aperçut, Brooke ne put s’empêcher de balancer devant elle les fameux patins qui n’auront aucun mal à lui donner le sourire. Elles en ont besoin toutes les deux, en ce moment. « Hé Ashley ! J’espère que tu ne m'en voudras pas si on boit le café après. J’ai retrouvé ça dans mes vieux cartons, et je me suis dit que ça pourrait être plus bénéfique pour notre prochain passage sur la balance. » Elle traîne sa gueule de bois de la veille avec elle, mais ce n’est pas ce qui va l’empêcher de se la jouer cool girl à Venice Beach. « À vue d'œil, ils devraient être à ta taille. J’ai été prévoyante, tu ne peux pas te défiler. » Tout en mettant son amie en garde, Brooke ouvre le coffre de sa voiture pour y ranger ses chaussures. Elle enfile ses patins et profite du temps que prend Ashley pour mettre les siens afin de retrouver ses habitudes. Ça doit bien faire un an qu’elle n’a pas mis les pieds là-dedans. Elle manque même de déraper et d’atterrir tout droit dans le coffre. « Super nickel, on va se tenir la main pour commencer, ok ? Enfin bref, ça gaze ? »

Ashley était revenue à Island Bay depuis quelques semaines déjà, et sa vie n'avait pour le moment que très peu changée : elle était toujours au chômage sans aucune idée de ce qu'elle pourrait faire maintenant qu'elle n'était plus dans l'Armée. L'ancienne instructrice pensait aussi souvent à Neil, ce garçon qui avait été blessé alors qu'il était sous sa responsabilité... Cette situation était déprimante à souhait et lui faisait souvent passer des nuits blanches. Comment trouver sa voie à trente-sept ans, après des dizaines d'années passées au sein de l'Armée de l'air ? Elle n'avait jamais fait autre chose de sa vie, elle n'avait aucune idée de ce vers quoi elle pouvait se diriger ou tout simplement de ce qu'elle voulait faire des prochaines années de sa vie... Heureusement pour elle, Ash avait au moins une vie sociale agréable. D'abord, elle avait retrouvé Gabriel. Le fait de revoir le jeune homme lui avait fait un bien fou, tellement qu'elle avait même du mal à ne pas lui envoyer des messages tous les jours pour savoir s'ils pouvaient se revoir. Elle avait également revue sa meilleure amie d'enfance, Alexie, croisée au hasard dans un bus. Celui avait fait remonter beaucoup de bons souvenirs à la brune qui avait prévu de refaire une sortir avec son ancienne amie.
Et puis, avec ces retrouvailles sympathiques, il y avait aussi des rencontres, de genre de celles qui annoncent de belles amitiés. C'était typiquement le cas de Brooke Holiday. Ashley l'avait rencontrée dans un bar, un soir où elle ne voulait pas rester seule chez elle avec ses pensées déprimantes. La jolie blonde, qui avait à peu près son âge était drôle et avait de la conversation. Les deux jeunes femmes avaient rapidement sympathisé, s'appréciant mutuellement pas mal. Elles s'étaient revues plusieurs fois, pour sortir le soir ou pour boire des cafés. Ces sorties entre filles faisaient beaucoup de bien à la brunette, cela lui permettait de sortir de chez elle, de voir du monde, de s'aérer l'esprit. Grâce à toutes ces personnes, elle allait de mieux en mieux, ça se voyait sur son visage, sur son sourire qui se faisait moins absent ces derniers temps...
Ce jour-là, les deux nouvelles amies avaient prévu de déguster une boisson chaude pour parler de tout et de rien - des affaires compliquées ou ennuyantes de la détective, des dernières découvertes de séries et films grâce à Netflix de la chômeuse... - et Ashley attendait donc Brooke devant le café. Peut-être aujourd'hui lui parlerait-elle de Gabriel... Ash avait besoin d'en parler à quelqu'un, mais les deux femmes n'avaient pas encore vraiment parlé de leurs histoires de coeur. Leur amitié en était-elle déjà là ? Ash l'espérait. Mais, à vrai dire, l'ancienne militaire avait une autre idée en tête pour un sujet de conversation. Elle avait besoin de demander de l'aider à Brooke... Arrivée avant cette dernière, la brune s'était appuyée sur un mur et regardait l'heure sur son téléphone, attendant patiemment son amie. La blondinette arriva d'ailleurs, balançant fièrement devant elle ce qui semblait être des patins à roulette. En la saluant, elle déclara qu'elle espérait qu'Ashley ne lui en voudrait pas de retarder la café, expliquant qu'elle avait retrouvé la paire de chaussures à roulettes dans ses vieux cartons et que ça ferait du bien avant la pesée, ce qui fit légèrement rire Ash. Depuis combien de temps n'était-elle pas montée sur ces trucs ? Des dizaines d'années, c'était loin de la rajeunir ! "Tu en as de ces idées" dit-elle avec un sourire en saisissant les patins. "Tu as l'oeil, c'est ma pointure. Ça change d'un café tout simple où on ne risque rien à part de se brûler la langue !". Le risque de tomber et de se faire mal ? Il en fallait bien plus à Ashley pour refuser une activité qui pourrait se révéler très amusante ! Les deux femmes enfilèrent leurs patins, non sans petites glissades non prévues et non contrôlées.
Une fois installées sur leurs roulettes, Brooke proposa de se tenir la main pour commencer, ce qu'Ashley approuva en hochant la tête et en saisissant la main de son amie. "Le temps de retrouver nos réflexes c'est une bonne idée". La blondinette demanda si ça gazait, et cette expression donna un plus grand sourire encore à la brune. "Toujours la routine des longues journées devant Netflix entrecoupées de jogging ou de grignotage" dit-elle en haussant les épaules. "Quoi que j'ai eu le droit à une visite privée d'une galerie d'art, récemment... Et de ton côté alors ? Quel scandale de drogue ou de coucherie remue la communauté de Wellington ou Island Bay ?" demanda-elle à son amie, faisant référence à son métier de détective privé.

Pour l’instant, l’activité patins à roulette est un franc succès. Ashley a l’air emballée à l’idée de rouler un peu avant que les filles ne boivent leur café habituel - si on peut parler d’habitude, puisqu’elles ne se connaissent que depuis peu. Brooke troque sa deuxième paire de patins contre un sourire. En ce qui concerne l’exactitude de la pointure, ce n’est que de la chance. « Je ne suis pas encore assez douée pour deviner les pointures à l'œil. Ceux-là, ils sont à ma sœur, mais elle n’a plus vraiment le temps de faire du patin maintenant qu’elle veille sur ses deux loustics. » Et pour le coup, Ashley a bien raison : cette sortie promet de leur apporter un petit boost d’adrénaline. Probablement rien de trop effrayant pour une ancienne militaire. Brooke décide de ne pas traîner et d’enfiler ses patins. Comme elle s’y attendait, il lui faut un petit temps d'adaptation avant de pouvoir être parfaitement autonome sur ses quatre roues. Elle attrape la main d’Ashley et s’offre même le luxe de s’appuyer contre le mur voisin de son autre main.

Pendant qu’elles font tous les efforts du monde pour retrouver leurs repères, elles discutent des derniers événements de leurs vies respectives. Bien qu’elle ai à peu de choses près le même quotidien qu’elle en temps normal, Brooke ne peut s’empêcher de compatir à la situation de son amie. Ca doit être difficile de voir sa vie rouler à cent à l’heure pour ensuite s’arrêter d’un seul coup. Enfin, pas tout à fait puisqu’elle arrive à rester active, et c’est bien le plus important : même si elle est entrée dans une routine dont il est difficile de sortir, il ne faut pas qu’elle laisse sa volonté et sa motivation lui échapper. Et puis, tout n’est pas tout gris non plus : elle explique avoir visité une galerie d’art, rien que ça. Elle en profite pour réclamer des potins rapportés tout droit du travail à Brooke. Par où commencer ? « Pour les affaires de drogue, c’est plutôt à la police qu’il faut demander. On essaye de rester aussi loin que possible de tout ça. Pour les coucheries par contre, je pourrais t’en parler pendant des heures. C’est la majorité de notre clientèle, et je crois que ça commence à gonfler mon associé. Il faut que je te parle de lui d’ailleurs, mais un peu plus tard. En tout cas, je suis contente de voir que tu maintiens le cap. Les choses finiront par aller mieux, tu verras. Et une galerie d’art, en plus de ça ? Je ne savais pas que madame fréquentait le gratin d’Island Bay. C’était bien ? » Elles patinent un peu, prennent le risque de se laisser aller et de gagner de la vitesse. Quand elle se sent en confiance, Brooke lâche la main de son amie pour tenter de voler de ses propres ailes - ou rouler de ses propres roues, au choix. Comme elle est un peu frimeuse sur les bords, elle tente un demi-tour pour rouler face à Ashley. « Je crois que c’est bon, je suis prête. Comment tu le sens, de ton côté ? » Elle reste près d’elle, au cas où. Maintenant qu’elles n’ont plus à se concentrer sur leur capacité à rester debout, elles peuvent discuter tranquillement. « Alors, est-ce que… Tu commences à avoir une idée un peu plus claire de ce que tu voudrais faire, maintenant que tu ne te réveille plus au son du clairon ? »

Cette journée commençait décidemment très bien : Ashley avait retrouvé sa toute nouvelle amie près de la plage et cette dernière avait étoffé leur habituelle rencontre autour d’un café avec une nouvelle activité. La brunette n’avait pas fait de patins à roulettes depuis de nombreuses années, mais elle se souvenait très bien qu’elle adorait ça à l’époque. Cela ne la rajeunissait clairement pas, mais cette idée – celle qu’elle avait pris un coup de vieux – ne lui traversa même pas l’esprit tant elle était heureuse de faire cette activité en bonne compagnie en plus ! La blonde qui l’accompagnait affirma qu’elle n’était pas assez douée pour deviner les pointures à l’œil, il s’agissait donc d’un coup de chance non négligeable tout de même. Les patins qu’elle lui prêtait appartenait à sa sœur qui, visiblement surchargée par le rôle de maman, n’avait plus le temps de les utiliser. « Désolée pour elle, mais je ne vais pas m'en plaindre là tout de suite ! » affirma Ashley avec un petit rire. Le malheur des uns fait le bonheur des autres ? Ce n’était pas du tout le genre de citations qui convenait à Ash, c’était plus pour rire qu’autre chose qu’elle avait dit ça. Après tout, elle était simplement contente de pouvoir faire une activité qui changeait de d’habitude.
Main dans la main et proches d’un mur le temps de se souvenir comment garder son équilibre, les deux jeunes femmes partent en vadrouille tout en discutant de choses et d’autres. Le premier sujet qui arriva sur le tapis était celui de la situation de l’ancienne militaire, qui était totalement perdue sur son avenir professionnel maintenant qu’elle ne servait plus son pays. Dix huit ans à faire le même métier sans jamais se demander si elle aurait pu faire autre chose, alors forcément quand ça s’était arrêté elle avait perdu ses repères, un peu comme si on l’avait mis sur des patins à roulette sans humain ou mur auquel se tenir le temps de retomber sur ses pattes. Mais heureusement pour elle, elle avait pu se raccrocher à cet endroit familier et rassurant qu’était Island Bay, d’autant plus qu’elle avait trouvé ou retrouvé des amis de longue date. Elle sortait, lisait, faisait du sport, jouait… Bref, elle restait active malgré tout et c’était déjà un point important. L’autre sujet important était les potins que pouvait trouve Brooke grâce à son travail. Non pas qu’Ash raffolait des histories des autres, mais c’était toujours un sujet dont les gens aimaient parler, ce qu’elle pouvait comprendre.
La brunette laissa échapper un petit rire lorsqu’elle entendit que l’associé de Brooke en avait marre des histoires de coucherie, ce qui représentait visiblement une majorité de leur clientèle. La blondinette ajouta qu’elle devrait lui parler de lui, mais plus tard. Tiens donc ? Ash était intriguée et avait hâte que son amie lui en parle, mais avant cela la détective privée revint sur la visite de la chômeuse à la galerie d’art après lui avoir dit que les choses finiront par aller mieux. « Pour faire ton métier, il faut apprécier les commérages c’est ça ? » demanda-t-elle avec un petit rire, l’air taquin avant de laisser un petit sourire se fixer sur ses lèvres. « C’était vraiment super, et je ne fréquente par le gratin… Disons juste que cette galerie est tenue par un vieil ami que j’apprécie beaucoup… » dit-elle en parlant de Gabriel. L’apprécier beaucoup ? C’était un euphémisme !
Après une petite accélération, Brooke tenta de prendre son indépendance concernant son équilibre et lâcha la main d’Ashley, elle alla carrément jusqu’à faire un demi-tour pour parler à la brunette. « Je maîtrise mon équilibre, alors c’est ok pour moi ! » confirma l’ancienne militaire avant d’accélérer un peu. Une fois à un rythme égal, la détective demanda à son amie si elle commençait à y voir plus clair à propos de son avenir. Après tout cela faisait quelques mois qu’elle avait quitté l’Armée maintenant, il faudrait bien qu’elle se bouge un jour… « Ma mère pense que je devrais devenir coach sportive personnelle, mais je ne suis pas convaincue » déclara Ashley en haussant les épaules. « Comment tu as su ce que tu voulais faire, toi ? » demanda-t-elle à son tour, espérant trouver dans l’expérience de son amie une quelconque inspiration pour elle.

Il n’y a pas de raison d’être désolée pour Aubrey : elle passe son temps à s’en plaindre, mais la vie de maman lui plaît et jamais elle ne la troquerait contre sa vie d’avant. Brooke ne comprend pas vraiment pourquoi, mais il faut croire que certaines personnes sont faites pour ça tandis que d’autres non. En réalité, c’est bien Brooke qui donnerait tout l’or du monde pour retrouver sa sœur d’avant, leurs disputes et leurs fous rires, parce qu’à cette époque au moins elle n’avait pas à garder ses deux marmots. Pas qu’elle ait une dent contre eux, loin de là. C’est qu’elle a surtout l’impression d’être la nounou de service chaque fois qu’Aubrey est occupée. « T’as bien raison, profites-en. Je préfère ça plutôt qu’ils prennent la poussière chez moi. » Oui, parce qu’en plus de servir de crêche, sa maison est un véritable débarras en attendant la fin du déménagement de la petite famille de sa sœur. Et il est grand tant que ça se termine, parce qu’à force, on ne se sent plus vraiment chez soi.

Quoi qu’il en soit, ce serait mentir que de dire qu’il ne se passe jamais rien d’intéressant dans la vie d’une détective privée. C’est un boulot palpitant, le genre qui fait sortir Brooke du lit au petit matin avec la certitude que cette nouvelle journée sera différente de la précédente. Il y a des affaires de coucherie, évidemment, et ce sont probablement les plus drôles à raconter. Il y a aussi les ancestrales querelles de famille, celles où l’on est obligé de se retenir de rire, puis enfin le moment palpitant où l’affaire passe devant un juge et l’accusé découvre qu’il a été suivi pendant toute une semaine. Malgré sa courte expérience, Brooke a déjà énormément de choses à raconter sur toutes ses aventures au côté de Nick, sans qui rien de tout ça n'aurait jamais été possible. Et pourtant, non, ce ne sont pas les commérages qui l’intéressent. « Pour certains, peut-être. De mon côté, je préfère penser que c’est comme la police mais avec plus de libertés et des emplois du temps vachement plus sympas. » Le genre d’emploi du temps qui lui laisserait du temps pour aller visiter des galeries d’art, par exemple. Ashley semble ravie de sa visite, et c’est tant mieux. Brooke n’a pas encore eu l’occasion de rencontrer ce vieil ami, « Et il propose quoi, comme art, ce vieil ami ? Des peintures ? » Elle n’y connaît pas grand-chose en art visuel, et à vrai dire, ça ne la fait pas vibrer des masses non plus. Mais il en faut pour tout le monde, comme on dit, et peut-être qu’elle finira par changer d’avis avec le temps.

Brooke décide de prendre son indépendance : elle lâche la main d’Ashley puis roule d’elle-même sur quelques mètres, assez pour comprendre qu’elle se débrouille très bien toute seule. C’est comme le vélo. Comme son amie est aussi confiante qu’elle, Brooke prend un peu de vitesse pour éviter que la balade ne devienne ennuyeuse. C’est d’ailleurs l’occasion de reprendre leur conversation et de discuter un peu des projets d’avenir de l’ex-militaire. C’est drôle de parler de projets d’avenir à leur âge, on ne s’imagine pas avoir à tout reconstruire alors que tout a semblé acquis pendant des années. Sa mère semble penser qu’elle pourrait devenir coach sportive, ce qui n’est pas une mauvaise idée ; et puis, le milieu se porte bien dans les parages. Ashley demande conseil à Brooke, qui a une réponse toute prête en tête. « Je suis rentrée dans la police parce que j’étais passionnée par les serial killers et tous les meurtres un peu dégueux qui n'ont jamais été élucidés. Je te jure, c’est pas une blague. En fin de compte, il faut croire que je me suis un peu loupée parce que je n’ai passé que deux ans à la criminelle. Tu connais la suite, on a ouvert notre cabinet avec Nick et ça marche plutôt bien pour l’instant. » Il faut croire qu’il n’y a pas toujours qu’un seul chemin tout tracé dans la vie. « Ta mère n’a peut-être pas tort. Je dis pas qu’elle a raison, mais en tout cas, c’est une idée qui mérite qu’on s’y intéresse. »

Ashley n’avait jamais imaginé ce que pouvait être une vie de mère. Elle n’avait jamais eu l’occasion de se poser la question, en fait. La vie de militaire était généralement réglée à la minute près : elle savait ce qu’elle avait à faire à chaque instant et n’avait pas de place pour l’imprévu. C’était bien loin d’une vie de parent qui, au contraire, devait tout le temps faire face à l’imprévu ! C’était donc quelque chose qu’elle ne pouvait pas imaginer, cette vie à cent à l’heure que l’on dévouait à des petits êtres plus qu’à soi-même. L’ancienne militaire avait bien vu ce dévouement mais aussi cet amour infini dans les yeux de Gabriel lorsqu’il parlait de sa petite fille chérie ou lorsqu’il posait les yeux sur elle. C’était quelque chose de beau, quand on y réfléchissait, et Ashley se demandait si elle pourrait vivre ça un jour. Bref, ce n’était pas pour penser à ça que la brunette avait pris rendez-vous avec son amie mais bien pour profiter ! « C’est vrai qu’ils me vont mieux à moi qu’à la poussière ! » dit Ashley avec un petit rire en parlant des patins à roulette que Brooke lui avait prêté pour l’occasion.
Le métier de détective privé devait vraiment être intéressant, enquêter pour des gens sur des personnes disparues pas exemple, ou encore sur des gens de leur famille pour découvrir leur secret… Il devait y avoir des bonnes et des mauvaises affaires, probablement. Mais Ashley n’imaginait pas vraiment qu’il ne s’agissait que d’un plaisir malsain de découvrir les secrets des uns et des autres pour pouvoir commérer encore et encore, loin de là. Elle se doutait bien que c’était plus que cela, mais elle tentait de faire un peu d’humour : après tout ça ne faisait pas de mal ! Brooke expliqua son point de vue sur son métier : c’était comme être policier mais sans les règles et les horaires à respecter. En effet, dit comme ça ça avait l’air franchement bien. Cela attirerait presque la jeune femme en quête d’idée pour son futur métier, enfin si elle n’avait pas un réel souci avec la discrétion… « J’en déduis que tu préfères ce job que celui que tu avais dans la police ? » demanda la brune à son amie, se demandant si elle ne regrettait pas d’avoir quitté les forces de l’ordre.
Brooke lui demanda ensuite ce que ce fameux vieil ami proposait comme art dans sa galerie. « Oui, des peintures principalement ! Mais je suppose que ça dépend des artistes qu’il choisit d’exposer, à mon avis il n’est pas fermé à un seul art… » expliqua-t-elle en haussant les épaules. Elle aurait bien ajouté qu’il lui avait également fait une démonstration d’art culinaire tant le repas préparé par Gabriel lui avait plu, mais c’est un détail dont elle pourrait parler peut-être plus tard, quand elle lui confierait ce qu’elle pensait de son ancien frère d’armes… Et peut-être aussi qu’elle n’était pas très objective : la compagnie de Gabe rendait tout vraiment super…
Une fois chacune lancée de son côté sans l’aide de l’autre ou d’un mur, le sujet au centre de leur conversation fut l’avenir professionnel d’Ash. La jeune femme était perdue quant à sa reconversion professionnelle qui était nécessaire et ne savait pas quoi faire pour trouver sa voie. La blondinette à ses côtés lui raconta qu’elle avait trouvé ce qu’elle allait faire de sa vie grâce à sa passion, mais qu’elle avait légèrement déviée après. « Les serial killers, super… Tu avais ton crush d’adolescente sur Ted Bundy en fait, c’est ça ? » dit Ashley en riant. C’était quoi, sa passion ? A part servir son pays et aider les autres ? Elle n’en avait aucune idée… L’ancienne militaire évoqua l’idée de sa mère, qui visiblement ne déplaisait pas à Brooke. Elle n'avait pas tord : y penser ne pourrait pas faire de mal à Ash après tout. Puis vu l'activité physique intense qu'elle avait à l'Armée, elle pourrait tout à fait convenir pour ce genre de travail. « Oui, j’y réfléchirais… » répondit Ash pour tenter de clore le sujet : être mise face à son échec cuisant à se réorienter n’était pas vraiment quelque chose qu’elle aimait faire. Alors, tout naturellement, elle changea de sujet en demandant à son amie « Tu ne voulais pas me parler de ton associé, Nick, d’ailleurs ? ».

C’est à Brooke qu’elle parle, forcément qu’ils lui vont mieux qu’à la poussière. Il faut dire qu’elle n’est pas bien branchée ménage non plus - et si, il y a des gens qui aiment ça. Il paraît que c’est bon pour se vider la tête, mais rien à faire : passer l’aspirateur en chantant tout un album d’AC-DC n’a jamais inspiré la détective, et la seule tâche ménagère qu’elle a réussi à prendre à coeur, c’est le nettoyage de ses vinyls. Il faut dire qu’ils ont à la fois une valeur marchande et sentimentale, bien plus que tout le reste de sa maison - à l’exception de Kubrick et Fedora, bien entendu. Pour exprimer ce qu’elle pense de tout ça, Brooke hoche vivement la tête.

Elles en viennent à parler boulot, un sujet d’actualité puisque Ashley peine à savoir dans quoi s’orienter maintenant que l’armée est derrière elle. Brooke n’est pas vraiment qualifiée pour s’exprimer sur le sujet, puisqu’elle s’est toujours contentée d’écouter son cœur, mais au fond, peut-être que c’est un bon conseil en soit ? En tout cas, s’il y a un sujet qu’elle connaît bien, c’est celui de ses quelques années dans la police criminelle et de son départ pour vivre la grande vie de détective torturée, comme dans les vieux films. « Oh bah oui. Si c’était à refaire, je prendrai la même décision sans hésiter, même si je peux plus mettre du beurre dans les épinards aussi souvent. Enfin façon de parler, j’aime pas trop les épinards. » Comme elle n’aime pas trop l’art, encore une fois. Mais ça ne l’empêche pas de questionner son amie au sujet de cette visite exclusive qu’elle a pu faire l’autre coup. « C’est intéressant, ça. Je t’avoue que je ne suis pas trop branchée art, à par la musique et le cinéma, comme un peu tout le monde. Mais j’imagine que c’est comme les concerts, il faut y être pour comprendre. » En tout cas, elle n’allait tout de même pas faire le rabat-joie : la seule chose qui compte, c’est qu’Ashley ai pu passer une bonne soirée avec un proche et qu’elle en garde d’agréables souvenirs. Mais comme les inquiétudes traînent tout de même dans un coin de sa tête, c’est le sujet de sa reconversion professionnelle qui revient au galop. Brooke n’avait pas rencontré trop de problèmes à ce sujet : son ancien travail lui avait toujours plu, et elle avait établi un projet solide quand elle a décidé de tout quitter pour rejoindre Nick à Island Bay - même si on ne peut pas vraiment considérer toute l’affection qu’elle porte à son équipier comme un projet sérieux à proprement parler. En tout cas, Ashley vise juste : il était déjà arrivé à Brooke de flasher sur des mugshots de serial killers fraîchement incarcérés. « J’étais assez partagée avec Paul John Knowles, en vérité. Si je ne risquais pas d’être envoyée à l’asile, j'aurais accroché un poster dans ma chambre sans hésiter ! » Mais bon, si c’est pour finir en petits morceaux dans le fond d’un freezer alors ça ne vaut pas vraiment le coup. En attendant, tout ça n’aide pas vraiment Ashley. Sa mère lui a soufflé un mot à propos de ces coach sportifs qui mènent la grande vie à Island Bay, et si sa fille n’est pas convaincue, Brooke l’est déjà un peu plus. C’est une piste à étudier, et ça colle parfaitement avec la condition physique de l’ex-militaire. Ce n’est pas que ça, bien sûr, mais c’est un début. Et elle ne semble pas autant opposée à l’idée que ça, puisqu’elle affirme qu’elle y réfléchira. Il est maintenant tant d’aborder un autre sujet sensible. Brooke avait annoncé la couleur quand elle avait contacté son amie pour l’inviter à prendre un café. « Si, en effet. Il s’est passé un truc, mais c’était assez bizarre. » En fait, autant dire qu’il ne s’était rien passé du tout : elle a sorti son beau discours, elle a vidé son sac devant Nick, et il a mal interprété la situation. « Je pensais pas que j’en serais capable, ce qui est idiot parce que j’ai toujours su le faire avant, mais je lui ai déclaré ma flamme. Je sais, ça fait un peu vieux jeu dis comme ça, mais c’est pas le sujet. Le problème, c’est qu’il n’a pas compris. Je me suis retrouvée là, comme une conne, à me demander comment faire pour mettre fin au malaise. »

Brooke Holiday était une femme qui savait ce qu’elle voulait, alors Ashley ne doutait pas un seul instant que la blondinette s’était lancée dans cette nouvelle vie professionnelle sans n’avoir aucun regret sur le poste dans la police qu’elle avait quitté pour cela. Après tout, elle semblait assez intelligente pour ne pas foncer tête baissée mais prendre son temps pour réfléchir et peser le pour et le contre, ce qu’elle avait probablement fait d’ailleurs avant de suivre son ancien co-équipier dans cette nouvelle aventure de cabinet de détective privé. Elle lui avait tout de même poser la question pour savoir si elle regrettait, parce qu’Ash avait elle-même peur de regretter d’avoir dû quitter l’Armée et cette vie bien rangée qu’elle avait avant l’incident… Brooke lui répondit qu’en effet, elle préférait son nouveau job même s’il lui rapportait moins d’argent. Elle prendrait exactement la même décision si c’était à refaire. « Je suis contente pour toi alors, j’espère que je penserais pareil dans quelques temps… Et je suis sûre qu’avec de la crème, des champignons et du riz tu adorerais les épinards ! » ajouta Ashley avec un petit sourire.
Les deux amies évoquèrent ensuite l’art, ce dont l’ancienne militaire n’aurait jamais pensé parler avec quelqu’un avant de savoir que Gabe s’était réorienté là-dedans. La jeune femme n’avait jamais vraiment eu d’intérêt particulier sur ce sujet : aller au musée ne l’avait jamais dérangée, mais elle se sentait tellement perdue à ce sujet, avec tous les noms d’artistes ou de mouvement, qu’elle avait l’impression d’être complétement à côté de la plaque. Heureusement pour elle, Gabriel l’avait mise à l’aise tout de suite à ce sujet… Brooke affirma ne pas être vraiment branchée art visuel, plutôt musique et cinéma. « Pour être honnête, je ne m’y connais pas vraiment en art… » avoua Ashley. « Ça me semble tellement loin de moi et de mon monde… Mais, avec Gabriel, ça me semble bien plus accessible. Il rend les choses compliquées bien plus passionnantes et à portée » affirma-t-elle avec un petit sourire aux lèvres.
Le sujet suivant était un peu moins agréable pour l’ancienne militaire, qui tenta donc de ne plus être au centre de la conversation en demandant plutôt à son amie comment elle avait fait pour décider de ce qu’elle voulait faire de sa vie. Visiblement, c’était sa passion pour les crimes gores et étranges qui l’avait poussée à travailler dans la police. Ashley ne put s’empêcher de rire lorsque Brooke lui révéla quel serial killer avait peuplé ses rêves de jeune fille, précisant qu’elle aurait adoré mettre un poster de lui dans sa chambre. « Le Casanova du crime ?! Pas sûre que tes parents auraient apprécié en effet ! » déclara-t-elle, riant toujours.
Brooke évoqua ensuite son collègue et associé, Nick, avec lequel il s’était visiblement passé quelque chose de bizarre. La blonde avait toute l’attention de la brune et elle lui raconta donc qu’elle lui avait déclaré sa flamme mais que le détective n’avait pas compris. « Attends attends, vas-y étape par étape s’il te plait Brooke ! Déjà depuis quand est-ce que tu en pinces pour lui ? » demanda d’abord la brune, n’ayant jamais cru comprendre ça lors de leurs conversations. « Et qu’est-ce que tu lui as dit concrètement ? Parce qu’à part si tu as parlé en énigme, je ne vois pas comment il aurait pu ne pas comprendre ? Il est détective en plus ! » dit la jeune femme en fronçant les sourcils. Brooke était du genre direct, non ? Elle avait dû lui dire les choses comme elles étaient, pas avec des métaphores ou ce genre de choses pouvant prêter à confusion ! Alors comment un homme censé capable de résoudre des enquêtes avait-il pu ne pas comprendre ? Ashley avait besoin de détails !

Il y a beaucoup de points sur lesquels Brooke est compliquée. Ou alors peut-être, encore une fois, qu’elle sait simplement ce qu’elle veut, mais dans tous les cas, il est toujours plus rapide de lui demander ce qu’elle aime plutôt que ce qu’elle n’aime pas. Par exemple, elle n’aime pas les épinards - les autres aliments verts non plus d’ailleurs, à l’exception du pesto. Une boîte de pâtes, une pizza ou n’importe quel autre plat qui se réchauffe en moins de vingt minutes font amplement l’affaire. Elle ne cuisine que lorsque ses neveux sont à la maison, et ils ne sont pas friands de plats préparés non plus de toute façon, alors autant dire que Brooke n’a pas beaucoup l’occasion de travailler ses compétences culinaires. Maintenant que le sujet est au cœur de la conversation, elle n’est même pas sûre d’avoir déjà mélangé des champignons, du riz et de la crème un jour. Comme un enfant, elle répond d’abord par une grimace. « Si c’est une façon de m’inviter à goûter tes plats bizarres, sache que tu t’y prends très mal. » Et ce qu’il faut comprendre, c’est qu’elle préfère largement commander une pizza et boire quelques bières dans son jardin.

En tout cas, voilà une surprise qui, à la réflexion, n’en est peut-être pas vraiment une : Ashley, n’est pas non plus amatrice d’art ! Que c’est bon de traîner avec une ancienne militaire : pour une fois, Brooke ne passera pas pour l’insensible de service - même si c’est rarement le cas, puisqu’elle passe le plus clair de son temps avec Nick et il est encore pire. En revanche, Brooke ne sait pas trop quoi penser de cette histoire : est-ce vraiment la façon d’aborder l’art de ce mystérieux Gabriel qui plaît à Ashley, ou est-ce Gabriel lui-même ? Encore une affaire qu’il va vite falloir élucider. « Mh. J’ai l'intuition que ce Gabriel est un homme charmant. Pas que ça me regarde, mais tu ne parlais pas comme ça de tes épinards à la crème. » Et puis, maintenant que son nom s’était glissé dans la conversation, Brooke était tout de même un peu impliquée, non ? Comme c’est à ça qu’elles finissent par en venir, peut-être que lui aussi est charmant comme certains serial killers sur leurs mugshots. Et non, en effet, placarder leurs meilleurs profils sur les murs de sa chambre n’a jamais été une option pour Brooke. Son père l’aurait probablement faite interner, car l’entendre parler de tous ces crimes morbides à table, c’était déjà trop pour lui. En revanche, c’était toujours très drôle de le faire quand il ramenait une nouvelle nana à la maison : quand Brooke et sa sœur ne l'appréciaient pas, ça suffisait généralement à la faire déguerpir. Merci vampire de Sacramento et autres Ted Bundy. La détective acquiesce avec un sourire malicieux au coin des lèvres.

Enfin, il était temps de parler du cas Wilson. Malgré tout le temps passé à préparer ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire pour lui faire comprendre qu’il y a peut-être plus qu’une alchimie professionnelle entre eux, Nick n’a rien compris. C’était bête de la part de la blonde, elle aurait dû s'en douter. Peut-être qu’elle avait peur qu’il change du jour au lendemain, et qu’une cruche ne lui pique sa place. C’est un peu idiot, avec le recul. En tout cas, elle comprend qu’elle s’est un peu emballée et qu’elle a perdu Ashley en cours de route. On reprend. « Je sais pas moi, un moment ? Ça m’est tombée dessus comme ça. Nick est… différent, et je pense que c’est ce qui me plaît chez lui. Et il est encore plus beau que Paul John Knowles, alors imagine un peu. » Sans surprise, son amie lui réclame plus d’informations. C’est normal, c’est justement cette partie du plan qui a cafouillé. « Comme je l'ai dit, il est un peu particulier. J’ai vidé mon sac, vraiment, mais sans non plus en faire un roman à l’eau de rose. Et… je pense qu’il a pris ça comme une déclaration d’amour pour notre duo de choc. La honte, quoi. » Et pour le coup, elle se sentait vraiment ridicule.

Ashley n’était pas forcément très calée en cuisine. Non pas qu’elle n’aimait pas ça, mais l’Armée n’encourageait pas vraiment ce genre de choses : les militaires avaient un messe, une sorte de grande cantine, peu chère et chaleureuse sur la base où ils étaient, alors forcément après une journée de travail la plupart choisissaient la facilité et allaient y manger plutôt que de rentrer cuisiner. Ash avait fait partie de cette catégorie de militaire, surtout qu’elle n’avait personne à qui faire à manger le soir en rentrant, alors bon… Néanmoins, elle savait faire quelques plats, ceux que sa mère lui avait appris, comme les lasagnes, le bœuf strogonoff ou encore un gratin d’épinard à la crème et aux champignons. C’était un plat que la brunette appréciait beaucoup, malgré son dégoût profond pour la plante verte qu’il y avait dedans. Son amie semblait totalement réfractaire à cette recette, ce qui fit sourire l’ancienne militaire. « Promis, si un jour tu viens manger chez moi je te ferais quelque chose de plus basique, genre des lasagnes ! » dit Ashley avec un clin d’œil.
Brooke, qui décidemment avait toutes les qualités d’une détective privée, souleva le fait que son amie ne parlait pas du tout de la même manière de Gabriel que des épinards. Un sourire discret se glissa sur les lèvres de la brune qui haussa rapidement les épaules. « Il l’est, ton intuition est bonne ! Et heureusement que je n’en parle pas de la même manière, ce n’est absolument pas comparable… » déclara Ash. Après tout, Gabe était un homme génial : drôle, responsable, à l’écoute, beau… Le passé qu’ils avaient en commun était rempli d’anecdotes marrantes et probablement aussi de sentiments non dévoilés. A l’époque, Ashley s’était vite rendu compte qu’elle éprouvait quelque chose de fort pour son camarade, mais elle avait préféré ne rien dire, il avait été hors de question de risquer de briser quoi que ce soit entre eux : l’Armée était déjà assez difficile comme ça pour une femme, alors si en plus elle avait perdu son plus grand allié et ami à cause de ce qu’elle ressentait pour lui… Alors elle avait préféré se taire, sauf que rien n’avait vraiment changé depuis… Après tant d’année, aurait-elle le courage d’admettre qu’elle était amoureuse de ce beau brun ? Elle n’en était pas encore sûre, leurs retrouvailles étaient encore si récentes…
Visiblement, Ashley n’était pas la seule à avoir quelques soucis – si l’on pouvait appeler cela comme ça – côté cœur. Brooke avait apparemment des sentiments pour son associé, Nick, depuis quelques temps déjà, et ça son amie le découvrait. La brunette laissa d’ailleurs échapper un petit rire lorsque sa copine compara l’homme qu’elle aimait bien avec les sérials killers qui avaient la réputation d’être plutôt mignons. « Alors là, s’il est plus beau que lui en effet il mérite ton intérêt » répondit-elle avec un petit air taquin. La détective lui expliqua ensuite qu’elle avait part de ses sentiments au jeune homme, mais que celui-ci n’avait rien compris. Elle avait pourtant été claire, selon elle. Ash fronça les sourcils avec une petite moue. « Es-tu sûre qu’il est détective ? C’est le genre de truc qu’on est censé comprendre sans avoir besoin d’interroger des témoins… ». Comment ce dénommé Nick avait-il pu passer à côté de ça ? De son point de vue extérieur en tout cas, elle voyait bien que Brooke en pinçait pour lui et ça juste en l’écoutant en parler ! « Je suis désolée pour toi, mais tu devrais peut-être ré-essayer ? En étant encore plus claire, quitté à paraître lourde ? Ce serait dommage d’abandonner » déclara la jeune femme avec un haussement d’épaules. C’était le seul conseil qu’elle voyait dans ce cas-là, après tout Ash n’était clairement pas une experte en déclaration d’amour, il suffisait de connaître son passé amoureux catastrophique pour voir qu’elle n’était peut-être pas la plus informée sur le sujet…

Très bonne stratégie de la part de l’ex-militaire : pour séduire culinairement Brooke, mieux vaut l’inviter à dîner autour d’un truc qui s’achète préparé et / ou qui peut se réchauffer en cinq minutes maximum. Elle est loin d’être une cuisinière compétente, elle ne prend pas le temps d’apprendre. En fait, elle a les goûts alimentaires et la capacité culinaire d’un enfant de cinq ans, alors pour le coup, elle ne dirait pas non à un bon plat de lasagnes. « Mémoire de détective oblige, c’est déjà noté dans ma tête. Inutile de te préciser que si, lorsque j’arrive, le contenu de l’assiette est vert alors j’appelle tout de suite Uber Eats. ». Ashley ne serait pas la première à lui faire le coup, puisqu’elle a connu ça toute son enfance alors qu’elle vivait encore sous le toit de son père.

Que tous ces mangeurs d’épinards s’étouffent avec. Pour l’instant, curiosité oblige, Brooke semble avoir mis le doigt sur une information intéressante. Se pourrait-il qu’Ashley ai le béguin pour ce mystérieux artiste, dont le nom inspire à Brooke les traits d’un brun mystérieux - avec un accent espagnol, peut-être - ? « Encore heureux, que ce n’est pas comparable ! C’est drôle, j’ai l’impression que tu pourrais parler de lui pendant des heures sans jamais te lasser. C’est, dit-elle en plissant les yeux comme si elle commençait à sonder son amie, intéressant. » Bien sûr, si la théorie de Brooke s’avère être vraie, on lui souhaite bien du courage pour mener à bien cette idylle. Et de la chance, plus de chance que Brooke n’en a eue la dernière fois qu’elle s’est frottée au jeu de l’amour.

Face à la réaction totalement indifférente de son associé, c’est bien elle qui aurait pu se transformer en serial killer. Elle avait mal au cœur, mal à son amour propre aussi, mais elle aurait largement pu trouver un restant de force pour étrangler Nick sur le bar. Brooke rit nerveusement suite à la remarque de son amie. « C'est bien là le problème. Il pourrait être sur le point d’être élu détective de l’année qu’il ne serait même pas au courant. » Elle roule des yeux, parce qu’elle le connaît par cœur et sait donc que c’est typiquement le style de Nick d’agir comme ça. Pour preuve : elle a déballé son sac, et il n’a strictement rien compris. Résultat, elle a fini la soirée toute seule, dans son salon, avec un fond de bouteille de gin et de vieux disques d’Amy Winehouse. Ashley émet des doutes quant à ses capacités à être détective, et ça se comprend. « Je t’ai dit, il est bizarre. » Bon, ça part un peu sur une défaite, là. Elle a retourné le problème dans tous les sens - elle est même allée jusqu’à penser qu’il avait très bien compris mais qu’il s’est très intelligemment éloigné du problème parce qu’il n’est pas intéressé - mais rien n’y fait. Elle est juste triste, et incapable de faire son travail convenablement chaque fois qu’il est dans les parages à cause d’un délire qu’elle s’est peut-être inventée toute seule. Ashley propose de tenter une nouvelle fois, sans laisser place au doute cette fois. La première réaction de Brooke fut de se dire qu’elle a grand besoin d’un verre. « Franchement ? Je sais pas, Ashley. Je pense qu’il me faut encore un peu de temps pour essayer de faire le tri dans mes idées, déjà. Mais réessayer ? Imagine s’il a très bien compris mais il n’est juste pas intéressé ? Je crois que je suis bonne pour aller chercher du travail ailleurs. » Elle hausse les épaules, embrouillée par toute cette affaire. « Je suis pas sûre de toujours vouloir aller boire un café. Je crois que je vais plutôt rentrer et noyer mes problèmes dans l’alcool. » Ce qui est totalement faux, puisqu’elle n’a toujours pas fait ses courses. Son bar est vide, son frigo également, et enfin, son coeur aussi.

Ash laissa échapper un éclat de rire lorsque son amie lui fit la promesse d’appeler Uber Eats illico presto si elle voyait du vert dans son assiette lorsqu’elle l’inviterait à dîner. « Promis, pas d’entourloupe ! » dit-elle en levant la main droite et en plaçant l’autre sur son cœur, comme si elle était en train de prêter serment pour entrer à la maison blanche avec un petit sourire en coin. De toute façon, la jeune femme ne savait pas vraiment cuisiner les légumes. Ceux en boîte de conserve ne valaient clairement pas ceux du jardin de ses parents, alors à quoi bon en cuisiner ? Et puis le but d’une soirée entre fille c’était bien de manger un bon petit plat avec une bonne bouteille, alors hors de question de mettre du verre dans leurs assiettes ! « Organisons une soirée lasagnes bientôt » proposa Ash à son amie avec un petit clin d’œil. Après tout, la brunette avait beaucoup de temps, donc largement assez pour préparer un bon dîner à son amie.
Brooke était une détective privée, évidemment qu’elle allait se rendre compte du sourire débile de sa brunette d’amie lorsque celle-ci évoquait Gabriel… La blonde glissa d’ailleurs qu’Ashley avait l’air de pouvoir parler du jeune homme pendant des heures sans s’en lasser, ce qui était intéressant. L’ancienne militaire rougit légèrement et détourna le regard. « Probablement oui… » souffla-t-elle avant d’ajouter plus bas « C’est Gabe… ». Ils avaient partagé tant de choses ensemble pendant leur formation pour devenir militaire ! Leur relation avait été, et était encore d’ailleurs, si spéciale, si importante aux yeux du soldat Wilder… Le retrouver à Island Bay après tout ce temps sans l’avoir vu avait été la meilleure chose qui était arrivé à Ashley. Il était clair qu’elle ressentait quelque chose pour lui déjà à l’époque de leurs classes, et c’était encore d’actualité vu ce qu’elle ressentait quand il était dans les parages. Simplement, elle ne l’avait toujours avoué, ni à elle-même ni au principal intéressé…
D’accord, Ashley n’était pas une experte en relation amoureuse, elle avait si peu d’expérience que rares étaient les personnes qui lui demandaient conseil en la matière, mais là elle était réellement perdue. Comment ce dénommé Nick avait pu passer à côté d’une déclaration ? Et en plus il était détective privé ? Il ne devait pas être particulier doué avec les humains, visiblement… Brooke affirma qu’il était bizarre, et Ash ne put qu’hocher la tête. Elle ne l’avait jamais rencontré, mais il était clair qu’il y avait un souci. L’ancienne militaire se disait qu’il fallait retenter le coup : après tout, Brooke et lui étaient tous deux adultes et pourraient passer à autre chose rapidement si les sentiments de la première n’étaient pas partagés, non ? La blondinette expliqua qu’elle ne savait pas si elle voulait lui en reparler de peur qu’il ait fait exprès de ne pas comprendre parce qu’il ne voulait pas d’elle. Elle ne voulait pas perdre son travail à cause de ça, et Ash pouvait le comprendre. « Il doit bien y avoir un moyen… » souffla-t-elle en réfléchissant à ce que sa copine pouvait bien faire.
Cette dernière déclara ensuite qu’elle n’avait plus vraiment envie de boire un café mais plutôt de rentrer chez elle pour noyer tout ça dans un bon verre. Ash secoua vivement la tête et passa son bras sous celui de Brooke. « Hors de question ! Je veux bien tirer une croix sur le café pour le remplacer par un mojito, mais on boit un coup ensemble ! » dit-elle avec un sourire encourageant. « Aller, dis oui ! Promis je ne te parlerai plus jamais d'épinards » supplia-t-elle avec un sourire taquin.

Ok ! D’accord, c’était un peu malpoli de la part de Brooke de menacer d’appeler Uber Eats à la moindre entourloupe culinaire. Mais comprenez-la un peu ; entre ses plats réchauffés, les commandes et les restes apportés par sa sœur, c’est difficile de s’essayer à de nouveaux aliments. Voyons ça comme une espèce de bulle dans laquelle Brooke se sent en sécurité et, surtout, dans laquelle elle n’est pas forcée de manger des épinards. Quoi qu’il en soit, Ashley promet de ne pas lui faire de mauvais coup et relance même la proposition de se retrouver autour d’un plat de lasagnes la prochaine fois, plutôt que devant un énième café. « Pas de soucis, on fait ça. Je ferai en sorte de ne pas arriver les mains vides, c’est juré. » Pourquoi pas, après tout ? Il suffira de ramener une bonne bouteille, de trouver un chouette film à regarder ensuite pour passer une bonne soirée. Bien sûr, il y aura un temps pour les potins aussi : Brooke les adore, c’est son métier. Évidemment, elle aime d’autant plus ceux qui lui parviennent dans le cadre extra-professionnel ; c’est parfois lourdaud toutes ces histoires de coucheries, d’extraterrestres et d'anciens nazis devenus éleveurs de cochons, alors ça fait plaisir de revenir à des choses un peu plus normales de temps en temps. S’il y a bien une chose à propos de laquelle Brooke pourrait questionner son amie pendant des heures, c’est ce fameux Gabriel - l’ange gracieux passionné d’art.

Comme souvent dans une situation comme celle-là, Brooke vise juste : il y a bien quelque chose qui se trame entre le galeriste et l’ex-militaire. Bien sûr, elle ne fait pas cracher le morceau à son amie tout de suite, ce serait trop simple. D’ailleurs, elle ne lui forcera pas la main si elle ne souhaite pas en parler plus en détail tout de suite. C’est déjà assez compliqué de tenir debout sur ses rollers sans avoir à déballer ses sentiments en même temps. « Gabe ? Hé ben dis-donc, ça change de ton d’un coup ! » C’est évident qu’il ne s’agit pas d’un petit coup de foudre lors d’un passage à la galerie. Ils doivent déjà se connaître depuis un bout de temps, mais leur relation n’a dû prendre un nouveau tournant que très récemment. En tout cas, c’est l’hypothèse de Brooke, qui ne peut pas s’empêcher de faire travailler son cerveau comme elle le ferait dans le cadre d’une véritable enquête. « Vous vous connaissez depuis longtemps ? », qu’elle demande en attrapant le bras de son amie pour qu’elles puissent prendre le prochain virage ensemble.

Bien sûr, si elle avait su que ce serait à son tour de répondre aux questions, Brooke se serait bien gardée de chercher la petite bête avec ce Gabriel. Son début d’amourette avec Nick n’est pas aussi idyllique, loin de là même. Incapable de savoir s’il a fait la sourde oreille ou si la partie concernée de son cortex cérébral est endommagé, elle préfère broyer du noir et subir au quotidien la honte qui ne l’a jamais quittée depuis ce fameux soir. Ashley n’a pas tort, il doit forcément y avoir un moyen de lui faire comprendre ce qu’elle a sur le cœur. Mais au fond, est-ce que les gens font vraiment ça ? Chercher à passer par des voies détournées quand on se prend la porte d’entrée en pleine figure, comme ça ? C’est sûrement le cas des braqueurs de banques et des cambrioleurs, mais ce n'est pas vraiment la même chose. « Peut-être… ? Je sais pas vraiment quoi te dire de plus. » Car heureusement, la phase de colère était déjà passée, sinon quoi elle aurait trouvé tout un tas de noms d’oiseaux qui auraient pu correspondre à l’ami Wilson. Faute d’avoir des solutions au problème, Brooke tente une sortie en douceur en invoquant la bouteille d’alcool imaginaire qui dort dans son placard. Ashley, ne voyant pas la fin de leur sortie ensemble de cette manière, propose plutôt un compromis : oublions le café, prenons plutôt un mojito. Mieux, elle promet de ne plus parler d’épinards, et ça, malgré toutes les peines de cœur du monde, c’est du pain béni pour Brooke qui ne peut s’empêcher de rire à la bêtise de son amie. « Ça marche, va pour un mojito. Je te l’offre. Et pour te remercier de m’épargner les épinards, tu n’auras pas à me tirer jusqu’au bar. » Elle fait signe d’avancer à son amie, en direction d’une terrasse qui fait face à la mer.

En ce moment, Ashley ne voyait pas grand monde. Elle allait chez ses parents tous les dimanches midis, passait quelques heures par-ci par-là à l’association des anciens combattants, allait de temps en temps prendre un thé au café du coin… Le reste du temps elle le passait affalée sur son canapé, dans son petit appartement, à ressasser tout un tas de pensées par forcément agréables. Alors organiser une soirée filles avec en prime un bon plat de lasagnes, rien ne la faisait plus rêver que ça ! Brooke valida l’idée et ajouta qu’elle ne viendrait pas les mains vides, elle s’occuperait donc probablement d’amener la boisson. La brunette répondit par un grand sourire à son amie avec un petit hochement de tête. C’était entendu, elles se trouveraient très bientôt un soir pour déguster le plat italien chez Ash !
Le sujet suivant fut bien moins simple à expédier puisqu’il s’agissait de Gabriel. L’ancienne militaire avait eu la bonne idée de parler de son ami en terme élogieux – et peut-être avec une voix plus mielleuse qu’à l’accoutumée – résultat la détective avait flairé quelque chose, elle n’allait donc probablement pas lâcher l’affaire ! La blondinette fit d’ailleurs remarquer à son amie que le ton de sa voix avait changé, ce qui la fit quelque peu rougir. Ashley se contente d’hausser les épaules, comme si elle ne comprenait pas de quoi Brooke voulait parler. Évidemment, elle savait très bien de quoi elle parlait.  Ash s’en était rendue compte récemment, de ça. Qu’elle était différente quand elle parlait ou simplement pensait à lui. C’était étrange, de se rendre compte de ça seulement maintenant alors que ça faisait des années que ça durait… La détective privée sorti Ash de ses pensées lorsqu’elle lui demanda si elle connaissait Gabriel depuis longtemps. La brunette laissa sa copine lui prendre le bras et hocha la tête. « On a fait nos classes militaires ensemble, tout le temps qu’a duré notre formation on était inséparables » raconta Ashley avec un petit sourire en coin. C’était tellement de bons souvenirs, cette période, tellement de rires et de moments complices ! Elle s’en souvenait comme si c’était hier, en fait, des entraînements dans la boue pendant lesquels ils s’aident et s’encourageait, des exercices sous la pluie durant lesquels ils se faisaient des grimaces pour se faire sourire, et tout le reste... Elle se souvenait aussi de leur supérieur qui ne voyaient pas ça d’un bon œil, de la manière dont ils les avaient rapidement séparés dès qu’ils avaient pu. Ils avaient ensuite pris des voies différentes, dans des escadrons différents, mais était toujours restés en contact, même après l’accident de Gabe qui l’avait forcé à quitter l’Armée. C’était le genre de relation qu’on ne veut pas perdre mais qu’on laisse s’étioler de jour en jour, impuissant face aux changements de vies de l’un et de l’autre. Mais aujourd’hui, c’était différent. Ashley était de retour, et Gabriel toujours à Island Bay. Peut-être pourraient-ils renouer, en tout cas cela semblait bien parti. C’était comme avant, entre eux, et ça faisait tellement plaisir à la jeune femme… « On s'est perdu de vue un moment, même si on s'écrivait toujours » expliqua Ashley à Brooke.
Visiblement, malgré la complicité entre deux personnes, les relations amoureuses pouvaient être compliquées. Il suffisait d’écouter Brooke parler de son collègue, pour lequel elle éprouvait des sentiments, pour comprendre que rien n’était simple. Alors qu’elle lui avait ouvert son cœur, le détective privé n’avait rien compris. Comment pouvait-on ne rien comprendre ? Ashley ne comprenait pas vraiment comment c’était possible, et surtout elle espérait que son amie ne pedre pas espoir. Après tout, il devait bien y avoir un moyen de lui faire comprendre, il n’était pas si bête que ça si ? Brooke ne savait plus quoi dire, elle semblait aussi décontenancée – voire plus et c’était bien normal – que son amie. Elle avait peur, ça Ash pouvait le comprendre. Peur de changer quelque chose entre eux, peur de perdre ce lien si particulier, peur que ça ait des répercutions sur leur travail… Dévoiler ses sentiments c’était aussi risquer de changer ceux de Nick. Cette décision était compliquée à prendre, et pour le moment Brooke ne semblait pas décidée, alors Ash se contenta de poser sa main sur l’épaule de son amie en lui faisant un sourire chaleureux, voulant montrer qu’elle était là si la blondinette en ressentait le besoin et surtout qu’elle la soutenait. Bien décidée à ne pas laisser Brooke rentrer chez elle seule avec sa bouteille, l’ancienne militaire proposa un mojito, ce qui eut l’air d’enchanter la détective. Cette dernière déclara même que c’était sa tournée et que, pour remercier son amie de lui épargner les épinards – que visiblement elle avait vraiment en horreur – elle n’aurait pas besoin de la tirer jusqu’à la terrasse qui leur faisait face. Ashley rit doucement et accéléra la cadence. « Tu fais preuve de tant de magnanimité » dit-elle en riant.
Une fois posées en terrasse, Ashley retira ses patins, pour ne pas avoir l’impression que ses pieds allaient glisser partout, et fit signe à un serveur. « Bonjour ! On va vous prendre deux mojitos, bien dosés s’il vous plait » demanda-t-elle avec un grand sourire à l’employé du café.

Tiens, c’est marrant ça. Jamais Brooke n’aurait cru que les deux tourtereaux se soient rencontrés à l’armée. Et de ce qu’en dit Ashley, ça semble remonter à un bout de temps ; à l’époque de leurs classes, pour être exact. Ce n’est pas si différent de la façon dont la détective avait fait la rencontre de Nick : ils avaient été mis ensemble d’office lorsqu’elle est arrivée à la Criminelle et ne se sont plus jamais quittés depuis. Il y a eu des hauts et des bas, même si c’était plus souvent des hauts, et encore une fois, Ashley semble avoir eu le même parcours avec son ami Gabriel. En revanche, s’il leur fallait se séparer pendant un temps, Brooke n’était pas certaine de commencer à écrire des lettres à Nick. C’est typiquement le genre de chose qui l’ennuie, tout comme ça ennuierait probablement très vite son acolyte d’avoir à lire puis répondre à ses courriers. Manquerait plus qu’elle parfume le papier avant envoi et ça y est, le bonhomme nous ferait une faiblesse. « Une relation épistolaire, en plus ? Ça m’a tout l’air d’être le grand amour. Mais je comprends tout à fait, on s’est rencontrés un peu de la même façon avec Nick, et nous non plus on n’était jamais imaginés l’un sans l’autre par le reste de la brigade. » Ça commence à faire un petit bout de temps, mais ce n’est pas pour autant que son ancien travail lui manque. Elle a simplement parfois des élans de nostalgie en se rappelant certaines affaires ou en repensant au fabuleux moment où elle pouvait allumer le gyrophare de la voiture. Tout ce qui lui manque encore sur son tableau de flic slash détective cool, c’est une glissade sur le capot de la voiture et tirer dans le pneu d’un fuyard pendant une course-poursuite.

Enfin, ne parlons plus de ce bon vieux Nick. Brooke avait encore tout le temps du monde devant elle pour réfléchir à un plan de secours, puisque son équipier était de toute manière totalement insensible à ses avances. Pour l’instant, elle préfère boire pour oublier et pour plus ou moins honorer sa promesse auprès d’Ashley ; celle d’aller descendre un café après leur session rollers - c’est toujours mieux un mojito que rien, non ? Elles se trouvent une place en terrasse, retirent leurs patins et font signe au premier serveur venu pour passer commande. Brooke, tout en se battant avec l’un de ses lacets, se permet d’ajouter une indication humoristique à propos de leurs boissons. « On vient de faire beaucoup d’efforts, alors n’hésitez pas à y aller franco sur le rhum. » Elle sourit en parvenant enfin à se séparer de son vieux patin. Ses lunettes de soleil dépassent de sa veste en cuir, elle les attrape pour les mettre sur le bout de son nez. Enfin, le serveur apporte leur commande aux deux femmes et leur offre même les biscuits apéritifs. Brooke lève son verre, trinque avec son amie et s’enfonce dans son siège avant de commencer à siroter son breuvage à la paille. « Je ne sais pas à quoi trinquer et j’ai vraiment soif, ne m’en veux pas. » Autant dire que ça fait un bien fou, surtout pour elle qui ne fait pas autant de sport qu’elle le devrait et qui s’en est seulement rendue compte pendant la balade. Une fois hydratée, elle pose son verre sur la table. « Revenons-en à nos moutons. Il te faut un nouveau plan de carrière. Et promis, cette fois on ne parle pas de ce qu’en pense ta mère. » Brooke sourit, compréhensive vis-à-vis du poids que peuvent être certains parents dans pareille situation.