vie alternative - can you feel the love ? (tegan) mois du challenge

Profitant de la bouffée d’air frais que représente sa pause, Abby déambule dans les rues pour aller chercher à manger. Elle ne se prive pas d’acheter tout ce dont elle a envie car, même si elle n’aime trop manger pendant sa pause, la jeune femme a quand même besoin d’énergie pour pouvoir travailler correctement cet après-midi. Et surtout, elle ne prévoit pas de déjeuner toute seule. Précieuse cargaison dans son  large sac à main, Abby regagne le cabinet d’avocats où elle fait son stage. Souhaitant un bon appétit à la réceptionniste qui grignote une salade derrière son comptoir, la brune se dirige directement vers le bureau de Tegan, l’une des avocates du cabinet. « Maître Castillo » sourit-elle, avant de refermer la porte derrière elle. Une sensation de chaleur l’envahit dès qu’elle pose les yeux sur Tegan. Car pour elle, l’avocate représente bien plus qu’une collègue de travail, ou une amie rencontrée en Australie. C’est surtout la femme qu’elle aime, même si sur leur lieu de travail elles sont discrètes. « Tu m’as manqué » souffle-t-elle, soulagée de pouvoir s’exprimer librement dans le bureau fermé de sa petite-amie. Sans plus de détours, Abby s’approche d’elle pour déposer un baiser sur ses lèvres. « Ta matinée s’est bien passée ? » demande-t-elle ensuite, tout en commençant à déballer le contenu de son grand sac à main. « J’ai apporté le déjeuner. Ce que tu préfères, comme d’habitude. » Car rien ne lui fait plus plaisir que de côtoyer Tegan sur son lieu de travail, même si elles n’ont pas parlé à d’autres de leur couple. « Bon appétit ! » Elle s’installe en face de la Castillo, ravie de pouvoir partager un petit moment avec elle même si évidemment elles se voient déjà beaucoup en-dehors.

En apprenant que Tegan était tellement occupée par son travail qu’elle ne s’est pas rendu compte que c’était l’heure de déjeuner, Abby sourit. « Je te reconnais bien là : impliquée et assidue. » C’est d’ailleurs l’une des choses qu’elle aime, chez sa petite-amie, son côté travailleur. Elle aime la voir s’appliquer, se concentrer, évoluer. Malheureusement, ça veut aussi dire qu’elles ne peuvent pas forcément passer beaucoup de temps ensemble, mais ainsi va la vie. Et les moments qu’elles partagent toutes les deux la comblent, même s’il y a d’autres choses que la stagiaire regrette un peu. « Alors je vais m’assurer de toujours t’être utile » plaisante-t-elle, clin d’oeil complice à l’appui. Abby a beau savoir que sans elle, Tegan s’en sortirait très bien, ça fait toujours plaisir à entendre. « Et c’est toi qui m’adoucis. » Car elle doute que ses frères, ses soeurs et même ses meilleurs amis la qualifieraient d’ange, mais la métisse a l’impression de se transformer en une toute autre personne avec l’avocate. Et ce n’est peut-être pas tout à fait rationnel, mais n’est-ce pas le principe même de l’amour ? « C’est un plaisir. » Apporter le déjeuner à sa petite-amie, casser la croûte avec elle, Abby ne demande en réalité rien de plus. Ou si, peut-être qu’elle en voudrait un peu plus, mais c’est une autre histoire… Les stores qui se ferment en sont un autre rappel qui l’attriste légèrement, même si en réalité elle comprend très bien le pourquoi du comment. « Oui, merci pour le café, c’était adorable de ta part ! » C’est le genre d’attention qui la touche. « Ma matinée s’est bien passée, oui. Un peu ennuyeuse je t’avoue, j’ai surtout fait du classement et on m’a un peu cassé les pieds… Mais j’imagine que c’est le lot des stagiaires. » Elle n’aurait sûrement pas les mêmes problèmes si elle faisait son stage au service juridique des magasins Hallenstein, mais elle en aurait probablement d’autres. « Et toi, toujours aussi débordée ou ça va un peu mieux depuis ce matin ? Je peux peut-être te donner un coup de main ? »

« Tu es vraiment sûre qu’on a toutes les deux une réputation de dure à cuire ? » Un rire s’échappe des lèvres d’Abby. Elle aime la légèreté du moment. Quand elle est avec Tegan, tout lui semble mieux, joyeux, éclairé. Et en même temps, à d’autres moments, elle voudrait tellement que tout soit plus simple. Elle voudrait pouvoir l’embrasser sans avoir besoin de fermer les stores. Elle voudrait pouvoir débarquer au cabinet chaque matin main dans la main avec elle. Elle voudrait pouvoir dire à tout le monde que cette femme intelligente, belle et au bon coeur est sa bien-aimée. Parfois, le fait de devoir encore se cacher - ou rester discrètes, pour utiliser des termes plus doux - pèse lourd sur le petit coeur de l’étudiante en droit. La plupart du temps, elle arrive à se taire ; mais à d’autres moments, c’est plus difficile. S’efforçant de passer sur ce sentiment comme ça lui arrive de plus en plus régulièrement, Abby affiche un sourire pour masquer ça. « J’espère que ça va aller pour toi cet après-midi. » L’avocate est souvent chargée, mais il faut dire que ça fait partie du métier aussi. La métisse s’inquiète quand même souvent pour elle, à vrai dire. « Ce sera forcément moins ennuyeux, si je suis avec toi. » C’est la réalité pure et simple. Mais Tegan écarte le sujet en affirmant qu’elles verraient plus tard et, bien sûr, Abby comprend pourquoi elle ne dit pas vraiment oui. Même son regard devient fuyant, ce qui l’attriste. Elle décide néanmoins de suivre le changement de sujet de conversation… Pour l’instant. « Pas depuis que j’ai commencé mon stage ici. Je l’avais fait la dernière fois, c’était intéressant. Pourquoi, tu comptes me proposer ? » Tegan n’est pas sa maîtresse de stage, ce qui est bien dommage. Et en même temps, ce ne serait peut-être pas l’idée du siècle, même elle s’en rend bien compte. Décidant de poser la question qui lui trotte un peu trop dans l’esprit, la Hallenstein repose son plat de salade composée et sent les battements de son coeur s’accélérer un peu. « Tu penses qu’un jour, on pourra s’afficher librement ici ? »

Une boule de nerfs pendant l’audience, Abby parvient très bien à s’imaginer Tegan. Et ça la fait sourire, parce qu’elle la voit parfaitement se transformer en lionne pour la cause. « J’adorerais te voir, un jour. Je suis sûre que tu gères de fou. » Elle n’en doute absolument pas. Sa petite-amie est objectivement la plus douée, non ? Les choses se passent tellement bien entre elles. Un amour aussi pur, aussi profond, la métisse n’aurait pas cru le trouver un jour. Et pourtant, à vingt-et-un ans, elle est là, à partager toutes ces belles choses avec une femme absolument géniale. Mais des fois, elle doute. Car la contrainte majeure continue à peser sur ses épaules encore trop frêles. Alors quand elle pose franchement la question à Tegan, Abby appréhende forcément la réponse. Ses épaules s’affaissent un peu, tandis qu’elle se demande pourquoi elle s’est sentie obligée d’aborder le sujet maintenant. Car ça s’annonce difficile. « Tu veux dire que… Tu sais pas si j’en vaux la peine ? » Comme toujours, la Hallenstein se pose la question de la légitimité. Est-elle à sa place ? Mérite-t-elle d’être aimée ainsi ? Elle se l’est demandé toutes ces années vis-à-vis de sa famille en raison de son adoption, et maintenant ça se reproduit avec la femme qu’elle aime de tout son coeur. « Je comprends que nos carrières soient importantes. Tu es sur la bonne voie, il faudrait pas que je vienne gâcher ça. » Mais même si intellectuellement ça passe, il n’empêche que ça lui serre le coeur. « Je voudrais juste… Pouvoir te tenir la main en public. Montrer au monde entier à quel point j’ai de la chance de t’aimer. » Reposant sa fourchette, Abby réalise qu’elle n’a plus faim. Elle ne va pas pleurer, mais elle en a envie. « Je devrais peut-être changer de cabinet. Je trouverais un endroit moins prestigieux, mais… Ce serait plus simple pour nous. Pour toi. »

« Ce serait à la fois un plaisir et un honneur. » Défendre la veuve et l’orphelin aux côtés de la femme qu’elle aime, Abby ne demande rien de mieux. C’est un projet qui lui plaît énormément. Mais maintenant ? Dans l’immédiat, que peut-elle attendre de cette relation qui lui tient tant à coeur ? L’étudiante en droit n’a pas envie d’embêter l’avocate. Pourtant, elle ne peut s’empêcher de se poser des questions et d’en vouloir un peu plus. Alors c’est son coeur qui s’exprime tout seul, tandis que Tegan secoue la tête vivement. Abby se sent un peu rassurée par ses propos, pourtant ça reste difficile pour elle. Un peu triste, elle laisse son regard s’attarder sur sa petite-amie, laquelle s’efforce de s’exprimer au mieux. « D’accord. C’est… C’est adorable de ta part. » Ça la touche, même si elle ne sait pas très bien comment ça peut évoluer au quotidien sur leur lieu de travail. Combien de temps pourra-t-elle continuer ainsi ? Le plus possible, l’espère-t-elle. En attendant… Même si elle en voudrait davantage, la Hallenstein doit bien se contenter de ce qu’elle lui donne. Être avec Tegan est déjà une chance folle en soi. « Oui, j’aimerais bien partir avec toi. » Pouvoir lui tenir la main en public. Montrer à tout le monde qu’elle l’aime. C’est justement ce qu’elle souhaite, alors si elles sont ailleurs, elles n’auront pas besoin d’être discrètes. « Je vais réfléchir à des idées et on en reparle ce soir, d’accord ? » Elle a déjà quelques envies, mais elle est toujours un peu bouleversée par leur conversation. Alors après avoir déposé un baiser sur les lèvres de sa petite-amie, Abby se lève. « Je vais me remettre au travail. On se voit tout à l’heure. » Dernière caresse sur son bras, elle quitte le bureau de Tegan avec des sentiments mitigés.