teenage mutant ninja turtles → dorian

Assise au volant de son pick-up, Aveleen tapait sur son volant, en rythme avec la musique. Elle se gardait bien de chanter en revanche parce que déjà, elle trouvait qu’elle faisait ça mal et qu’en plus de ça, étant donné que c’était du coréen, elle connaissait pas les paroles. Alors, elle pouvait fredonner l’air de la chanson, tout au plus. Jetant un coup d’œil à l’écran de son téléphone, elle vit que sa toute dernière livraison de la soirée n’était pour personne d’autre que le jeune homme avec qui elle avait expérimenté un braquage de banque. En tant qu’otages bien sûr, pas en tant que braqueurs. Soit une des rares personnes avec qui elle se montrait réellement aimable et chez qui ça ne la dérangeait pas de se rendre. En même temps, elle savait qu’elle tomberait pas chez un ou une perverse en allant là. Par contre, ça l’étonnait que lui ou sa copine commandent si tard. De leur échange, elle avait cru comprendre qu’ils aimaient bien mener une vie saine alors elle supposait que ça signifiait se coucher tôt aussi. Mais c’était le week-end, peut-être bien qu’ils rentraient de soirée. La rouquine jeta alors un coup d’œil à l’arrière et songea qu’à la quantité de pizzas commandées, c’était même plus probable qu’ils en organisent une. Bref, elle serait bientôt fixée puisqu’elle approchait. A cette heure, y avait pratiquement pas de place devant l’immeuble. Ce qui ne l’étonnait guère puisque tout le monde devait être rentré du taf. Tant pis, ça serait donc double file. Elle mit les warnings, descendit du véhicule qu’elle contourna pour aller ouvrir le coffre. S’ensuivit un véritable tour d’équilibrisme puisqu’il lui fallu faire tenir pas moins de six cartons de pizzas en équilibre sur la paume de sa main. Autant dire que c’était un pari risqué. Mais elle parvint tout de même à s’acheminer jusqu’à la sonnette, sur laquelle elle appuya tout en priant que ça ne prenne pas trop de temps pour qu’on lui ouvre vu qu’elle commençait déjà à avoir une crampe au poignet. Elle qui s’attendait à entendre de la musique ou des éclats de rire ou des trucs comme ça quand l’interphone crachoterait, signe qu’elle pouvait s’annoncer, fut surprise d’entendre qu’en fait non, y avait rien de tout ça.
« Salut, c’est pour les pizzas ! »
Elle irait même jusqu’à croire qu’on l’attendait pas. Et ça, ben c’était encore jamais arrivé.

A en juger par la voix de son client, celui-ci n’avait pas l’air plus surpris que ça quand elle s’était annoncée. Aveleen en déduisit donc qu’elle était bel et bien attendue. En même temps, ça serait bizarre, sinon. Bon bah peut-être qu’ils étaient dans un cheat day, comme disent les sportifs. Dans tous les cas, c’était pas à elle de juger les commandes des clients aussi poussa-t-elle la porte de l’immeuble de l’épaule et jugea-t-elle plus prudent, chargée comme elle l’était, de prendre l’ascenseur. Puis, arrivée sur le palier, elle vit la porte ouverte et songea que non, ça ressemblait définitivement pas à une fête. Plutôt à quelqu’un qui s’apprêtait à aller se coucher. Avec un petit sourire, elle s’avança vers le jeune homme et s’attarda une seconde dans l’entrée.
« Vu l’heure et le nombre de pizzas, je croyais que vous faisiez la fête. »
Peut-être bien que la remarque était un peu déplacée mais on parlait là d’Aveleen alors fallait pas s’étonner, c’était déjà bien de sa part de s’accrocher un sourire sur la face et de n’avoir pas laissé les pizzas sur le pas de la porte avant de se barrer pour rentrer chez elle parce que bon, sa journée de boulot devait être terminée maintenant. Ou c’était tout comme. Bref, peut-être étaient-ils tout simplement du genre à aimer la pizza froide ou réchauffée au micro-ondes. Ce que la rouquine trouvait immonde en ce qui la concernait mais ça, c’était une histoire de goût.
« Je vous les dépose quelque part ? »
Pas vraiment en train de faire de l’excès de zèle, c’est juste que ça serait sûrement plus simple que d’essayer de se les passer de bras en bras. Elle attendit donc la réponse avant d’entrer dans l’appartement. Qu’elle ne put s’empêcher de zieuter du coin de l’œil et en vitesse. C’était plutôt clean, ça se voyait qu’une femme vivait là parce que c’était bien rangé. Quoique, c’était un peu un cliché de dire parce qu’étant une femme et l’unique occupante de son propre logement, Aveleen pouvait affirmer que c’était pas toujours si bien rangé que ça chez elle. Propre, oui, mais bien rangé ? Disons que ça ressemblait pas vraiment à la page d’un catalogue de magasins de meubles de type Ikea, quoi. Cela dit, ça lui allait très bien comme ça, et comme elle recevait très peu, pour ne pas dire jamais, y avait personne pour se plaindre.

On dirait bien qu’il y a pas qu’elle qui aurait préféré que ce soit la fête ce soir. Bon, même si ç’avait été le cas, Aveleen aurait pas essayé de trouver le moyen de se faire inviter, d’autant que c’était le genre d’évènements sociaux auxquels elle était clairement pas habituée et qui la mettait un brin mal à l’aise. Mais elle aurait pu viber un peu au son de la musique sur le chemin entre sa camionnette et l’appartement. En ce qui concerne le jeune homme, la source du dérangement est tout autre. C’est ainsi qu’il en vient à lui expliquer que c’est pas lui qui les a commandées, ces pizzas. Et qu’en plus de ça, c’est pas la première fois que ça arrive. Apprenant ça, la rouquine fronça les sourcils ; elle avait pas souvenir d’avoir déjà livré quantité de pizzas dans ces circonstances. Et c’était normal puisque l’autre fois, c’était pas elle qui bossait mais son collègue.
« Ah ouais ? Mince alors, ça doit être vraiment chiant. Surtout que je crois bien que vous êtes les seules victimes de cette mauvaise blague en ville. »
Enfin, c’était vite dit. C’est qu’elle a pas toujours l’habitude de discuter avec son collègue non plus. Ça lui arrive parfois. Quand elle est de bonne. En tout cas, elle se rappelle pas qu’il lui ait dit que quelqu’un s’était plaint de ça. Et d’autres se seraient plaint. Elle l’aurait fait, elle. Toujours est-il qu’elle se marra à la remarque de son client avant d’en rajouter une couche :
« Foutues tortues ninjas, toujours là pour mettre le zbeul ! »
Et d’entrer pour aller déposer la pile de pizzas sur un comptoir dans la cuisine. Puis elle acquiesça parce qu’effectivement, c’était la fin de son service. Quant à savoir si elle avait envie d’une part de pizza ? La vérité, c’est qu’elle était affamée ; quand elle bossait le soir, elle commençait ses livraisons trop tôt pour avoir dîné avant alors forcément.
« Oh bah pourquoi pas ? C’est si gentiment proposé ! Puis si ça peut vous aider aussi, c’est tout bénef’. »
Légèrement empruntée, elle se posta dans un coin, attendant qu’il lui dise où s’asseoir tout se posant des questions qu’elle finit par formuler à voix haute.
« Je me demande bien qui peut s’amuser à faire ça. Ça doit être des gamins… Si vous voulez, je peux poser la question à la fille qui s’occupe de prendre les commandes. S’ils sont pas trop malins, on devrait pouvoir retrouver le numéro de téléphone et peut-être même remonter à la source. »

Comme invitée à le faire, Aveleen s’assit sur un tabouret face au bar tout en tirant des plans sur la comète. Pas tant que ça parce que c’était tout à fait faisable en vérité. Elle avait rien d’un hacker mais elle s’en tirait suffisamment bien pour pouvoir retrouver l’emplacement d’un téléphone portable si elle le voulait. C’est que c’était quelque chose qui pouvait grave servir quand, comme elle, on pensait que ses anciens employeurs étaient prêts à bien des choses douteuses pour s’assurer de son silence. Bref, puisque l’idée semblait plaire à son client qui, apparemment – et ça se comprend – avait à cœur de donner une leçon à ce qu’il avait l’air de croire être des garnements – et sûrement qu’il avait raison – elle sortit son téléphone de sa poche. Pour une fois qu’elle l’avait sur elle – en fait, elle était obligée de le prendre quand elle était en service, des fois que son pick-up ou que la camionnette de la pizzéria décide de rendre l’âme ou encore qu’un des pneus crèvent en chemin, c’était quand même plus pratique de pouvoir prévenir par téléphone -, autant que ça serve. Commençant à faire défiler les numéros du répertoire, elle vérifia le contenu des cartons pour voir si, par chance, y avait sa préférée. Et c’était le cas. Elle en prit une part tout en pouffant à la remarque du jeune homme.
« Peut-être que c’est des fans des Simpsons. Et par extension, ils détestent tous les Burns. »
Trop tiré par les cheveux ? Allez savoir avec les gens de nos jours… Y a pas si longtemps, la rouquine avait lu quelque part qu’une femme s’était fait assassiner pour une histoire de cupcake alors partant de là… Bref, quand il lui demanda si elle voulait boire quelque chose, Aveleen fit au plus simple, très consciente de la bizarrerie de la situation et ne voulant toujours pas trop déranger non plus.
« De l’eau, ça ira très bien. »
C’est alors qu’elle finit par tomber sur le nom de son collègue et qu’elle pressa la touche d’appel. C’est vrai qu’il était tard et que c’était son jour off, mais il devait bien se douter qu’elle appelait pas pour rien. D’ailleurs, il décrocha et elle put lui expliquer la situation. Après une ou deux minutes d’attente, il lui donna le numéro qu’elle s’empressa de noter sur un coin de carton, lui souhaita bonne chance dans sa démarche et raccrocha.
« Et voilà pour le numéro. Vous avez un ordinateur, par hasard ? Ça sera plus simple pour trouver l’emplacement. »

C’était peut-être un peu farfelu comme théorie – même carrément – mais pour autant, elle était presque sûre qu’il devait exister quelqu’un d’assez fan de cette série pour en arriver là. Par contre, elle espérait que cette personne habitait pas la Nouvelle Zélande. Mais à bien y réfléchir, c’était surtout un truc d’américains d’être extrême et fanatique à ce point, non ? Quoiqu’on serait surpris des fois. Dans tous les cas, cette théorie avait l’air d’amuser son client et elle aussi, du coup. Mais ce qui l’amuserait encore plus serait de trouver le coupable et de voir sa réaction une fois quand il verrait qu’ils l’avaient retrouvé. Et pour ce faire, la solution, c’était d’appeler son collègue afin de lui demander s’il avait toujours le numéro de la personne qui avait passé commande. Pas difficile à obtenir comme information puisqu’ils prenaient toujours les commandes à l’ancienne, c’est-à-dire par téléphone. Puis une fois en sa possession, y aurait plus qu’à le passer dans un logiciel bien précis pour trouver le nom qui allait avec. Dit comme ça, ç’avait l’air simple. Et c’était pas très compliqué, mais disons qu’il fallait s’y connaître un peu. Comme quoi, ça pouvait avoir du bon d’être un peu parano sur les bords. Parce que oui, si Aveleen était capable d’une telle chose, c’est parce que sa parano l’avait poussée à faire ce genre de recherches – et bien d’autres choses encore que nous tairons ici pour que personne ne prenne peur. Le jeune homme lui passa alors un ordinateur portable et, après s’être essuyé les mains pour pas foutre du gras partout, elle entra le nom du logiciel dans le moteur de recherche. Quelques clics plus tard, celui-ci s’installait tranquillement.
« Je vous installe un truc qui permet de retrouver le nom et même l’adresse qui correspond au numéro. Je le laisserai si jamais vous en avez besoin, c’est pratique. Puis sinon, suffira de le désinstaller. »
En revanche, elle était pas certaine que ça soit très légal. Mais c’est bon, ils étaient pas en train de stalker qui que ce soit, ils voulaient juste trouver un plaisantin pour lui remettre un peu les pendules à l’heure. Tout était prêt, y avait plus qu’à entrer le numéro et à attendre. Et puis :
« Jordan Sinclair. Il ou elle habite à quelques rues d’ici. Ça vous parle ? »
Peut-être bien qu’il le ou la connaissait. En tout cas, la rouquine avait hâte de savoir si c’était vraiment un fan des Simpsons ou non.