une matinée comme on les aime (ishaan)

Le matin, c'est toujours très sport. Avec une petite fille de presque dix ans et deux adultes — qui n'occupent pas la salle de bain en même temps — chaque étape est chronométrée. Pour ce que ça vaut, je trouve que nous nous en sortons pas trop mal la plupart du temps. Il faut dire que pour faire face aux imprévus et pour être sûre que tout se fasse dans les temps, j'ai tendance à mettre mon réveil un peu plus tôt que prévu. Mon sommeil ne me remercie pas pour cela, mais bien souvent, j'arrive à l'heure au boulot, malgré un détour à West Bay pour déposer Mila à l'école. Arrivée là-bas et la petite fille laissée à son instituteur, je regarde ma montre : je suis dans les clous. Je crois même que comparé à hier, je suis en avance. Mais ça, c'était sans compter sur un incident avec le bus qui m'emmène à Wellington. Il ralentit dans une montée, plus qu'à son habitude et de la fumée finit par sortir du moteur. Ça, ça ne laisse rien présager de bon.. Après plusieurs minutes, le chauffeur se gare sur le bas côté et s'excuse auprès de tous les passagers pour la gêne occasionnée. Je regarde une nouvelle fois ma montre. Si le problème se règle vite, j'ai encore une chance d'arrivée à l'heure. Ne voulant pas attendre que les choses se fassent toutes seules, je prends les devants et me dirige vers le chauffeur pour le questionner — il doit connaître un minimum la ligne où il circule. « Bonjour monsieur, le prochain bus passe dans combien de temps ? » Au sourire qu'il m'adresse, je sais par avance que je ne vais pas aimer sa réponse. « Pas avant une demi-heure madame. Je suis désolé. » Je lui souris tendrement. Ce n'est pas de sa faute et pourtant, il se sent désolé pour moi et pour tous les autres passagers de ce bus. Je retourne à ma place et fouille dans mon sac pour récupérer mon téléphone. Là, je n'ai plus le choix.. même si je décide de partir à pied, je n'arriverais jamais à l'heure au boulot. « Skye ? C'est Elliott. Je dois faire face à un imprévu, j'arriverais en retard ce matin. » Mieux vaut prévenir que guérir, n'est-ce pas ? Et plus les employés du cabinet sont mis au courant tôt de mon absence, plus vite ils pourront trouver des alternatives en cas de besoin. Lorsque je relève la tête, un peu plus attentive à ce qui peut se passer autour de moi, je réalise que les autres passagers sont tout autant désespérés que moi. « Est-ce que quelqu'un s'y connaît un peu en moteur de bus de ville ? » Il y a de fortes chances pour que personne ne réponde, mais ça ne compte rien de tenter.

J’ai pour habitude de prendre le bus et pourtant, c’est la première fois que je me retrouve dans une telle situation. Il faut croire que de nos jours, les bus sont plutôt fiables. Fiables, mais pas infaillibles et il n’est malheureusement pas possible d’échapper à toutes mésaventures. Aujourd’hui en est la preuve et même si l’idée d’arriver en retard au boulot ne m’emballe pas, je dois faire avec. Selon le chauffeur, aucun autre bus ne devrait passer avant au moins une demi heure. Nous allons tous devoir prendre notre mal en patience, à moins que quelqu’un ici s’y connaisse un peu en moteur. Ça ne court sûrement pas les rues, mais je suppose qu’il faut au moins essayer. Malheureusement, la réponse que donne un jeune passager ne rassure personne ici : il ne s’y connaît pas et nous apprend qu’une explosion fait partie des risques liés à un moteur surchauffé. Il n’en faut pas plus pour créer de la panique chez tous les passagers du bus qui se précipitent vers les portes. Jusque là, ils étaient calmes et voilà qu’un simple petit mot venait de semer le chaos. Les femmes et les enfants d’abord. Il faut croire que ce n’est que dans les films que ce genre de choses est respecté. Il faut croire que ce qui est important à retenir là, c’est que tout le monde est dehors avant qu’un drame ne se soit produit. Le chauffeur s’occupe d’ouvrir le capot et d’appeler les personnes en charge de ce genre d’incident. Lui à gauche, avec le bus, nous à droite, à attendre que les choses bougent. Sans nouveau bus, je crois que nous sommes bloqués ici. La marche est une option, mais il faut être courageux et à cette heure de la journée, ce n’est pas forcément une bonne idée de suer plus que nécessaire – je travaille dans un bureau plutôt chic, il serait dommage que j’arrive dans un piteux état, surtout que je n’ai pas de tenue de rechange. Alors que j'échange quelques messages avec Skye, pour que les choses se passent du mieux possible durant mon absence, le jeune homme de tout à l'heure m'adresse la parole. « En panneau de signalisation ? » Dis-je, sur le ton de la plaisanterie pour répondre à sa question. Je sais bien que ce n'est pas de cela qu'il est question, mais c'est plus fort que moi. « Pour être honnête, je n'en ai jamais fait. Il faut croire que la situation ne s'est jamais présentée. » Par crainte des intentions des personnes qui pouvaient s'arrêter – c'est dingue de devoir en arriver à penser comme ça – ou parce que j'ai toujours réussi à trouver d'autres solutions pour me débrouiller autrement. « Mais je ne sais pas si c'est une bonne idée d'en faire ici. Je suppose que tout le monde a envie de partir d'ici, le plus vite possible si nous prenons en compte une possible explosion, alors ça peut rapidement devenir dangereux. » Je ne sais pas s'ils seraient capables de s'entretuer pour avoir la possibilité de monter dans la première voiture qui arrive et pour être honnête, je n'ai pas vraiment envie de savoir. « Vous tenez vraiment à tester ? » Une demi heure, à bien y réfléchir, ce n'est pas beaucoup. Mais les personnes ici ont peut-être des patrons moins indulgents que moi ou des rendez-vous qu'ils ne peuvent pas décaler ou annuler. « Est-ce que vous êtes attendu quelque part ? » Si j'ai pu appeler mon lieu de travail et m'excuser de mon retard – en sachant qu'ils arriveront à se débrouiller sans moi, ce n'est pas forcément la même chose pour tout le monde, pour lui. « Pour informations, je m'appelle Elliott. » Ce n'est peut-être pas une information qu'il pensait avoir, mais je trouve cela plus agréable de savoir à qui on parle.