Good vibrations | Wade

Le soleil tapait haut dans le ciel en ce début d’après-midi. A un peu plus d’un kilomètre des côtes, Maxyne profitait de la fraicheur de l’eau. Un peu plus tôt dans la journée, son ami Wade était arrivé au centre nautique où ils avaient loué des jets ski pour partir se balader sur l’océan et s’amuser. Fan d’activités qui élevaient l’adrénaline, la jeune femme se réjouissait de partager ce moment fun avec un pote aussi bon délire qu’elle sur ce genre d’exercice. La moto marine différait de la moto terrestre mais les sensations étaient tout aussi enivrantes. Après avoir enfilé la combinaison néoprène et écouté les recommandations sur la meilleure façon de régler sa vitesse, d’effectuer un virage ou de garder une distance minimum entre les deux jets ski, les deux amis étaient partis et s’étaient tranquillement éloignés de la côte où la vitesse maximale tolérée était loin de pousser les engins dans leurs retranchements. Ce n’était pas la première fois que Maxyne en faisait mais elle n’avait plus pratiqué depuis longtemps. Tout en continuant de diriger le jet ski entre les vagues, elle demanda des nouvelles à Wade maintenant qu’ils étaient tranquilles, avant de vraiment lancer les scooters marins. « Alors comment vas-tu depuis la dernière fois ? Tu survis à la coloc ? » Demanda-t-elle sur le ton de l'humour. Elle ne l’avait plus revu depuis les fêtes, voire un peu plus longtemps. En pleine haute saison des plongées, la monitrice était particulièrement occupée en cette période de l’année. Les touristes affluaient en Nouvelle-Zélande et partaient en excursion dans les océans, à la recherche d’un peu de fraicheur et d’un magnifique spectacle à se mettre sous les yeux. La blonde était donc heureuse d’avoir réussi à poser une après-midi pour souffler et le revoir. Lui aussi était très occupé entre ses gardes à la caserne et autres. « T’as eu des projets particuliers pour la Saint-Valentin cette année ? » Façon détournée de prendre des nouvelles sur cet aspect de sa vie, lui qui n’était pas toujours bien tombé. A sa connaissance, il n’avait pas eu de relation sérieuse récemment, elle non plus d’ailleurs. Depuis son accident qui remontait à plusieurs années, Maxyne s’en préservait. Peu de temps avant la Saint-Valentin, un violent incendie avait aussi frappé Island Bay et les pompiers avaient été durement touchés d’après ce que Chance lui avait raconté. Elle saisit donc l’occasion pour savoir comment Wade avait géré l’après. Il avait la tête sur les épaules mais sa coéquipière s’était blessée alors ça pouvait laisser des traces. « Au fait, Chance m’a parlé de votre dangereuse escapade en début de mois. Comment va ta collègue, elle se rétablit ? » Sunwei lui avait aussi donné des nouvelles mais ça remontait à plus de deux semaines. « Prêt à tester ce que les jets ski ont dans le ventre ? » Après avoir écouté la réponse de Wade, Maxyne proposait de donner un coup d’accélérateur à leur petite balade, histoire de sentir toutes les sensations.  

Comme Maxyne n’avait plus vu Wade depuis un moment, elle prenait des nouvelles sur un peu tous les aspects de sa vie. A commencer par la colocation. La blonde avait toujours bien supporté la vie à deux avec son frère Trey par le passé, temporairement avec Fiona ensuite et à présent avec Chance mais elle ne se pensait pas capable de vivre dans un appartement à quatre ou cinq. Celle de Wade avait connu beaucoup de va et vient ces derniers temps et il se retrouvait désormais avec Jenny, une gentille danseuse avec laquelle il s’amusait à faire des battles. Wade avait le rythme dans le sang. « C’est bien, tu as droit à des cours particuliers alors ? » Comme la Saint-Valentin était au programme, Wade lui raconta ce qu’il avait prévu. Une soirée au restau dans le noir avec un ou une inconnue. « Génial, c’est original ! Je connais le concept : privé de la vue, on perd ses repères mais les autres sens sont plus éveillés. Ça doit être une expérience. » Féru d’expériences improbables, le capitaine des pompiers ne reculait jamais devant l’occasion de passer une bonne soirée, encore moins si quelqu’un le mettait au défi. Qui dit nouvelles, dit évocation de l’incendie. Maxyne ne comptait pas s’attarder sur le sujet mais l’incident avait été important et les pompiers durement éprouvés. Impossible de ne pas prendre la température auprès de Wade, Jude était un membre de son équipe. « Oui, je vois. » La monitrice de plongée n’avait pas occupé un poste de garde et n’était pas intervenue dans de dangereuses situations mais elle avait fréquenté une école de natation et elle avait intégré l’équipe nationale des nageurs : faire partie intégrante d’un groupe, ça créait des liens. Aujourd’hui, elle retrouvait ce sens de la famille via le club de motards. « Je comprends, tu te refais le film de ce jour-là pour voir ce qui s’est passé et comment ça aurait pu être évité mais personne n’y peut rien. Comme tu dis, vous faites un travail risqué et c’est impossible de tout anticiper. Il y a des facteurs que tu peux contrôler et plein d’autres non. Vous avez fait de votre mieux. L’important, c’est que Jude aille bien. » Cependant, Maxyne comprenait ce sentiment de responsabilité qui reposait en plus sur les épaules de Wade. Il était chef d’équipe et il se faisait un devoir de ramener tout le monde à la maison, quitte à risquer sa vie quand la situation tournait mal. Parés à partir, ils montèrent sur les jets skis et s’éloignèrent de la côte. Pendant qu’ils avançaient à vitesse raisonnable, Wade lui retourna la question sur la Saint-Valentin. « Contre-soirée avec Sunwei. On a fait un barathon. » Célibataires tous les deux, ils s’étaient amusés à passer un moment marrant. Le compositeur comptait parmi ses meilleurs amis aussi, il était revenu de Nouvel-An en Chine juste à temps pour passer la soirée avec elle. Un marathon des bars qui avait réservé de belles surprises entre des danses latines caliente et un karaoké improbable. « Allez, c'est le moment de foncer ! » Les deux amis étaient maintenant assez éloignés pour prendre de la vitesse et profiter. D’un coup, Maxyne accéléra et sentit l’engin se soulever plus rapidement contre les vagues.   

Dans sa colocation, Wade avait l’air de bien s’amuser auprès de Jenny. La danseuse lui apprenait des mouvements que le capitaine des pompiers s’appliquait à apprendre. Dans les souvenirs de Maxyne, il avait le rythme dans la peau et n’avait pas à rougir de sa façon de bouger. Pareil pour elle qui se débrouillait bien pour se déhancher sur une musique sans être une professionnelle. Les cours de danse synchronisée auxquels elle avait participé dans les piscines avant de se concentrer sur la nage lui servaient toujours aujourd’hui. Comme en écho aux pensées de la sportive, Wade lui proposa de s’incruster avec Chance à l’occasion. Il trouvait que son collègue « s’empâtait ». Cette remarque arracha un rire à Maxyne. « Oui, nous c’est plutôt des soirées apéro, bières et jeux vidéo, si tu vois ce que je veux dire. » Pourtant, Chance suivait assidument les entrainements des pompiers. De son côté, la blonde gardait la ligne grâce aux plongées qu’elle effectuait dans le cadre de son travail ainsi qu’à ses passages réguliers à la salle pendant son temps libre. « Et ça marche, je lui en parlerai. On se fera des petites battles. » La conversation dériva ensuite brièvement sur l’incendie qui avait récemment frappé une maison des environs. Wade lui donna des nouvelles de Jude et lui expliqua son ressenti : en bon chef d’équipe, il ne supportait pas l’idée que quelque chose arrive à l’un de ses collègues. En dépit de ses blessures, l’essentiel était que la jeune recrue se portait bien. La façon dont Wade lui décrivit Jude démontrait qu’elle avait une personnalité pétillante et dynamique, une force au sein du groupe. Cependant, le capitaine craignait que l’accident l’ait traumatisée. « C’est possible qu’il lui faille du temps pour s’en remettre, comme tu dis, ce n’est pas rien. Le mieux que tu puisses faire, c’est être là pour elle, ça lui sera d’un grand soutien. Tu ne l’as pas encore revue depuis l’accident ? » Jude était probablement en arrêt de travail pour des semaines. « Toi qui es pompier depuis plus longtemps… Tu as sûrement des histoires ou des mésaventures auxquelles tu as été confronté et qui t’ont marqué plus que d’autres aussi, et pourtant tu continues avec la même conviction. Comment tu arrives à passer au-dessus de tout ça ? » Il avait sûrement une astuce pour réussir à faire la part des choses et à rester aussi positif. Peut-être qu’il pourrait distiller ses bonnes pensées à Jude.

Puisque Maxyne avait interrogé Wade sur ses projets lors de la Saint-Valentin, il ne manqua pas de lui retourner la question dans l’idée de revenir à un registre plus léger. Evidemment, la réponse que la blonde lui donna le laissa sur sa faim. Le pompier creusa le sujet mais la monitrice de plongée profita de ce moment pour accélérer et crier de joie tandis qu’une poussée d’adrénaline inonda ses veines. A cette vitesse sur l’eau, elle avait l’impression de ressentir des sensations similaires à ce qu’elle vivait quand elle était sur sa moto. Un moment de pure liberté, d’ivresse et de légèreté où Maxyne se lâchait complètement sans rien ni personne pour l’arrêter. Euphorique, elle abordait adroitement les rebonds sur l’eau et ralentit ensuite son jetski en même temps que Wade, qui effectua un dérapage des plus maitrisés. « Dis donc ! On dirait que tu as fait ça toute ta vie ! » Lança-t-elle, rieuse. Pressé de piquer une tête, Wade joignit le geste à la parole en se jetant à l’eau. Il avait bien raison d’en profiter, la belle saison toucherait bientôt à sa fin. Les plongées s’espaceraient aussi. De son côté, la jeune femme resta posée sur sa machine, se laissant dériver à l’arrêt au gré des vaguelettes. L’eau, elle plongeait dedans tous les jours. Faisant la planche près d’elle, le pompier remit alors le sujet de la Saint-Valentin sur le tapis. Il n’en démordrait pas tant que Maxyne ne lui donnerait pas plus de détails, laissant parler son imagination tout en la taquinant gentiment alors que Sun était un des meilleurs amis de longue date de la blonde. Amusée par son délire, la jeune femme lui raconta alors le cheminement de la soirée. « C’était fun ! On a enchainé les bars bien sûr, et à un moment, on s’est retrouvé dans un endroit à l’ambiance latino à danser sur des sons un peu chauds. Si tu n’y as pas encore été, je t’y emmènerai un jour, c’est une atmosphère de dingue. On s’est arrêté à un karaoké aussi. On a poussé la voix sur des chansons insolites et des chansons d’amour, forcément c’était le thème. C’était super drôle en tout cas, on a fini la tête bien à l’envers. » Sur ces mots, Maxyne ouvrit légèrement sa combinaison et elle profita de la chaleur des rayons du soleil qui venaient caresser sur sa peau. Si Wade voulait vraiment jouer aux curieux, il aurait mieux fait de creuser du côté de sa sœur mais il n’en avait bien sûr aucune idée. « Et toi, aucune gourmandise au menu à part ton restaurant dans le noir ? » Puisque le pompier l’avait ouvertement interrogée, elle ne se gêna pas pour lui rendre la politesse. De toute façon, les deux amis n’avaient pas vraiment de sujet tabou entre eux.  

« Je peux comprendre ! » Répondit Max, amusée, lorsque Wade déplora que Jude ne se reposait pas. « Peu importe l’avis des médecins, je ne pourrais pas rester en place non plus si je me sentais capable. D’un côté, ça montre qu’elle va déjà mieux. » D’ailleurs, Maxyne avait contourné l’avis des siens lorsqu’elle s’était blessée à l’épaule et qu’elle était venue travailler à l’accueil du centre nautique en lieu et place des excursions de plongée. Elle aussi devait être à 100% physiquement pour pouvoir exercer son travail. Mais, elle n’était pas tout à fait confrontée au même degré de risque que les pompiers bien qu’un accident en mer pouvait vite arriver aussi. Pour Jude, tout rentrerait bientôt dans l’ordre. Après une période suffisante, elle pourrait reprendre du service normalement, pour autant qu’elle n’était pas traumatisée psychologiquement par sa dernière mésaventure. Réussissant à se détacher des mauvais souvenirs, Wade était une inspiration pour ses collègues et un exemple à suivre. Des épreuves, il en avait traversé, que ce soit dans sa vie privée ou dans sa vie professionnelle. Ses blessures, le capitaine les avait transformées en force. Lorsqu’il demanda à Maxyne si elle se rappelait son accident, comment aurait-elle pu oublier ? Ce jour-là, ils sortaient tous les deux de la salle d’escalade quand Wade avait été renversé sous ses yeux. Un épisode qui l’avait marquée, elle aussi. La peur qu’elle avait ressenti en appelant les secours et en voyant le corps de son ami par terre, elle ne pourrait jamais l’oublier. Heureusement, il s’en était sorti indemne, un vrai miracle en effet. Et cet accident l’avait reconnecté à sa foi. Il puisait dans ses croyances et dans le soutien de ses proches pour garder un esprit positif en toutes circonstances. « Tu sais, si c’est un message subliminal pour me dire que tu as très envie de chocolat, on passera t’en chercher après. » Après les paroles pleines de bons sens de Wade, Maxyne avait utilisé un ton léger, non pas pour les atténuer mais parce qu’elle se retrouvait dans ce qu’il disait et puis parce que les compliments, dont celui dans lequel il l’avait englobée, la gênaient toujours un peu. Quand il avait parlé de ne pas rester coincé dans le passé et de vivre dans le présent, cette phrase avait trouvé résonance chez elle. Durant des années, elle avait laissé les blessures du passé la gouverner, ce qui lui avait desservi à plus d’un titre. Récemment, Maxyne avait décidé de voir la vie sous un angle différent.

Sur ces entrefaites, les deux amis avaient lancé les jet ski, profitant de l’ivresse de liberté que la vitesse leur procurait comme sur leurs motos avant de ralentir les engins. « C’est vrai. Pourquoi tu ne viendrais pas en faire avec Derek et moi ? Tu préfères te la jouer solo ? » Demanda-t-elle, d’un air faussement boudeur. Pour Maxyne, la moto, c’était une religion aussi. Régulièrement, elle partait en virée seule ou à plusieurs, entourée parfois des membres du club de motards dont elle faisait partie ou bien de ses amis proches, amateurs de belles machines, parmi lesquels Derek et Piotr. C’était son grand-frère Trey qui l’avait initiée et qui lui avait donné sa bécane, mais il n’avait pas repris depuis son retour à Island Bay. « J’avoue, c’est particulier comme odeur. Ce que je préfère c’est lâcher les chevaux sur la route, ce sentiment de liberté à l’état pur. » Récemment, elle avait rencontré un gars dans le monde la moto qui l’emmènerait tester du moto-cross. Maxyne avait hâte de s’y frotter mais elle n’arrivait pas toujours à trouver du temps libre en cette fin de haute saison. Les plongées s’accumulaient et les heures supplémentaires n’étaient pas rares : c’était toujours ce qui tombait en plus en fin de mois. Lorsque la blonde parla ensuite de sa soirée Saint-Valentin au moment où les deux amis avaient arrêté leur jet ski et que le pompier piquait une tête, Wade s’enthousiasma surtout pour le bar à l’ambiance latino, prêt à en découdre avec la piste. « Hahaha ! La macarena, c’était pas trop le thème ce soir-là, si tu vois ce que je veux dire. Ils nous ont sorti des titres plus caliente. Mais oui, tu t’y amuserais sûrement ! » Amateur de danse, Wade se sentirait comme un poisson dans l’eau. Joignant le geste à la parole, il imita les mouvements de la macarena en remontant sur son jet ski, imité dans la choré par Maxyne qui éclata de rire face à la bonne humeur communicative du capitaine. Comme il ne tenait pas en place, il se jeta à nouveau à l’eau tout en répondant à la jeune femme par rapport à sa dernière aventure. « Mais oui, je me souviens, c’est le blond avec qui tu parlais au gala ? » Maxyne ne le connaissait pas personnellement mais elle se souvenait que c’était le pote d’Andy, les deux jeunes femmes s’étaient éloignées des deux hommes quand Wade et lui avaient été happés par leur conversation. Donc le pompier aussi avait vu Max trainer avec sa sœur ce soir-là. « Top secret, top secret. Tant mieux si la compagnie a été à la hauteur de tes espérances. »

Esquissant un sourire, l’ancienne nageuse s’interrogea ensuite en voyant une lueur plus sérieuse traverser le regard de Wade. Et pour cause, il s’inquiétait pour la santé de son père et Andrea n’était pas encore au courant. « Oh non !! J’espère qu’ils vont vite trouver ce que c’est ! Tu sais déjà quand il doit passer les prochains examens ? Comment se sent-il présentement ? » Son père était-il d’un naturel angoissé ou prenait-il la situation avec calme en attendant de découvrir ce qu’il en était exactement ? Par contre, Wade prit Maxyne au dépourvu lorsqu’il lui demanda conseil. « C’est difficile à dire. Ils se parlent toujours ? Si la santé de votre père n’est pas bonne, ce sera normal qu’elle s’inquiète, après je dirais que tu as deux options : tu peux attendre de savoir ce qu’il a exactement avant de l’alarmer ou déjà aborder le sujet avec elle pour la préparer au cas où. Ne rien dire du tout, ce n’est pas lui rendre service. A sa place, je pense que je voudrai savoir tout de suite. Le temps avec nos parents est précieux. Peu importe à quel point les relations sont compliquées. » Dans le cas où un des siens serait touché, Maxyne s’empresserait d’en informer son frère ou vice versa, mais chaque famille était différente tout comme la sensibilité de chacun. Dans l’ensemble, les Oakley s’entendaient tous bien malgré le divorce des parents ; chez les Rhodes, ce n’était pas spécialement la même dynamique.
 

Quand Maxyne évoqua les virées à moto avec Derek à Wade, l’idée l’emballa mais il lui parla de circuit plutôt que de balades musclées le long de la côte néo-zélandaise. Et puis, taquiner la blonde, ancienne nageuse olympique, sur son esprit de compétition, c’était s’assurer de provoquer une réaction chez elle. « On part souvent en mode virée sur les nationales ou exploration des beaux coins du pays, mais si c’est de la vitesse pure que tu veux, je répondrai présente aussi. » L’année passée, la jeune femme avait d’ailleurs eu la chance de vivre une expérience exceptionnelle. Grande passionnée de moto, Brianna avait des connexions dans le monde du sport automobile puisqu’elle roulait dans des courses et elle l’avait emmenée en séjour au Japon, où la rousse lui avait réservé une journée de rêve sur le circuit moto gp du pays. Les deux amies avaient eu le loisir de rouler sur le fameux tracé avec des machines exceptionnelles. Au début, Maxyne y était allée doucement mais elle avait rapidement trouvé ses marques et pris du plaisir à accélérer. A présent, elle était tout à fait partante pour réitérer l’expérience sur un circuit amateur en Nouvelle-Zélande. « Un pote aimerait me faire tester du moto-cross prochainement aussi, je n’ai encore jamais essayé. Et toi ? » Cette passion pour les motos, elle la devait à son frère. D’ailleurs, Maxyne comptait raviver la flamme chez Trey, car depuis son retour à Island Bay l’hiver dernier, les Oakley n’en avaient pas encore reparlé.

Racontant sa soirée de la Saint-Valentin, elle s’attarda sur les danses dans le bar latino, sachant pertinemment à quel point Wade était féru de danse. La nageuse l’avait déjà vu à l’œuvre : il avait le rythme dans la peau. A faire pâlir des danseurs professionnels. Dommage que le capitaine des pompiers ne s’y soit jamais mis sérieusement, il aurait eu toutes ses chances de briller, mais la vie l’avait orienté vers une vocation plus noble encore : au service des autres. « Un peu de salsa et de bachata. Il y avait un peu de tout. » Des chansons anciennes, des plus récentes, des tubes énormes comme celui de Despacito qui avaient fait monter la température. Pour bouger, Maxyne se débrouillait assez bien, notamment pour assimiler des pas de bases par l’observation et se fondre dans la masse, d’autant que les danses rapprochées ne la gênaient pas mais elle était loin d’être une pro.

En dehors de la fête des amoureux, Wade ne s’était pas ennuyé, en particulier après le gala de charité. Maxyne se souvenait vaguement de l’ami qui accompagnait Andrea et qui était resté auprès du pompier pendant que les deux filles s’étaient éloignées près du bar. Sans le confirmer de vive voix, le regard du capitaine laissait peu de place au doute quant à l’identité de son coup d’un soir. Ce n’était pas la nageuse qui allait dire quoique ce soit, il avait bien raison de s’amuser et de profiter, et elle papillonnait tout autant, même si elle avait récemment baissé sa garde un peu plus. « Oui, je vois ce que tu veux dire. » Un désir inassouvi qui avait trouvé sa conclusion, une tentation plus forte que les autres. « Rien de pire que le champagne pour la gueule de bois ! Je trouve ça pire que des alcools plus forts. Mais bon, je suis sûre que tu as géré au travail, comme toujours. »

La conversation dériva ensuite sur la famille Rhodes et surtout la santé du père de Wade qui n’était pas au beau fixe. Au courant, le fils se demandait s’il devait partager cette information avec sa sœur. Les relations entre Andrea et le patriarche étaient tendues. Il demanda conseil à son amie. C’était délicat de commenter des histoires de famille dont elle ne connaissait finalement que peu de choses, en tout cas par rapport à la sœur de Wade, mais Maxyne trouvait que si la santé d’un membre de la famille était compromise, l’important était de l’entourer et de le soutenir, ou au moins d’être préparé à tout pour ne pas tomber des nues ou avoir des regrets, peu importe la situation. Bien sûr, elle ne formulait pas ce conseil en songeant au pire pour leur père mais c’était peut-être l’occasion de resserrer les rangs s’il traversait des moments difficiles et qu’il avait besoin de ses enfants. D’autant qu’Andrea pourrait en vouloir à Wade de ne rien lui dire. « C’est important qu’il garde la pêche et son esprit de battant, c’est plutôt positif. Je te reconnais dans cette description oui, et ta sœur, c’est une vraie lionne.  Tu me tiendras au courant des prochaines nouvelles ? » Wade détailla ensuite davantage les relations entre son père et ses enfants, confirmant la complexité des liens avec Andrea. « Les familles recomposées, c’est compliqué. Les incompréhensions, les ressentiments. Ce n’est pas toujours facile de faire le premier pas. Et si votre père a un caractère aussi fier qu’Andy, un petit coup de pouce pour mettre de l’eau dans leur vin sera probablement le bienvenu. » Maxyne adressa clin d’œil à Wade, véritable boute-en-train, il était capable de désamorcer les situations les plus incendiaires alors il réussirait sûrement à arrondir les angles, trait d’union indispensable pour adoucir les conflits dans sa famille. Les Oakley avaient aussi vécu la séparation de leurs parents quand la blonde n’était encore qu’une adolescente. Le père était parti pour un autre homme, laissant leur mère dans un désarroi profond. Au début, ça n’avait pas été facile mais le temps avait permis à  la famille de se reconstruire petit à petit, au point que Maxyne et Trey appréciaient leur beau-père.

Wade décida finalement de suivre le conseil de la nageuse : ne rien cacher à sa sœur et aviser ensuite. Il gèrerait l’inquiétude d’Andrea en temps voulu. « Je comprends, tu ne veux pas qu’elle s’inquiète, mais ce sera sûrement plus fort qu’elle, et c’est le signe qu’elle tient beaucoup à lui malgré leurs différends. »  Sur ces entrefaites, le pompier adressa une nouvelle salve de compliments à Maxyne, lui indiquant combien elle était une amie précieuse pour lui. Décidément, il voulait la faire rougir ; elle n’avait pas fait grand-chose à part l’écouter, ce qui était bien normal. Cette petite sortie jet-ski, c’était l’occasion de passer du temps ensemble et de se retrouver. Il se lança ensuite dans un laïus philosophique sur l’acceptation des compliments. « Tu devrais faire coach de la pensée positive. » Répondit-elle, en souriant. « Mais la réciproque est vraie : je partage cette chance de te compter parmi mes amis. » La positivité de Wade à tout épreuve, son côté fonceur et casse-cou, touche-à-tout, décontracté et pas prise de tête en plus d’être une personne sur qui l’on pouvait compter. Autant de qualités qu’elle appréciait chez lui. Mais les deux sportifs n’étaient pas ici pour se lancer des fleurs toute la journée.  

Avant qu’ils redémarrent les jets-ski, le pompier lui demanda d’autres nouvelles, par rapport au travail entre autres, avant de lui partager son envie de venir plonger avec elle et de préciser un talent caché impressionnant. « Hahaha ! Tu vas venir me concurrencer sur mon terrain de jeu maintenant. J’ai appris à nager le plus longtemps possible sans remonter aussi, gagner quelques secondes dans une course, c’était important. » L’eau étant son élément depuis toute petite, elle était aussi capable de tenir longtemps en apnée, que ce soit en nageant ou en restant à l’arrêt, peut-être pas cinq minutes cependant, ce qui était déjà un temps très ambitieux. Heureusement, le travail de Maxyne n’exigeait pas cette compétence particulière, que ce soit en snorkeling ou en plongée avec bouteille. « Au boulot, tout se passe bien oui. Je dois juste faire attention de ne pas trop forcer, les douleurs liées aux blessures de mon accident se réveillent parfois, alors j’alterne des jours avec l’accueil. Ce que j’aime c’est qu’une journée n’est pas l’autre, chaque plongée réserve ses surprises. Et viens quand tu veux, on s’organisera ça ! Tu pourras me partager ces fameuses techniques. » Son rire se mêla à celui de Wade, puis la blonde proposa de redémarrer. « On se remet un coup d’adrénaline ? Je vais bientôt prendre froid. »   

« Je ne comptais pas utiliser la mienne, bien sûr. Tu te souviens que je fais partie d’un club et qu’on se prête nos bébés de temps en temps ? » Maxyne adressa un sourire à Wade, il l’avait peut-être zappé. Les motards formaient comme une deuxième famille pour elle, elle trouverait sûrement de quoi s’amuser pour tester une journée de moto-cross, à moins que Chris n’ait plusieurs machines à disposition. Acheter sa bécane n’était pas une option pour l’ancienne nageuse, elle ne roulait pas sur l’or mais n’en parlait pas spécialement. L’emménagement de Chance avec elle l’avait aidée, puisque le loyer avait été divisé par deux cependant elle n’avait pas suffisamment d’économies pour s’autoriser ce luxe. « Tu envisages de t’en offrir une nouvelle ? » Autant lui retourner la question, histoire d’éloigner le sujet. Les deux amis évoquèrent ensuite chacun leur tour leur soirée de Saint-Valentin, même si Maxyne omit volontairement certains détails par respect envers Sunwei. Ce qui s’était passé entre eux ce soir-là prêtait à confusion. De toute façon, Wade était intéressé par leurs danses surtout. « Des classiques, comme Conga et des plus connues comme Obsesion et Despacito oui. » Le reste échappait à sa mémoire. Maxyne ne réagit pas sur la seconde partie de sa phrase, un soir de la fête des amours, c’était logique que beaucoup de couples se retrouvent. Amusée, elle écouta Wade fredonner l’air caliente avec son accent américain et joignit son rire au sien. « Quel grain de voix ! Je penserais à t’inviter à nos soirées karaoké. » La conversation prit ensuite une tournure plus sérieuse quand le pompier aborda les soucis de santé de son père et les tensions familiales qui régnaient entre certains Rhodes. « Tu as raison. La vie est trop courte pour perdre son temps. » Maxyne n’avait pas d’autres conseils à donner à Wade, chaque famille était différente. « L’important, c’est d’être là pour eux. » Dans un registre plus léger, le capitaine du feu s’intéressa à la plongée, activité qu’il se plairait à pratiquer. Apparemment, il s’était entrainé à retenir sa respiration longtemps, il évoluerait donc comme un poisson dans l’eau. « Tu parles à une ancienne sportive. L’esprit de compétition, ça me connait. » En vérité, les limites de Maxyne seraient plutôt physiques que mentales, puisque son corps n’arrivait plus à tout endurer depuis l’accident. Sinon, elle aurait continué la compétition. Pas le temps d’y penser. La jeune femme proposa de remettre un coup de gaz et les deux amis se redonnèrent une bonne dose d’adrénaline dans les veines, voguant sur les vagues. Longtemps, la jeune femme resta légèrement en retrait et tenta de coller la cadence. Alors qu’elle réussit enfin à dépasser son coéquipier de jet-ski, Wade s’étonna de sa rapidité et la justifia par son poids plus léger. « Petit oisillon ? Tu ne me l’avais jamais faite celle-là. Entre les œufs, les lapins et ça, les fêtes de Pâques t’inspirent. » Rigola-t-elle de bon cœur. « Et peut-être pour la vitesse. Qui sait. Tu peux trouver toutes les raisons que tu veux pour te rassurer. » Elle aussi plaisantait, Rhodes ne se prenait pas réellement la tête pour savoir qui allait plus vite ou non. Il lui conseilla ensuite d’aller consulter un ostéo – Derek pour ne pas le nommer – pour ses vieilles blessures qui se réveillaient. En vérité, la grosse saison se terminait et le corps de Maxyne fatiguait. « En fait, c’était mon ostéo avant qu’on ne devienne amis. Donc, de temps en temps, quand j’ai des courbatures, il me dépanne. » Parfois, quand son trapèze, ses épaules ou son dos la faisaient souffrir, il la soulageait. « D’ailleurs, vous ne vous êtes pas connus de la même façon, lui et toi ? » Après tout, Wade avait eu un accident aussi.    

« J’peux comprendre. J’ai hérité de celle de mon frère, il me l’a donnée quand il est parti à l’étranger, c’est sûrement pour cette raison que ça ne me perturbe pas plus que ça. Je n’ai jamais vraiment eu de moto à moi. » Ce que Maxyne voulait dire, c’est qu’elle n’avait jamais eu l’opportunité de s’offrir un modèle pour elle ni qu’elle avait choisi. Alors, à force de rouler sur les cylindrées de son entourage, elle n’était pas celle qui était perturbée par les prêts. Excellente conductrice, elle n’avait jamais abîmé les motos des autres, une seule fois la sienne en raison d’un accident indépendant de sa volonté. Mais elle pouvait comprendre ceux qui étaient frileux à l’idée de mettre leur bébé dans les mains d’un(e) autre. « Oui, c’est le plus chiant, se renseigner pour voir si tu peux l’acheter. Pour le garage, tu pourras peut-être en trouver un. A moins qu’un pote n’ait une place dans le sien ? » Financer un garage en plus d’une moto, voilà qui promettait un investissement important. De son côté, Maxyne disposait d’une place dans un parking fermé grâce à son appartement. Au pire, ses parents avaient chacun de la place chez eux si elle devait se dépanner chez l’un d’eux dans le cas où elle posséderait plus qu’une moto dans le futur. En attendant, elle profitait de belles petites virées avec sa Triumph. « Quels sont les autres mots dans l’air du temps alors ? » Après cette petite plaisanterie sur le vocabulaire lié au thème de Pâques, la conversation dériva sur un de leurs amis en commun, Derek. A l’instar de Maxyne, il avait d’abord été l’ostéo de Wade avant de se lier à lui. « J’avoue qu’il y a de quoi se rincer l’œil. » Répondit la nageuse, d’un air amusé, face au pseudo désespoir du pompier par rapport à l’intérêt de l’ostéopathe envers la gent féminine. Cependant, la vie personnelle de Derek n’avait pas été rose pour autant. Il se serait bien passé de perdre la seule femme qui avait vraiment compté pour lui. « Mais oui ! C’est pareil pour lui et toi. On pourra faire des sorties d’adrénaline à trois. Ou à quatre, Piotr serait sûrement chaud aussi. Il a commencé la moto récemment et il nous connait tous. » Le russe était comme un petit frère pour elle. Ancien colocataire de Wade, il avait rencontré Derek aussi, alors autant former un grand groupe joyeux. L’adage était connu : plus on est fous… Ce serait sûrement amusant. Le pompier proposa une dernière course et désigna le flotteur dans l’eau comme ligne d’arrivée. « Yes let’s gooo ! » Maxyne démarra en trombe et lança le jet-ski à toute volée contre les vagues. Aussi compétiteur qu’elle, Wade ne se laissa pas distancer, elle le sentait dans son dos, à la rattraper adroitement, si bien qu’ils franchirent la limite en même temps. Difficile de trancher sur le gagnant. « Hahaha ! J’dirai que chacun aura le droit de donner son gage. Mais quand on rentrera car on dépasse déjà le temps de location là. » Nouveau rire, pas qu’elle s’en inquiétait même s’il ne fallait pas abuser. Maxyne pourrait s’arranger avec le centre nautique pour ce petit extra mais il était temps de rentrer. « Allez, on met les gaz pour le retour. » La blonde fila à toute allure et ralentit seulement lorsqu’elle rentra dans les zones où la vitesse était limitée le long des côtes. Dès qu’ils rentrèrent, elle réussit à s’arranger pour leur retard puis ils rendirent le matériel. « C’était cool cette petite après-midi. A refaire. » Maxyne fila dans les vestiaires pour se doucher et se rhabiller puis elle rejoignit Wade en dehors du centre où elle lui proposa d’aller manger un bout pour prolonger le moment entre eux et continuer de rattraper le temps tout en rigolant de tout et de rien. Pendant le repas, ils pourraient trouver mille et une idées de gage à se donner. Une bonne façon de conclure cette journée entre amis.