i came along.

L’anniversaire d’Elliot se rapproche et le petit garçon en a bien conscience. Il en parle de plus en plus et il essaye d’obtenir des informations : plus il grandit et plus il devient malin. Plus il grandit et plus son caractère se définit. Quatre ans. Que le temps passe vite. Je le revois encore si petit dans mes bras à la maternité. Bientôt, ce chapitre de ma vie se rejouera. Mais aujourd’hui, c’est sur Elliot que je dois me concentrer et à qui faire plaisir. Je lui ai laissé le choix de ce qu’il voulait faire et il a décidé d’aller passer un peu de temps chez sa grand-mère. Un peu de répit et à huit mois de grossesse, je ne dis pas non. Néanmoins, j’ai plusieurs choses à faire. Après un rapide tour au café pour voir comment se passent les choses, je reviens à la maison et me lance dans les préparations de l’anniversaire du petit garçon. Après un certain temps seule, je suis rejointe par Natalia. Lorsque la femme apparaît dans mon champ de vision, un sourire se dessine naturellement sur mes lèvres. « Je vois, je suis donc ton lot de consolation. C’est risqué de dire cela à une femme qui a du mal à contrôler ses émotions. » Je suis toute excusée, avec les hormones mon organisme est mis à rude épreuve. La brune se rapproche, glisse ses mains autour de moi et m’offre un premier baiser. Nous nous sommes revues depuis son retour du Mexique et pourtant, j'ai l'impression que ça fait plus d'un mois que nous n'avons pas été proches. Nos front se collent et l'une de mes mains vient caresser sa joue. « Tu vas bien ? » Même si je souhaite l'avoir un peu plus pour moi, je sais que son absence a aussi eu un impact sur son travail et elle doit donc faire des efforts pour compenser. Après un baiser que je lui vole, Natalia me demande le programme pour l'anniversaire d'Elliot, évoquant au passage le fait d'avoir des idées. « Ah oui ? Lesquelles ? » Je suis chanceuse qu'ils s'entendent si bien. « Je m'essaye au gâteau. Il n'aura sûrement pas la même tête que celui commandé l'année dernière, mais j'ai bon espoir pour le goût. » J'aurais pu demander de l'aide à Alice ou au moins des conseils. Néanmoins, j'ai voulu me débrouiller seule. « Goûte. Je n'essaye pas de t'empoisonner, promis. » Dis-je tout en lui tendant une cuillère avec dessus un peu de pâte. N'est-ce pas la meilleure partie du gâteau ? « Il y a des ballons à gonfler, la piñata à remplir et des cadeaux à emballer. » Entre l'anniversaire et les achats pour l'arrivée du bébé, c'est un peu la course et j'ai remis beaucoup de choses à plus tard. « Il y aura des choses à voir pour quand ses copains et copines viendront, mais ma mère a proposé de m'aider quand elle le ramènera. » Tout est acheté normalement, il ne reste que de la mise en place et pour ça, inutile de le faire trop à l'avance.

La jeune femme ne tourne pas longtemps autour du pot suite à ma question et ce n’est sûrement pas plus mal. Des idées, elle en a et même plein. Enfin non.. ce n’est pas exactement des idées, puisque tout ce qu’elle énumère va se produire. Le gâteau, le clown, les invités, les cadeaux. C’est trop, beaucoup trop. Et je me sens vraiment prise de court. Depuis mon réveil, j’ai l’impression de courir partout et elle, elle m’annonce que c’était finalement inutile ? Après avoir récupéré une bière dans le réfrigérateur, Natalia revient vers moi, glissant au passage un compliment qui ne change rien à mes sentiments actuels. C’était quand même bien tenté. « Natalia.. » Dis-je, avant de soupirer. « Je suppose que je peux le jeter. » Mon gâteau. Je ne suis pas du genre à faire cela, à gaspiller les choses, mais je suppose qu’à côté d’un gâteau en forme de koala, il n’aura pas vraiment de succès. D’un geste de la main, je pousse légèrement le plat sur le côté et me retourne pour faire face à la brune. « Il n’a pas besoin de tout ça. Même s’il t’a fait des yeux de chien battu, il n’est pas malheureux. » Forcément, Elliot ne voit pas les choses de la même manière. Si quelqu’un lui donne un catalogue de jouets, il aura envie de tout avoir, comme si ça lui manquait. Et pourtant, une fois en sa possession, il s’en lassera bien vite. « Chaque année, il reçoit des jouets avec lesquels il ne jouera pas. Ça ne sert à rien de lui en offrir autant. » Chaque année, c'est la même rengaine, le même discours : je demande à ma famille de ne pas le gâter. C'est pourtant ce qu'ils souhaitent tous faire et ils justifient cela par le fait que c'est le seul de sa génération. « Argent ou pas.. il a déjà un père qui peut lui faire tous les chèques qu'il veut. Père de l'année d'ailleurs. » Dis-je, ironiquement. Un peu plus tôt, j'ai reçu un message de la part d'Archie. Un message dont je me serais bien passée. Une journée dans l'année, il avait l'occasion de faire un effort, d'attendre que son fils soit là pour l'appeler. Mais non, rien. Il se contente d'un "Souhaite-lui un joyeux anniversaire. Je pense à lui. Je t'ai viré de l'argent, offre-lui ce qu'il veut". Autant dire que ce message a eu le don de m'énerver. Et forcément, d'être mise devant le fait accompli, avec autant de choses, autant de dépenses, ça fait ressortir ce que j'ai ressenti tout à l'heure devant mon téléphone. « Tu aurais au moins pu m'en parler. » Même si c'était un peu maladroit, ça partait d'une bonne intention. D'ailleurs, entre son voyage et son travail, je ne comprends même pas où elle a trouvé le temps pour faire tout cela. « Je possède un café-pâtisserie, j'aurais très bien pu commander un gâteau si je le voulais. » Je voulais simplement faire les choses moi-même, comme c'était fait à l'époque où j'étais une enfant. « Tu as d'autres surprises à m'annoncer ? » Je viens croiser mes bras contre ma poitrine, mon regard planté dans le sien. « Ne me dis pas que tu prévois la même chose pour quand ce bébé.. » Je montre mon ventre pour accompagner mes mots. « .. arrivera. » Là clairement, il faudra déménager sinon.

Pour le gâteau, Natalia doit voir la déception sur mon visage, car rapidement, elle essaye de me rassurer et me propose de le finir pour le manger demain. C'est une solution et ça permettra d'éviter le gâchis. Mais la bienveillance de la brune ne dure pas lorsque j'évoque Archie. Sans vraiment m'y attendre, les choses dégringolent. Ce n'était pas mon but, mais c'est assez logique. Natalia n'a pas la position idéale, elle n'a pas vraiment de place définie auprès d'Elliot. Elle est sa belle-mère, c'est vrai, mais ça lui donne quoi comme droit ? Piquée au vif, la brune parle de jalousie, mais ce n'est pas ça. Nous avions des vies avant de nous rencontrer et je ne peux pas lui reprocher cela. Moi-même, même si je n'en parle pas beaucoup, j'ai eu plusieurs aventures sans lendemain. Lorsqu'elle évoque une nouvelle fois Archie et sa place auprès d'Elliot, je soupire légèrement. Ce que j'ai dit n'a pas été interprété comme je l'espérais. « Arrête. » Ma voix est douce, je ne cherche pas la bagarre. Je cherche juste à la retenir. « Viens là. » Dis-je tout en attrapant son bras pour qu'elle se retourne. Je la tire ensuite vers moi et glisse ma main dans la sienne. « Pour le gâteau, je m'en fiche de l'endroit d'où il vient. J'adore même faire plusieurs boutiques pour pouvoir en goûter de toutes les sortes. » C'est ce qu'il s'est passé l'année dernière. Pour l'anniversaire d'Elliot, nous nous sommes retrouvées en centre-ville avec Robin et nous avons demandé plusieurs échantillons de gâteaux pour pouvoir goûter et faire notre choix. Ma sœur a même prétexté se marier pour avoir un peu plus de choix. Est-ce qu'à ce moment-là, elle s'imaginait fiancée un an plus tard ? « Il m'arrive de déléguer, mais parfois, j'ai simplement envie de faire les choses par moi-même. Si je voulais faire le gâteau, c'est parce que ça me faisait plaisir. De m'activer derrière les fourneaux et de voir les étoiles dans ses yeux en le voyant arriver. » Bon.. cet effet là ne viendra sûrement pas du gâteau, mais plutôt des bougies posées dessus. Des bougies que le garçon aura hâte de souffler pour pouvoir faire un vœu. « Tu peux le gâter si tu veux, mais ça ne lui servira pas. » À part d’être prétentieux plus tard. Ou peut-être pas, c’est impossible de savoir. Mais s’il suit les pas de son père, avoir de l’argent le rendra con. Pour pouvoir garder son argent, Archie a quand même préféré garder son fils caché. « Même s’il t’a parlé de tout ça, de toutes ces choses qu’il rêvait pour son anniversaire, je suis sûre que c’est le tour dans ta voiture qu’il va préférer. » Le reste, il va en parler les premiers jours et après, ça s’estompera jusqu’à ce qu’il oublie. « Je pense qu’Elliot aurait préféré que son père soit là aujourd’hui, plutôt qu’il ne lui envoie de l’argent. L’argent ne fait pas tout. » C’est un sujet sensible, je l’ai bien compris en en parlant un peu plus tôt, mais si je parle de ça, ce n’est pas pour la blesser. Archie est le père d’Elliot et pourtant, il vit à des milliers de kilomètres de lui et quand il était encore dans le coin, il ne le voyait que quelques soirs par mois. Pour compenser son absence, il utilise son argent, mais ça ne marche pas comme cela et il est trop centré sur lui pour le voir. « Nous, on sera là et c’est ce qu’il va retenir. » Je la regarde, avec un sourire qui s’élargit doucement sur mon visage. Je n’ai pas envie de me disputer avec elle, pas aujourd’hui, pas comme ça. « Je n’ai pas grandi dans le luxe, ni dans la richesse et je ne m’en plains pas. J’ai envie d’apprendre les mêmes valeurs à Elliot. S’il veut vivre différemment plus tard, très bien, mais il a quatre ans et il doit savoir qu’il ne pourra pas toujours tout avoir. » Je ne vais pas le priver de tout, mais disons qu’avoir des acteurs qui arrivent déguisés en Avengers, c’est peut-être beaucoup.

J’essaye et pourtant, j’échoue. Cette discussion n’a pas pour but de mettre une distance entre nous, mais plus je parle et plus j’ai l’impression de m’enfoncer. Archie a longtemps fait partie de l’équation, car sans vraiment savoir pourquoi, je n’arrivais pas à le repousser lorsqu’il venait me voir, lorsqu’Elliot était couché. Mais s’en est terminé maintenant. Natalia est rentrée dans ma vie et les choses ont changé. J’ai compris à quel point cette relation était malsaine. Néanmoins, il reste le père du petit garçon et je ne peux pas lui interdire de le voir. Je n’ai pas pu grandir avec le mien, je ne veux pas imposer la même chose à mon fils. Mais forcément, c’est un sacré bagage, surtout pour une relation récente. « Ce n’est pas ça.. » Tout ce que j’ai dit n’avait pas pour but de blesser la jeune femme. Et pourtant.. ce que je dis au sujet de l’argent semble la toucher en plein cœur. Elle aussi a grandi avec de l’argent, elle aussi a les moyens. Mais je ne les vois pas de la même façon. Archie a de l’argent, le sait et en joue. Sans ça, il n’est plus rien. Et oui, à penser comme ça maintenant, je me demande comment je suis tombée sous son charme. Je n’ai pas envie qu’Elliot devienne comme lui et forcément, je fais peut-être les choses trop en grand pour l’éviter. Mais malencontreusement, je blesse Natalia au passage. Elle reçoit un message de son travail et finit par prendre la fuite, me laissant seule dans la cuisine. Je prends appui sur le meuble de la cuisine et soupire une nouvelle fois. « Fais chier. » Heureusement que je suis seule. Un petit garçon aurait bien vite fait de répéter ce mot à tous ses copains, à l’école et à toutes les personnes qu’il pourrait croiser dans la rue.

La journée a été bien mouvementée pour le garçon et pourtant, il lutte pour ne pas s'endormir trop vite : il a envie de profiter de sa journée jusqu'au bout. Mais l'heure du coucher est arrivée et en pyjama dans son lit, Elliot demande une dernière histoire. Il n'est pourtant pas concentré sur ce que je dis, son regard est tourné vers la porte de sa chambre. « Nat' ne vient pas ? » Je grimace légèrement avant de lui répondre. « Pas ce soir mon grand, elle a du travail. Tu sais, quand elle a dû partir voir sa famille, les méchants ne l'ont pas attendu pour faire des bêtises et maintenant elle doit s'occuper d'eux. » Timidement, il sourit. Comme soulagé de savoir qu'elle sera là un autre soir. Il serre sa peluche préférée contre lui, alors que j'éteins sa petite lumière. « Fais de beaux rêves. » Je passe l'une de mes mains dans ses cheveux et dépose un baiser sur son front avant de quitter la pièce. De retour en bas, je vois l'état du salon et je réalise l'ampleur de ce qui m'attend. Recevoir des enfants toute une après-midi, ça fait des dégâts. Je commence par ranger ou jeter tout ce qui est alimentaire, c'est le plus urgent. Je m'attelle ensuite au rangement des différentes pièces et de l'extérieur. C'est lors de cette dernière étape qu'une voix me sort de mes pensées. Natalia. Je ne l'ai même pas entendu arriver. Je l'écoute, je l'observe. Sans vraiment savoir quoi dire ou quoi faire. Cette dispute est la première que l'on peut qualifier de la sorte et ce ne sera sûrement pas la dernière. Mais là, je ne sais pas comment agir. Après la journée que je viens de passer, je n'ai pas envie de reparler de tout cela, surtout si c'est pour aggraver encore un peu plus les choses. « Je pense que je vais bien dormir cette nuit. J'ai la tête qui va exploser et les pieds en feu. » Forcément, être enceinte n'aide en rien. Mais pour mon fils aujourd'hui, je n'aurais rien laissé se mettre entre lui et son bonheur. Bon.. il est vrai que si la nature avait décidé que l'accouchement était aujourd'hui, je n'aurais pas pu faire grand-chose. « Mais Elliot s'est bien amusé, c'est le principal. Il a déjà hâte à l'année prochaine. » À l'inverse de moi, il grandit beaucoup trop vite, c'est effrayant. « Tu pourras les monter avec lui demain. » Je dis cela, sans même savoir s'il y a besoin d'un quelconque montage. « Il m'a demandé où tu étais tout à l'heure. Je lui ai dit que tu avais du travail à faire. » Je soupire légèrement, avant de planter de nouveau mon regard dans le sien. C'est un enfant, il n'a pas besoin de tous les détails. « Tu m'aides ? J'en ai encore pour longtemps sinon. »

Natalia est la première personne que je présente à Elliot et forcément, cela en dit long sur mes sentiments à son égard. Pourquoi présenter quelqu'un quand cette personne n'est qu'éphémère dans ma vie ? C'est un enfant, il ne comprendrait pas. Mais avec la brune, j'y crois et je sais que ça peut fonctionner, malgré cette grossesse qui est venue nous surprendre. Il y aura des désaccords et des disputes, ça fait partie d'un couple, mais si je me braque à chaque fois, ça n'apportera rien de bon. Alors que je lui propose de m'aider pour en finir au plus vite avec le rangement, la jeune femme se propose de finir toute seule, me laissant ainsi l'occasion de me poser un peu. « Vraiment ? » Elle semble décider, alors sans contester plus longtemps, je m'en vais. Je monte à l'étage et passe dans la salle de bain pour me rafraîchir un peu. Après cette journée, une rapide douche ne pourra pas me faire de mal. Après de longues minutes, alors que je suis installée dans le lit, un livre entre les mains, Natalia pousse la porte. Elle garde ses distances et commence à parler de ses insécurités. Puis elle aborde ce mensonge et je ne peux m'empêcher de grimacer, elle n'aurait pas dû en arriver là. « Tout ceci t'es tombé dessus sans que tu ne t'y attendes vraiment, je comprendrais que tu veuilles partir. » C'est pourtant l'opposer de ce qu'elle de dire, mais je lui offre cette porte de sortie. Quand nous avons commencé à nous fréquenter, elle était loin de s'imaginer qu'un bébé viendrait s'installer entre nous. Je dépose mon livre sur la table de nuit à ma gauche. « Je sais que c'est effrayant. Surtout dans de telles circonstances. » S'il n'y avait pas eu ce déni de grossesse, nous aurions pu avoir une discussion à ce sujet, évoquer le fait de le garder ou non aussi. « Trois mois pour se faire à l'idée et préparer sa venue, c'est beaucoup trop court. C'est pour ça que je ne t'oblige à rien. » Un fin sourire s'installe sur mes lèvres, avant que je poursuive. « Quand j'ai appris que j'étais enceinte d'Elliot, j'ai paniqué. Vraiment. Car même si j'espérais devenir mère un jour, je savais que je devrais m'occuper de lui seule. Lorsque je m'imaginais enceinte, avant ça, je ne pensais pas offrir une vie de famille aussi.. bancale à un enfant. » Même sans en parler avec lui, je savais qu'Archie ne quitterait pas sa femme, qu'il y ait Elliot dans l'équation ou non. Je savais qu'il n'aurait pas son père à ses côtés. Et malgré tout ça, nous formons une équipe de choc ensemble. Si j'avais l'occasion de changer les choses, je ne pense pas que je le ferais. « Ça fait peur, mais je suis là, d'accord ? » Contrairement à l'époque, il y a quatre ans exactement, je ne serais pas seule. Et elle non plus. À deux, en se serrant les coudes, nous nous en sortirons. « Je ne partirais pas. Ce n'est pas une dispute sur un gâteau d'anniversaire qui me fera changer d'avis là-dessus. » C'est un peu plus que ça, mais je n'ai pas envie de reparler de cela ce soir. « Viens. Donne ta main. » Je l'invite à se rapprocher un peu plus de moi et lorsque c'est fait, j'attrape sa main et la pose contre mon ventre. « Je crois que ce bébé a hâte de te rencontrer. Dès que tu parles, il s'agite. » Mes doigts viennent se poser sur les siens, alors que ma deuxième main vient épouser, avec tendresse, la forme de sa joue.