have a drink on me → rosemonde

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas dans son salon, le cul vissé au canapé, les mains scotchées à sa manette que Cleo passe la soirée. Pas au casino non plus. Bien sûr, elle n’y serait jamais si ce n’était pas pour les soirées que son mari y organise. Maintenant qu’elle est riche, elle ne va certainement pas passer son temps à parier – et très sûrement perdre – tout son argent. Non, ses années de galère financière l’en empêcheraient ; mais force est d’admettre que quand son mari y organise quelque chose, c’est toujours grandiose, un peu spectaculaire. Oh, elle les déteste, ces soirées. Elle déteste être obligée d’y participer, surtout. Devoir se mettre sur son trente-et-un, jouer les plantes vertes, elle a horreur de ça. Mais elle reconnaît l’esthétique de la chose. Quoi qu’il en soit, ce soir, ce n’est pas au casino qu’elle se rend. Et elle n’est pas accompagnée de son mari. Ni d’un de ses collègues vulgaires dont elle n’apprécie que très peu la compagnie en dehors des heures de travail. Non, ce soir elle sort seule. Pas dans le but de rencontrer de nouvelles personnes – ça aussi, elle en a horreur – mais bien de renouer avec ses racines.

Vous l’aurez compris, la meuf étrange assise au bar, qui ne semble prêter attention à personne tout en bougeant la tête au rythme et surtout au son de la cornemuse en se dandinant sur son tabouret, c’est elle. Bon, pas tant de cornemuse que ça car après tout, ça reste un pub qui passe de la musique tout ce qu’il y a de plus normale et non un pub à thème et peut-être bien que ça signifie que la cornemuse ne joue que dans sa tête mais ça ne change rien au fait que Cleo passe un bon moment, son verre de whisky à la main. Se retournant, elle lorgne subitement sur le billard. Une petite partie la tente bien. Et elle pourrait jouer seule comme elle en a l’habitude mais le fait que c’est quand même plus drôle à plusieurs. Cependant, l’écossaise n’a aucune envie de jouer avec les premiers venus alors elle scrute la salle avant que son regard ne se pose sur une grande blonde. Descendant de son tabouret – son verre toujours en main - et se dirigeant vers les queues suspendues au mur, elle l’apostrophe en passant à côté.

« Hé vous ! Ça vous brancherait une petite partie ? »

Pour la bonne cause.

Lancer des invitations au hasard, ce n’est clairement pas son genre à Cleo ; elle qui fuit les autres comme la peste. Mais puisque jouer au billard, c’est quand même mieux à plusieurs, ne serait-ce qu’à deux, elle se lance. Et c’est sans surprise que son dévolu se jette sur une femme. C’est qu’en dehors de son mari, elle ne fait toujours pas plus confiance aux hommes qu'avant. La lie de l’humanité et pourtant, le reste de l’humanité ne se trouve pas beaucoup plus haut sur son échelle. Dans tous les cas, ce n’est pas sans surprise qu’elle voit la femme se lever, acceptant de ce fait sa proposition et ajouter qu’elle doit être un peu rouillée puisque ça fait apparemment bien dix ans qu’elle n’a plus joué. Le tout en prenant la queue de billard que Cleo est en train de lui tendre. Cette révélation lui fait hausser les épaules.

« C’est pas grave, ça sera pas une compétition. »

Notamment parce qu’en matière de compétitions, elle n’est vraiment douée que derrière un écran. De télé ou encore d’ordinateur, elle se sent forte et peut aller battre à plate couture certains des meilleurs gamers qui existent – beaucoup d’hommes, on va pas se le cacher -, mais une fois sortie du décor sécurisant de son salon en revanche… c’est une autre histoire. Et c’est tant mieux car Cleo est plutôt du genre mauvaise perdante. La fille qui vous ruine la soirée si vous avez le malheur de gagner une partie contre elle. Là en revanche, puisqu’elle est dehors, dans le grand monde, elle préfère adopter cette attitude blasée qui lui colle à la peau à la seconde où elle met le pied hors de chez elle.
Soit, la jeune femme pose son verre sur le bord de la table et place les boules dans le triangle avant de le retirer.

« Je vous laisse casser. »

Puis elle retourne à son verre dont elle prend une gorgée. Quelque chose la chiffonne et elle observe la blonde un instant avant de finalement mettre le doigt dessus.

« C’est bien un accent écossais que je perçois chez vous ? »

Pas que ça soit si surprenant que ça ; elle n’est probablement pas la seule scottish de Nouvelle-Zélande mais elle ne se rappelle pas en avoir croisé d’autres jusqu’ici, quelle surprise… Quoi qu’il en soit, elle attend confirmation car ça fait si longtemps qu’elle a quitté le pays qu’elle pourrait bien se tromper.

C’est qu’elle a beau avoir passé plus d’années ailleurs qu’en Ecosse, elle est toujours douée pour reconnaître quelqu’un de chez elle, Cleo. Alors que de son côté en revanche, c’est plus difficile à deviner. Notamment parce qu’elle n’est ni pâle ni rousse. Et qu’elle a passé presque toute sa vie en Australie. On pourrait donc plus facilement la croire de là. Sauf qu’elle a ce pays en horreur depuis le jour où elle y a posé le pied alors elle revendique très souvent ses origines écossaises. Un sourire étire ses lèvres tandis qu’elle apprend que la blonde provient d’Aberdeenshire.

« Wouah, c’est carrément l’autre bout du pays, ça. Moi je suis d’Inverness. Ça fait plaisir de faire la connaissance de quelqu’un du pays. »

Faut dire que c’est rare. Toujours est-il que la femme tire. Mais trop fort et la boule blanche sort décide carrément de quitter la table. Ce qui l’amuse car elle n’a pas menti en disant être nulle. Cependant, il n’est pas question de se moquer ; si ça se trouve, elle va faire exactement la même chose au tour suivant. Après tout, elle est loin d’être un pro elle aussi. D’autant qu’elle n’est pas vraiment du genre à sortir tous les week-ends non plus. Au lieu de quoi, l’écossaise hausse les épaules. Avant que la blonde n’enchaîne directement sur un autre sujet : le fait qu’elle ne soit pas accompagnée. Tout en étant pourtant mariée. Ah, voilà qui soulève toujours des questions, comme quoi, les idées sur le mariage n’ont pas tellement changé.

« Vous trouvez ? J’emmène pas mon mari partout. Sinon on pourrait plus se supporter l’un comme l’autre. »

Elle pouffe sachant qu’elle exagère un peu étant donné qu’ils ne travaillent même pas dans le même secteur. Au fond ils ne font que vivre ensemble après leur journée de travail. Ce qui lui paraît tout de même bien suffisant. Elle revient vite fait sur le jeu de son adversaire du jour :

« Au moins ça prouve que vous êtes plutôt digne de confiance. »

« Plutôt » parce qu’on ne peut pas se faire une idée sur quelques minutes à peine. Surtout avec Cleo qui n’accorde sa confiance que très rarement, au fond et seulement après des années. A moins qu’on ne lui ait sauvé la vie, alors dans ce cas, ça peut éventuellement prendre moins de temps. Dans tous les cas, c’est à son tour de se mettre en position puis de jouer. Rien de fantastique mais aucune boule hors table, l’honneur est sauf.

Alors, comme ça son adversaire est aussi d'origine Écossaise. Comme quoi le monde est petit, même si ce n'est pas de la même région, cela reste tout de même du même pays. Cela fait un bout de temps qu'elle n'a pas croisé des personnes de son origine. Les dernières personnes dont elle a eu un contact rapproché et amicale c'était des Chinois et des Américains. Elle ne serait même plus parler gaélique correctement si on lui demander. Cela c'est perdu entre le désert du Gobi et le détroit de Luçon.


Le mariage, c'est un monde lointain et abstrait pour elle. Elle ne l'a jamais connue cette sensation d'être deux dans sa tête, elle ne la connaîtra sûrement jamais. Elle est trop vieille pour intéresser un homme. Elle sourit à la remarque, c'est vrais que la proximité constante ne doit pas être toujours facile. Sa grand-mère lui disait souvent que dans le mariage il faut savoir aussi garder son propre jardin secret. D'ailleurs elle se demande si elle en a un, si elle a eu le temps de s'en créer un.

- Je sais ce que cela peut faire de côtoyer H24 les mêmes personnes sur une longue période, même si on les apprécies, parfois on a juste envie de quitter le navire et de les envoyer balader. J'ai travaillée dans l'armée, vivre 24/24H avec des hommes, cela peut vite devenir agaçant, voir même lassant. Mais je ne savais pas que la vision du couple avait changé et était devenu plus détendu. Moi je sais que je n'aurais jamais pu sortir sans mon compagnon et encore moins toute seule.

La jeune femme, montre le jeu de billard dispersais sur le tapis vert en face d'elles. Elle pouffe amusée. Elle dit qu'elle est « plutôt » digne de confiance.

Confiance, c'est difficile de savoir si elle est une personne de confiance, on peut compter sur elle, ça c'est sûr, mais avoir confiance en elle, ça c'est une autre paire de manche, elle même ne fait pas confiance aux gens, elle sait à quel point les autres peuvent être violent, dangereux et traite.

Faire confiance à quelqu'un c'est accepté qu'un moment donné on peut lui laisser le pouvoir sur notre propre vie, lui donner accès à notre survie.

Elle a déjà donner sa confiance comme on lui à déjà fait confiance, mais ce n'est pas pour cela qu'il y a eu plus de survivant. Et cela n'aide pas plus à survivre. Elle tourne la tête discrètement vers les portes de sortie les plus proches et balaye des yeux la salle remplit de monde se soir. C’est à son tours de jouer. Elle tire est une boule de couleur bleu tombe dans un des trous.

- La confiance c'est quelque chose de personnelle, je pense. Qu'est ce que vous considérer être de confiance??? L'honnêteté, l'intéressement, le respect??? Ou savoir qu'une personne à laquelle vous tenez sera toujours là pour vous????

Elle pose la question car elle-même ne le sait pas. Elle prend une autre gorger de son verre pour finalement le finir d'un trait.

- Vous voulez quelque chose à boire ??? Je vais aller me prendre un autre verre.

Elle avait dit que cela serait son dernier. Mais il semblerait que la situation soit plus compliquée que cela en à l'air.

Rosemonde se détourne rapidement de la jeune femme, elle serre les dents, elle donne un coup d'œil sur son annuaire vide alors que son majeur orne une jolie bague où deux carpes koi se font face, elle sourit doucement. Elle ne connaîtra jamais probablement la sensation d'appartenir à quelqu'un. Pourtant, il en fallut de peu pour que cela soit le cas.

« Pour entuber les gens il faut d'abord être sur et certain que nous valons plus qu'eux, donc déjà c'est un mauvais début.»

Elle pose son verre sur le bar et demande deux autres verres, elle patiente pendant qu'on la serre à couder sur le bar vernis. Pendant que son adversaire continue de jouer dos à elle, elle lui fait confiance; quel est intérêt de tricher, il n'y a même pas d'argent en jeux. Tant mieux pour elle d'ailleurs, elle aurait été mal autrement.

Rosemonde récupère les deux verres que le mignon serveur vient de déposer devant elle, elle lui souris délicatement, ce n'est pas parce que l'on n'est pas d'humeur joyeuse que l'on doit être impolie.

Cela ne sert à rien de se lamenter se soir, elle devrait plutôt profiter de cette soirée pour penser à autre chose que son passé non glorieux et sanglant. Comme il y a certaine chose qui doivent rester dans l'ombre pendant quelle que heures.

« A vrais dire, je n'ai pas encore trouvé mon âme sœur, je ne suis toujours pas tombé sur mon compagnon. Mais peut-être que je le trouverais dans cette ville.»

Rosemonde tend le verre à sa compagne de jeux avec un sourire lèger, elle pose le sien sur le rebord de la table du billard pour reprendre sa queue puisque c'est son tour de jouer. Elle tire sur la boule orange, mais celle-ci tape dans la blanche et s'arrête nette contre le rebord. C'est un échec. Rosemonde hausse les épaules.

« Est-ce que cela vous dérangerez si on se tutois, je pense que cela permettrait d'être plus à l'aise ??? »

Hé ben dis donc, plus elle parle avec cette femme, plus elle se rend compte que ça n’a pas l’air d’être la joie pour elle non plus. A force de ne pas côtoyer grand-monde, Cleo en arrivait parfois à se convaincre que les autres autour d’elle ne souffraient pas. Comment pourrait-il en être autrement puisqu’elle les voyait toujours rire, toujours ensemble, toujours heureux. Du moins en apparence et comme elle n’est pas vraiment du genre à essayer de mieux connaître les autres que ça, voilà ce que ça donne. Alors évidemment, comme pour une fois quelqu’un s’ouvre à elle spontanément, elle l’écoute. Manque de confiance en soi, donc ? C’est triste, ça doit empêcher de faire tout plein de choses. Tout son contraire. Enfin, pas qu’elle se croit beaucoup mieux que la plupart des gens mais étant donné qu’elle les exècre, il vaut tout de même mieux qu’elle ait un tout petit peu plus d’estime pour elle-même, sinon à quoi bon de continuer de vivre, hum ? Toujours est-il qu’elle peut comprendre. Elle fait la moue.

« Vous trouvez que les gens en tant que groupe valent tellement que ça ? »

Ce qui, pour une fois, n’est pas un jugement de sa part mais une vraie question. C’est qu’elle, non. Ils sont bêtes, suivent le troupeau aveuglément, se complaisent dans leur médiocrité, indignes de confiance… Cleo pourrait continuer longtemps comme ça tant elle ne parvient pas à leur trouver de qualité. Encore moins d’excuse. Mais elle ne parlait jamais de ça. Pas en société en tout cas. Autant se remettre à jouer, donc. Sans tricher parce qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. De toute manière ce n’est pas la victoire qu’elle vise ce soir, uniquement le divertissement. Là-dessus, la blonde se dirige vers le comptoir tout en lui expliquant qu’en fait, elle n’a pas de compagnon. Ah mince, l’écossaise aurait cru que oui à la façon dont elle venait d’en parler.

« Je vous le souhaite si c’est ce dont vous avez envie. »

Pour une fois, elle est d’humeur enjouée. Pas de remarque cynique sur l’ « amour » et surtout le fait que ce sont des conneries et qu’on en a techniquement pas besoin pour survivre, juste un peu pour procréer. Mais comme tout le monde se sent obligé de peupler la terre de sa descendance, même ça, c’est inutile pour bien des gens. Quoi qu’il en soit, Cleo prend le verre qu’on lui tend.

« Merci beaucoup ! Non, pas de souci. Et d’ailleurs je m’appelle Cleo. »

Pourquoi pas aller jusqu’aux présentations puisqu’elles connaissent déjà pas mal d’autres choses l’une sur l’autre, hein ? Lorsque c’est à nouveau son tour, elle parvient enfin à faire tomber une boule dans un trou. Pas trop tôt, la première de la soirée !

Son adversaire au billard semble être douée tout de même, peut être qu'après cette partie Rosemonde vas peut-être briller à ce jeux. Ce n'est pas gagner mais qui sait, parfois les situations ne sont pas prévisible.

« Je m'appelle Rosemonde, mais tout le monde m'appelle Rose. Hommage à mon ancêtre mort à la bataille de Culloden. Le prochain verre c'est ta tournée si j'arrive mettre une boule. »

Rosemonde vas utiliser cette soirée pour évacuer ses envies de challenge, parfois quand l'étouffement de son passé est trop présent dans cette foutue vie civile, elle a besoin de retrouver un peux cette sensation d'adrénaline, même si dans des moments improbable. Elle souris derrière son verre de whisky, elle aime bien Cléo, de son nom, elle est fraiche et joueuse.
C'est rare de rencontrer des jeunes femmes, si libre et indépendante. Cette soirée prend une belle tournure, cela lui remonte le moral, qu'elle l'avait dans les chaussettes jusque là.

« Alors qu'est ce qui t'amène se soir ici ? Une journée compliquée ? »

Rosemonde sait qu'elle est un peux trop curieuse mais elle a toujours été comme ça, à vouloir tout savoir sur tout le monde, on dirait que c'est une déformation professionnelle. Plus connait ton adversaire, plus est facile de le battre. Le savoir c'est le pouvoir, on lui à toujours dit. Elle n'attend rien  d'elle, elle veut juste la connaitre un peux, il n'y a rien de mal à cela.

C'est à son tour de jouer. Rosemonde fait le tour de la table une fois, puis une deuxième fois, tentant de trouver un endroit pour tirer sa boule qu'il lui soit à son avantage mais elle avoue que cela à l'air mal barrer. Elle se décide finalement de le faire de l'autre côté de Cléo. Elle tire. Sa boule rentre dans le troue. Elle sourie, elle a gagner un verre gratuit.

«  Verre gratuit pour moi non ??? » Dit-elle avec humour.

Rosemonde. Wow, ça c’est du nom qui en jette. Mais qu’on appelle Rose. D’accord, Cleo range cette information dans un petit coin de sa tête. Avant que Rose décide subitement que si elle parvenait à faire rentrer une boule dans un trou au prochain tour, ça serait à elle de payer sa tournée. Boh, pourquoi pas ? Elle n’est pas vraiment du genre à offrir des tournées en temps normal mais ça, c’est surtout parce qu’elle n’a pas tellement d’amis. Et que les inconnus peuvent bien se brosser, jamais elle ne leur paiera un verre. Ni quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs. De plus, on peut dire qu’elle a du mal à se faire à l’idée qu’elle n’est plus dans la dèche et qu’elle peut se permettre de s’acheter ou même d’offrir à d’autres plus de choses. Bien qu’au fond, ça reste le même problème : s’acheter des choses, aucun souci mais pour ce qui est d’offrir en revanche, à qui ? Bref, un jour peut-être mais pas ce soir. Enfin, sauf en ce qui concerne le verre de Rose.

« Allez, on a qu’à dire ça, si ça peut t’inciter à mieux jouer. »

Cleo rigole, bien sûr. D’autant qu’elle ne peut pas tellement se permettre de se moquer au vu de sa propre performance. Là-dessus, son interlocutrice se demande ce qu’elle fait là ce soir, allant même jusqu’à supposer que la journée a pu être longue. Ç’aurait pu être le cas ; Cleo déteste le milieu dans lequel elle bosse. Elle adore son métier mais le porno, vraiment… Et pourtant, à une époque, ç’avait été le bon plan : ça payait pas trop mal – en tout cas assez pour qu’elle puisse prendre son indépendance – et surtout, ça ne demandait aucun diplôme particulier. Mais maintenant, après plus de quinze ans là-dedans, elle en a vraiment ras-le-bol. Ce qui explique que ses journées lui semblent parfois très longues, oui. Mais pas ce soir.

« Pas vraiment. Disons que j’avais envie de faire quelque chose d’autre, pour changer un peu. Et toi ? »

Car oui, ça l’intéresse. Notamment parce que la blonde a supposé qu’elle avait passé une mauvaise journée, c’est donc qu’elle en avait possiblement l’habitude elle aussi. Tout en la regardant tourner autour de la table pour trouver le meilleur angle d’attaque. Et ça paie puisque la boule termine effectivement dans le trou. La jeune femme se fend d’un sourire et va même jusqu’à applaudir.

« Bravo, t’as bien mérité ce verre ! »

Alors elle lève le bras, captant ainsi l’attention du barman qui hoche la tête en signe de compréhension tandis que c’est à son tour de de tourner autour de la table.

Rosemonde est prête à  se soûler se soir, jusqu'à oublier toute l'existence entière, peut importe si elle doit se ridiculiser ou bien même balancer des choses secrètes de toute manière tout le monde va croire qu'elle délire. alors elle peut aussi bien ce laisser aller. il n'y a pas d'ennemie dans les alentours.
La fête bat son pleins sur les tables à côté, elle perçois la chaleur et l'enthousiasme des gens autour, c'est fort agréable, il n'y a pas à dire, cela change de ses journées assez carré et simple, accompagner par des enfants et des murs blancs aseptiser, pas qu'elle n'aime pas son job du moment, mais elle avait oublier à quel point cela peut être clairement sympas de sortir entre potes pour juste déconner.

- Tu semble être clairement être douer au billard, ce qui n'est pas mon cas, mais on doit avouer que je me défend bien.

Rosemonde tire et marque un point, elle hausse des épaules nonchalamment, pas peu fière et sourie à sa compagne de jeu.

- Moi au début, je voulais juste retrouver le gout du whisky de bar, mais tout compte fait, me détendre et me mettre pompette ne serait pas de refus, on ne vit qu'une fois non ??? Cela ne fait pas sérieux de dire ça mais peut importe, on est là pour s'amuser non ???

La jeune femme attrape le verre qu'on lui tend avec plaisir, le bon vieux gout du whisky de bar. Cela la réchauffe de l'intérieure. La ramenant un instant à la maison, à la maison.
Elle est assez curieuse sur sa nouvelle amie, elle se demande qu'est ce qui c'est passé, qu'est ce qui la poussée à ouvrir la porte de se bar ce soir. Mais elle n'osera pas le demander, elle sait que parfois certaine chose doivent rester personnelle.

- A ton tours de jouer. Si tu gagnes je te paye un autre verre.

Elle se décale de la table de billard, pour aller s'assoir sur une chaise pas loin, autour d'une table. Elle aimerait bien grignoter quelque chose aussi.

En toute honnêteté, Cleo n’est pas le genre de personnes qui se saoule dans les bars pour oublier ses problèmes. Notamment parce que ses problèmes ne sont actuellement plus assez importants pour qu’on veuille les oublier à coups de verres de whisky mais aussi et surtout parce qu’elle a plutôt tendance à préférer picoler chez elle. L’écossaise ne va certainement pas nier son penchant pour l’alcool mais ce qu’elle trouve pathétique, c’est ce besoin de boire en « bonne compagnie ». Oui, elle juge généralement les gens qui font ça. Pas Rosemonde parce que, pour une obscure raison, elle lui est sympathique, mais tous les autres, oui. Non, le but est toujours de se divertir. Ce qu’elles sont en train de faire en jouant au billard. Ou essayent en tout cas car on ne peut pas vraiment dire qu’elles soient très douées l’une comme l’autre – c’est gentil à Rosemonde de prétendre le contraire, soit dit en passant. L’essentiel après tout, c’est qu’elles ne s’ennuient pas. La jeune femme médite sur la question quelques secondes – est-ce que l’expression « on ne vit qu’une fois » n’est pas une expression de vieux ou de personne irresponsable ? – avant de finalement approuver d’un hochement de tête : elles sont là pour s’amuser. De plus, Cleo n’a rien à craindre étant donné qu’elle ne se déplace qu’à vélo, elle ne risque donc pas d’accident de la route si elle rentre chez elle dans un état proche de l’Ohio.

« Dans ce cas, je vais tâcher de m’appliquer. »

Car un verre gratuit, ça ne se refuse jamais. Pas même lorsqu’il s’agit d’un type chelou aux intentions pour le moins douteuses derrière la proposition. Quitte à le laisser en plan à la seconde où le contenu du verre a été englouti. Bon, ça, c’est la théorie car dans la pratique, il est plus souvent arrivé à Cleo de refuser le verre avec un profond dégoût que de l’accepter. Mais là en l’occurrence, elle se sent plus que moins en sécurité. Tout ça pour dire qu’elle s’applique. A tel point qu’elle parvient à faire rentrer deux boules d’un coup. La jeune femme relève la tête vers sa compatriote, le regard brillant.

« Ça vaut pour deux verres, tu crois ? »

Mais non, ça serait trop simple. Dommage.

« Et sinon, ça fait longtemps que tu vis ici ? »

Ici, en Nouvelle-Zélande, s’entend. Bien qu’elle s’efforce de ne pas l’être, Cleo est quand même un peu curieuse mais il faut la comprendre, c’est pas tous les jours qu’elle rencontre quelqu’un du pays.

Rosemonde aime bien la compagnie de cette jeune femme, très fraiche et avenante. Son jeu est vraiment pas mal.
- Cela vaut effectivement deux verres, une préférence peut être ???
Rosemonde fait le tour de la table de billard pour se positionner au coin et essayer de tirer dans une boule qui lui appartient. Mais elle loupe la boule d'un millimètre.

- Bon il semblerait que c'était la chance du débutant. Dit-elle avec humour en haussant les épaules.  Je suis là depuis près de 6 mois, je suis arrivée directement de l'écosse. En fait je suis venu pour une raison précise et finalement j'ai l'intention de rester pour un petit moment. Et toi ???

Elle avoue qu'elle est bien ici, dans ce bled un peu perdus et calme, cela change clairement des endroits où elle à été. Elle aime beaucoup les gens aussi, très sympathique et avenant, cela change tellement de l'hostilité de la guerre où les ennemies sont partout. Elle comprend pourquoi Reuben avait parfois le mal du pays. Ici c'est comme une mini Angleterre un peu américaniser.

- Et toi ??? Tu es là depuis longtemps ??? Moi j'avoue que j'apprécie énormément d'être là.

Une préférence pour l’alcool ? Il est vrai qu’elle pourrait varier un peu, essayer l’une ou l’autre boisson plus féminines, des petits cocktails sucrés et colorés par exemple mais c’est pas vraiment son truc. Puis elle préfère rester au même alcool toute la soirée, ça évite d’être malade à cause de mélanges. Autant rester au whisky. Et de continuer de promouvoir fièrement leur pays, au cas où quelqu’un aurait encore douté de leurs origines. Bien que tout soit dans l’attitude ainsi que l’accent parce que sinon, on ne peut pas non plus dire que ça se remarque au premier coup d’œil. Ni pour l’une, ni pour l’autre. Cleo secoue la tête en ajoutant :

« Je préfère rester au Scotch. »

Puis elles discutent de depuis combien de temps elles se trouvent sur ce continent et plus précisément ce pays. Pas longtemps pour Rosemonde, environ six mois. Elle doit encore se faire aux changements, suppose-t-elle. Petit sourire lorsqu’elle parle de la chance du débutant. Même quand on n’est plus débutant, on se serre toujours de cette excuse, pas vrai ? La blonde tourne une fois de plus autour de la table, tâchant d’essayer de trouver le bon angle. C’est pas qu’il reste si peu de boules, c’est plutôt qu’elles sont pas mal éparpillées.

« Ça vient de faire trois ans. Mais j’ai quitté l’Ecosse encore enfant. Ensuite j’ai vécu à Canberra où j’ai rencontré mon mari. Lui rêvait de s’installer à la campagne, moi j’y étais pas encore prête du coup, on a coupé la poire en deux et on est venus s’installer ici. »

Ça reste une grande ville, à deux pas de la capitale, certes, mais c’est déjà plus agréable que Canberra. Cleo avait détesté cette ville ainsi que tous les souvenirs qui s’y rattachent. Raison pour laquelle elle ajoute ensuite :

« Ouais, c’est toujours mieux que Canberra, en tout cas ! »

Ne serait-ce que d’un point de vue purement climatique, l’Australie était un véritable enfer alors qu’ici, c’est juste qu’il pleut souvent. Un peu comme chez elles, en somme. Nouveau tir, nouvel échec pour la team Carter. Elle hausse les épaules, pas le moins du monde dépitée ; après le coup de bol qu’elle venait d’avoir, elle se doutait bien que ça n’allait pas durer.

« C’est cool si tu te sens bien ici. C’est vrai que c’est paisible, on se sent en sécurité. »

Parfois trop.