A little misunderstanding - Jilo

« Wahou, elle sort d’où cette robe? » Je fais un tour sur moi-même en souriant à Ginny « Une friperie qui a ouvert récemment. Ils ont de vraies pépites, hyper abordables. Il faut qu’on y aille ensemble » C’est la seule chose que je me suis offerte dernièrement. Chaque centime que je gagne est mis de côté pour l’appart. L’assurance n’a pas encore versé l’indemnisation du cambriolage. Notre dossier est en commission, j’ai donc bon espoir que ça se fasse rapidement. Ginny et moi avons discuté le lendemain et je me suis excusée de m’être barrée comme une voleuse. Elle ne m’en a pas voulu, heureusement. Elle est retournée vivre chez ses parents le temps que l’on puisse réintégrer l’appartement. Je ne sais pas encore si j’ai envie de vivre au même endroit ou si je m’y sentirai à nouveau en sécurité. « Donc, à la coloc …. » je coule un regard vers elle, parfaitement consciente de ce qu’elle fait. « Comment ça se passe ? » Je feins l’indifférence mais elle me connaît comme si elle m’avait faite. Autrement dit, cut the bullshit Jude, je te connais par coeur. Tandis que je chausse mes escarpins rouges, je lui explique « Ca va. Milo et moi avons convenu de faire comme si rien ne s’était passé » Mon amie lâche un rire « Et ça te va ? » Je grogne « Oui .. Non … Oh merde, j’en sais rien ! » Elle me prend dans ses bras, sentant ma détresse « Non. Et pourtant, on arrive à bien rigoler quand on se voit, c’est hyper bizarre. C’est facile d’être avec lui. Sauf qu’en ce moment, ça ne va pas avec Sammy, on se prend la tête. Bien sûr, je me suis bien gardée de le dire aux autres » Je m’écarte quelques instants, et attrape mon téléphone en entendant la notification. J’ai envoyé un message au rappeur pour le prévenir que je ne dormais pas à la coloc. Morale de l’histoire, je suis de corvée de pizza demain et Milo récupère son lit pour le week-end. J’ai perdu mes talents de négociatrice. Au pire, j’irai ailleurs ou chez Sammy, ce sera peut-être l’occasion d’apaiser les choses avec lui « Bref, ce soir, on se change les idées et on enflamme la piste de danse » je lui dis, en souriant. Ce soir, je ne pense ni à l’un ni à l’autre.

Il est midi lorsque je rentre à la coloc. Je passe la porte, les bras chargés de pizzas, encore dans ma tenue de soirée. Une douche, voilà ce que je veux. J’ai largué mes escarpins depuis deux bonnes heures déjà. Une fois dans l’entrée, je lance un « A table ! » pour qui sera là. L’appart semble vide et je me dis que ces pizzas vont refroidir. C’est con, j’avais respecté à la lettre la commande de tout le monde. J’installe tout sur le comptoir de la cuisine lorsque j’entends des pas derrière moi. Deux prunelles se posent sur moi « J’espère que tu as faim ! » je lui dis gaiement.

Je lance mon téléphone à l'autre bout du canapé, gonflé, alors que Alvaro est en train de se laisser tomber sur le fauteuil en face. « Tu craques mon vieux ! » « Nan, j'suis gavé. » Le dj lève un sourcil, attendant sûrement l'explication du pourquoi du comment, mais je me contente de me laisser glisser de tout mon long sur le canap, couvrant mon visage de mon bras et j'en profite pour lâcher un cri de rage. « Ah, je parie que c'est à cause d'une meuf. » Fait Charlie derrière moi alors qu'il s'appuie sur le dos du canapé, se penchant au dessus de ma tête. « C'est qui ? On la connait ? » Je le pousse alors que j'entends mon second coloc exploser de rire. « Ça vous regarde même ? » « Okay, c'est bien une meuf. Charlie, tiens le, j'attrape son tel. » A ce moment là, je sais que c'est la merde si je n'arrive pas à être plus rapide qu'eux. Je me redresse rapidement, alors que Charlie m'attrape par le col de mon t-shirt et j'attrape in extremis mon telephone que je fourre rapidement dans la poche de mon pantalon. « C'est mort ! Je regarde pas dans vos tels, moi. » Je me débats pour échapper à la poigne de Charlie et finit par me lever, toujours soulé par ma conversation avec Jude. Elle a qu'à aller dormir chez Sammy si il lui manque temps, j'en ai rien à foutre. Faux ! J'ouvre la fenêtre rageusement, et me cale sur mon coin habituel pour m'allumer une clope. « Oh, ça va. Pas besoin de prendre la mouche comme ça. On va manger avec Alex et Mael ce soir ? » Je grogne rapidement que je suis d'accord en rajoutant que Jude ne sera pas là ce soir. « Enfin, une soirée entre mec ! » Alvaro explose de rire à la phrase de Charlie et je ne peux m'empêcher de sourire. C'est pas comme si Jude les faisait vraiment chier, elle nous fait la bouffe tout le temps depuis qu'elle vit avec nous, et les gars sont ravis. Ça change de uber eats ou de la malbouffe. Le seul moment ou on mange correctement, c'est quand Chloé ou Alex décident de faire la cuisine. Mais je reste vexé. Qu'elle aille dormir chez Sammy, j'en ai rien à battre.

La soirée s'est terminée tard, avec Charlie, Dahlia et Chloé, on a décidé de se rendre dans la boite ou Alvaro travaille. Bien évidemment, on a l'avantage de ne pas avoir besoin de faire la queue et vu que le dj travaillait, il a fait sam, nous ramenant tous sain et sauf chez nous, enfin non, parce que Charlie a décidé de dormir chez une meuf qu'il a rencontré dans la boite, et Alvaro avait un repas de famille donc il est parti direct, donc je suis encore seul. La nuit a été courte, mais j'ai pu dormir dans mon lit. Mais je suis réveillé par une voix qui crie à table. Putain, il est midi, je dors que depuis quatre heures, j'ai encore la tête dans le cul. J'enfile un short et un t-shirt large, avant de me rendre dans la cuisine, les cheveux encore tout ébouriffés, quand je tombe sur Jude, tout sourire, des pizzas sur la table. « J’espère que tu as faim ! » Je ne comprends pas. Je croyais qu'elle passait le week-end chez Sammy. Je fronce les sourcils, regardant la table, puis la jeune femme, avant de passer la main dans l'arrière de mes cheveux. « T'es pas chez Sammy ? » Je demande d'une voix cassante, bien plus que je ne l'aurai voulu, mais je n'ai pas pu retenir ma rancoeur à vrai dire.

La soirée était dé-mente. Ginny m’a aidé à décompresser, à relâcher entièrement la pression. On a passé notre temps sur la piste de danse. De toute manière, c’est là que je me sens le plus moi-même. Ca faisait un moment que je ne m’étais pas sentie aussi bien. Je ne crois pas me souvenir d’une époque où la danse ne faisait pas partie de ma vie. C’est dans ma peau, dans mon ADN. Je ne connais rien d’autre, je ne me vois faire rien d’autre. Je vis pour ça. J’en oublie la fatigue, la douleur, les courbatures. Rien de tout ça ne compte sur le coup. Rien ne me traverse l’esprit, sauf la musique, et ce qu’elle transmet. Nous rentrons au petit matin, complètement épuisées, la banane jusqu’aux oreilles. J’en profite pour passer prendre les pizzas. Chose promis, chose due. Téléphone en main, je passe commande, en faisant attention à respecter les envies de chacun. C’est le moins que je puisse faire pour eux. Depuis que j’ai déboulé, je ne les ai pas entendu se plaindre de ma présence. Ou alors ils sont super discrets. J’essaie de faire ma part, en les aidant au maximum. Et puis, Milo dort toujours sur le canapé. Ca, ça m’ennuie. J’ai toujours une pensée quand je m’allonge, en songeant qu’il est dans le salon. Le commerçant me sort de mes pensées et je récupère les 4 pizzas. Oui oui, je compte bien engloutir une pizza entière. Je débarque donc à l’appart, pour le trouver silencieux. Décidément. Je pose tout dans la cuisine et je sens la présence de Milo derrière moi. Pas besoin de me retourner, je sais déjà qui c’est. C’est d’ailleurs un réflexe étrange que j’ai développé depuis quelques temps. Quand il est dans les parages, je le sais. Ses yeux se posent sur moi. Il vient de se lever, ça explique que je ne trouve personne dans le salon, il a enfin pu dormir dans son lit. Sa question me fait tiquer. Il ne sait pas, comment lui en vouloir « Bonjour à toi rayon de soleil » J’ouvre la boite destinée au brun « le repas est servi, enfin dans ton cas, le petit-dej » j’ajoute, taquine. L’autruche. Voilà à quoi je joue. J’ai évité soigneusement de répondre à la question de Milo. Son ton était différent de d’habitude. Il est peut-être plus fatigué que je ne le pensais. Je m’étire légèrement. Les courbatures de ma nuit de folie commencent à se faire sentir. Ca et la semaine intensive de répétition j’imagine « Tu veux un café ? » Ca l’aidera à se réveiller et avec un  peu de chance, lui redonnera le sourire.

J'avoue que je ne m'attendais pas à trouver Jude dans la coloc aujourd'hui. Elle m'avait pourtant précisé qu'elle ne serait pas là ce week-end, préférant aller dormir chez son Sammy adoré. J'ai envie de me frapper moi-même à cette simple pensée. Je n'ai pas à être jaloux de l'un de mes meilleurs potes, mais je ne peux m'en empêcher. Cette fille va me rendre complètement dingue. C'est vraiment la merde. Alors quand je lui fais remarquer d'une voix cassante, elle me répond taquine, évitant la question. « Bonjour à toi rayon de soleil » Je grogne alors qu'elle ouvre la boîte de pizza qu'elle avait promis. « le repas est servi, enfin dans ton cas, le petit-dej » Je m'appuie contre le plan de travail, levant un sourcil à sa phrase. Elle s'étire, et je ne peux m'empêcher de la regarder. Bien que toujours vexé contre elle, je ne peux m'empêcher de la trouver magnifique. Elle aussi à l'air fatigué, et ma curiosité se réveille, j'ai envie de savoir où elle était hier soir. « T'as passé une bonne soirée ? » Je tente de masquer mon irritation et j'hoche la tête alors qu'elle me propose un café. Ça me permettrait peut-être de me remettre les idées en place et d'arriver enfin à masquer le fait que ça me fait littéralement chier qu'elle puisse aller voir Sammy. Je devrais pas. Cette situation est terrible et je m'en veux toujours vis à vis de Sammy de ne pas lui avoir raconter ce qu'il s'est passé entre elle et moi. Je m'en veux de lui envier sa complicité avec Jude. Je m'en veux de le détester quand je le vois la prendre dans ses bras. « Y'a personne à la coloc, on pensait tous que t'étais chez Sammy ce week-end et comme il est pas venu avec nous hier soir... » D'ailleurs, ne pas le voir venir en boîte avec nous, ça avait fait que augmenter mes doutes sur le fait qu'elle est passée la soirée avec lui. Chloé en a même profiter pour nous dire à quelle point elle était contente pour ses deux meilleurs potes qu'ils se mettent enfin ensemble pendant que Dahlia me fusillait du regard alors que j'étais en train de me ronger le frein pour ne pas lui hurler de fermer sa gueule. Autant dire que jusqu'à mon cinquième verre, j'étais pas d'excellente humeur. Puis, je me suis laissé entraîner par la musique, et Chloé a tenté de me faire une passe D à une de ses copines de fac qui était présente. Si la jeune femme était charmante, je n'avais pas du tout la tête à ça.

Milo semble aussi bien réveillé que moi. Non c’est faux, il a la tête dans le cul, ce qui signifie qu’il a eu le plaisir d’émerger grâce à ma voix de castafiore. Cette idée me fait légèrement sourire. Son discours est donc parfaitement aligné avec son attitude. Je préfère me montrer taquine et essayer de lever les tensions. Comme lorsqu’il est dans les parages, ces derniers temps, je reste hypersensible à sa présence, notant presque de manière inconsciente ses mouvements. Je retire ma veste « C’était génial ! On a dansé toute la nuit, ça faisait bien longtemps que ce n’était pas arrivé. Mais j’ai mal partout. Les talons de douze sont une bonne idée sur le coup, mais je m’en mords toujours les doigts » Ginny doit être dans le même état que moi, voire peut-être pire. La danse, j’ai l’habitude. Une fois qu’on chausse des pointes plusieurs heures d’affilé, on est rodé. Ce qui n’est pas le cas de la rouquine. Je m’attèle donc à préparer un café à monsieur grognon, espérant que cela aidera à améliorer son humeur. Dos à lui, j’écoute attentivement la suite. Ma main s’arrête en l’air quelques secondes avant d’attraper la tasse et faire couler le café. Il n’était pas avec eux hier soir ? Bon, ce n’est pas comme si on se racontait nos vies Sammy et moi. Enfin, plus maintenant. C’est toujours tendu et je marche sur un fil avec lui « Je n’étais pas avec Sammy hier soir » Je pose sa tasse devant Milo avant d’ajouter « Je vais prendre une douche » et file sans demander mon reste. Une fois dans la salle de bain, je retire mes fringues et fourre le tout dans la machine. L’eau permet de laver tous mes péchés de la veille, et ça fait un bien fou. Mon esprit me repasse les paroles du brun. Si Sammy n’était pas avec eux, il foutait quoi ? Enfin, je n’ai pas vraiment mon mot à dire dans l’histoire, encore moins aux vues des tensions entre nous. Démaquillée, dents brossées, et en jogging, je rejoins Milo qui visiblement a décidé de camper dans la cuisine « Et toi, comment s’est passée ta soirée ? J’ai l’impression que t’as vécu dix vies » Je le taquine clairement. J’imagine que dormir sur le canapé depuis plusieurs semaines ne doit pas aider à récupérer correctement. Mais au-delà de ça, il donne l’impression de s’être couché il y a dix minutes. Je suppose qu’il est sorti. Ma pizza m’appelle, alors je me perche sur le comptoir et décide qu’il est temps de reprendre quelques calories.

Elle m'explique alors sa soirée alors que je m'appuie sur mes bras pour m'asseoir sur le plan de travail. Je ricane quand elle m'explique les talons n'étaient finalement pas une si bonne idée. Mais j'avoue que j'aurai aimé voir ça de mes propres yeux. Mais je note que elle aussi était en boite et qu'elle n'est pas allée à celle ou on va toujours habituellement. Est-ce qu'elle l'a fait exprès pour ne pas croiser Alvaro puisqu'elle sait qu'il y travaille ? Est-ce qu'elle se doutait que nous aussi on allait sortir et qu'elle l'a fait exprès ? Mais j'avoue que je suis soulagé qu'elle n'ait pas passé la soirée avec Sammy. Je lui explique alors qu'on pensait tous qu'ils étaient ensemble puisqu'il n'est pas venu lui non plus avec nous. D'ailleurs, elle réagit assez bizarrement à cette information et ça me gonfle de penser qu'elle puisse être jalouse d'avec qui il était. « Je n’étais pas avec Sammy hier soir » Elle dépose ma tasse de café devant moi avant de m'annoncer qu'elle va à la douche. Je ne réponds rien et me contente de boire mon café. Je réfléchis à sa réaction. Pourquoi est-elle devenue aussi sèche tout d'un coup ? Pourquoi faut-il que ce soit lui et pas moi ? Ça m'énerve et je décide d'aller fumer une clope. Je m'installe dans mon coin habituel, assis sur le bord de fenetre, un pied de l'autre côté de l'encadrement, l'autre se balançant dans le vide. J'envoie vite fait un message à Dahlia pour lui dire que Jude n'était pas avec Sammy hier soir et que dans un sens ça me soulage. Elle me répond avec un emoji qui lève les yeux au ciel. Merci la meilleure pote tiens ! Mais j'avoue que sa position ne doit pas être facile puisqu'elle se retrouve un peu entre nous trois, tout en devant garder mon secret. Une fois ma clope finit, je retourne à ma place pour terminer mon café et je finis par me perdre dans le vide. C'est la porte de la salle de bain qui me ramène à la réalité. Même démaquillée, je la trouve magnifique. C'est complètement fou. « Et toi, comment s’est passée ta soirée ? J’ai l’impression que t’as vécu dix vies » Je hausse les épaules alors qu'elle vient s'appuyer de l'autre côté du plan de travail, juste en face de moi pour entamer sa pizza. « Comme d'hab. On est allée voir Alvaro bosser. Chloé a essayé de me faire une passe D. » Je la regarde attentivement, en espérant avoir au moins une petite réaction à cette information. Putain, j'suis pathétique à essayer de al rendre jalouse.

Cette situation avec Milo est étrange. Celle avec Sammy est chiante. Je sais à quel moment ça a déconné, il n’y a pas à tergiverser dix ans non plus ou être Einstein pour comprendre. Pour autant, ça me gonfle. Je veux dire, c’est assez cliché mais c’était tracé avec le sportif. Sans surprise sur comment ça allait se finir. C’est peut-être ça le problème. Qu’il n’y aurait pas eu de surprise. Bon j’en sais rien. J’essaie de garder une expression neutre. Après avoir donné son café à Milo, je pars me doucher. Ca m’aide un peu à me détendre et à laisser couler la soirée d’hier. Une fois prête, je retourne à la cuisine. Je commence à avoir la dalle sérieux. Une fois assise sur le plan de travail, j’attaque ma pizza. Le brun se trouve en face de moi, avec son café. Si ça n’améliore pas son humeur, ça aura le mérite de le réveiller. J’en profite pour le taquiner sur sa tête de zombie. Il sort du lit et c’est assez drôle. Et puis ça reste innocent. Il me confirme mes soupçons, ils sont sortis là où bosse Alvaro. Généralement, on passe de super soirées lorsqu’il mixe. Il n’y a pas à dire, c’est une pointure dans son domaine. Lorsqu’il bosse avec Milo, c’est toujours parfait. Attentive, je continue à m’empiffrer. Vu ce que je dépense comme énergie à la semaine, je peux bien me le permettre. Mais aujourd’hui, ça passe par le mauvais trou et je manque de m’étouffer. Chloé a fait quoi ? Il me faut quelques secondes pour reprendre mon souffle et permettre à mon cerveau d’analyser ce qu’il vient de dire. Mon visage se ferme quasi immédiatement « Vraiment ? Et elle était jolie ? » Je saute du comptoir pour aller me servir un verre d’eau. Ca m’aide à cacher mon trouble. Pourquoi je pose cette question sérieux ? Qu’est-ce que ça peut bien me faire de toute manière ? Ce ne sont pas mes affaires, il est bien libre de faire ce qu’il veut avec qui il veut. Ma présence à la coloc ne change rien et puis, nous avons convenu d’oublier ce qu’il s’est passé entre nous non ? Comme si c’était possible. Parfois j’ai l’impression d’être une belle hypocrite. Parce que la vérité, c’est que je ne parviens pas à oublier. Je n’oublie pas son regard, les caresses, les baisers. Tout s’est compliqué lorsque j’ai débarqué à la coloc. Je me souviens encore de la soirée pour le retour d’Alex. Sammy et moi étions très proches et à présent, c’est tout le contraire. Non pas que je sois particulièrement proche de Milo non plus mais je me suis mise dans de beaux draps. J’avale quelques gorgées de mon verre pour faire descendre tout ça et essaie de me détendre. Je retourne me percher sur le plan de travail et balance mes jambes dans le vide, histoire de me donner un peu de contenance. Le problème c’est que tout se voit sur ma tronche quand quelque chose me déplait « Et du coup, t’as conclu ? » De quoi je me mêle Jude ?

Je suis vraiment tordu comme mec. Je suis à fond sur la presque copine de l'un de mes meilleurs potes, je me la suis tapée tout en connaissance de cause, je ne lui dis rien et devant lui je continue de faire semblant, et en plus j'essaye de rendre jalouse Jude. Putain, ma mère me frapperait si elle savait ! Et je ne parle même pas de mes soeurs qui me traiteraient de trou du cul fini. Dahlia me tuerait surement. Et Skye serait déçue. Elle m'a dit d'avoir une conversation avec Jude à coeur ouvert, pas de jouer à ce jeu totalement malsain. Mais c'était plus fort que moi. J'avais besoin de savoir si je pouvais la toucher, si contrairement à ce qu'on a dit la dernière fois, on n'oubliait pas ce qu'il s'était passé. En lui balançant que Chloé a tenté de m'arranger un coup, je la scrute pour guetter la moindre de ses réactions, voir juste un changement d'humeur qui pourrait me permettre d'éclaircir un peu cette situation. Alors quand elle s'étouffe légèrement avec la part de pizza, je ne peux m'empêcher de faire naitre un sourire en coin sur mes lèvres. J'ai gagné. C'est une petite victoire mais elle est là. Ça la fait chier de savoir que j'aurai pu avoir une autre fille hier soir. Je suis vraiment un gros con, mais je jubile à cet instant T. « Vraiment ? Et elle était jolie ? » Je hausse les épaules alors qu'elle va se servir un verre d'eau. On dirait qu'elle tente d'échapper à mon regard, de reprendre son masque. « Ça allait. Peut-être que tu la connais, elle est à la fac avec vous. Chloé m'a dit qu'elles ont deux trois cours en commun. » Jude se réinstalle en face de moi, assise sur le plan de travail. « Et du coup, t’as conclu ? » Je descends de mon perchoir et avance doucement vers elle, et m'appuie juste à ses côtés avant de tourner la tête vers elle, le visage à sa hauteur, mes yeux dans les siens. « Si je te dis oui, ça te ferait chier ? » Clairement, je joue un jeu dangereux, et je pourrais me brûler les ailes, et y laisser pas mal de plume. Mais je ne peux pas m'en empêcher.

Il faut reconnaître que la soirée de Milo pique ma curiosité. Ginny et moi sommes sorties de notre côté. J’avais besoin de passer un peu de temps, seule avec ma meilleure amie. On a dansé toute la nuit et cela semble aussi être le cas du brun. Alors, je joue les inquisitrices, je tâte le terrain, je pose des questions. Mais j’étais loin de m’imaginer cette réponse. Pourtant, je connais Chloé. Dans le genre entremetteuse, on ne fait pas mieux. C’est ce qu’elle a fait avec Sammy et moi pendant un moment. Et savoir qu’elle a essayé de pousser une pouf nana dans les bras de Milo me fait royalement chier. Sauf que ce n’est pas ma place. Je n’ai pas le droit de réagir ainsi. Je tente désespérément de garder la face en buvant un peu d’eau. Sauf que bien sûr, je suis incapable de fermer ma gueule et je continue à creuser. A croire que j’ai des tendances masochistes. Jude, ferme-là. Je le vois hausser les épaules lorsque je lui demande si elle est jolie. Sa réponse me laisse sur ma faim. Mais c’était qui bordel ?! Bon Jude, tu joues à quoi là ? Qu’est-ce que ça peut bien te foutre en fait ? Mon cerveau essaie de trier les infos et de fouiller dans ma mémoire. Chloé est assez populaire sur le campus, elle connaît des tas de gens. Avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, je m’entends lui demander s’il a conclu. Mes neurones et moi auront une conversation sérieuse un peu plus tard. Je retiens ma respiration. Milo descend du comptoir et se cale à côté de moi, son visage à quelques centimètres du bien. Il est bien trop près. Mon regard croise le sien et je suis incapable de bouger. Il me tient sur place. Est-ce que ça me ferait chier ? Je déglutis difficilement. Dois-je mentir ? Dois-je dire la vérité ? Est-ce que je suis prête à avouer et m’avouer la vérité ? « Oui .. » je lâche dans un murmure. Je me mords la lèvre, et mes yeux quittent les siens quelques instants pour tomber sur sa bouche. Non non, ce n’est pas le moment. C’est le bordel Jude, c’est déjà le gros bordel, arrête-toi. Pourtant, je viens d’avouer que j’étais jalouse. Ca ne fait pas sens. Je sens bien qu’il ne me lâche pas du regard. Il est si près que je suis capable de desceller toutes ses nuances. Les couleurs de ma palette s’imposent dans mon esprit comme pour m’aider. Cette intensité me coupe toujours le souffle « Et toi, si j’avais … est-ce que ça t’aurait déplu ? » Ma phrase n’est pas complète mais je sais très bien qu’il a compris où je voulais en venir. Des baffes se perdent. Pourquoi ai-je besoin de savoir ça ?

Alerte ! Terrain glissant ! Je suis en train de lancer un jeu sans règle auquel j'ai terriblement peur de jouer, mais pourtant je ne peux pas m'en empêcher. Alors que je lui demande implicitement si elle serait jalouse si j'avais conclu avec cette fille, maintenant à quelques centimètres de son visage, me faisant violence pour maintenir cette mince distance, je l'entends me répondre dans un souffle. Un simple oui qui me fait sourire et exploser de joie intérieurement. Ses yeux quittent les miens pour se poser sur mes lèvres et je suis obligé de fermer les yeux pour retenir mes pulsions. J'aimerai l'embrasser, sentir son corps contre le mien. Depuis la dernière fois, je ne pense qu'à ça. Je n'ai même pas pu recoucher avec une autre fille depuis, c'est pas faute d'avoir pourtant essayer. Mais Jude est toujours trop présente dans mes pensées. Quand je réouvre mes paupières, son regard s'ancre de nouveau dans le mien, et je sens bien qu'on est tous les deux en équilibre sur un fil. A tout moment, l'un de nous deux pourrait basculer et entraîner l'autre dans sa chute. « Et toi, si j’avais … est-ce que ça t’aurait déplu ? » Je me pince les lèvres et passe ma main libre dans mes cheveux. Rien que l'idée de savoir qu'elle aurait pu voir un autre gars hier soir me fait vriller. Déjà que je pensais qu'elle était avec Sammy et que ça m'avait énervé, si je devais me battre contre une personne de plus, j'y lâcherai le coeur. « Est-ce que c'est le cas ? » Je continue dans un souffle. La tension dans la pièce grimpe d'un cran et je me surprends à tenir encore la distance. Mes yeux se posent sur chaque parties de son visage avant de tomber moi aussi sur ses lèvres. C'est très dur et je me rapproche encore un peu, nos nez se frôlant maintenant. « Parce que je t'avoue que ça me ferait terriblement chier. » Je murmure, sentant son souffle contre mes lèvres. Je lève ma main pour dégager une mèche brune de son visage et la glisser derrière son oreille. Le contact de sa peau chaude contre mes doigts me fait frissonner et je serre les dents pour me contrôler encore et toujours. Sauf que ça fait depuis longtemps que j'ai déjà depassé les limites. On ne devrait même pas faire ça. Mais qui pourrait le savoir dans l'intimité de l'appart ? Il y a personne pour nous surprendre, personne pour nous interrompre.

Peut-être que je le sais depuis un moment, que je le ressens et aujourd’hui, il est temps de l’admettre. Il y a quelque chose entre Milo et moi. C’est indéniable. C’est difficile d’être honnête avec les autres mais encore plus avec soi-même. Je me surprends pourtant à être des plus franche avec lui, sans chercher à me défiler ou à tourner autour du pot. Je lui dis le plus sincèrement que oui, ça m’aurait emmerdé s’il avait conclu avec cette nana. Et peut-être que c’est le cas. Après tout, il n’a pas répondu à ma question. Je suis à deux doigts de lui demander d’ailleurs. Mais cette nouvelle proximité m’empêche de réfléchir. Il est si proche de moi actuellement. Alors c’est une autre autre question que je lui pose. Et si les rôles étaient inversés, est-ce que ce serait dérangeant pour lui ? Je me retrouve con à ne pas savoir quoi penser, quoi dire ni même réfléchir. Sa réaction me laisse perplexe, comme si lui aussi chercher à reprendre ses esprits, à se maitriser. Je secoue la tête pour toute réponse, incapable de contrôler ma voix. J’observe chacun de ses mouvements et ses yeux se posent sur ma bouche. Ca devient compliqué et la tension grimpe d’un cran lorsqu’il se rapproche encore un peu plus. Nos nez se frôlent et je sens mon souffle s’accélérer. Avant de la voir, je sens sa main replacer une mèche de cheveu derrière mon oreille. Je me surprends à pencher la tête sur le côté comme pour prolonger ce contact. Sa confession est à deux doigts de m’achever. Il serait donc jaloux si j’étais avec quelqu’un d’autre. Mes yeux se ferment quelques secondes « Non ... » je réponds à sa première question avant d’ajouter «  Il n’y a eu personne d’autre » Parce que c’est la vérité. Simple, dure, complexe. Mais la vérité quand même. Et encore aujourd’hui, j’ignore pourquoi. Ce n’était pas prévu tout ça avec Milo. Je n’avais pas prévu de passer la nuit avec lui, de le fuir après coup et d’atterrir chez lui. J’avais encore moins prévu ce que je ressens à présent, ce dont j’ai envie. La chose la plus raisonnable serait de mettre de la distance entre nous. Littéralement. M’écarter de lui. Pourtant, je m’en sens incapable. Je lève légèrement la tête et nos lèvres se frolent. A ce contact, les souvenirs de cette fameuse nuit me reviennent en mémoire. Comme à chaque qu’il est dans les parages. Mais là c’est différent. Les sensations aussi remontent à  la surface. Le désir, le plaisir et il n’en faut pas plus. Je saisis son tee-shirt, l’attire à moi et comble les quelques millimètres entre nous. Exit Sammy. A ce moment précis, tout ce qui compte c’est Milo et son regard, cette putain d’intensité, ses lèvres sur les miennes, ses mains sur moi. Bref, c’est la merde.

Il faut croire que j'aime me faire du mal. Est-ce que c'est à cause de mon côté artiste qui s'inspire de mon vécu qui m'emmène toujours dans des plans bourbiers ? est-ce que c'est une véritable malédiction pour tous les artistes de devoir se faire autant mal pour pouvoir produire quelque chose de beau ? Mais l'adrénaline qui coule dans mes veines actuellement m'empêche de réfléchir correctement. Je suis en mode automatique, ne répondant qu'à mes pulsions primaires et cette fille en face de moi m'attire énormément. Je ne peux pas lui résister. J'ai beau tout faire pour me tenir à distance, tout faire pour protéger mon amitié avec Sammy, je ne peux pas lutter contre moi-même. je ne suis plus qu'à quelques centimètres d'elle, son souffle s'abat sur mes lèvres, son odeur remplit mon espace personnel, mes pensées s'emmêlent, s'effritent, et mon coeur se met à battre beaucoup plus fort. J'ai l'impression que mon estomac est en train de se tordre dans une douce douleur. Putain, comment j'aime trop cette tension entre nous. Une vraie drogue. Quand elle penche la tête sur le côté lorsque je replace sa mèche brune, je sens que je vrille littéralement. Comment peut-on être aussi attirante ? « Il n’y a eu personne d’autre. » Je souris. C'est elle qui rajoute de l'huile sur le feu. Jude lève légèrement la tête, frôle mes lèvres et j'en retiens mon souffle. C'est tout un kaléidoscope d'images qui s'embrasent dans mon cerveau. Des flashbacks de cette fameuse nuit tous les deux. De nos deux corps emmêlés, de la synchronisation parfaite que j'ai ressenti entre nous deux. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans sa tête à cet instant, mais elle attrape mon t-shirt, m'attirant encore plus proche d'elle et je lâche le plan de travail pour prendre son visage dans mes mains, l'embrassant comme si elle était ma dose d'oxygène. Le monde pourrait bruler autour de nous que j'en aurai rien à taper. J'ai l'impression de renaître, de voir le monde dans toutes ses couleurs, comme un putain d'aveugle qui retrouverait enfin la vue. Il n'y a eu qu'un antécédent entre nous deux, mais c'est tellement naturel la manière dont nos corps se répondent que j'ai la sensation que ça fait mille ans qu'on se connait. Une de mes mains passent dans sa nuque pour tirer légèrement sa tête en arrière pour approfondir ce baiser, alors que la seconde descend sur ses hanches, cherchant encore à nous rapprocher. Je pourrais rentrer en fusion. Et si je ne devais garder qu'un souvenir de toute ma vie, je veux que ce soit ça. Elle et moi. Jude et Milo. Ça ne devrait même pas exister. Je ne devrais même pas y penser. Je ne devrais pas. Mais c'est ce que je veux du plus profond de mon âme. Ça a été une évidence depuis la première fois que je l'ai vraiment remarqué. Depuis la première fois que sa beauté m'a frappé. Depuis la première fois que je l'ai vu sur le plancher, entourée d'un halo de lumière. Je regrette de pas m'être battu plus tôt pour elle. J'ai peur que tout soit trop tard et qu'on est juste en train de faire la plus grande erreur de notre vie. Mon cerveau se rebranche et je me retrouve dans une vraie guerre intérieure. Je suis obligée de m'éloigner pour reprendre mon souffle et je dépose mon front contre le sien, les yeux fermés, mes mains toujours sur elle. Je sers les dents avant de chuchoter, toujours essoufflé par ce baiser. « Qu'est-ce qu'on est en train de faire ? » J'ai envie de continuer, j'ai envie qu'elle me dise qu'elle ne veut pas s'arrêter. J'ai juste envie d'elle, de son corps, de son coeur, de son âme. Mais est-ce que je suis prêt à risquer autant ? Parce que si je sais ce que je ressens pour elle, ça n'a pas l'air d'être son cas. Est-ce que j'ai envie d'éclater mon coeur comme si je roulais à 150 et que je m'écrasais contre un mur ?

Il y a des moments dans la vie où il faut cesser de se poser des questions, juste lâcher prise. Et c’est comme ça que je procède quand je danse. Je ferme les yeux et je laisse les paroles, les notes m’envahir, m’emporter. Plus de contrôle, plus de réflexion, rien d’autre que mon corps s’exprimant. C’est presque un besoin, ma manière à moi de communiquer. Je ne suis pas forcément douée avec les mots. Tout ce que j’ai envie de dire passe par la danse, la peinture, le dessin. Par les gestes qui viennent si naturellement, si facilement. Il n’est alors pas nécessaire de peser le pour et le contre. Je m’exprime mieux ainsi, par les gestes, avec mon corps. Et si par malheur, mon cerveau essaie de prendre le dessus, je réagis bien souvent à l’instinct, sans réfléchir, sans penser. C’est exactement ce qu’il se passe avec Milo. Sa proximité, sa chaleur, le son de sa voix, sa peau contre la mienne. C’est toute une mélodie, si douce mélodie à mes oreilles. Et à ce moment précis, il m’est impossible de mentir. A quoi bon ? Mon corps parle pour moi. Ma respiration s’accélère tandis que je me confesse, que je lui avoue qu’il n’y a eu personne d’autre depuis notre nuit ensemble. Rien n’est prémédité. Je devais juste rentrer et m’affaler dans le canapé avec ma pizza. Au lieu de ça, je lutte contre mes pulsions, contre mon envie de le sentir contre moi. Nos lèvres s’effleurent, se frôlent, se tentent. Et il n’en faut pas plus. Quelque chose cède en moi, dans ma tête, et j’attire Milo. Il m’embrasse avec une ferveur que j’imite. C’est naturel, fort, intense. Comme un ballet, tout est parfait comme si nous faisions ça tous les jours. Je sens ses mains sur moi, sur ma nuque, sur ma hanche. Il me faut rassembler toutes mes forces pour ne pas gémir à son contact. Plus rien n’a d’importance. J’oublie Sammy, nos soirées à flirter, à se taquiner. Si je suis honnête, ce n’est rien en comparaison à ce je vis actuellement. L’intensité de ce baiser me coupe le souffle et je me retiens toujours au tee-shirt du brun, comme à une bouée de sauvetage et ça me rappelle l’intensité de son regard. Sans que je ne m’en rende compte, Milo interrompt notre échange. Je souffre de cette absence si soudaine. Son front est posé contre le mien, et j’essaie de reprendre mon souffle. Il ferme les yeux et sa question me laisse pantelante. J’en sais foutrement rien. La dernière fois, l’alcool pouvait être une excuse, si tant est que ce soit nécessaire d'en trouver une. Alors peut-être que ça n’a fait que révéler quelque chose. Fait remonter un truc à la surface, dans ma tête. Mon coeur est sur le point de sortir de ma poitrine. Il bat si vite que j’ai peur que le brun puisse le sentir. J’écarte très légèrement ma tête pour l’observer « Ce qu’on a envie de faire » je lâche. Mes jambes s’enroulent autour de sa taille, comme douées d'une conscience propre, pour l’empêcher de partir, pour garder cette proximité. Je veux sentir sa chaleur, son poids contre moi « Parce que ça marche … » Mes doigts se déplient et lâchent son tee-shirt « Parce que c’est ce que me dicte mon coeur » je murmure si faiblement, effrayée par mes propres paroles, ma propre confession. Parce que ça ne devait pas se passer ainsi. Chloé avait parfaitement joué son rôle d’entremetteuse. Sammy et moi étions l’évidence. Plus maintenant. Plus rien n’est évident à présent. J’aimerais pouvoir lire son regard, mais je manque de courage. Alors ma main l’imite, vient saisir sa nuque et mes lèvres se posent à nouveau sur les siennes.

Alors que je me ressaisis, que je retrouve la fonction de la pensée, je m'écarte de Jude, déposant mon front contre le sien, gardant les yeux fermés. Son corps contre le mien est une véritable torture et j'ai soudain peur de ce qu'on est en train de faire. Peur de tout foutre en l'air et de me consumer. Elle s'écarte légèrement et j'ouvre les yeux pour percuter son regard qui est si brûlant. « Ce qu’on a envie de faire » Je suis surpris par sa réponse. Si je savais que je le voulais, je ne pensais pas que c'était son cas. Pas autant. Ses jambes s'enroulent autour de ma taille et je lache un hoquet de surprise. « Parce que ça marche … » Je suis frappé par ces simples mots. Oui, ça marche. Pour le moment. Oui, c'est vrai, j'ai l'impression que nos âmes sont connectées. C'est comme si les mots prenaient enfin sens, se mettaient enfin dans l'ordre pour former des phrases percutantes, qui se posaient d'elles mêmes sur une instru. Quelque chose de si beau, que j'en pleurerai d'avoir enfin réussi à l'écrire. Sûrement que je ne pourrais jamais refaire mieux. « Parce que c’est ce que me dicte mon coeur » J'en perds la raison. Sa main se glisse sur ma nuque et m'attire à elle pour reprendre là ou on en était avant mon moment de doute. Je suis faible, trop faible. Dahlia va me flinguer c'est sûr. Est-ce que je vais lui dire ? Je peux pas lui mentir de toute façon. Je souris contre ses lèvres, parce que c'est ce que j'ai de mieux à faire pour le moment. Profiter du moment, tant qu'on est encore dans notre bulle. Rien que nous deux. Je regretterai mes actes plus tard, pour le moment je laisse mon corps réagir d'instinct. Je profite que ses jambes soient toujours emmêlées autour de moi pour la soulever de ce plan de travail et la guider jusqu'à ma chambre. Quitte à faire une connerie, autant la faire jusqu'au bout. Je n'ai pas ouvert les volets en me levant, laissant la pièce que faiblement éclairée par les interstices. Je la dépose doucement sur le lit avant de m'allonger au dessus d'elle pour l'embrasser encore et encore. Jusqu'à ce que je termine en enfer si il le faut.

Les mains de Milo sur moi me rendent dingue. Comment ai-je pu ignorer cette connexion entre nous ? Je portais des œillères ma parole. Mon cerveau a tout bonnement cessé de fonctionner et mon corps prend la relève. Mes lèvres contre les siennes, rendant coup pour coup. J’ai l’impression que ça fait des heures que l’on est ensemble, moi assise sur ce plan de travail et lui contre moi. C’est le brun qui reprend ses esprits avant moi, mettant fin à notre baiser. J’ai froid. Et ça me rappelle le soir où j’ai débarqué à la coloc, lorsqu’il est parti à la fenêtre, me laissant seule sur le canapé. Je me souviens de cette sensation de vide qui m’avait envahit et que je n’avais pas compris. Notre baiser pourrait être un début de réponse, ou bien mon coeur qui bat la chamade, mon souffle erratique, mes doigts tenant fermement son tee-shirt. Non, ce sont mes cuisses qui enserrent sa taille. Ou bien toutes ces choses en même temps. Je ne sais pas où on va, pas plus que lui en tout cas. Il se pose la question à voix haute et j’essaie lamentablement de lui expliquer. Ma réponse n’est que la preuve que les mots m’échappent, que je ne sais pas exprimer ce que je ressens. Milo semble surprise par mes propos. Comment lui en vouloir ? Moi-même j’ignore d’où ça sort. Fidèle à moi-même, c’est mon corps qui va s’en charger tandis que je l’entraîne dans un nouveau baiser. Ca va compliquer encore davantage les choses. Ma relation avec Sammy est tendue et je ne sais pas comment il pourrait réagir à tout ça. Il y a une distance qui s’est créée entre nous. Parce que je ne suis plus capable d’être aussi proche de lui qu’avant. Et ce moment partagé avec Milo en est certainement la raison. Je sens les mains du brun me saisir sous les jambes pour me maintenir contre lui. Notre baiser ne cesse que lorsqu’il me dépose sur son lit. Je veux le sentir, sous mes doigts, sur ma peau, sur mes lèvres. Et mes prières sont entendues lorsqu’il s’allonge sur moi. Mes jambes s’écartent d’un geste naturel pour lui donner de l’espace entre elles. Mes mains se glissent sous son tee-shirt et je les laisse explorer son corps. C’est ce que je connais, ce qui me parle. Je veux le découvrir et prendre le temps. Parce que notre première nuit ensemble avait trop d’éléments parasites : l’alcool, l’urgence. Là il n’y a personne. Juste Milo et Jude. C’est pour moi la meilleure manière d’apprendre à connaître quelqu’un. Les mots peuvent piéger, avoir des sens cachés ou des doubles-sens. Mais le corps lui, ne ment pas. Il est bien souvent celui qui nous trahit lorsque l’on veut cacher quelque chose. C’est notre vérité. Je le lui retire, bien déterminée à sentir sa peau contre la mienne. Parce qu’à cet instant précis, c’est tout ce qui compte pour moi.