je ne pensais pas te voir ici (eden)

Il y a quelques jours, j’ai reçu un message de l’institutrice d’Elliot qui me demandait de la rencontrer un soir de la semaine, après l’école. Sur le coup, j’ai paniqué. Sûrement comme chaque mère, l’instinct maternel, tout ça. Depuis quatre ans maintenant, je fais de mon mieux pour qu’il ne manque de rien et savoir que j’ai pu passer à côté de quelque chose à l’école, ça me rend un peu folle. C’est bien pour cela que je demande à la rencontrer en début de semaine, inutile de me rajouter du stress supplémentaire à chaque jour qui passera. Le jour venu, je passe tout mon temps au café à me poser des questions, encore et encore. J’ai besoin d’être rassurée, mais ça ne sera pas le cas avant ce soir. Les autres jours, j’ai interrogé ma mère sur les raisons qui pouvaient pousser cette femme à vouloir me rencontrer : de toutes les personnes de mon entourage, c’était elle la mieux placée pour cela, elle a élevé cinq enfants, ce n’est pas négligeable. Mais maintenant que le rendez-vous se rapproche, je ne peux compter que sur moi-même et sur le temps qui s’écoule. Et étrangement, aujourd’hui, je vois les heures passer, les minutes même : j’ai l’impression que cette journée est interminable. Lorsque l’heure arrive enfin pour moi, je quitte mon tablier et donne les dernières instructions aux serveurs qui restent jusqu’à la fermeture. Je prends ensuite la direction de Ouest Bay, là où se trouve l’école. Exceptionnellement, c’est Lou qui a récupéré Leo de sa journée à la crèche. C'était mieux pour lui de rentrer directement chez nous, plutôt que de devoir supporter un rendez-vous de je ne sais combien de temps. Devant la cours de récréation, je retrouve mon premier garçon. Je le prends dans mes bras et le questionne sur sa journée. Il a l'air heureux, c'est déjà ça, ce n'est sûrement pas un problème avec ses camarades qui m'amène ici. J'attends que la foule se disperse un peu, avant de pénétrer au sein de l'école. Fier de pouvoir me guider, Elliot prend les devants et m'amène jusqu'à sa salle de classe. Je récupère sa main dans la mienne et viens frapper plusieurs coups sur la porte de mon autre poing. Derrière celle-ci, j'entends une invitation à entrer, alors j'ouvre et commence à m'avancer. « Bonjour, je suis la maman d'Elliot, nous avions.. » Rendez-vous. Mais avec ce que j'ai sous les yeux, je suis bien incapable de terminer ma phrase. « Eden ? » Les années sont passées, treize pour être précise, et pourtant, je n'ai pas l'impression qu'elle a changé. C'est même une certitude. Elle a toujours ce visage que j'ai dans mes souvenirs. D'ailleurs, peut-être que je l'imagine aujourd'hui. Mais pourquoi est-ce que je ferais ça ? Treize ans sans la voir, pourquoi je la rêverais là, ce soir. « Mais.. qu'est-ce que tu fais ici ? » Il n'y a sûrement pas douze mille réponses possibles à ma question, mais le fait qu'elle soit la personne avec qui j'ai rendez-vous ce soir me semble bizarre. Comment pourrait-elle être la maîtresse de mon fils sans que je le sache ? Il n'y a pas que ça. Comment pourrait-elle être en ville sans que je sois au courant ? Je travaille avec sa demi-sœur, qui est aussi ma meilleure amie, je serais forcément au courant. Non ?

Si je me suis imaginée beaucoup de scénarios pour ce rendez-vous, j’étais bien loin de la réalité. Croiser Eden ici, jamais je n’aurais pu le prédire. Ça n’aurait même pas figuré dans mes hypothèses les plus loufoques. Un peu maladroitement, je l’interroge sur la raison de sa présence ici. Une question qui s’avère un peu bête lorsque j’entends sa réponse. C’est vrai que la voir ici, dans cette salle de classe, ça rend la chose plus concrète. Même si ça continue de sonner bizarre dans ma tête. Lors du premier jour d’Elliot à l’école, j’ai fait connaissance avec son ancienne institutrice et j’étais loin d’imaginer qu’elle partirait. Le cas échéant, je pensais que j’en serais informée. C’est la moindre des choses, non ? Ou alors peut-être que cela a été dit et que je suis passée à côté. Quoiqu’il en soit, maintenant, il est trop tard pour me poser des questions à ce sujet. Eden évoque avoir fait une certaine connexion avec le nom du petit garçon, mais pas à en déduire directement que j’étais devenue mère. « C’est vrai qu’il n’y aurait rien d’étonnant à trouver l’un des enfants de Noah sur les bancs de l’école. » Même s’il y aurait peu de chances de le voir porter le nom de Wade, puisque mon frère ne serait sûrement pas au courant de son existence. « Ce n’est plus l’adolescent de l’époque. » Dis-je, sur le ton de la plaisanterie. Un peu de légèreté ne peut pas faire de mal dans ces retrouvailles. Entre nous deux, le petit garçon est un peu perdu, alors je lui indique d’un signe de la main d’aller s’occuper un peu plus loin. C'est sa salle de cours, il n'est pas dans l'inconnu, alors je suis sûre qu'il trouvera facilement de quoi faire : un coloriage qu'il a laissé un peu plus tôt, un jeu qu'il a l'habitude de faire. « Je suis un peu surprise, mais ça va. » Qui ne le serait pas à ma place ? Lorsque nous nous sommes quittées, nous l'avons d'un commun accord : en bons termes comme on pourrait dire aussi. Pourtant, nous ne nous sommes jamais revues depuis. Il y a même un moment où j'ai arrêté de prendre de ses nouvelles. « Treize ans, c'est dingue.. » J'ai vraiment du mal, du mal à me dire que de si nombreuses années se sont écoulées depuis la dernière fois. D'ailleurs, j'en oublie presque de lui retourner sa question. Heureusement, je le fais à temps, avant qu'elle ne pense qu'en treize ans, je suis devenue mal-polie. « Et toi, comment vas-tu ? Ça fait longtemps que tu es revenue ? » Marley va m'entendre. Comment a-t-elle pu ne pas me parler de ça ? Je l'ai même vu tout à l'heure et à aucun moment, elle n'a mentionné sa demi-sœur de retour en ville. Mon premier amour, ce n'est pas rien. J'aurais sûrement aimé savoir, pour ne pas paraître trop bête comme cela a sûrement dû être le cas il y a quelques minutes. Car ce n'est pas un fantôme et pourtant, c'est la sensation que j'ai eue en croisant son regard. Pour moi, nos chemins n'allaient plus jamais se croiser, nous allions simplement parler de notre histoire comme un bon souvenir.

Face à elle, il est difficile pour de cacher ce que je ressens. Surtout avec elle en réalité. Notre histoire remonte, mais à l’époque, elle faisait partie des personnes qui me connaissaient le plus. Les années ont passé, cependant, je ne pense pas que nous avons changé à ce point, alors elle doit toujours me connaître et donc comprendre certaines de mes mimiques. Rapidement après ma question, Eden m’indique être de retour dans le coin depuis quelques semaines. Ah oui.. quand même. Je pense que la surprise se lie aisément sur mon visage. Je m’attendais à ce qu’elle me dise quelques jours, une semaine grand maximum. Elle finit par évoquer Marley et sa réflexion rattrape un peu la mienne. « Je pensais aussi, mais visiblement, elle avait d’autres plans. » Lesquels ? Je l’ignore. Elle attendait peut-être de tâter un peu le terrain, pour voir comment je pourrais réagir. Mais elle était sûrement loin de se douter que sa demi-sœur me convoquerait aussi vite à l’école pour Elliot. D’ailleurs, en parlant de lui, la jeune femme indique que nous ne sommes pas là pour des retrouvailles, mais pour évoquer le cas du petit garçon. « Merci. » Dis-je, alors qu’elle complimente mon travail à son sujet. « J’ai donné tout ce que j’ai pu de mon côté, surtout pour sa peau halée. » Il n'a pas exactement le même teint que moi, il a aussi un peu de son père, mais on peut assurément dire que c'est mon fils et c'est bien là ce qui compte pour moi : je ne l'ai pas porté pendant neuf mois, élevé pendant quatre ans pour qu'il ressemble traits pour traits à Archie. « Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Rien de grave j'espère. » Je finis par me ressaisir un peu, un air plus grave dessiné sur le visage. Une convocation, ce n'est pas anodin. Cela aurait pu l'être, si elle avait su avant ce soir que j'étais sa mère, mais ce n'était pas le cas. « J'ai passé toute la semaine à me demander ce que j'avais pu rater. » Il y a de plus en plus d'histoires avec des drames dans les cours de récréation, alors très vite, je m'imagine le pire. Et s'il avait des soucis avec un autre enfant ? Et si quelqu'un lui faisait du mal ? Elliot ne m'a jamais parlé de cela, mais peut-être qu'il avait trop peur pour le faire. Peur des répercutions ou peur que ça me blesse d'apprendre cela. De toutes les théories que j'ai pu imaginer, elles sont toutes liées au relationnel, mais peut-être que je me trompe. Peut-être que j'ai raté quelque chose avec ses devoirs ou quoi. « Je crois qu'on n'arrête jamais d'avoir peur pour eux. » Je lâche cette phrase, accompagnée d'une petite grimace. Lorsque je suis devenue mère, j'ai signé pour ça, indirectement. Avec la joie, la fierté et l'amour décuplé. Bien sûr, on préfère toujours les moments heureux, mais Elliot n'a que quatre ans, je ne suis pas encore arrivée au bout de mes surprises avec lui. Quand ce ne sera plus l'école le problème, ça sera les filles, ou les garçons, et les sorties.

Même si ça me fait bizarre de me retrouver face à elle, treize ans après notre séparation, je dois me reprendre, car nous ne sommes pas ici pour nous, comme le dit justement Eden. Si nous sommes là, c’est parce qu’il se passe quelque chose avec Elliot. Bonne ou mauvaise ? Je l’ignore pour l’instant, mais assez facilement, j’imagine le pire. Ce n’était pas le but de la jeune femme qui, tant bien que mal, essaye de me rassurer. La raison de cette convocation est visiblement positive. Néanmoins, je reste un peu sur mes gardes. J’ai bien souvent connu le "oui, mais". Il y a toujours un mais, c’est bien connu. Ou peut-être pas. Eden continue son explication et aborde des facilités que semble avoir le petit garçon. Rien de dramatique pour l’instant, mais elle a peur qu’il finisse par s’ennuyer et qu’il se lasse de l’école, enfin ça, c’est ce que je déduis de ses propos. « Vraiment ? » Ce n’est pas quelque chose que j’avais imaginé. Elliot aime l’école, comme je le faisais à son âge aussi. Il prend plaisir à refaire les exercices qu’il voit à l’école la journée. Mais de là à avoir des facilités, il y a une grosse différence, non ? « Il ne s’est pas battu avec un camarade ? Il n’est pas laissé de côté ? » Je crois que pour le coup, j’extériorise. La pression redescend doucement et je lui expose sans vraiment m’en rendre compte, les pires scénarios que j’avais en tête. « Mais.. tu es sûre que ce n’est pas juste une passade. » Je devrais me réjouir et pourtant, je ne peux m’empêcher d’être inquiète. Même si c’est une bonne chose, ça reste quelque chose d’important et je ne veux pas prendre de décision hâtive pour lui. « Elliot aime bien faire des jeux autour de tout ça. » Dis-je, en montrant ce qui se trouve autour de nous. Les couleurs, les chiffres, les animaux. C’est un petit garçon curieux, qui prend plaisir à raconter aux membres de sa famille et aux employés du café ce qu’il a appris. Il est plutôt bien entouré, alors forcément, il répète beaucoup. C’est peut-être ça, à force de le dire encore et encore, ça lui rentre plus facilement dans la tête. « Qu’est-ce que tu proposes pour lui ? » S’il faut faire quelque chose, je serais partante. N’importe quoi. Le bonheur de mon fils, à l’école et en dehors, est ce qui compte le plus pour moi. Je ne dis pas que je prendrais une décision ce soir, mais ce n’est sûrement pas ce qu’elle attend de moi. Si nous sommes ici, c’est déjà pour en parler. On avisera ensuite pour mettre en place ce qui est nécessaire. En plus des conseils de la jeune femme, j’irai sûrement voir ma mère pour voir ce qu’elle en dit. Il faudrait sûrement aussi que j’en parle à Archie, cependant ça, ça voudrait dire le mettre au courant pour Leo et je ne suis pas certaine d’être prête pour ça.

Savoir qu'Elliot a des facilités, ça m'apporte deux sentiments. Celui de fierté, bien sûr, mais aussi celui de peur. S'il s'en sort ainsi, c'est que je n'ai pas complètement merdé avec lui. Cependant, c'est une grosse étape qui risque de chambouler sa vie, et si cela ne lui convenait pas ? Si Eden me propose cela, c'est qu'elle a sûrement bien dû y réfléchir. Elle aussi, elle pense au bonheur du petit garçon avant tout. Visiblement, il y a deux options qui s'offrent à nous. La première est celle de lui faire sauter une classe, la seule qui me soit venue à l'esprit. La seconde, c'est de lui proposer des ateliers et des activités adaptées pour lui, tout en le laissant dans sa classe. Je ne savais même pas que cela était possible, sûrement parce qu'au fond de moi, j'ai l'impression que c'est demander aux personnes de l'école de fournir plus de travail. Mon ancienne petite amie a déjà un avis sur la question, pourtant, elle ne me le donne pas pour l'instant. Elle évoque Archie, le père d'Elliot. Elle ignore ce qu'il s'est passé pour moi durant ces treize dernières années, ce qui comprend aussi que le père ne fait pas partie de l'équation. Pas toujours en tout cas. « Non, c'est bon. Pour ça, ça devrait aller. » Elle n'aura pas à répéter tout cela une deuxième fois. « Je suis la seule à décider pour lui. » Je le mettrais sûrement au courant de tout cela, dans un simple message, comme il a pu le faire pour souhaiter le dernier anniversaire de son fils. À partir du moment où il ne l'a pas reconnu, il a fait le choix de ne pas avoir le droit de donner son avis sur les grandes décisions qui touchent Elliot. Il est seulement mis au courant de ce que je choisis. « Tu as dit que tu avais un avis sur la question. C'est lequel ? » Nous nous sommes séparées, nous avons continué de vivre, de grandir chacune de nos côtés, mais je lui fais confiance. Si elle pense que l'une des deux options est meilleure que l'autre, alors c'est qu'elle l'est sûrement. « Celui de sauter une classe ? Et s'il se retrouve tout seul ? » Ils sont encore petits, alors le petit garçon devrait s'en sortir pour se faire de nouveaux amis. Mais les autres enfants se connaissent depuis plus d'un an maintenant, ça fait une différence. « Je pourrais peut-être lui poser la question. Son avis compte, non ? » C'est son métier, alors peut-être qu'elle a déjà été confrontée à une telle situation. Des enfants qui sautent des classes, ça n'arrive pas tous les quatre matins, mais ça doit bien arriver quand même. Peut-être qu'à son âge, lui laisser le choix est compliqué et qu'elle le sait : il a quatre ans, il ne comprendra certainement pas les enjeux de tout cela. Pourtant, je n'ai pas envie de lui imposer la moindre décision. C'est lui qui va devoir vivre avec cela, même si nous serons là pour le soutenir autant que nous le pourrons.

Notre famille n’est pas comme toutes les autres : quand les parents d’enfants sont convoqués à l’école, ils viennent généralement à deux. Ce n’est pas mon cas aujourd’hui et ça ne le sera pas toutes les autres fois. Le père d’Elliot n’est pas porté disparu, il l’a choisi. D’une manière qui sort un peu de l’ordinaire, puisqu’il est là quand il en ressent l’envie, sinon il est aux abonnés absents. Ce soir et pour les jours à venir, ça facilitera la chose : je n’aurais pas à me disputer avec lui si nous ne sommes pas d’accord sur la marche à suivre pour notre fils. Du coup, c’est un peu ironique, mais mon ancienne petite amie est la personne la mieux placée pour me conseiller. Comme je m’y attendais un peu, l’option qu’elle envisage est celle qui lui fait sauter une classe. C’est une grosse étape et ça m’effraie un peu. Et si ça l’est pour moi, ça le saura d’autant plus pour le petit garçon. Il est donc important de lui en parler. Enfin.. je ne fais que supposer, mais très vite la jeune femme me le confirme. Malgré son jeune âge, il préférera sûrement faire partie de cette décision plutôt que de devoir complètement la subir. Pour cela, pour la discussion et pour le choix final, j’ai encore un peu de temps. Même si je suppose qu’avec ce genre de choses, tout arrive très vite. La grande nouvelle maintenant abordée, la brune fait le choix de me lancer sur un autre sujet. Sur moi. « Ce que je deviens ? Je suis maintenant maman et autant te dire que ce n’est pas de tout repos. » Mais ça, ce n’est plus vraiment une nouveauté maintenant. Quoique.. pour l’instant, elle ignore encore beaucoup de choses sur cette partie là de ma vie, notamment le fait que j’ai deux garçons et non pas qu’un. « Sinon, j’ai acheté un café avec Marley, mais peut-être qu’elle te l’a déjà dit. » Je ne sais pas exactement où en est leur relation, comment ça se passe entre elles depuis qu’elles vivent dans des endroits complètement différents. Peut-être même qu’elles ne se parlent plus, je l’ignore. Comme elle l’a sûrement compris un peu plus tôt, nous ne parlons pas d’elle à chacune de nos conversations quand nous nous croisons avec sa demi-sœur. « D’ailleurs, tu devrais venir y faire un tour. Ce sera peut-être plus approprié pour parler de nos vies respectives. » Nous sommes au calme ici, c’est vrai, mais ça sera certainement mieux autour d’une boisson. Là où la pièce qui nous entoure n’est pas remplie de dessin d’enfants. « J’offre le premier café. » Je ne propose pas cela à n’importe qui, il faut qu’elle en profite. Peut-être qu’au fond, c’est une manière pour moi de mettre toutes les chances de mon côté pour la revoir.

Nous sommes ici pour Elliot, mais une fois la conversation à son sujet terminée, la jeune femme me questionne sur ce que je suis devenue depuis la dernière fois où nous nous sommes vues. Treize ans, c’est long. Il s’en est passé des choses, mais je décide de ne pas tout lui dire maintenant, surtout pas ici. Une salle de cours, pour enfants, ce n’est pas très intime comme lieu. Je ne dis pas que nous avons besoin d’un lieu particulier pour l’être. Cependant, je saute sur cette occasion et sur celle du café pour lui proposer de nous revoir. Pour l’établissement, je ne lui apprends rien puisque visiblement, Marley lui en a déjà parlé. Cela la concerne tout autant que moi, c’est donc normal qu’elle en parle avec les membres de sa famille. Néanmoins, je remarque qu’elle est plus bavarde sur certains sujets que sur d’autres. Peut-être qu’elle savait que les choses seraient plus simples entre Eden et moi si nous ne savions pas que nous étions de retour dans la même ville. Sans ça, nous nous serions posées beaucoup de questions. Trop de questions. À première vue, la jeune femme semble accepter ma proposition, mais elle s’inquiète de ne pas m’y voir. « J’y passe beaucoup de temps. » Il y a donc beaucoup de chance pour qu’Eden tombe sur moi. « Lui aussi. Après l’école. » Dis-je, alors que je montre le petit garçon de la tête. Là-bas, tout le monde le connaît. C’est l’un des petits princes du café et ça lui plaît d’être au centre des attentions. « Alors si tu viens quand je ne suis pas là, je vais croire que tu ne tiens pas à me voir. » Je lui offre un sourire, accompagné d’un regard taquin. Je ne veux pas m’imposer à elle, alors si elle ne vient pas au café, pas pour me voir en tout cas, je ne lui en voudrais pas. Eden écrit quelque chose sur un post-it avant de me le donner, son numéro. Je n’avais pas besoin de cela, car même si je ne lui parle plus depuis longtemps, cette suite de chiffre n’a jamais quitté mon téléphone. Nous avons mis fin à notre histoire, oui, mais je ne l’ai pas rayé de ma vie pour autant. « Tu me raconteras ce qu’il s’est passé de ton côté. » De nous deux, je suis la seule à avoir parlé pour l’instant. Pourtant, je suis sûre qu’elle a beaucoup de choses à me raconter aussi. « Et je te dirais ce qui est ressorti de notre discussion à tous les deux. » La décision ne sera peut-être pas encore prise à ce moment-là, mais au moins, le sujet aura été abordé. « Nous n’allons pas t’embêter plus longtemps. Tu as sûrement d’autres choses à faire. » Du travail à faire peut-être. Quand la journée se termine avec les enfants, une autre commence. Enfin je suppose que c’est comme ça. Quoique.. c’est peut-être différent quand les enfants n’ont que quatre ans, il n’y a pas de contrôle à préparer ou à corriger. Ou alors quelqu'un à retrouver. « Tu viens Elliot. On y va. » Le petit garçon pose le crayon là où il l’a pris, court jusqu’à Eden pour lui offrir le dessin qu’il a fait, et finit par glisser sa main dans la mienne. « À bientôt. » J’offre un dernier sourire à mon ancienne petite amie, avant de partir par là où nous sommes arrivés.