Comment ça il est pas frais mon poisson ?!?!

comment ça il est pas frais mon poisson ?! //
ft. Jimmy O'Reilly

Cauchemar en cuisine ! Le chef n’est pas là, il a un empêchement. Une partie de l’équipe manque à l’appel également, à cause d’une histoire d’infection alimentaire dans un fast-food. Résultat, c’est à Norah qu’on remet les clés du restaurant ainsi que la responsabilité de toute la bleusaille. Autant dire qu’elle est d’humeur massacrante, d’autant plus lorsqu’elle aperçoit tout le monde se marcher sur les pieds et se hurler dessus dans sa cuisine. Évidemment elle hurle à son tour, assez fort pour que tout le monde décide de mettre les bouchées doubles aux fourneaux. Mais rien n’y fait. Ils n’arrivent pas à communiquer, certains se retrouvent à un poste auquel ils n’ont pas l’habitude de se retrouver ou qu’ils détestent purement et simplement et c’est un véritable carnage qui se déroule en cuisine. Les clients sont nombreux à faire des commentaires désobligeants sur leur plat, leur dessert ou même sur l’addition que le restaurant se permet tout de même de leur proposer - il y a des bouches à nourrir, là, derrière. Cependant, un serveur revient fréquemment du côté des cuisines pour maudire un client en particulier, un type avec une vraie tête de con qui lui fait la morale chaque fois qu’il apporte un plat ou en débarrasse un autre. Ceux-là, Norah les déteste. Elle pourrait comprendre, vu la pagaille qui règne en cuisine, mais encore une fois, ce soir, ce n'est pas son soir. Il réclame des cassis ? Tant pis pour lui, il aura des framboises.

Le serveur n’en croit pas ses yeux, elle a vraiment osé. Il ronchonne, évidemment, parce que c’est surtout lui qui va avoir le droit de se faire incendier par ce fichu client. Il traîne un peu la patte pour revenir jusqu’à la table. Il tremble, ça se voit. En même temps, il n’a pas signé pour apporter la mauvaise commande à ses clients, tout comme il n’a pas signé pour se battre avec eux. Mais au fond, peut-être qu’il vaut mieux subir les foudres de ce petit con que d’avoir à se prendre un revers de main de la part du chef. Lorsqu’il arrive devant la table, il déglutit et dépose les deux desserts sur la table. « Avec… il s’éclaircit la voix. Excusez-moi. Avec les compliments du chef. » Bon appétit, bien sûr.

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ft. Jimmy O'Reilly

Le serveur sue à grosses gouttes, si bien qu’on pourrait remplir un seau. Tout un tas de pensées doivent lui traverser l’esprit, à commencer par le fait que son chef de ce soir, qui n’est même pas le vrai chef du restaurant, l’envoie prendre une balle pour tout le monde comme un éclaireur qui sortirait de sa tranchée. Évidemment, il se demande aussi si l’un des deux clients qu’il vient de servir, celui avec la tête de rat mécontent, n’est pas sur le point d’attraper le couteau à viande qu’il a oublié de débarrasser de la table pour vérifier si sa viande à lui est aussi tendre que celle de l’agneau de tout à l’heure. « D-Désolé, monsieur. Je ne fais que passer le message, c’est la pagaille en cuisine. », bégaie-t-il en froissant son tablier entre ses mains moites. Il aurait sans doute proposé à cet homme d’aller s’expliquer avec le chef s’il n’avait pas pris les devants. Le serveur n’a même pas besoin de lui montrer le chemin, il se débrouille comme un grand et au premier de se contenter de suivre. En cuisine, Norah est occupée à dresser un énième dessert, avec plus de zèle cette fois, alors que le serveur l’interpelle. « Ch-chef, Monsieur aimerait vous… vous toucher deux mots. » Elle lève les yeux et devine sans mal de quoi il s’agit. Un petit sourire narquois lui glisse sur les lèvres alors que le client vient régler ses comptes. « Pourquoi, y a un problème avec votre dessert ? » Hors de question qu’elle se démonte devant lui : des connards, elle en croise à chaque service et ce n’est pas parce qu’elle a de grandes ambitions pour “son” restaurant que tous les vautours du coin doivent se croire au Ritz. Il semble d’humeur combative, ça tombe bien puisqu’il ne manquait plus qu’un round ou deux de boxe en cuisine pour que la soirée soit un fiasco total. « Je les accepte vos critiques, regardez, je ne vous ai pas encore mis à la porte. Pour ma défense, l’équipe est loin d’être au complet ce soir et c’est difficile de s’organiser. » Ce qui, au fond, n’est pas une défense en soi : imprévu ou pas, ils sont tous censés tenir bon face aux vagues de clients qui viennent dîner. « Mais c’est pas une raison pour venir faire tout un cirque ici, si vous m’aviez faite demander, je serais venue. » Elle repousse son assiette fraîchement dressée, le serveur l’embarque. Maintenant qu’elle a un peu de répit avant l’arrivée des prochaines, elle croise les bras derrière son plan de travail et se consacre entièrement à ce petit con.