ride or die → andrea

À moins de cent cinquante jours des Jeux olympiques, c’est un peu la course. Je ne sais pas encore si j’aurais la chance d’aller à Paris, mais j’ai toujours ma chance, alors je ne dois pas baisser les bras et forcément, cela veut dire que je dois maintenir un certain rythme au niveau des entraînements. Une séance le matin et une autre l’après-midi, couplées parfois à de la musculation. Et entre deux, un petit tour à la boutique pour maintenir mes comptes à flot — sans parler des éventuels soirs où je fais du baby-sitting. Si les journées pouvaient durer plus de vingt-quatre heures, je crois que je signerais ! Plutôt deux fois qu’une même. Après, c’est un avantage d’être à mon compte : si un jour dans la semaine, je ne me sens pas capable d’ouvrir, alors je l’indique par un simple message aux clients sur les réseaux sociaux et sur la porte de la boutique, et je rentre directement chez moi pour une bonne séance de récupération et de repos. Ce n’est pas le cas aujourd’hui — le début de semaine doit sûrement aider — et dans le fond, ça me fait un peu de bien aussi d’être à côté d’un vélo et non dessus. Après avoir réceptionné le repas que j’ai commandé à mon arrivée à la boutique, je me cache dans l’arrière-boutique pour le déguster et en même temps bricoler sur un vélo déposé la veille pour une roue crevée. Ce n’est pas ce qui demande le plus de réflexion et s’il collabore, c’est généralement vite réglé, c’est donc l’option parfaite pour une pause repas prise sur le pouce. Cependant, lorsque je m’apprête à remettre la roue, réparée, à son emplacement, j’entends la sonnette dans l’autre pièce, m’indiquant ainsi que quelqu’un vient de rentrer dans le magasin. « Bon.. » Dis-je, avant de m’arrêter en découvrant qui se tient face à moi. « Oh. Je ne pensais pas vous revoir aussi vite. » Un fin sourire se dessine sur mes lèvres, avant de disparaître en voyant l’état de son véhicule. « Qu’est-ce qui s’est passé ? Est-ce que quelqu’un vous a percuté ? Au moins, cette fois-ci, il vous a laissé votre vélo. » Bien que sa venue va me permettre de faire tourner un peu plus la boutique, je ne voulais pas lui souhaiter un tel accident. Un pneu crevé, comme mon autre client, cela aurait largement fait l’affaire.

À la boutique, généralement, je gère. Les réparations ou réglages sont planifiés à l’avance et si je vois que je risque de me faire noyer sous la tonne de travaux, je fais appel à mon père. Mais parfois, il y a des urgences, des choses qui nous tombent dessus sans prévenir et qui peuvent facilement nous mettre dans la merde quand nous n’avons pas de solution de repli pour se déplacer et c’est visiblement ce qui amène la jeune femme ici aujourd’hui. Une jeune femme que j’ai eue l’occasion de rencontrer récemment et qui m’avait raconté une anecdote à son sujet concernant un accident. Et à en voir l’état de son vélo aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de faire une remarque là-dessus — rien de bien méchant bien sûr, vive l’appréciation du service client sinon. « Est-ce que je dois m’inquiéter ? Est-ce que quelqu’un vous veut du mal ? » Son accident, le vol qui a suivi et maintenant ça, une voiture qui roule un peu trop près, le bus qui arrive pile à ce moment-là. Une succession d’événements aléatoires, mais on pourrait facilement se poser des questions. « C’est soit ça, soit vous n’avez pas vraiment de chance. » Mais il n’est peut-être pas utile que j’insiste là-dessus. Vu l’état de son vélo et l’obligation de passer par ma boutique, elle doit suffisamment se sentir mal pour ne pas vouloir qu’on en rajoute une couche. « Je vais regarder ça. » Je m’avance jusqu’à elle et récupère son véhicule pour l’emmener jusqu’à un pied d’atelier, dans la boutique, pour me permettre de le surélever. Déjà ça, le faire rouler, ça semble compliqué. « À première vue, votre roue est voilée. Rien d’étonnant quand il y a un choc dans le genre. » D’autant plus quand cela implique un autre véhicule, avec des roues plus larges ou des pare-chocs plus solides. Les vélos sont certainement plus solides maintenant, comparés à quelques années, mais ça reste des moyens de transport assez fragiles où il n’y a pas de coquille extérieure pour les protéger. « Selon le niveau de voilage, je pourrais la redresser avec une machine, sinon il faudra changer la roue.. » Ce n’est bien sûr qu’en dernier recours et qu’elle se rassure, je ne chercherais pas à tout prix à la changer. C’est peut-être bête, mais je ne suis pas fan du fait de créer des déchets supplémentaires quand cela peut être évité. Et puis, en cas de changement de roue, il faut parfois prévoir un délai de livraison et je serai embêtée pour elle si je me retrouve à devoir immobiliser son vélo plusieurs jours.

Quand cela touche un véhicule, que ce soit un vélo ou une voiture, le temps d’immobilisation, et bien souvent le prix, sont des sujets un peu compliqués. Avec un peu de chance, si tout se passe comme je l’imagine — c’est-à-dire l’option où il ne faut pas changer la roue — la jeune femme ne devrait pas en avoir pour longtemps, ni pour très cher. Un mal pour un bien sûrement, surtout quand on a subit un accident. Dans ces moments-là, on préférerait ne pas avoir à penser à tout ce qui touche au matériel et plutôt se concentrer sur soi. Visiblement, la jeune femme est plutôt solide, puisqu’elle s’est relevée et a même trouvé le courage de venir jusqu’ici, directement après l’incident — ou presque. Après une telle journée, elle semble ravie de voir que je puisse prendre en charge son vélo rapidement et qu’avec un peu de chance, le traitement se fera tout aussi vite. Enfin pour ça.. elle semble avoir encore un peu de doute. « Plusieurs jours ? Dans l’idéal, non. » Dis-je, pour la rassurer. « S’il n’y a qu’à la dévoiler, en une demi-heure ça devrait être bon. » Ce n’est pas la première fois que j’ai à faire ce genre de choses et avec le matériel qui va bien, c’est l’une des réparations les plus faciles à faire — hormis le changement d’un pneu et les quelques réglages à faire pour rendre la position de l’utilisateur la plus agréable possible. « En revanche, s’il faut changer la roue, tout dépendra du stock que j’ai. » Si j’ai une roue au bon format pour son vélo, alors je devrais m’en sortir en rajoutant seulement une demi-heure de plus. En revanche, si je ne l’ai pas, il faudra peut-être être patientes et croiser les doigts pour que mes fournisseurs puissent m’en livrer une rapidement. Je pense tout de même qu’en deux ou trois jours, cela pourrait être réglé. Mais avant d’en arriver là et de devoir passer la commande, je m’occupe de démonter la roue et de la mettre sur la machine. « Votre collègue a apprécié les cadeaux que vous lui avez rapporté ? » Je ne sais pas si elle compte faire autre chose pendant ces quelques minutes, faire une course en ville par exemple, mais tant qu’elle est là, je me dis qu’il est toujours plus agréable de faire la discussion. Je pourrais aussi monter un peu le son de la musique et me concentrer au maximum dans ce que je fais, mais cela rendrait la relation avec la clientèle bien moins agréable.