Cooking together ! Alex & Romi

Si je me suis mis à la cuisine d’abord en autodidacte, je n’en oublie pas moins que la transmission permet le meilleur des apprentissages. Maintenant que Maël est devenu mon associé, il est plus simple pour moi de m’absenter pour participer à des ateliers de cuisine histoire de choper quelques idées pour le Food Truck.
Cette fois-ci, c’est un de mes fournisseurs locaux qui m’a conseillé un atelier qu’il mène avec un chef du coin. La thématique : La cuisine anti-gaspi. En gros, l’idée est d’apprendre à ne rien gâcher en cuisine en utilisant les parties d’aliments qu’on aurait tendance à jeter habituellement et de les sublimer. C’est vrai que pour avoir testé le restaurant bistronomique spécialisé dans l’anti gaspi que possède le chef, c’est assez bluffant !

A mon arrivée, le chef est en train de terminer la mise en place des plans de travail. Des fruits, des légumes mais aussi du fromage par exemple… Le programme s’annonce étonnant. Je me présente et m’installe à un des postes disponible. “Tu es Alexander n’est-ce pas ? Max m’a beaucoup parlé de toi !”. Pendant que nous échangeons quelques instants sur nos connaissances personnelles, les autres participants s’installent.
“Vous serez en binôme pour cet atelier, je vous laisse faire connaissance avant de commencer !” annonce-t-il en reprenant sa mise en place.  
Les binômes commencent à se former et je reste seul seulement quelques instants. En effet, quelques secondes plus tard, un jeune femme brune entre dans les cuisines alors qu’elle est encore en train de nouer son tablier. Elle vient rapidement prendre place à mes côtés.
“Salut !”. Un grand sourire s’affiche sur mon visage. “ On va faire équipe du coup ! Moi c’est Alex et toi ?” lui dis-je en lui adressant une main amicale.

cooking together
crédit/ tumblr ✶ w/alexander

Être à l’heure, je sais habituellement faire, mais aujourd’hui, j’ai l’impression que tout est contre moi. Lilly malade, il a été compliqué de la préparer dans les temps et après ça, sur le chemin qui me menait chez mes parents, des travaux ont ralenti – voire même bloqué – la circulation. Par chance, quand j’arrive enfin sur le lieu où se déroule l’atelier de cuisine, je remarque qu’ils n’ont pas encore commencé. Je dépose mes affaires dans un coin et enfile le tablier laissé à ma disposition. Alors que j’entoure la lanière autour de moi pour la lier, un homme s’approche de moi. Je commence par penser qu’il s’agit de l’un des organisateurs, mais très vite, il se présente comme mon binôme pour aujourd’hui. « Enchantée. Romi. » Dis-je, un large sourire sur les lèvres. Mon tablier accroché, je viens me saisir de sa main pour le saluer. Je regarde rapidement autour de nous, tout le monde semble échanger avec quelqu’un : je suis visiblement la seule à être en retard. « Est-ce que tu as quelques connaissances en cuisine ? » Personne n’est à l’œuvre encore, alors je suppose que nous avons un peu le temps pour discuter. Dans un atelier de cuisine, il est normal d’aborder cela avant même de parler du reste. « Je me suis un peu inscrite à la dernière minute, alors j’ignore s’ils ont mélangé tous les niveaux. » Et surtout, lors de mon inscription, je ne me suis pas occupée de ça. Je voulais venir pour cuisiner et non pour m’affronter avec des cuisiniers plus ou moins doués que moi. Depuis que j’ai appris à cuisiner, pratiquer est devenu un plaisir et je compte bien faire en sorte que ça continue aujourd’hui. « Je connais les bases. Ma famille et mes collègues disent que je m’en sors plutôt bien, mais je suis loin d’ouvrir un restaurant gastronomique. » Aujourd’hui encore, ce n’est pas pour cela que je suis ici : je veux juste me perfectionner. L’idée de pouvoir utiliser tout – ou presque – de nos ingrédients, c’est super, surtout dans une caserne où le gaspillage est parfois trop présent.

cooking together
crédit/ tumblr ✶ alexander &  @Romi Hallenstein

S’il y a quelque chose qui me passe au-dessus de la tête, c’est le côté très élitiste de la cuisine. J’aime la gastronomie, les alliances de bons produits, les passionnés… mais j’ai beaucoup plus de mal avec le côté sectaire du domaine. Heureusement, je sais où j’ai mis les pieds et pour le coup, ce n’est pas du tout l’ambiance de l’atelier. La question n’est pas de savoir le niveau de chacun. De toute façon, pour participer à un atelier de ce genre, il faut déjà avoir un petit bagage en cuisine et si ce n’est pas le cas, ce sera une belle entrée en matière via cette thématique.
Vraisemblablement, la sympathique jeune femme qui sera mon binôme n’a pas l’air au courant de l’état d’esprit de l’atelier.

“Je suis chef dans un Food Truck dans South Bay, le False Truck ça s’appelle, peut être que ça te dit quelque chose ! Mais si ça peut te rassurer, j’ai repris l’affaire il y a seulement quelques mois et pour tout te dire, j’ai jamais pris un cours de cuisine donc tu vois, tout comme toi, je viens apprendre !”. Je ponctue ma phrase d’un clin d'œil amical histoire de la rassurer concernant cette histoire de niveaux.
“On va s’aider mutuellement, j’en suis certain !”.  Je suis convaincu que tout un chacun à quelque chose à apprendre à autrui et en l'occurrence, je suis sûr que ce sera le cas pour Romi.
“Gastro ou pas, je crois que le seul pré-requis içi c’est d’être passionné donc tu as surement ta place, je me trompe ?”

Le cours commence avec une introduction sur les origines de la cuisine anti-gaspi, comment elle s’est démocratisée et surtout, comment les grands chefs s’en sont emparés. Parce que oui, ce mode de cuisine dans l’air du temps a malgré tout une vraie portée environnementale. Elle permet de penser chaque aliment comme un tout, rien ne se perd, tout se cuisine, voilà le crédo de Duncan.
“On va commencer par les carottes… Jusque là, vous devriez tous savoir ce qu’est une carotte ! Généralement, on trouve au supermarché des carottes dépourvues de leurs fanes mais ici, c’est pas le cas ! Et oui, big news, les carottes, ça possède des fanes et ces petites feuilles qu’on aurait tendance à jeter et bien on peut les sublimer. Je vous propose d’en faire un pesto !”

L'excitation et la surprise se lit sur mon visage... J'y peux rien, c'est la passion qui veut ça ! La passion et aussi l'idée d'apprendre un truc nouveau, que je me ferais un malin plaisir à présenter à Maël, mon commis et accessoirement presque petit ami, ainsi qu'aux clients du truck. "Va pour le pesto alors !" dis-je à l'attention de mon binôme. Je lui tends un des couteaux de cuisine une fois le feu vert donné par notre intervenant. "Je lave les fanes et tu coupes ou tu préfères que ce soit moi qui perde un doigt en premier ?" dis-je sur le ton de la plaisanterie.

cooking together
crédit/ tumblr ✶ w/alexander

À arriver un peu en retard, je suis rapidement mise dans le bain : j’ai à peine le temps de relever la tête que mon binôme s’adresse à moi. Par chance, il a l’air gentil et les premiers mots que nous échangeons n’annonce que du bon. « Chef dans un Food Truck ? » À entendre cela, j’ai l’impression d’avoir gagné le gros lot. Mais rapidement, le jeune homme essaye de s’enlever un peu de prestige. C’est sûr qu’à côté d’un cuisinier de renom, qui fait cela depuis des années, il passe pour un petit joueur, mais à côté de moi, il a plutôt la classe. « Je crois que j’ai tiré l’élève modèle du groupe. » Bien sûr, il n’y a pas de pression à avoir. Comme il le souligne, nous sommes ici pour le plaisir et non pour faire un concours. Cependant, avec quelqu’un qui fait cela à longueur de journée, je me dis que j’apprendrais sûrement un peu plus. Il connaît les bons gestes et certaines règles importantes en cuisine. Ce petit échange terminé, nous nous avançons légèrement pour écouter ce que l’organisateur de cet atelier a à dire. Ce n’est pas vraiment une grande surprise quand je l’entends parler d’utiliser pour une recette ce que nous avons pour habitude de jeter. Après tout, nous sommes ici pour ça : apprendre à cuisiner avec le maximum d’un ingrédient pour ainsi éviter de remplir inutilement les poubelles. Bien qu’originale, la recette qu’il propose me semble dans nos cordes. Dans les miennes, c’est sûr, alors je suppose que ce sera un jeu d’enfant pour Alexander aussi. Le briefing terminé, nous rejoignons la place qui nous est réservée. Face à nous, nous trouvons des ustensiles et les ingrédients dont nous aurons besoin. Pour commencer, il faut laver les fanes et les couper grossièrement. Il me propose de s’occuper de la première étape pour me laisser la deuxième, avant de se rétracter pour me laisser le choix. « Si tu pars dans cette optique, il est peut-être mieux que je les lave. Je suis pompier, alors je saurais sûrement quoi faire si tu t’évanouis suite à un morceau de doigt en moins. » Dis-je, avant de rigoler légèrement. Passer les fanes sous l’eau, ça ne sera pas compliqué. Rapidement, je m’exécute et les laisse ensuite à disposition de mon binôme. Je jette de nouveau un coup d’oeil au texte devant nous et remarque que nous devons  peler et hachée des gousses d’ail. Si je m’occupe de la première étape rapidement, alors peut-être que le jeune homme pourra enchaîner et les hacher après les fanes. « Il faut de l’ail, je peux peut-être m’occuper de cela en parallèle. » En réalité, je n’attends pas vraiment d’approbation de sa part. Je me saisis d’un couteau et des gousses que je commence à peler.

cooking together
crédit/ tumblr ✶ alexander &  @Romi Hallenstein

Pour le coup ce n’est pas tant la difficulté de la recette qui est notable mais plutôt son originalité. J’ai déjà goûté du pesto dans sa version la plus banale mais non moins délicieuse lorsqu’elle est bien préparée, mais avec des fanes de carottes, c’est une première. D’ailleurs, ça à quel goût une fane de carotte ?  
La cuisine et moi, c’est d’abord une affaire de passion. En apprenant en autodidacte la cuisine, je m’encourageais à dépasser mes propres limites et à atteindre des objectifs assez audacieux. Il faut dire que certaines assiettes que j’ai pu sortir auraient sûrement pu être servies dans un étoilé mais voilà… le destin en a voulu autrement. Je ne regrette absolument pas d’avoir emprunté le chemin qui m’a mené jusqu’au Truck ! Alors oui, c’est pas la même chose qu’un restaurant mais qu’on se le dise, jamais les anciens propriétaires ne m’auraient laissé reprendre ce monument de la gastronomie mobile à South Bay s’ils ne m’avaient pas reconnus une qualité certaine pour la cuisine. “Modèle j’sais pas, mais en tout cas j’suis toujours chaud pour apprendre des nouveaux trucs ! Il y a deux semaines j’ai suivi un atelier sur la cuisine moléculaire, c’était dingue ! Bon… pas sûr que je puisse sortir ça de suite au Truck mais qui sait… ça peut toujours servir !”

Nous nous attaquons finalement aux premières étapes de la recette. Romi me laisse en charge de la mission couteau pendant qu’elle s’occupe de les laver. « Si tu pars dans cette optique, il est peut-être mieux que je les lave. Je suis pompier, alors je saurais sûrement quoi faire si tu t’évanouis suite à un morceau de doigt en moins. »
“Ah mais t’es pompier ?” La surprise se lit sur mon visage. C’est à la fois inattendu et en même temps une bonne surprise de voir quelqu’un en dehors du milieu s'intéresser à ce genre d’ateliers. “Pardon pour mon air étonné, c’est juste qu’on croise plus souvent des personnes en reconversions ou des chefs que des pompiers dans ces ateliers ! Mais c’est plutôt une bonne nouvelle pour mes doigts… ET pour ta caserne d’ailleurs ! Je suppose qu’ils vont pouvoir profiter de tout ce qu’on va apprendre aujourd’hui ?”. Pendant que je m’emploie à couper les fanes d’une manière assez technique, Romi propose de s'atteler à l’ail. “Dis moi si je deviens un peu trop intrusif mais je suis curieux… comment t’as fini par atterrir dans cet atelier ? Attends, laisse moi deviner, t’es pompier le jour et cuistot la nuit ?”.
Je lève le nez vers le chef qui nous explique l’étape suivante avant de mettre le tout en application. Je m’occupe alors de râper le parmesan dans les bonnes proportions et de le déverser enfin dans le robot mixeur avec les fanes de carottes.

cooking together
crédit/ tumblr ✶ w/alexander

Les consignes données, nous sommes maintenant laissés autonomes pour faire la recette – en cas de besoin, le chef n'est pas loin, mais il ne devrait pas nous être utile dès le début. Alors que nous commençons à nous activer derrière notre plan de travail, nous faisons aussi connaissance, en quelque sorte. Même si ça ne va durer que quelque minute, nous allons devoir travailler ensemble, alors autant faire en sorte que nous nous connaissions un minimum. « Tu ne me trouves pas assez musclée ? » Dis-je, amusée suite à sa réaction. Visiblement, il ne m'imaginait pas travaillant dans une caserne. Je ne suis pas vexée, il n'a pas de soucis à se faire là-dessus – il n'est pas le premier à trouver cela étonnant. Néanmoins, je trouve cela adorable qu'il cherche à se justifier : pour lui, il s'attendait à des personnes qui travaillent ou vont travailler dans le domaine de la cuisine. « Exactement. Je pense que ça ne pourra pas leur faire de mal, à eux et à moi. Nous avons souvent tendance à faire des plats rapides et donc très caloriques. L'idéal serait de trouver des recettes simples à faire qui peuvent nous apporter tous les nutriments nécessaires, sans que nous ayons envie de dormir juste après. Un vrai challenge ! » Il faut que nous mangions pour éviter un quelconque problème en intervention, mais je suis sûre que nous pouvons le faire plus sainement et si en plus de ça, nous pouvons le faire de manière écologique, alors c'est juste parfait. Nous commençons à nous atteler à nos deux tâches respectives et Alexander m’interroge sur comment je suis arrivée là. « Tu n’es pas intrusif et puis, nous avons du temps devant nous. » Bien sûr, nous pourrions passer les prochaines minutes dans le silence, mais ça ne ferait que ralentir le temps et tout deviendrait sûrement beaucoup plus gênant. « Malheureusement non, il n’y a rien d’aussi palpitant pour occuper mes nuits. » Quand je ne suis pas à la caserne, j’essaye de mettre ce temps à profit pour dormir, quand Lilly accepte de dormir aussi. « J’ai lu un article à ce sujet. J’ai appelé et on m’a dit qu’il restait des places, alors je me suis inscrite. » C’était peut-être un peu fou de faire cela, mais depuis la pseudo mort de Laurel et le décès de ma femme, j’ai appris à vivre sans me poser trop de questions. « Et toi ? Est-ce que tu comptes ajouter des lignes au menu de ton Food Truck ? » Si je veux apprendre de nouvelles choses pour en faire profiter mes collègues, le jeune homme doit bien avoir une raison aussi, qui justifie sa présence ici. Avec le temps, a-t-il découvert que ses clients devenaient de plus en plus exigeant sur la provenance et l’utilisation de ses produits ?

cooking together
crédit/ tumblr ✶ alexander &  @Romi Hallenstein

Ah les stéréotypes ont la dent dure ! Alex n’est pas du genre à en avoir pourtant, mais pour le coup, il ne s’attendait pas du tout à retrouver un profil comme celui de Romi dans une cuisine professionnelle. Mais visiblement, cette dernière ne semble pas lui en tenir rigueur et plaisante même à ce sujet. Je ne parviens pas à retenir un rire un peu gêné. Il faut dire que bizarrement, depuis que je me suis découvert une attirance folle pour Maël, chose inédite pour moi puisqu’il s’agit du premier mec qui me plaît, je me surprend à ne plus être aussi observateur qu’avant lorsqu’il s’agit d’autres individus. Où est donc passée ma physionomie légendaire ?
“J’avoue que la première chose qui me vient en tête quand on me parle des pompiers c’est d’abord le courage, si je me fiais à tes muscles, j’aurais pu t’imaginer… je sais pas moi… catcheuse et wonder woman à tes heures perdues !”. Bref, je tente de m’expliquer comme je le peux.

Je tente de comprendre alors les raisons de sa présence içi. Je pense comprendre que son rôle est assez important au sein de la caserne. Et oui, j’imagine que le fait d’être soudé est très important dans une caserne et quoi de mieux que la nourriture pour rassembler les êtres ? Sa quête me semble hyper intéressante: cuisiner de manière originale avec une contrainte d’apports calorique raisonnable, le tout en évitant de plomber l’estomac des pompiers.
“Mais c’est hyper intéressant, j’adore ! Ça me donnerait même envie de t’aider à relever le défi !”.
Une pile électrique, voilà comment mes proches pourraient me décrire. Je suis souvent preneur de nouveaux défis à relever, quitte à m’éparpiller un peu, mais c’est comme ça que je fonctionne.
“Tu me diras, c’est peut être pas plus mal, je suppose qu’être pompier c’est pas le métier le plus reposant du monde, pas sûr que ce soit méga compatible avec un second job !”

Pour moi, le défi est plutôt d’arriver à utiliser toutes ces nouvelles connaissances dans mes recettes de cuisine et visiblement, le sujet semble intéresser mon acolyte du jour.
“J’ai quelques plats fixes dans la semaine mais sinon, je crée mon menu en fonction de la saison et de ce que mes fournisseurs proposent ! Donc on peut dire que des nouvelles lignes, il y en a quasiment quotidiennement, donc tu comprends pourquoi je suis toujours preneur d’idées !” dis-je en ouvrant le mixeur dont je viens déverser le contenu dans un bol.
“Si t’as l’occasion, il faudra que tu viennes goûter ! Bon… je te garantis pas que ce sera aussi équilibré que tes plats à la caserne par contre !”. Au fond du robot, une accumulation de préparation s’est formée autour de la lame. En pleine discussion, je ne fais plus gaffe à mes gestes et ce qui devait arriver arriva… “Ah putain !” dis-je en ôtant rapidement ma main du robot. Au bout de mon index, des gouttes de sang s’échappent. Rien de très grave, une coupure comme en ont souvent les cuisiniers, mais ce n’est jamais très agréable !.

cooking together
crédit/ tumblr ✶ w/alexander

Je ne suis pas vraiment surprise par sa réaction, c’est sûrement ce qui explique pourquoi je ne prends pas la mouche. Si on regarde autour de nous, tous ceux qui sont là ont une vie plus posée ou un certain passif avec la cuisine. Personnellement, je n’ai jamais mis les pieds dans une école culinaire : tout ce que je sais, je l’ai appris de mes proches ou grâce à quelques vidéos sur internet – qu’est-ce qu’on ne ferait pas sans ce monde connecté. « Wonder Woman ? Je prends le compliment. » Dis-je, en rigolant un peu. De toute les personnalités, j’aurais pu être comparée à bien pire : elle est belle, forte et courageuse. Deux de ces trois caractéristiques sont importants dans mon métier, alors je prends. La discussion dévie rapidement sur ce qui m’a amené ici aujourd’hui. Il s’agit plus d’une motivation personnelle plus que professionnelle, même si tout ce que je vais apprendre pourra servir à la caserne. C’est à nous de faire à manger, entre deux interventions, et il est toujours bon pour toute l’équipe quand les plats sont fournis, mais équilibrés. Même si je pense comme ça, ce n’est pas forcément le cas de mes collègues : j’espère seulement qu’ils ne me détestent pas trop et qu’ils ne mangent pas en cachette dès qu’ils en ont l’occasion. Ma réponse donnée, je lui retourne la question, l’interrogeant sur ce que cet atelier pourra lui apporter. Chef dans son propre Food Truck, le brun m’apprend qu’il serait ravi de pouvoir ajouter des lignes à son menu, surtout si celles-ci lui permettent de consommer mieux les produits qu’il a. Travailler dans la restauration, ce n’est pas de tout repos et je n’ose pas imaginer tout ce à quoi il faut réfléchir pour se lancer dans une telle aventure. Tous nos ingrédients découpés, nous les mettons dans un robot mixeur et Alexander s’occupe de le faire fonctionner. « Avec plaisir ! Je suis toujours à la recherche de nouveaux endroits. » Dis-je, alors qu’il me propose de venir goûter ce qu’il fait, si jamais j’en ai l’occasion. Que ce soit avec mes collègues ou lors d’une sortie avec Lilly, je ne dirais pas non à un peu de gourmandise. Une fois la texture souhaitée obtenue, le jeune homme glisse le mélange dans un récipient. Alors qu’il cherche à vider complètement le robot, le cuisiner se coupe. Ce n’est sûrement pas la première fois qu’une telle chose arrive : dans son métier, c’est un risque à prendre. « Je vais finir par penser que tu tiens vraiment à ce que des pompiers viennent ici. » Je m’essuie rapidement les mains avec un torchon et lui tends. « Prends ça et appuie sur la plaie. » De ce que j’ai pu voir, ça devrait suffire. Ajouté à cela un pansement et il pourra reprendre l’activité. « En fait, tu voulais me faire travailler pour voir ce que je valais, dans l’espoir peut-être de m’engager à mes heures perdues. » Je plaisante, bien sûr. Pendant qu’Alexander est un peu sur le côté, je rajoute l’huile d’olive à la préparation. « Goûte et dis-moi ce que tu en penses. » Finalement, pour un premier atelier, c’était une recette assez facile. Originale et facile, que demander de plus ?

cooking together
crédit/ tumblr ✶ alexander &  @Romi Hallenstein

Les blessures sont courantes dans mon métier. Et même si l’expérience permet de les éviter au fur et à mesure, ce n’en est pas moins désagréable. Heureusement pour moi, la coupure est superficielle. Romi me tend instinctivement un torchon assez propre afin d’appuyer sur ma plaie pour stopper le saignement. Aussitôt, le linge s’imprègne des quelques gouttes de sang.
« Merci ! ».
Être en binôme était donc bien une belle idée. En effet, je profite d’avoir un binôme de choc pour aller jusqu’à la boîte de premiers secours dans laquelle je récupère un désinfectant et une compresse afin de désinfecter la plaie et éviter toutes infections.
Je reviens quelques secondes plus tard avec un pansement au bout du doigt.
« En fait, tu voulais me faire travailler pour voir ce que je valais, dans l’espoir peut-être de m’engager à mes heures perdues. »
« Ah quelle horreur ! Mon terrible plan est tombé à l'eau ! » dis-je façon Commedia Dell’ arte.

Nous sommes presque arrivés au bout de la première recette alors je décide de laisser Romi la mener à terme. J’en profite pour l’observer du coin de l’œil et je remarque rapidement que ses gestes sont précis et bien exécutés… il y a clairement un bon potentiel chez la jeune femme.
« On plaisante, on plaisante mais… tu sais que tu t’en sors vachement bien ? ». Il y a un début à tout et exécuter un mélange comme il se doit est une étape qui a une importance comme toutes celles qui constituent une recette. Sa dextérité est remarquable.
Elle approche finalement vers moi une cuillère remplie de notre pesto aux fanes de carottes réalisé à 4 mains (ou plutôt 3 mains et demie maintenant). J’approche doucement ma bouche de la cuillère et je viens goûter à cette sauce verte. Le goût est proche de celui du persil, différent du basilic de la recette originale mais tout aussi goûteuse. « Wow j’adore ! Vas y goûte !». Je l’invite donc à mon tour à tester cette fameuse préparation.
« Tu sais quoi, ça, c’est uniquement grâce à ton coup de main… ET a mon ingrédient spécial !» dis-je en levant mon doigt blessé.

C’est dans la joie et la bonne humeur que nous finissons cet atelier déroutant. Pour le coup, le destin a vraiment bien fait son boulot en faisant se croiser nos chemins. Nous sommes l’un et l’autre partis en échangeant nos numéros de téléphone, convaincus que nous collaborerons à nouveau autour d’une future expérience culinaire.

[FIN DU SUJET]