Il parait que la croisière s'amuse toujours (ft. Celeste)

Avec les fêtes, les enfants et le café, les fins et les débuts d’années ne sont pas toujours évidents et quand j’aimerais pouvoir commencer une nouvelle année avec les batteries rechargées, ce n’est généralement pas le cas. Surtout qu’en ce moment, en plus d’avoir les questions quotidiennes en tête, sur l’organisation familiale et le reste, je me retrouve avec de nouveaux sujets qui viennent embrumer mon esprit. Pas d’inquiétude à avoir, il ne s’agit que de choses positives. Enfin.. je crois. C’est juste qu’elles ne concernent pas que moi et que j’ai parfois peur de ne pas être sur la même longueur d’ondes que l’autre personne concernée pour pouvoir lui en parler librement. De quoi est-ce qu’il s’agit ? De mon avenir avec Eden, clairement. C’est au réveillon dernier que nous avons officialisé notre relation, cela fait donc désormais une année entière que nous partageons notre quotidien. Nous avons rencontré quelques difficultés, une en particulière avec le passage de son ex-femme en ville qui espérait pouvoir la récupérer, mais comme tous les couples, nous nous en sommes sorties et j’aimerais maintenant passer à l’étape supérieure. Comment ? En lui proposant d’emménager avec les garçons et moi, déjà. Puis, si elle accepte ça, en évoquant la possibilité d’agrandir notre famille. Je sais que c’est quelque chose qu’elle voulait avec Morgan, mais avec tout ce qui s’est passé, est-ce qu’elle le veut toujours ? Et surtout, est-ce qu’elle le voudrait avec moi ? J’ai conscience que l’arrivée d’un enfant bouscule beaucoup de choses et que ce n’est pas une décision à prendre à la légère, mais quand je vois comme elle est avec Elliot et Leo, je n’ai que peu de doutes sur le fait qu’elle s’en sortirait merveilleusement bien avec un troisième enfant. Et si ce sont mes sentiments à son égard qui l’effraient, elle n’a pas de soucis à se faire : je suis follement amoureuse d’elle et je crois bien que je lui toujours un peu plus à chaque fois que je me réveille à ses côtés et que son visage est la première chose que je vois. J’ai commencé à parler de l’emménagement avec l’un de mes frères, Lane, quand il m’a lui même parlé de son projet avec sa petite amie. Mais pour le deuxième projet, celui d’une éventuelle nouvelle grossesse, je suis pour l’instant la seule au courant et je crois que ça commence doucement à me peser. Alors quand Silas m’a proposé de nous retrouver pour passer une après-midi ensemble, je me suis dis que c’était peut-être l’occasion parfaite pour en parler à quelqu’un. Peut-être que l’occasion ne se présentera pas, je ne sais pas.. nous verrons bien. Après avoir déposé les enfants à l’école et à la garderie, je file rapidement au café pour lancer la journée. Avec Marley qui est toujours en Australie, nous ne sommes que deux gérantes ici et j’essaye au mieux de passer tous les jours pour éviter à notre cheffe pâtissière de devoir s’occuper de l’organisation de la boutique. La matinée passée là-bas est plutôt calme comparée aux passages d’il y a quelques semaines – on retrouve facilement l’effet d’après fêtes – et quand l’heure pour moi de partir arrive enfin, je file récupérer mes affaires en salle de pause et laisse la boutique aux mains des différents employés. Je passe au parking situé à côté du café pour prendre ma voiture, je glisse plusieurs sachets de nourriture sur le siège passager et sans plus tarder, je prends la route en direction du port. Ce n’est pas une habitude pour moi d’aller là-bas, mais je fais confiance à mon meilleur ami pour le coup. Arrivée sur place, je change de chaussures et laisse mes baskets dans le coffre de la voiture. Je récupère ensuite les sacs sur le siège et deux-trois dessins faits par les enfants, pour Silas. Si je me trompe pas, la dernière fois que j’ai pris un peu de temps pour moi remonte à l’année dernière maintenant, c’est pour dire. Très vite, je reconnais mon ami au loin et un large sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je le vois s’approcher de moi. Nous nous enlaçons, comme nous en avons l’habitude. « Je vais bien et toi ? Je vois que la météo est plutôt clémente avec nous aujourd’hui. » Malgré le vent qu’il y a depuis plusieurs jours, les températures sont agréables. J’espère juste que ma robe ne se soulèvera pas trop.. je ne l’ai pas mise pour que tout le monde profite de mes sous-vêtements. « Tiens ! J’ai pris ça, histoire qu’on ne meurt pas de faim. » Dis-je, tout en lui tendant les sacs contenant des sandwichs et des viennoiseries. « J’ai hâte de voir ce que tu nous réserves ! » Il m’a parlé des grosses lignes, mais avec la charge mentale du quotidien, je crois que j’ai omis certains détails.

Avec la météo de notre côté, l’après-midi ne pourra être que bonne. Et puis, vu l’endroit où Silas m’a donné rendez-vous, j’ai comme l’impression que c’est mieux que le soleil soit là, plutôt que la pluie et le vent. Je ne dis pas qu’il n’est pas possible de faire quelque chose au port avec de telles conditions, mais j’ai comme la sensation que c’est sûrement moins agréable qu’avec un temps doux. Si le jeune homme s’est occupé de l’animation, j’ai de mon côté pensé à la collation. Étant propriétaire d’un café-pâtisserie, il aurait quand même été dommage de passer à côté de l’occasion de le régaler un peu et pour le coup, je semble avoir visé juste, puisque tout ce que j’ai apporté semble lui plaire. Maintenant que nous sommes tous les deux-là, les choses peuvent commencer et sans plus attendre, Silas nous emmène en direction du bateau qu’il semble avoir loué. Avec un rendez-vous ici, je savais plus ou moins à quoi m’attendre, même s’il aurait facilement pu me faire faire du kit-surf ou ce genre de choses, je suppose. Nous montons à bord de l’engin et déposons nos affaires aux endroits prévus pour ça. Mon meilleur ami vient ensuite se mettre derrière le poste de pilotage pour nous faire sortir du port. « Si je veux être complètement honnête avec toi, je crois bien que c’est la première fois que je monte sur un bateau. Un bateau qui n’est pas une barque ou un bateau à moteur sur lequel tu peux monter à un ou deux au plus. » Si je devais passer un permis, en plus de celui classique, je crois que ce serait plutôt pour une moto. Autant bien rentabiliser le prix d’un tel investissement, non ? Je n’ai rien contre les bateaux, mais à moins de vouloir faire un tour du monde en quatre-vingts jours ou vivre directement au port — avec des nuits sûrement un peu fraiches, ça reste quand même un véhicule bien moins utilisé que ceux avec des roues. Mais que l’on ne se méprenne pas, même si je ne suis pas derrière le volant et que je ne le serais probablement jamais, je suis contente d’être ici avec Silas et de découvrir quelque chose de nouveau. « C’est un peu comme si je cochais une case des choses à faire dans ma vie aujourd’hui. » Il y a sûrement d’autres choses à faire sur un bateau ou bien même d’autres bateaux sur lesquels monter, mais disons que c’est déjà un bon début. Alors que le moteur est lancé et que l’engin commence doucement à bouger, le jeune homme me questionne sur mes deux garçons. « Bien ! Ils grandissent vite. Leo devient de plus en plus un petit garçon et son frère prend un malin plaisir à lui montrer toutes les bêtises qu’il est possible de faire. » Et bien sûr, le plus jeune des deux ne se fait pas prier pour le suivre aveuglément. Autant dire qu’à me faire du souci pour eux, mes cheveux blancs arriveront plus vite que prévu. « Et comment vont Kiliko et Ryder ? » Finalement, Silas et moi sommes dans des situations plus ou moins similaires : nous avons tous les deux eu des enfants et puis, des personnes ont ensuite rejoint nos vies.

Cette proposition de sortie sort légèrement de l’ordinaire, au point même que je peux affirmer à Silas qu’avant aujourd’hui, je n’ai jamais eu l’occasion de monter sur un bateau à moteur. « Prochaine étape, la croisière ! » Dis-je, sur le ton de la plaisanterie. Je ne sais pas trop si c’est quelque chose qui me plairait et puis, pour faire ce genre de choses, il faut du temps et je n’en ai malheureusement pas beaucoup. Le planning de notre après-midi évoqué et toutes nos affaires posées dans le bateau, nous pouvons maintenant partir. Et alors que le jeune homme s’occupe de prendre place derrière le gouvernail, je réponds à son interrogation sur mes deux garçons. Le temps passe vite, c’est le moins que l’on puisse dire. Avant de devenir mère, je ne croyais pas à ce genre de choses et pourtant, je dois maintenant me rendre à l’évidence : mes enfants grandissent à vue d’œil et par la même occasion, je vieillis. Ce n’est pas vraiment quelque chose qui m’effraie et pourtant, avec cette envie d’avoir un nouvel enfant, avec Eden, et de façon biologique, il faudrait peut-être que je commence à m’en inquiéter. Lorsque je l’interroge à mon tour, Silas prend le temps de répondre. Je n’ai pas besoin de plus pour comprendre que le jeune homme est inquiet et finalement, quand on a des enfants, c’est un comportement plutôt normal. Nos situations sont plutôt similaires, alors avec un peu de chance, j’arriverais à trouver les mots justes pour le rassurer. Car à ce niveau, c’est bien la seule chose dont il a besoin. « Tu es son père, tu es généralement celui qui donne des punitions. Alors que Ryder.. il est celui avec qui il peut s’amuser. » Je ne dis pas qu’il ne le fait pas avec Silas non plus, mais je suis sûre que mon meilleur ami voit où je veux en venir. « Tu sais.. tu n’es pas le seul dans cette situation. » Ce n’est pas le premier non plus et ce ne sera pas le dernier. Être parent, séparé et refaire sa vie, ce sont des choses qui vont plutôt bien ensemble et qui arrivent de plus en plus. Il y a des adaptations à faire, comparé aux familles classiques, mais ce n’est pas impossible. « Quand tu es parent, il est parfois compliqué de trouver le juste milieu. Mais Kiliko t’aime et il t’aimera toujours, n’en doute pas. » Si un lien s’est créé entre le petit garçon et le petit ami de Silas, ça ne veut pas dire que celui qu’il y a entre le père et son fils changera. Il sera toujours là et bien plus fort que toutes les relations qu’il pourra se créer plus tard. « Si tu as fait le choix de présenter ton fils à Ryder, ce n’est pas pour rien. Tu en avais envie et tu sentais que les choses se passeraient bien. Ne remets pas tout cela en question sous prétexte que les choses se passent trop bien justement. »

C’est difficile à entendre pour certaines personnes, mais il ne faut pas forcément un père et une mère pour avoir une famille heureuse. J’ai eu la chance de grandir dans une famille aimante — malgré l’absence de mon père — et je suis fière de pouvoir transmettre ces valeurs à mes enfants aujourd’hui, même si leur géniteur n’est pas là pour les voir grandir. Sur ce point, sur nos familles, Silas et moi nous ressemblons : nous sommes tous les deux en couple avec une personne du même genre que nous et nous avons tous les deux eu des enfants avant de commencer ces relations. Autant dire que nous sommes un peu atypiques. Néanmoins, cela ne veut pas dire que nous ne serons pas heureux pendant plusieurs années et que nos enfants ne réussiront pas plus tard. En réalité, même si certaines personnes ont l’esprit un peu fermé, je pense que nous vivons dans un pays où nous pouvons aimer librement qui nous voulons et où il est possible pour nous d’avoir des enfants — même si je n’ai pas eu à passer par ce genre de procédures pour avoir Elliot et Leo. Nous sommes peut-être atypiques, mais nous sommes des parents et nous avons les mêmes inquiétudes que les autres. Arrivé dans la vie de Silas suite à une adoption, Kiliko donne quelques cheveux blancs à son père : proche de son petit ami, Ryder, il a peur de le voir choisir un camp un jour, un camp qui ne serait pas le sien. Je ne suis pas exactement dans la même position que lui pour cela, mais j’essaye de faire au mieux pour le rassurer. Silas est celui qui a permis au petit garçon d’avoir une famille, de grandir dans un foyer qui l’aime et qui souhaite le voir heureux, et pour ça, je suis sûre que Kiliko le choisira toujours. « Les enfants ont bon cœur, ils enjolivent tout ce qu’ils voient. » Dis-je, alors qu’il évoque les aléas liés aux relations que nous pouvons avoir, à ces personnes qui rentrent dans nos vies et qui finalement en ressortent. Ce sont nos enfants, nous voulons le meilleur pour eux et donc leur éviter certaines déconvenues, mais nous ne pouvons pas nous empêcher de vivre et d’aimer pour ça. D’ailleurs, peut-être que nos expériences, tant qu’elles ne sont pas traumatisantes pour eux, leur serviront plus tard. Après plusieurs minutes à naviguer, il est temps pour nous de jeter l’ancre. Nous voilà arrivés dans un endroit calme où nous n’aurons aucun mal à nous reposer un peu. D’ailleurs, pour ça, mon meilleur ami me propose d’aller nous poser un peu au soleil — après un petit passage sous la crème solaire pour lui. « Avec plaisir ! Finalement, avoir la peau halée a certains avantages. » Comme si je ne le savais pas.. Il faut dire que ça fait mon charme ! Et c’est sans parler de la facilité que j’ai lorsque je m’expose au soleil. Une chance que mes deux garçons ont hérité, pour mon plus grand bonheur — surtout que cette couleur de peau me vient de mon père et que c’est une fierté pour moi de pouvoir faire perdurer cette partie-là de lui. Arrivés au niveau des transats, je laisse Silas retirer son T-shirt et me mets rapidement à étaler la crème sur son dos. La moindre partie de son corps crémée — du moins, je l’espère — nous nous installons et commençons à prendre le soleil. Je n’ai pas oublié sa proposition de massage, mais ça peut bien attendre un petit peu. Je ferme doucement les yeux, sous mes lunettes de soleil, et me laisse aller quelques minutes. Malheureusement, je suis bien vite rattrapée par mes pensées et je me retrouve à questionner mon ami. « Si l’occasion se présentait, est-ce que tu proposerais à Ryder d’agrandir la famille ? »