just the two of us (kate)

Il est maintenant vingt heures passées et je suis toujours chez les Weaver. Ce n’était pas vraiment prévu dans mon planning, mais j’ai dû faire quelques ajustements. Enfin.. ça reste un bien grand mot, puisque pour être honnête, je n’avais rien de prévu ce soir. En quittant cette maison, je comptais simplement rentrer chez moi, sortir Flèche et finalement m’installer dans ma chambre pour prévoir un hébergement pour mon séjour à Cambridge, dans le nord du pays. Lorsque j’ai appris que ma journée serait un peu prolongée – sans savoir à quel point elle le serait –, j’ai passé un coup de téléphone à Malone, mon colocataire, pour lui demander de s’occuper de mon chien en attendant que je revienne. Je ne pense pas que Flèche aurait fait des siennes, mais je suppose qu’il est toujours mieux de prévenir que de guérir. Je me suis ensuite occupée d’Archie et d’Aiden. Même si mon travail s’effectue la majorité du temps dans l’après-midi et en fin de journée, je sais ce que leurs parents attendent pour le soir. Chacun leur tour, ils ont le droit à un bain, puis arrive l’heure du repas. Après ça, le plus petit des deux ne tarde pas à aller se coucher et son frère le suit, quelques dizaines de minutes plus tard – l’un des privilèges d’être l’aîné. Très vite, je me retrouve seule, dans le calme de cette grande maison. Comme quoi, ce n’est pas cette partie de la journée qui rend mon travail d’appoint compliqué. Une fois assurée qu’ils dorment bien et qu’aucun des deux ne tentera de m’amadouer en entendant la télévision allumée, je lance Netflix sur l’un des comptes enregistrés et choisis l’une des séries listées. Mon choix importe peu pour être honnête, puisqu’en parallèle de ce bruit de fond, je fouille dans mon sac et en sors un carnet, pour écrire dedans ce que je pourrais trouver concernant les hôtels à Cambridge. Concentrée dans mes recherches, je mets un certain temps à comprendre que quelqu’un est rentré dans la maison et que je ne suis plus seule. « Connor ? » Je viens me saisir de la télécommande et mets pause à la série en cours. Avec ce bruit en moins, mon hypothèse se confirme en entendant un bruit de clefs qui se posent. Je me lève du canapé et me dirige vers l’entrée, convaincu d’y voir mon patron. « Oh.. Kate. Bonsoir ! » C’est finalement sa femme qui se trouve face à moi. « Je suis désolée, je pensais que c’était votre mari. » À ces mots, je peux facilement voir l’incompréhension qui se dessine sur son visage. Merde.. le message qu’il m’a transmis n’a visiblement pas été remis à tous les destinataires. « Il m’a appelé un peu plus tôt : un empêchement ne lui permettait pas de pouvoir arriver à l’heure convenue. » Des deux personnes qui forment le couple, c’est lui qui était censé prendre ma relève. Alors avec ma réponse, en plus d’essayer de justifier ma présence ici, j’éclaircis un peu la situation. Il a sûrement été retenu au boulot, il n’y a pas de soucis à se faire : pas d’urgences, pas de visite à rendre à l’hôpital – surtout que pour ça, je suppose qu’elle aurait été la première prévenue. « Est-ce que votre journée s’est bien passée ? » Dis-je, alors que je viens éteindre la télévision et refermer le carnet qui était ouvert face à moi. La nuit est maintenant tombée, alors la blonde a certainement envie de me voir partir et d’être un peu tranquille avant l’arrivée de sa moitié.

la fatigue et le soulagement d'être enfin chez elle. c'est les seules choses qu'elle est capable de ressentir en ce moment, il y a aussi le mal de pied causé par ses talons neufs. parce qu'elle a quitté sa maison à quatre heures du matin à cause d'une urgence d'un client et elle la retrouve à presque vingt-et-une heures. elle est épuisée, mais le sentiment du devoir accompli est là et surtout elle sait que ses deux enfants sont couchés, bordés par leur père qui aura au moins fait semblant de s'inquiéter pour elle et lui aura préparé un dîner. pas qu'elle ait très faim, ça fait bien longtemps qu'elle se nourrit seulement par nécessité de fonctionner. elle pousse la porte kate dans un soupir de soulagement et retire ses talons qu'elle prendra soin de ranger plus tard dans son dressing. le manteau hors de prix est déposé sur le porte-manteau et elle s'apprête à défaire son chignon parfait quand une voix vient la surprendre. bonsoir andrea. elle ne capte pas tout de suite kate, que ce n'est pas normal que sa babysitteuse soit encore là et puis, la jeune femme continue et ça fait tilt. elle est là parce que lui non et évidemment il n'a rien dit. elle a presque envie de rire, se mord la lèvre pour que ça reste intérieur et que la jolie brune ne la prenne pas pour une folle ou ne comprenne pas les difficultés que traverse son mariage actuellement. un empêchement, je vois. elle voit parfaitement même. elle secoue la tête kate, pose sa main sur son front pour analyser la situation, prendre compte du nouveau mensonge et de ce qu'il cache et elle est en colère. car qu'il soit un mauvais mari est une chose, mais un mauvais patron et un père qui ne souhaite même pas assumer ses responsabilités en sont deux autres. non, non andrea, c'est moi qui suis désolée. je vous remercie d'être restée si tard et évidemment cela sera ajouté à votre salaire. elle avance dans sa maison kate, se dirige directement vers sa cuisine et attrape la bouteille de vin entamée qu'elle n'hésite pas à terminer dans un grand verre qu'elle porte à ses lèvres. là encore elle veut rire à la question de la brune, parce que non, sa journée n'était pas bonne, rien ne va, alors elle hoche la tête, logique. une journée comme une autre. elle ne veut pas lui parler de la pression de ses clients, d'avoir l'impression de gérer des adolescents et passer son temps à réparer leurs grosses conneries. elle ne veut pas en parler car elle ne veut pas y penser. j'espère que les garçons ne vous ont pas trop mené la vie dure ce soir. ces fils sont du genre facile à vivre, elle le sait, mais elle sait aussi qu'archie commence à tester les limites des uns et des autres et c'est ce qui lui a valu de devoir remettre les choses aux clairs avec lui pour la première fois il y a peu de temps. puis-je vous offrir un verre ? théoriquement, maintenant que je suis là, vous ne travaillez plus. elle tente un sourire et un attrape un second verre qu'elle remplit avant même d'avoir eu un retour et le fait glisser jusqu'à la brune avant de s'appuyer sur le plan de travail. puisque mon mari à l'air de préférer vous prévenir de son absence, vous pourriez me dire ce qu'il vous a dit très exactement ? elle porte une nouvelle fois le verre à ses lèvres sans quitter des yeux la femme face à elle. elle veut être certaine d'utiliser les mots exacts quand elle viendra le piquer dès le petit-déjeuner.

Je suis presque désolée d’être celle qui l’accueille ce soir. Pourtant, je n’y suis pour rien : tout comme elle, j’ai dû faire avec l’emploi-du-temps de son mari. Ma présence ici, aussi tard, n’était pas prévue, mais je n’ai pas de soucis à me faire, ils sauront me payer en conséquence. Je n’avais pas vraiment d’inquiétudes à ce sujet, ils sont plutôt honnêtes et vu la maison dans laquelle ils vivent, je suppose que ce n’est pas quelques heures en plus sur mon salaire qui vont les ruiner. La blonde s’avance dans sa maison et je la suis, quelques mètres en retrait. Par politesse et avant de partir, j’interroge Kate sur sa journée. À en voir sa réaction, ça n’a pas forcément été le pied. Mais qu’elle se rassure, je ne lui rajouterais pas plus de soucis ce soir. « Non. Vous avez des enfants plutôt gentils. » Dis-je, alors qu’un sourire se dessine sur mes lèvres à la simple pensée des garçons qui dorment profondément dans leurs chambres. Je ne suis pas ici depuis longtemps, mais le courant est naturellement passé avec eux et c’est toujours un plaisir de les garder – c’est toujours mieux que de devoir venir ici à reculons. Arrivées dans la cuisine, Kate me propose un verre de vin. J’aurais bien refusé, mais avant même qu’un mot ne sorte de mes lèvres, la coupe est déjà pleine. Merde.. Je la récupère et commence à laisser glisser mes doigts sur son pied. À défaut de le boire, ça me sert de distraction. Rapidement, je me fais surprendre avec la nouvelle question de la mère de famille. Elle me demande plus de détails sur l’absence de son mari et je me sens comme piégée. Est-ce que j’ai fait une bourde en lui disant cela ? Qu’est-ce que j’aurais bien pu faire d’autres de toute façon ? Ce soir, c’est lui qui aurait dû être là à l’arrivée de sa femme, pas moi, alors la blonde se serait forcément rendu compte de quelque chose, que je lui dise ou non. « Un dossier s'est avéré plus compliqué que ce qu'il pensait. Il devait revoir certaines choses avec des collègues. » J'essaye de me souvenir de notre appel, de ce qu'il a dit, mot pour mot, mais c'est un exercice qui s'avère bien plus compliqué que ce que je pensais. « Je ne suis pas très familière avec le langage que vous utilisez, dans vos boulots respectifs, alors je pense qu'il n'a pas voulu m'embêter avec les détails. » Et surtout, il n'avait pas à le faire. Je suis payée pour m'occuper de ses enfants, non pas pour connaître le moindre détail de sa vie. Mais peut-être que j'aurais dû être plus curieuse, histoire de rassurer Kate au maximum – même si j'ignorais que je me retrouverais à le faire : malgré un retard, il aurait facilement pu arriver avant elle. « Est-ce que vous avez faim ? J'ai préparé à manger pour le dîner et les garçons n'ont pas tout mangé. » Je donne l'impression de changer volontairement de sujet, ce n'est pourtant pas le cas. Disons juste que là, je suis un peu plus à l'aise à l'idée de parler de repas plutôt que de l'absence de Connor. « Rassurez-vous, je ne cherche pas à vous empoisonner ! D'après eux, c'était très bon. Mais j'ai malheureusement été un peu trop généreuse sur les quantités. » Un mal pour un bien si ça peut lui servir de repas et lui éviter ainsi de cuisiner. « Je peux vous réchauffer ça. » Comme elle tout à l'heure, je suis prête à bondir sur le réfrigérateur pour récupérer le plat et le mettre dans le micro-ondes. « Je vous laisserais ensuite. Après une longue journée, je suppose que vous avez envie de vous plonger dans un bon bain chaud ou sous votre couette. » Comme elle l'a souligné un peu plus tôt, à partir du moment où elle a franchi la porte, la responsabilité de ses enfants est passée de mes épaules aux siennes, il n'y a donc plus rien qui me retient ici ce soir.

le vin s'écoule doucement et vient réchauffer sa gorge alors qu'elle écoute sa babysitter raconté naïvement les nouveaux mensonges de son mari. elle hoche la tête kate, tente de lui faire croire qu'elle accepte, comprend. continue de faire semblant, comme d'habitude, que tout va bien, que son mariage n'est pas en train de s'écrouler petit à petit. oui, nous n'avons pas les métiers les plus simples à comprendre, le langage juridique, ce n'est pas ce qu'il y a de plus fun non plus. elle tente un sourire, persuadée qu'il lui a raconté n'importe quoi en sachant qu'andrea serait incapable de le réciter correctement. parce que oui, ça va jusque là. elle réfléchit kate, à quel accueil elle va réserver à connor, si elle va de nouveau se taire ou bien choisir de se défouler, parce que chaque jour, elle peut se sentir sur le point d'imploser. et puis andrea parle de nouveau, lui propose un repas, mais elle secoue la tête kate. non merci andrea, c'est très gentil de votre part mais je vais devoir décliner. parce que ça lui a coupé l'appétit, parce que visiblement la moitié de salade avalée en trois minutes au bureau ce midi a suffit à la caler pour le reste de la journée. je n'ai aucun doute que c'est excellent, mais là, je n'ai pas très faim. elle préfère se noyer dans l'alcool kate, se resserre un verre de vin, parce que c'est l'étape à suivre avant de passer au whisky. bien sûr, rentrez chez vous andrea, et surtout, amusez-vous, profitez de votre jeunesse, croyez-moi il s'agit des meilleures années de votre vie. elle ne regrette pas ses enfants kate, ni d'exceller dans son travail, elle regrette simplement de ne pas avoir plus profité, de pas avoir encore testé, encore plus brouillé les limites, foutu en l'air ses principes avant de se caser. le verre est de nouveau porté à ses lèvres. ne regrettez pas jamais rien, c'est important surtout. ça permet d'éviter de se retrouver prisonnière dans un mariage sans amour.

Depuis mon embauche, c’est la première fois que je reste aussi tard à la maison dès Weaver et pour le coup, j’ignore un peu comment agir. Habituellement, les deux petits garçons sont encore réveillés et prennent rapidement le relai avec leurs parents. Mais là, il n’y a qu’elle et moi — et ces deux verres de vin. Je ne sais pas si c’est une déformation professionnelle ou pas, mais je propose à la blonde de lui servir les restes du repas de ce soir, comme si elle avait besoin que je prenne soin d’elle. Elle refuse poliment, visiblement plus vive que moi, qui m’amuse toujours avec le pied du verre de vin que je ne boirais pas. J’évoque alors mon départ, sans pour autant quitter Kate des yeux. Ne pas regretter.. c’est sûrement un peu tard pour ça maintenant. Il faut dire que quand on se fait quitter le jour de son mariage, on se pose beaucoup de questions et on remet en cause tout ce que l’on a fait, toutes les décisions que l’on a prises. Et si j’avais ouvert les yeux plus tôt ? Et si je n’avais pas suivi aveuglément Micah dans sa passion ? Et si j’avais fait passer la mienne avant la sienne ? Je suis encore jeune et j’ai le temps de voir venir, mais parfois, je ne peux m’empêcher de me demander comment auraient été les choses si jamais mon chemin n’avait pas croisé celui de mon ancien fiancé. Je ne peux m’empêcher de relever sa dernière phrase et de créer une certaine connexion avec les verres de vin qu’elle est en train de vider. « Est-ce que tout va bien ? » Je m’occupe de leurs enfants et généralement, ça s’arrête à ça. J’ignore donc ce qui se passe dans leur mariage ou dans leur vie. « Est-ce que vous voulez que je reste un peu ? Je n’ai rien de prévu ce soir, alors ça ne me dérange pas. » Ce n’est pas mon boulot, mais si ça peut l’empêcher d’être seule, de se retrouver dans cette grande maison, silencieuse, alors je peux prendre sur mon temps encore un peu. « Je ne le boirais pas, alors si vous le voulez, vous pouvez le prendre. » Dis-je, tout en poussant légèrement mon verre vers elle. Ce n’est peut-être pas une bonne idée de la faire boire d’avantage, mais il serait quand même dommage de laisser ce vin de côté ou de le jeter — et elle a toujours la possibilité de refuser. Plusieurs questions aimeraient sortir de la bouche, à propos de tout cela, mais ce serait sûrement indiscret de ma part, alors je les retiens encore un peu. « J’envoie un message à mon colocataire et je suis tout à vous. » Encore une fois, je me suis peut-être avancée un peu trop vite et je décide de faire marche arrière, juste assez pour lui laisser l’occasion de refuser. « Enfin.. si vous voulez. Je ne veux pas m’imposer. » Après tout, peut-être qu’être seule est la chose dont elle a envie. « Je peux vous tenir compagnie, sans avoir à remettre à plus tard certaines choses. » J’insiste là-dessus, pour la dédouaner d’une quelconque décision. D’ailleurs, si je préviens mon colocataire, c’est plus pour qu’il prenne le relai avec mon chien qu’autre chose : il ne m’attend pas spécialement et je ne lui dois rien sur mes allers et venues, ou sur les heures auxquelles je rentre. « Et je peux tout aussi bien partir. » Deux solutions. Pas une meilleure que l’autre. Libre à Kate de choisir celle qui l’arrange le plus, celle qui pourrait lui apporter un peu de réconfort — si je comprends bien ce qui se dessine entre les lignes de ses propos.

le regard se perd sur l'immense photo qui trône au sur le mur du salon, la portrait de la famille parfaite. il y a elle et connor, chacun avec un des garçons dans les bras et ils se regardent, amoureusement. elle ne se rappelle pas kate, si cette photo faussement prise par surprise par sa mère lors du mariage de sa cousine en grèce était déjà les prémisses de la fin. parce que quand elle se regarde kate, elle ne remarque aucune étincelle dans son regard, le sourire est clairement faux et ça en est presque gênant tant c'est évident. pourtant ils ont décidé de balancer ça à la face de ceux qui pénètrent dans leur maison. le verre est de nouveau porté à ses lèvres comme si ça allait mieux faire passer la pilule. et il y a andrea et elle l'avait presque oubliée kate, s'en veut pour ça. parce qu'elle est douce andrea, lui demande si elle va bien et en y réfléchissant ça fait longtemps qu'on ne lui a pas posé la question. du coup elle ne sait pas comment répondre kate, l'avocate à court de mots, ça aussi, ça fait longtemps que ce n'est pas arrivé. elle n'aime pas mentir, est douée pour ça malgré elle, mais n'apprécie pas le faire, alors elle ne dit rien, quitte juste sa cuisine pour se glisser dans son canapé, s'allonge presque, laisse sa tête reposer contre le cuir et pose son verre contre son ventre, le tient de ses deux mains car il est hors de question de faire une tâche de vin sur un cuir si blanc. on a jamais vraiment discuté vous et moi. elle change complètement de conversation kate, ne répond pas aux propositions de sa baby-sitter, sûrement parce qu'elle est trop gênée pour accepter sa présence. c'est connor qui vous a choisi, même si je pense qu'il s'agit plus de sa secrétaire. une nouvelle fois le vin vient ravir son palais. mais qui suis-je pour juger, ce n'est même pas ma propre assistante qui a décidé qui était assez bien pour prendre soin de mes enfants quand je ne peux le faire. elle lève les yeux kate, cherche le regard de la jeune femme. je n'ai jamais vraiment fait attention à vous, je rentre trop tard pour ça et j'en suis désolée. vous êtes celle qui passe le plus de temps avec mes enfants et je ne sais même pas si vous avez un second prénom. elle secoue la tête kate. est-ce que vous êtes étudiante ? vous avez quoi ... vingt-cinq ans ? une main vient se poser contre son visage, alors qu'elle secoue la tête tout en emprisonnant une de ses lèvres entre ses dents. mon dieu, vingt-cinq ans, vous devriez être en train de faire la fête avec votre petit ami, pas à écouter votre patronne qui a, de toute évidence trop bu, se plaindre de sa vie. elle se lève kate, chancelle quelque peu avant d'attraper son porte-feuille non loin de là et d'en sortir deux billets. voici deux cents dollars, pour m'excuser de vous garder si tard. vous devriez aller profiter de votre soirée andrea. elle tente un sourire kate, tente de ne pas être encore plus pathétique. un échec.

Quelques choses se passent sous mes yeux, mais je n'arrive pas à savoir exactement quoi. Et surtout, je ne suis pas certaines d'être en droit de poser des questions à ce sujet. Est-ce que Kate a l'habitude de boire une demie bouteille de vin seule en rentrant de son boulot ? Ou est-ce que je dois m'inquiéter pour elle ? Mon cœur penche pour la deuxième option, mais face à moi, la blonde représente l'autorité et je préfère restée en retrait pour l'instant. Néanmoins, lorsqu'elle quitte la cuisine pour rejoindre le salon, je la suis. Comme un réflexe. Toujours debout, je la suis du regard quand elle s'installe dans le canapé, prête à agir en cas de catastrophe. Selon elle, jusqu'ici, nous n'avons pas vraiment eu l'occasion d'échanger – elle n'a pas complètement tort. Habituellement, lorsque l'un des deux parents arrivent, je pars pour les laisser profiter du reste de la journée en famille. Mais là, les enfants sont couchés et quelque chose me pousse à rester, sauf si elle finit par m'ordonner de partir. « Presque. Vingt-quatre. » Dis-je, alors qu'elle parle de mon âge. C'est un détail, ce n'est pas à cette conclusion qu'elle voulait arriver. Je suis la baby-sitter de ses enfants, je suppose que c'est la seule chose qui compte. Il est vrai qu'il est important de savoir à qui elle les confie, mais si la secrétaire de son mari a bien fait son boulot, alors elle a dû voir que je n'avais aucun cadavre derrière moi. Elle évoque un éventuel petit ami et je ne peux m'empêcher de rire un peu, poussé par l'ironie de la situation. « Personne ne m'attend chez moi, hormis mon chien. J'ai prévenu mon colocataire à l'appel de votre mari et il s'occupe de lui. » Il n'y a donc plus d'urgence à son sujet maintenant. Il aurait quand même été dommage qu'il commence à faire ses besoins dans l'appartement. Sans trop savoir pourquoi, Kate se lève subitement du canapé et je m'avance naturellement vers elle lorsque la chute semble se dessiner. « Gardez-les, je me sentirais mal de les accepter. J'aurais l'impression de profiter de vous. » Dis-je, alors qu'elle me tend deux billets. Avec ou sans, je suis presque sûre que le couple arrivera à payer ses factures, mais ce n'est pas la question. Je serais payée pour mon boulot, avec un supplément pour le temps de nuit, et ça me va très bien comme ça, inutile de rajouter plus sans trop de raisons. « Est-ce que vous avez des questions à me poser ? Ça fera passer le temps en attendant votre mari. » Elle a déjà commencé tout à l'heure, même si elle n'a pas eu toutes les réponses. Je pourrais d'ailleurs commencer par ça. « J'ai dit adieu à l'amour il y a un peu plus d'un an, avec mon ancien petit ami. Rassurez-vous, il est toujours vivant. » Malheureusement.. c'est un peu cruel, mais c'est ce que j'espère parfois, pour que la douleur soit moins forte. « Il m'a planté le jour de notre mariage. Autant dire que cela m'a vacciné. » C'est sûrement triste d'en arriver à une telle conclusion à mon âge. Néanmoins, peut-être que mon avis sur la question changera plus tard, si un jour je retrouve quelqu'un qui me fera ressentir ce que j'ai eu avec Micah. « J'aurais pu avoir une vie comme la votre, mais le destin en a décidé autrement. Il ne m'aimait pas comme Connor le fait avec vous. » Je ne sais pas exactement pourquoi je lui dis cela. Elle voulait en apprendre plus sur moi, voilà qui est fait. Je crois aussi que je me cache sous l'alcool qui semble faire effet sur elle : demain, elle aura probablement tout oublié de cette soirée et moi, j'aurais été transparente avec elle.

elle la regarde kate, se sent coupable de la faire rester, n'a aucun doute que si la jeune femme est toujours présente à ses côtés, cela doit être surtout dû à la pitié qu'elle doit ressentir à son égard. vingt-quatre ans, j'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai plus eu votre âge. huit ans en réalité et kate prend soudain conscience de qui elle aurait pu être à cet âge là. si elle avait fait d'autres choix. si elle ne l'avait pas épousé, pas écouté et elle se mord la lèvre de culpabilité. parce qu'elle ne devrait pas y penser avant tant de remords. elle hoche la tête kate, en l'entendant annoncer qu'elle n'a personne à part un chien et un léger sourire vient étirer ses lèvres. je vous en supplie garder ça pour vous, sinon les garçons ne vont pas arrêter de remettre ça sur le tapis, car oui, c'est déjà une demande à laquelle j'ai répondu par la négative. elle se souvient des yeux pleins de larmes de ces deux bébés, elle avait presque craqué ce jour là, mais jamais connor n'aurait accepté de toute façon. non, non, vous ne profitez de rien, au contraire. c'est moi qui garde la babysitteuse de mes enfants en otage. qu'on soit d'accord, vous êtes libre de quitter cette maison dès que vous le souhaitez. elle ne veut pas que la jeune femme prenne peur ou bien se sente prise au piège. elle secoue la tête kate, termine son verre et décide que c'était le dernier. elle peut déjà sentir l'alcool faire le tour de son sang. l'impression de tanguer en pleine mer s'intensifie quand elle lève soudainement la tête en entendant andrea raconter son histoire, le coeur brisé pour elle. elle se rapproche kate, vient s'asseoir à ses côtés, avant de poser une main sur les siennes. oh non andrea je suis désolée, je ne savais pas. elle peut être si stupide parfois. et puis elle rit kate, en entendant la jeune femme raconter qu'elle aurait pu avoir sa vie. oh non andrea, je vous en prie n'enviez pas ma vie. elle soupire avant de laisser son dos reposer contre le canapé, les yeux fixants le plafond. ne vous fiez pas aux apparences, peut-être que vous avoir laissé tomber était le plus beau cadeau qu'il vous ait fait. elle la regarde kate, essaye d'évaluer ce qu'elle peut penser. je ne veux pas paraître déplacée et je ne doute pas de la douleur que vous avez ressenti, mais regardez-vous. elle secoue la tête kate. vous êtes une personne de confiance, sportive, qui m'a l'air très intelligente, trop pour être ici en réalité. sans oublier le fait que vous êtes absolument magnifique. il est le grand perdant, pas vous. elle tente un léger sourire kate. j'aime mes enfants andrea, plus que tout au monde, je donnerais ma vie pour eux. mais croyez-moi, venant de quelqu'un qui s'est mariée bien trop jeune, profitez autant que vous le pouvez. vous avez le temps. elle aurait aimé que quelqu'un lui offre le même conseil kate, ça lui aurait évité de se retrouver dans un mariage sans amour.  

Si être ici, à cette heure-là, sonne comme une punition de la bouche de ma patronne, ce n’est pas exactement comme cela que je vois les choses. J’ai une famille, des amis, un colocataire et même un chien, mais parfois, il m’arrive de me sentir un peu seule. Ce soir, avec elle – même si elle n’est pas dans sous son meilleur jour, j’ai un peu de compagnie. Elle me paye habituellement, alors ce n’est peut-être une situation très saine, mais tant pis, demain nous serons toutes les deux passées à autre chose. « Promis, je ne dirais rien. » Dis-je, alors qu’elle me demande de ne pas parler de mon chien aux enfants – qui aimeraient visiblement en avoir un ici. Tant que nous ne tombons pas les uns sur les autres en ville, alors que je promène Flèche, les choses devraient se passer sans encombre. Installées dans le salon, Kate me propose quelques billets supplémentaires, pour le temps passé ici. Je lui souris et refuse poliment. Cette soirée est déjà prévue sur mon salaire, il est inutile d’en rajouter plus. Un peu plus tôt, elle a évoqué le fait de ne pas connaître grand-chose sur moi, alors naturellement, pour combler le blanc, je décide de lui parler un peu de mon histoire. Comme elle semble désolée de me retenir ici, alors que je pourrais être avec un éventuel petit ami, j’évoque la mésaventure du jour de mon mariage. Sans plus attendre, Kate s’excuse à ce qu’elle entend. C’est en partie pour ce genre de chose que j’ai arrêté d’en parler pendant un certain moment. Quand j’évoquais cet événement et l’abandon de mon fiancé, je ne voyais que de la pitié dans le regard des gens. Aujourd’hui, c’est passé et à moins de recroiser Micah, ça ne me fait plus rien – je ne dirais peut-être pas ça la première fois où je devrais assister au mariage de l’un de mes proches. Kate reprend la parole, affirmant que dans cette histoire, c’est mon ex-fiancé qui est perdant. Je crois que naturellement, je me mets à rougir. Ce sont pourtant des paroles que j’ai déjà eu l’occasion d’entendre, puisqu’elles font écho à celles que mes proches m’ont répété, encore et encore, à l’époque de ma séparation. « Merci. » C’est une affirmation, mais je me demande bien si c’est ce que je devais dire. Il s’agissait de compliments, j’en suis presque sûre, mais comme l’avocate est ma patronne, je ne sais pas exactement comment je suis censée les prendre. Je suppose que je me questionnerais à ce sujet plus tard, puisque sa dernière phrase attire mon attention. « Est-ce que tout va bien entre vous ? » Je ne suis sûrement pas celle avec qui elle a envie de parler de ça. D’ailleurs, je ne sais même pas si j’étais autorisée à poser ce genre de question : je ne suis que la baby-sitter, leur vie privée ne me regarde pas – pas tant que cela n’affecte pas les enfants. « C’est votre mari. Il est en train de se garer dans l’allée. » Dis-je, alors que j’entends le bruit d’une voiture. « Maintenant qu’il est là, ça devrait aller. » J’aurais pu partir avant, mais je voulais m’assurer qu’elle irait bien et maintenant que Connor approche, il va pouvoir prendre le relai. « Bonsoir. » La porte d’entrée s’est ouverte, laissant apparaître le procureur. « Je vous laisse. Passez une bonne soirée. » Je viens poser ma main sur le bras de la blonde, un geste d’affection en signe d’au revoir. Je lui offre un dernier sourire, rassemble mes affaires et passe devant mon patron pour quitter la maison. À lui aussi, j’offre un timide sourire avant de partir. La politesse avant tout, même si je ne l’ai vu que quelques secondes.