c'est bien calme (marley)

C’est rare, mais il arrive, par obligation, que nous nous retrouvons toutes les deux, avec Marley, derrière le comptoir. Généralement, c’est quelque chose qui arrive les jours de forte affluence. Sinon, bien sûr, il arrive que l’on se retrouve toutes les deux ici quand l’une ou l’autre décide de squatter l’endroit durant son jour de repos. Néanmoins, aujourd’hui, c’est assez bizarre. Le mercredi, la journée des enfants, est généralement plus chargée. Mais il faut croire qu’il se passe quelque chose ailleurs, car le café est plutôt vide. « C’est bien calme cet après-midi. » C’est agréable de pouvoir se poser un peu et de profiter de l’endroit sans avoir à courir, cependant, cela veut aussi dire que la journée sera moins prolifique. Si ce n’est qu’aujourd’hui, ça va. Mais il ne faudrait pas que ça se reproduise pour le reste de la semaine, sinon nous allons finir par mettre la clef sous la porte. Je me rapproche de l’endroit où sont exposées les pâtisseries à vendre et j’en prends une entre mes mains, un croissant avec des pépites de chocolat. Ce n’est habituellement pas dans la culture néo-zélandaise, mais derrière, en cuisine, ils s’activent pour faire de nouvelles choses et pour faire découvrir à ceux qui ne quittent jamais le pays les petits plaisirs d’ailleurs. Alors que j’arrache un morceau avec mes doigts pour le porter à ma bouche, je tends le reste à ma meilleure amie au cas où elle voudrait y goûter aussi. « Alors cette chambre, est-ce que tu as trouvé quelqu’un pour l’occuper ? » Ce n'est pas la première fois que j'entends mon amie parler de mettre l'une des chambres de la maison qu'elle a hérité en location, pour gagner un peu d'argent, mais aussi pour que la maison soit un peu plus remplie. Cependant, récemment, elle a remis ce sujet sur la table, bien décidée de trouver quelqu'un. Les personnes qui cherchent un logement en ville ne sont pas rares, néanmoins, il faut pouvoir tomber sur la bonne, surtout quand il s'agit d'une cohabitation comme celle que propose Marley. Ici, ce n'est pas qu'un appartement que tu laisses aux mains de quelqu'un d'autre. Chaque jour, elle va tomber sur cette personne – sauf ermite, mais je doute que ce soit ce qu'elle recherche – alors elle doit pouvoir bien s'entendre avec. « Sinon, comme je te disais, tu peux prendre Elliot plusieurs fois par semaine. Pour avoir du bruit dans la maison, tu en auras avec lui ! » Je pense pouvoir dire que j'ai assez bien élevé mon fils. Il y a des fois où il n'en fait qu'à sa tête, mais il reste quand même rare qu'il se mette à crier dans toute la maison. Cependant, il est facile de savoir quand le petit garçon est là : il est du genre pipelette et aime beaucoup montrer que maintenant, il sait parler comme un grand. Étant sa marraine, Marley est au courant de cela et même si elle le supporte certains soirs, quand elle le garde pour le plaisir ou pour me dépanner, je pense qu'elle acceptera volontiers de me rendre mon fils quand il lui aura raconté quinze fois l'histoire qu'il a vue en classe. Même si finalement, pour ça, c'est aussi auprès d'Eden qu'elle peut se plaindre.

Même si c’est étrange d’avoir un tel calme dans la salle principale du café, cela nous permet au moins de pouvoir discuter un peu, sans le bruit de fond qu’il y a habituellement. Surtout qu’en plus des tables vides, la plupart des serveurs sont partis soit en pause, soit en cuisine pour essayer de piquer les éventuels gâteaux ratés qui ne seront pas mis en vente, nous laissant vraiment seules ici. Pour commencer, je décide de l’interroger au sujet de la chambre qu’elle souhaite mettre en l’occasion pour se faire un peu d’argent à côté des revenus que nous apporte le café. Par chance, elle semble avoir trouvé quelqu’un, une personne qui est pour l’instant en période d’essai. Je ne sais pas si c’est vraiment conventionnel, mais Marley est la propriétaire de la maison, alors elle peut bien faire ce qui lui chante. Cette personne, une jeune femme, lui a été proposée grâce au bouche-à-oreille. C’est sûrement mieux comme ça : si elle a été suggérée par sa cousine, il sera sûrement plus facile pour ma meilleure amie de lui faire confiance. Disons que c’est une sécurité en plus par rapport à quelqu’un qu’elle pourrait rencontrer via un site de petites annonces. D’après ce que la brune me dit, cette femme est assez énergique, ce qui a le don de me faire rire. Marley n’est pas du genre plan-plan, mais je suis sûre qu’avoir une telle personne sous son toit va la changer un peu. « Elle pourra prendre soin de toi quand tu vieilliras. » Je ne suis pas certaine que leur cohabitation ira aussi loin, mais l’idée de voir ma meilleure amie âgée, qui demande à cette jeune femme d’aller lui faire des courses, ça me fait rire. Concernant ce trait de caractère et sûrement tous les autres qui suivront, Marley reste lucide : si ce n’est pas elle, alors ce sera quelqu’un d’autre. Il n’y a pas d’urgence pour que cette chambre soit occupée et si jamais plusieurs personnes défilent chez elle, ce n’est pas grave, l’important c’est qu’elle trouve chaussure à son pied. Alors que la brune s’éloigne un peu pour se servir un verre d’eau, elle me propose, avec des gestes, si j’en veux un aussi. « Je veux bien. » Après un peu de sucre, ça ne fait pas de mal de s’hydrater un peu. Même si les pâtissiers veillent toujours à ne pas avoir la main lourde au niveau des sucrants. En plein milieu de notre conversation, une sonnerie se fait entendre sur mon téléphone et aussi surprenant que cela puisse l’être, Marley fait le rapprochement avec LoveMaker. « J’ai suivi ton conseil : je me suis inscrite sur l’application. » Dis-je, tout en récupérant mon téléphone que j’avais déposé sur le comptoir un peu plus tôt. « Mais rien de très probant pour l’instant. » Ou alors peut-être que je suis trop exigeante. Pour l’instant, je n’ai pas accepté le moindre rendez-vous, préférant échanger avec les personnes avant pour m’assurer qu’il ne s’agit pas de psychopathes ou de pervers. Il faut croire que pour l’instant, beaucoup finissent dans cette case. « Le sosie d’Archie est venu me parler. Je l’ai bloqué directement. » Soit c’était lui et dans ce cas, mon geste reste celui qui était à faire – je ne dois pas retomber dans ses bras, soit ça ne l’était pas et alors là, le hasard ou plutôt le destin se joue de moi. Me renvoyer à la figure mon ancien petit ami, le père de mes enfants, c’est petit. « Je ne suis pas certaine d’être faite pour les applications de rencontres. » Pourtant, si Eden l’est, pourquoi pas moi ?

Rapidement, nous abordons le sujet de sa chambre à louer. La jeune femme semble avoir trouvé quelqu’un et ça me réjouit, surtout si c’est une personne qui lui a tapé dans l’œil. La brune est une personne qui attire facilement la sympathie. C’est une bonne chose bien sûr, mais ça peut aussi se retourner contre elle. Là, grâce au bouche-à-oreille, je n’ai aucun doute sur la fiabilité de cette personne. Le calme au sein du café permet aussi à ma meilleure amie de repérer cette sonnerie un peu différente des autres. Il s’agit d’une application de rencontre, LoveMaker, et d’après ce que je vois sur mon écran, je viens de recevoir un message d’une personne intéressée pour me rencontrer. Ce n’est pas le premier que je reçois, mais bien souvent, je coupe court à la discussion. Je ne sais pas, je crois que les gens sont devenus bizarres. Ou alors, c’est moi qui suis devenue un peu trop ringarde. Il faut dire qu’on peut tomber sur tout et n’importe quoi dans de telles applications, c’est pour cela qu’il est important de savoir prendre du recul avant de dire oui à un premier rendez-vous. Un soir, en naviguant, je suis tombée sur une personne qui m’a fait penser à mon ancien amant et je ne manque pas de l’indiquer à ma meilleure amie. Cette information l’horripile, mais j’essaye de la rassurer un peu. « Non, je ne pense pas. J’ai précisé que j’avais deux enfants, alors j’ose espérer qu’il m’aurait parlé de ça si c’était lui. » Il n’a pas toujours été le plus brillant en mathématiques – l’argent et l’entreprise de son père l’aident pour gagner sa vie sans forcément être un expert dans son domaine, mais j’ose espérer qu’il ferait le rapprochement entre notre dernière nuit ensemble et l’âge de Leo. Quoi que.. la vie du petit garçon est plutôt belle pour l'instant, je n'ai pas très envie qu'il rencontre Archie et qu'il se demande à son tour, tout comme Elliot, quand est-ce que son père passera le voir. Néanmoins, même si ce n'était pas vraiment lui sur LoveMaker, je crois que ce profil m'a un peu déprimée et maintenant, je suis un peu pessimiste au sujet de mon avenir sur cette application. Je pense que je ne suis pas faite pour cela. Marley essaye un peu de me rassurer et affirme ne pas m'avoir poussé à m'inscrire dans l'optique que j'y trouve l'amour de ma vie. S'amuser un peu, ça peut le faire aussi. « Tu as sûrement raison. » Même si ça fait maintenant plusieurs jours que j'ai l'application sur mon téléphone, je reste novice en la matière. Qui sait, bien caché quelque part, il y a peut-être un profil qui me conviendra un peu plus. « Depuis Natalia, je n'ai eu personne. C'est un peu triste. » Peut-être que je fais peur. C'est la seule solution que je vois à mon désert amoureux. Je ne suis pas répugnante, non ? Il faut dire aussi que j'ai été occupée depuis ma séparation, avec les deux garçons et aussi avec le café. Ça ne justifie pas tout, mais cela excuse beaucoup quand même. Être mère célibataire et propriétaire de son propre établissement, ce n'est pas de tout repos. Sinon, il y a bien eu ce baiser avec Eden, chez elle, au dîner où elle m'a invitée, mais avec les cocktails et les verres de vin que nous avions bu, nous n'étions pas vraiment maîtresses de nos actions. Ou alors, c'est l'excuse que j'essaye de me trouver pour ne plus avoir à y penser. D'ailleurs, en parlant d'elle, maintenant que Marley a remis sur la table le rendez-vous qu'elle a eu ici, je décide de continuer dans ce sens. « Elle ne t'a pas parlé de son rendez-vous ? » Ce n'est peut-être pas une bonne idée de me lancer là-dedans, mais tant pis.

M’inscrire sur une application, je ne sais pas si c’était vraiment une bonne idée. Disons qu’après avoir vu Eden au café avec cette femme et poussée par Marley, ça me semblait être une évidence. Mais les jours sont passés et malheureusement, les matches n’ont pas vraiment été extraordinaire. Il y a bien quelques personnes avec qui j’ai échangé, mais pour le reste, je me suis contentée d’ignorer. Je suis peut-être un peu trop compliquée ou alors, je ne sais juste pas me servir d’une telle application. Si Marley m’en a parlé, c’est peut-être qu’elle s’y connaît un peu plus que moi et je pourrais toujours lui demander des astuces plus tard. Sinon.. autre possibilité : c’est que je ne sais plus y faire. On ne doit sûrement pas rouiller comme ça, mais ma dernière relation remonte à plus de six mois. J’y croyais vraiment avec Natalia, néanmoins, j’ai fini par comprendre que cette relation prenait le même chemin que celle avec Archie et ça m’a un peu refroidie. Est-ce que je peux être dégoûtée de l’amour juste à cause de mes mauvaises expériences ? Je ne l’espère pas, car dans le fond, je suis une romantique dans l’âme. Lorsque Marley évoque Eden, je ne peux m’empêcher de m’intéresser au rendez-vous qu’elle a eu au café. Visiblement, l’institutrice ne lui a rien dit et selon elle, c’est une bonne chose – façon de parler, car ça veut dire qu’il n’y a pas vraiment eu de coup de cœur. Enfin ça, c’est la conclusion de ma meilleure amie. Peut-être qu’Eden ne veut simplement pas que sa demi-sœur se mêle de sa nouvelle relation avant d’en savoir elle-même un peu plus à ce sujet. Le soir où nous nous sommes revues, Eden et moi avons tenu à fuir toutes les questions que Marley pouvait nous poser : ce n’est pas pour rien que je me suis dépêchée de déposer Elliot chez elle. Après ça, la jeune femme me demande si la finalité de ce fameux rendez-vous m’intéresse. « Non, non. » Au moins, j’essaye de m’en convaincre. C’est déjà ça. « Mais.. elle m’a parlé de sa dernière relation. Ça ne s’est pas très bien terminé pour elle. » Ça, je ne lui apprends sûrement rien. Même si les choses n’ont pas fonctionné entre nous à cause de la distance, jamais je n’ai souhaité le malheur de mon ancienne petite amie et c’est toujours valable aujourd’hui. « Alors j’espère qu’elle sera plus chanceuse la prochaine fois. » Peu importe avec qui c’est. Que ce soit avec cette femme au café ou bien une autre. Est-ce que j’aimerais que ce soit moi ? Je ne sais pas trop. Au fond de moi, je ne peux pas nier que la revoir m’a fait quelque chose. Mais on n’oublie jamais vraiment son premier amour. C’était peut-être juste ça et puis, nous sommes deux dans cette histoire et il n’y aurait rien de bizarre à ce qu’Eden désire rencontrer quelqu’un de nouveau.

Même si ça me ferait bizarre de voir Eden avec quelqu'un d'autre à Island Bay, je dois me rendre à l'évidence que cela arrivera sûrement un jour. Si c'est avec la femme qui était ici l'autre jour, avec elle, qui suis-je pour la blâmer ? Elle était magnifique et pourrait parfaitement être mon genre aussi. Comme je l'indique à ma meilleure amie, je ne souhaite que son bonheur, alors si ça doit être avec quelqu'un d'autre, ça le sera. Je ne suis même pas sûre d'avoir une chance encore. Je l'ai eu il y a plus de dix ans maintenant et je l'ai laissé filer, alors que j'aurais dû me battre. Pourtant, à l'entendre, Marley ne semble pas du même avis que moi. « Qui aime les enfants ? Je peux savoir pourquoi ? » Aux dernières nouvelles, Eden n'a pas d'enfant. Elle a bien ceux de l'école, mais une fois sa journée terminée, elle les rend à leurs parents. « La subtilité, ce n'est vraiment pas ton truc. » Dis-je, soupirant légèrement. Je finis par rire de ce qu'elle vient de dire : on ne la changera pas. Concernant le rendez-vous, la jeune femme essayera de tirer les vers du nez de sa demi-sœur. Il ne faudra pas qu'elle force trop, ce serait quand même dommage qu'Eden se braque à cause de ça. Mais je ne doute pas des capacités de ma meilleure amie, secrètement, elle doit avoir suivi des cours d'espionnage au MI6 ou quelque chose comme ça. Cette phrase prononcée, la brune se rapproche de moi et me donne un coup de hanche. Lorsqu’elle me demande s’il y a quelque chose que je ne lui dis pas, je grimace un peu : Marley me connaît trop bien. Mais l’inverse est aussi vrai, c’est bien ça que je sais que je ne pourrais pas lui mentir trop longtemps. « J’ai embrassé Eden. » C’est plutôt direct comme révélation, mais autant arraché le pansement d’un coup sec, non ? Je n’ose même pas relever mon visage vers mon amie. De peur de ce qu’elle pourrait dire ou de la joie que je pourrais lire sur son visage à ce sujet : la finalité de tout cela est sûrement bien loin de ce qu’elle pouvait espérer. De ce que je pouvais espérer aussi. « Comme tu le sais déjà, j’ai été manger chez elle l’autre soir. » Il y a plusieurs mois maintenant, deux pour être précise. D’ailleurs, je me demande comment j’ai fait pour tenir si longtemps sans lui dire. Peut-être qu’au fond, j’étais un peu honteuse de tout cela, de comment les choses se sont passées avec l’institutrice. « Nous avions un peu bu et alors que nous dansions, notre chanson est passée et je me suis un peu laissée emporter. »

Marley n’est pas dupe et voit clair dans mon jeu : je lui cache quelque chose. En réalité, c’est assez dingue qu’elle découvre cela que maintenant. Deux mois sans éveiller le moindre soupçon, je pense que c’est un record pour moi. Je ne dis pas que je commencerais cela, mais le fait que la brune n’apprend qu’aujourd’hui pour le baiser que j’ai échangé avec sa demi-sœur est sûrement une bonne chose : j’ai eu le temps de digérer un peu cette soirée qui s’est terminée d’une façon bien moins agréable qu’elle n’avait commencé. Néanmoins, quand Marley évoque le fait d’être déjà au courant, mon visage se décompose. Est-ce qu’Eden lui a déjà parlé de cela ? Cette information me laisse un peu sur le cul, car de nous deux, je ne pensais pas que l’institutrice serait la première à en parler. Peut-être que j’ai un peu trop traîné finalement. Cependant, alors que la brune continue de parler, je comprends enfin : elle ne parle pas d’un événement récent, mais bien de l’histoire que j’avais avec Eden il y a plus de dix ans maintenant. Après mon tour, c’est le sien de comprendre ce qui est en train de se passer – ou plutôt, ce qui s’est passé il y a plusieurs mois. La nouvelle surprend Marley et elle accepte de mettre de côté le fait que j’ai attendu si longtemps avant de lui en parler, au moins le temps d’avoir un peu plus d’informations. Ça ne me surprend pas réellement, je me doutais bien qu’elle n’ignorerait pas le fait qu’il y a eu autant de mystère autour de ce baiser. « Ce fut assez court. Elle a mis fin au baiser et a dit qu’elle ne pouvait pas faire ça. » Dis-je, pour mettre des mots sur la réaction d’Eden. En gros, elle m’a repoussé. Enfin.. je crois. Ce n’était pas aussi violent que cela pourrait le laisser croire et puis, c’était justifié. Alcool ou non, je n’avais pas à faire ça. Surtout pas en connaissant ce qui lui est arrivé en Angleterre. Comme le souligne ma meilleure amie, c’était peut-être encore trop tôt pour elle. Après plusieurs années avec quelqu’un, qui a fini par la tromper, il est normal que la jeune femme préfère ne pas se relancer directement dans quelque chose. « Pourtant, elle était là, avec cette femme. » Je grimace un peu pour accompagner mes paroles. C’est peut-être un peu dur de ma part, mais je pense que pour le coup, c’est la jalousie qui parle. Ce baiser s’est passé avant ce rendez-vous, alors forcément, c’est un peu difficile à avaler. Après ça, comme promis, Marley revient sur l’affront que j’ai pu lui faire et ce que je mérite en retour. « Est-ce que tu vas lui faire pareil ? En y réfléchissant bien, nous avons été deux à garder ce secret. » Est-ce que le fait de ne pas être seule dans cette histoire me rend moins coupable ? Pas sûre. Mais au moins, j’essaye. « Je te laisse me choisir un rendez-vous sur l’application. Je suis presque sûre que c’est pire que l’épisode des glaçons. » Même si Marley pourrait prendre son rôle de meilleure amie au sérieux et me trouver quelqu’un qui pourrait me correspondre, elle pourrait aussi se venger en m’obligeant à passer du temps avec quelqu’un qui m’ennuierait.

Je ne sais pas pourquoi ce simple rendez-vous me met dans un tel état. Après tout, si Eden n'était pas de retour en ville, je n'espérerais rien pour nous. Elle ferait sa vie à l'étranger et je ferais la mienne ici, comme ces douze dernières années. Alors pourquoi est-ce si différent maintenant ? Est-ce que la revoir a réveillé quelque chose en moi ? Peut-être. Mais ça peut tout aussi bien être quelque chose qui n'est pas vraiment réel. J'ai aimé la jeune femme, c'est la première personne qui m'a fait ressentir ce genre de choses, alors forcément, elle sera toujours spéciale pour moi. C'est peut-être ça qui m'aveugle aujourd'hui et qui me fait croire qu'une relation est encore possible entre nous. Pour élucider ce mystère, j'aurais dû attendre et non pas l'embrasser quand j'en ai eu l'occasion. Mais maintenant, il est trop tard pour faire marche-arrière et je ne peux qu'attendre que les choses reprennent leur place de manière naturelle – si cela est possible. Une chose est sûre, je dois arrêter de me prendre la tête avec tout ça, surtout ici, avec Marley, qui ne peut pas parler pour sa demi-sœur. En revanche, elle peut vouloir se venger de ce secret que j'ai gardé pour moi pendant plusieurs semaines et ça, elle ne se fait pas prier. Pour que nous soyons quittes, je lui propose de choisir quelqu'un pour moi sur l'application LoveMaker. Je ne sais pas si nous ferons vraiment jeu égal avec ça, mais je suis sûre que l'idée de pouvoir mettre son grain de sel dans tout cela lui fera plaisir. Elle récupère mon téléphone, le déverrouille et commence à scroller l’écran. Impuissante, je me contente de la regarder, espérant au plus profond de moi qu’elle fera un bon choix. Après plusieurs minutes, celui-ci se porte sur une fille a qui je n’ai visiblement pas répondu. Ce n’est pas une légende, je ne sais pas y faire avec ce genre d’application. Au mot "vilaine" qu’elle prononce, je hausse légèrement les épaules. Sans attendre mon approbation – pourquoi est-ce que je lui donnerais ? –, la brune envoie un message et me rend mon téléphone. « Ça va, ça aurait pu être pire. » Je pensais qu’elle allait prendre quelqu’un de plus loufoque. Quoi que.. si je n’ai pas pris la peine de lui répondre, c’est qu’il y avait sûrement une raison. J’espère que ce n’est pas une psychopathe. Il faut se dire aussi, que depuis le jour où elle a essayé de me contacter, peut-être qu’elle a trouvé l’amour et qu’elle a supprimé l’application. Ce serait le pied ! Pour elle, bien sûr. « Je te tiendrais au courant. Enfin.. peut-être. » Je ne sais pas comment les choses vont se passer dans les jours à venir. Peut-être qu’elle répondra et que j’irai à un rendez-vous avec elle. Peut-être que ça me plaira et que ça me fera du bien. Ou tout à l’inverse, peut-être qu’un événement fera que rien n’ira plus loin. Attendons et voyons. La porte du café s’ouvre et une personne vient trouver le calme qui planait dans la pièce. « Je m’en occupe ! » J’ai besoin de bouger un peu, ça me changera les idées. Et puis, tant que cette fille ne répond pas au message envoyé par Marley, il n’y a pas de raison pour que je reste scotchée à mon téléphone. Un large sourire sur les lèvres, je demande à cet homme ce qu’il désire prendre et je laisse ma meilleure amie vaquer à ses occupations.