Théo - Il faut se méfier de l'eau qui dort

   

Théo Antonelli

"Ne fais pas d'une personne ta priorité quand tu n'es pour elle qu'une option" - Mark Twain

   
   

les informations en vrac

   Deuxième enfant de la famille Antonelli, Théo est l'héritier, celui qui doit reprendre le trône et rendre fier son père. Du moins, c'est ce que la logique aurait voulu, mais Santo n'est pas exactement de cet avis De santé fragile durant de nombreuses années, il était en manque d'amour, de reconnaissance. Sa sœur a toujours été là pour lui, mais c'était la présence d'une autre personne qu'il attendait. Quand il a compris qu'il ne l'aurait jamais, il n'est plus jamais tombé malade A force d'observer son père pour savoir comment le rendre fier, Théo a très vite appris comment manipuler les autres pour obtenir ce qu'il souhaitait Il a passé toute son enfance quasiment en pension. Il se dit parfois qu'il aurait pu connaître de meilleures années, mais il n'en est pas certain.  Si on lui demandait quelle est la meilleure période de l'année selon lui, il répondrait sans hésiter l'été. Une liberté retrouvée, des activités de folie en vue et, surtout, du temps avec Lukas. Théo a admiré son père durant de nombreuses années, cherchant à devenir comme lui à tout prix, mais toute cette image idéalisée s'est détruite quand il a compris qu'il coupait les vivres de sa sœur parce qu'elle ne suivait pas les règles de la maison, le chemin qu'il avait tracé pour elle. Théo n'a pas hésité une seule seconde à piocher dans ses économies infinies pour payer le loyer de sa sœur, prenant soin de ne jamais le lui révéler. Ne pouvant se lancer dans une vie sans la valeur de son nom de famille, il a décidé de faire semblant de suivre le cursus choisi pour lui. Seulement, une idée bien précise naissait au fond de son esprit : ne plus devenir comme son père, devenir plus puissant, plus riche que lui. Dépasser le maître à tout prix. Théo a suivi plusieurs cursus à Yale. Il a d'abord étudié les mathématiques avancées pour avoir des bases solides avant de se lancer dans une école privée de communication, management et commerce au sein du campus réputé. Il a un véritable passion pour les risques. Que ce soit des risques de se faire prendre à rompre les interdits (durant son enfance, dans les internats, sur le campus, au sein de sa société secrète), des risques pour sa vie avec des activités dangereuses ou les risques des enjeux de son métier. Rien ne l'arrête parce que rien ne lui donne plus la sensation de vivre que d'avoir la sensation d'être en équilibre sur un fil fin au-dessus du vide. Fiancé depuis presque un an, il n'a jamais rien ressenti pour sa fiancé. Cette alliance n'était qu'un mariage arrangé par leurs deux pères, mais ils ont décidé de retourner cette alliance contre eux. Chacun vivant de son côté, ne se montrant heureux ensemble que lors de grands galas, ils utilisent cette excuse pour vivre comme ils l'entendent. S'il ne s'en rend pas encore compte, Théo commence à agir avec sa fiancée comme il agit en présence de sa sœur. Il n'est plus le même homme, il est un peu plus humain. Le simple fait qu'il démontre une curiosité sur ce qu'elle pourrait cacher et aurait besoin de cette alliance entre eux montre une faiblesse qu'il ne se permettrait pas s'il y faisait attention. Une autre personne arrive à créer quelques changements en lui. Si Leah était un défi pour lui, pour détruire son père un peu plus, elle est maintenant devenue un défi pour lui-même. Elle qui refuse sans cesse ses avances, elle lui a montré qu'elle valait mieux que la famille Antonelli, elle valait mieux que de vivre sous les ordres de Santo. Alors il la provoque, la pousse à dépasser ses limites, à s'énerver. Il la pousse à vivre. Mais aujourd'hui encore, sa plus grande faiblesse est sa sœur et elle a besoin de lui. Sans même penser à ses plans bien consolidés depuis des années, il met tout de côté pour venir à son secours, et ce, sans aucun regret.

   

les indiscrétions sur le joueur

   
   

Code:

<pris>adam gallagher ›</pris> théo antonelli

       

   

l'histoire de ma vie

"Le plus grand plaisir dans la vie est de réaliser ce que les autres vous pensent incapable de réaliser" - Walter Bagehot

   Une noirceur étouffante m’entourait de sa couverture rugueuse, des bruits assourdissants continuaient de résonner dans la pièce sans jamais me laisser une seconde de repos. Déterminé à ne pas montrer le moindre signe de faiblesse, je ne bougeai pas d’un millimètre en sentant un gant se poser sur mon front. L’envie honteuse de me lover dans les bras de ma sœur me démangeait, mais je tenais, parce qu’il pouvait être là, parce que je devais lui montrer qu’un petit rhume ne me faisait rien. Je sentis alors une irritation dans le creux de ma gorge et je serrai ma couette de mon petit poing pour ne pas céder. Et j’aurais sans doute réussi si Lukas n’avait pas envelopper ma main de la sienne, si elle n’avait pas été aussi douce avec moi. Sans pouvoir résister plus longtemps, je me redressai soudain et me mis à tousser violemment. Mes poumons me brûlaient, je ne pouvais qu’à peine respirer, mais la gêne était encore et toujours là, alors je continuai sans plus pouvoir m’arrêter. « Chut, ça va aller. Reprends ton souffle doucement. » Lukas caressa doucement mon dos et respira plus fort pour que je me cale à sa respiration. Et comme à chaque fois, elle parvint à me calmer, rien que par sa présence. Je la laissai me repousser lentement contre le lit et me servir un verre d’eau pour soulager ma gorge. « Est-ce que pa… Père va venir? » Je n’osai pas relever la tête vers ma grande sœur, je savais que je venais de dire une bêtise. Combien de fois me l’avait-il répété, combien de fois m’avait-il repris depuis que j’avais prononcé mon premier mot ? Papa, un premier mot et un interdit aussitôt prononcé. « Il est au bureau, ne l’attends pas. Et tu dois te reposer. » Je hochai lentement la tête, une moue triste prenant place sur mon visage. Je me glissai sous les couvertures et tournai le dos à ma sœur. Les yeux bien ouverts, j’attendis qu’elle m’embrasse le front et qu’elle sorte de ma chambre avant de laisser mes larmes couler sur mes joues. Faible. J’étais faible ! Jamais il ne me regarderait si je continuais de me laisser chouchouter par ma sœur, si je restais au lit quand j’avais la gorge qui brûlait. Je serrai le poing et essuyai rageusement mes larmes, près à sortir du lit. Mais avant que je ne puisse faire un geste, le médicament donné par ma grande sœur commença à faire effet et la fatigue de ma lutte continuelle me plongea dans un sommeil agité.

J’écartai discrètement les rideaux de la fenêtre de ma chambre et vis la voiture de mon père s’éloigner dans la rue. A peine eut-elle tourné dans l’angle que je m’éloignai de la vitre et courus vers la chambre de Lukas. Je ne perdis pas de temps à toquer, je savais qu’elle m’interdirait d’entrer si je le lui demandais. Dans un souffle exaspéré, je la vis allongée dans son lit, un casque sur les oreilles, la mâchoire toute crispée. Je fis deux pas en avant pour juste à côté d’elle et lui piquai son casque. « Allez Lukas, bouge de là ! On se voit pas déjà pas d’l’année, tu vas pas rester enfermée là à rien faire ! Dépêche de t’habiller, j’ai entendu parler d’une super occas’ pour passer une aprem d’enfer ! » Je mentais royalement, je n’avais aucune idée de ce qu’on pourrait faire, mais si ça la faisait bouger ses fesses un peu, je n’aurais pas de mal à trouver. Je n’en pouvais plus de la voir dans cet état depuis que l’autre vieille avait disparu de la circulation. Je ne lui rendis pas ses écouteurs, au contraire, je lui piquai même son portable pour la pousser à sortir au moins de sa chambre. Une bonne demi-heure plus tard, accompagnée de plaintes à tout va et quelques regards noirs, elle finit enfin par me rejoindre au bord de la piscine. « T’as fini de faire ta vampire, c’est bon ? » « Ferme-la ! Bon, c’est quoi ton occas’ ? » Je lui fis un grand sourire avant de me relever vivement et de lui faire signe de me suivre. Je me faufilai dans le jardin des voisins et me précipitai vers la fenêtre de leur garage. Quelques secondes plus tard, j’ouvris en grand le portail et lançai des clés à ma sœur. « Prête pour une p’tite course ? » Mon sourire s’agrandit un peu plus lorsque je la vis s’installer sur le deuxième quad. Je tournai ma clé dans le contact, vit vrombir le moteur et lâchai le frein pour laisser le véhicule déraper dans le jardin. La lenteur de Lukas un peu plus tôt m’avait permis de trouver plusieurs idées et ce fut sans aucune hésitation que j’accélérai dans les rues néo-zélandaises, laissant un rire joyeux se mêler au vent frapper mon visage. Quand je vis des bâtiments au bord d’une falaise, je ralentis légèrement pour les désigner à la jeune femme et je me dirigeai de ce côté-là. Sautant de mon quad avant elle, j’en profitai pour aller vers l’un des responsables. « Bonjour. Nous voudrions emprunter deux deltaplanes pour le reste de l’après-midi. Et, avant que vous ne vous risquiez à poser la moindre question, sachez que vous êtes en présence des deux enfants de Santo Antonelli. Vous verrez avec lui pour le prix de la location, parce que vous allez bien nous les préparer si vous ne voulez pas qu’on revienne chez lui ce soir déçu de notre journée. Par contre, si tout se passe comme je l’entends, vous devriez avoir une belle surprise. Parole d’Antonelli. » Je ne laissai aucun doute planer sur mon visage, le fixant droit dans les yeux alors que l’employé se demandait ce qu’il venait de se passer. Ce n'était pas tous les jours qu'on voyait un gamin de douze ans faire sa loi. Il me laissa quelques minutes pour sans doute avoir l’accord de son patron, mais le nom italien était assez connu dans le monde du commerce et des finances pour que deux autres hommes viennent l’aider à sécuriser les deltaplanes. « Qu’est-ce que tu manigances encore Théo ? » « Rien, t’inquiète ! Viens. » Je fis un nouveau signe à ma sœur et m’avançai vers l’un des moniteurs pour le laisser me mettre l’équipement de sécurité. « T’es taré p’tit frère, tu le sais ça ? » « Quoi, t’as peur ?! Tout ce que t’as à faire, c’est de te donner une impulsion et d’oublier pour profiter. Tout oublier ! » Je lui fis un petit clin d’œil avant de faire un pas en avant et de hurler de joie en sautant dans le vide.

« Alors les bizuts, dites-moi, pourquoi seriez un meilleur choix que les autres ? » Le responsable du recrutement passa derrière le petit groupe dans lequel j’étais mêlé et nous observait attentivement. Je ne pus m’empêcher de lever les yeux au ciel, bloquant au dernier moment un soupir d’exaspération. Seulement, un autre membre de la société secrète avait dû voir mon mouvement car il fit signe à son supérieur de le rejoindre. Je plissai les yeux alors qu’ils se chuchotèrent quelques commentaires mystérieux avant de voir leurs regards suspicieux tombés sur moi. « Toi, le petit brun, pourquoi il faudrait te choisir toi plutôt qu’un autre ? » Je laissai échapper un petit rire moqueur. « Pour commencer, je ne suis pas un petit brun, mais l’un des hommes les plus classes dans cette pièce, si ce n’est le plus classe. Ensuite, ce n’est pas déjà évident ? » Je levai un sourcil d’un air perplexe avant de m’avancer lentement et de me détacher du groupe. Je fis un petit aller-retour devant lui, observant chacun de ses membres. « Soyons honnêtes, il suffit de les regarder pour savoir que je suis votre meilleur espoir. Au choix, vous avez le droit à des têtes d’ampoules qui n’ont aucune idée de comment utiliser de façon magistrale leur talent – il ne faut pas leur en vouloir, ils n’ont aucun don pour la communication les pauvres – ou à des héritiers incapable de réfléchir cette fois-ci, ne profitant que de la réputation de leur famille pour essayer de grappiller une place en or dans notre société de requins. » Je me détournai des bizuts pour faire face au gratin de l’université. « Sinon, vous pouvez miser sur moi. Ce que j’ai de plus que ces autres idiots ? A la fois l’intelligence, l’argent, la facilité à parler et la beauté pour charmer toutes les personnes que vous souhaitez. N’est-ce pas mieux de pouvoir compter sur quelqu’un qui ne se contentera pas de vous lécher le cul dans l’espoir d’avoir de meilleures notes ou un meilleur poste ? Moi, je peux vous offrir des contacts inespérés, une belle donation à la société. Je peux vous monter vers le haut, vous rendre tout ce que vous pourriez m’offrir, de façon égale, si ce n’est plus. Et si ça ne vous suffit pas, rappelez-vous ceci : mon nom est Théo Antonelli. » Je me redressai un peu plus, toujours fier de l’effet que faisait mon nom de famille sur les gens autour de moi. Il intimidait le respect, parfois même la frayeur. Je m’avançai lentement vers le recruteur, assez près pour pouvoir lui murmurer quelques paroles que seuls nous deux pouvions entendre. « Ce qu’un Antonelli veut, un Antonelli l’obtient, toujours. Et je vous veux. Crois-moi, tu me veux tout autant. Je peux te faire gagner beaucoup de respect si tu fais attention à mes paroles, mais je peux aussi tous vous couler grâce à un seul coup de fil, qu’importe la réputation de cette société. » Je m’éloignai avec assurance, gardant toujours mes yeux posés sur lui. Je ne pouvais pas le laisser voir la moindre faille dans mon jeu, pas avec les doutes et la colère qui brûlaient dans ses iris. Je savais que je prenais des risques, mais je savais aussi que ces risques ne pouvaient qu’être payants. Dans ce genre de situation, il fallait jouer avec le feu pour se démarquer des autres. Je connaissais le jeu, j’y avais trop souvent jouer pendant toute mon enfance, pendant toutes ses soirées de gala pour perdre dès le premier tour. Et la lumière qui brillait dans le regard des autres membres me laissait déjà entrevoir le chemin vers de nouveaux défis bien plus intéressants. Mon arrivée dans ce cercle bien privé ne se comptait plus qu’en heures à présent.

Soufflant un bon coup devant la porte d’entrée, je me laissai quelques secondes avant de l’ouvrir et de rentrer dans la villa familiale. Je m’avançai lentement mais sûrement vers le salon et repris automatiquement une attitude accueillante, un sourire angélique sur le visage. Je ne pris pas la peine de tourner mon regard vers mon père, je savais déjà comment je devais réagir en sa présence. Après avoir saluer convenablement tous les invités de cette soirée particulière, je me glissai discrètement vers un couloir dissimulé au fond de la pièce et allai droit vers le bureau du chef de famille. Je n’accordai aucune importance aux fauteuils positionnés de façon à ressentir toute la supériorité de Santo Antonelli, je n’avais aucune envie de lui laisser prendre le dessus sur cette discussion. A la place, je me dirigeai vers la grande fenêtre donnant vue sur le magnifique manteau de neige glaçant l’immense jardin de la propriété. « Félicitations ! C’était ça que tu attendais, n’est-ce pas ? Que je sois fier de toi, que je puisse dire à tout le monde à quel point mon fils est un idiot ?! Alors félicitations Théo, tu as réussi à mettre en péril toute ma puissance et mon héritage. Grâce à toi, je vais devenir la risée du monde ! » Si mon visage resta toujours aussi neutre, le regard fixé sur la surface gelée du lac, je bouillais intérieurement. Je savais déjà ce qu’il allait me dire, je m’y étais préparé depuis des heures, mais je n’arrivais pas à me séparer de ce sentiment de frustration, de souffrance face à cette attitude toujours aussi méprisante de sa part. « Qu’est-ce que tu as à dire pour ta défense ? Tu dois bien avoir une explication, c’est le minimum que tu me dois après une telle défaillance ! » Je pris une nouvelle inspiration avant de me tourner lentement et de regarder mon père bien en face. Je pouvais lire tout le dégoût qu’il ressentait pour moi depuis que j’étais né dans son regard, ce dégoût d’avoir un fils aussi faible. « Je n’ai rien à dire. Je pensais que c’était un risque à prendre, un bon risque. Je me suis trompé. » Que dire de plus ? Je savais ce que j’avais fait et je savais à quel point ça paraissait dangereux en cet instant, mais je savais également quels étaient mes prochains choix pour lui prouver que j’avais pris la meilleure décision possible pour l’héritage Antonelli. Seulement, s’il n’était pas capable de le voir de lui-même, alors peut-être que je venais tout juste de dépasser le maître. « Qu’est-ce que je vais faire de toi ?! Je ne peux même pas te faire radier du monde de la finance, ça ne ferait que confirmer que tu es la faiblesse de la famille. Je te laisse une chance, une seule chance, pour te rattraper. Si tu me refais un tel coup bas, plus jamais tu ne pourras revenir aux États-Unis, tu m’entends ?! Et tu vas me faire le plaisir d’accepter le mariage que j’ai arrangé pour toi. N’essaye même pas de protester. Tu le feras, que tu le veuilles ou non. Elle est ici ce soir, attends ici qu’elle te rejoigne pour que vous fassiez un peu connaissance. » Mon cœur battait à toute vitesse, les mots se cognaient dans mon esprit en des hurlements silencieux. Je n’avais encore jamais ressenti une telle envie d’exploser, de le rabaisser comme il le faisait depuis toutes ces années avec moi. Et pourtant, je le laissai partir sans un geste, toujours aussi neutre dans mon attitude. Lorsque la porte se referma derrière lui, je laissai tout mon corps se tendre et je me retournai vers la fenêtre pour essayer de retrouver une respiration sereine. Mais je n’eus pas le temps de laisser mes émotions s’échapper que j’entendis de nouveau la porte s’ouvrir. Je me retournai aussitôt avec un sourire charmeur et observai l’inconnue s’avancer vers moi. « Mademoiselle, c’est un plaisir de faire votre connaissance. » Je fis un pas vers elle et lui attrapai doucement la main pour y déposer un doux baiser. Seulement, celle-ci retira aussitôt ses doigts des miens et me regarda avec une colère noire. « Arrête ton petit jeu Antonelli, je sais qui tu es et je n’ai aucune envie d’être une autre de tes marionnettes. » J’inclinai ma tête sur le côté, étonné de découvrir dès les premières secondes un caractère bien trempé de sa part. « M’offrirais-tu un nouveau challenge ? J’aime ça ! » Je fis un nouveau pas vers elle comme pour la provoquer, mais elle ne se laissa pas démonter pour autant. Son regard se fit plus intense encore. « T’es sourd ou quoi ?! Oublie ça avec moi, je ne suis pas une cruche comme toutes tes conquêtes. Et maintenant, essaye d’utiliser ton cerveau pour la bonne cause : comment on arrête ce mariage stupide ? » J’hésitai quelques secondes avant de me reculer et glisser mes mains dans mes poches. Je savais que je ne pouvais pas me défaire de ce marché avec mon père, pas si je voulais mener à bien mon projet. Il ne me servirait à rien d’énerver un peu plus ma future promise, pas plus que de la blesser. Il ne me restait donc qu’une seule solution, d’en faire une alliée loyale. « On ne peut pas. En tout cas, je ne peux pas m’y résoudre pour le moment. Et si tu viens vers moi pour trouver une solution, alors tu es tout autant piégée que moi. La meilleure solution serait de jouer le jeu comme nos pères l’entendent, juste assez longtemps pour qu’ils retrouvent la puissance qui les rend si ridicules. On fait semblant de commencer à se fréquenter, je fais ma demande, tu viens vivre chez moi et on montre au monde entier à quel point on est heureux ensemble. Mais, dans notre cercle privé, on fait ce que l’on veut de notre vie. Mon appartement est assez grand pour que tu n’es pas besoin de me voir de la journée et ce que l’on fait de nos vies ne regardent personne, que nous. Ça te va pour l’instant ? On verra comment ça évolue par la suite ? » « On se construit une vie théâtrale le temps de quelques semaines ? Ça me va, je n’ai pas le choix de toute façon. » Je plissai les yeux sans comprendre ce qu’elle voulait dire par là, mais ne tentai pas de la retenir pour en savoir plus. J’avais d’autres affaires à régler pour ne pas me piéger dans une autre. Je la laissai prendre les devants avant de la suivre et retourner dans la pièce à vivre. « Théo, viens par ici. Je voudrais te présenter ma femme, Leah Antonelli. » Je m’avançai vers mon père et laissai glisser mon regard sur la femme présente à ses côtés. Je pris sa main et y déposai un baiser, mon regard toujours plongé dans le sien. « Je suis enchanté de faire votre connaissance et je vous souhaite bienvenue dans la famille, même s’il me semble être en retard pour cela. » Leah ne semblait pas aussi insensible à mon geste et j’en profitai pour prolonger discrètement le contact. Mon sourire devint plus charmeur encore et, lorsque les notes de musiques changèrent en une nouvelle mélodie, je rattrapai sa main qui s’échappait doucement de la mienne. « M’accorderiez-vous cette danse ? C’est un rituel dans notre famille, chaque nouvelle femme entrant dans notre cercle doit danser au moins une fois avec moi. » Je lui fis un petit clin d’œil et l’incitai à me suivre sur le petit espace dansant, laissant mon père seul avec son verre à la main. Il semblait presque inutile à être seul dans une pièce aussi remplie, c’était grisant. Je posai délicatement une main dans le dos de Leah, offris la deuxième de façon à ce qu’elle la prenne et je me mis à bouger harmonieusement avec elle, laissant la musique nous porter. « Je peux lui accorder au moins ça, mon père a eu une véritable chance de croiser votre chemin. Je n’ai encore jamais eu le plaisir de danser avec une femme telle que vous. » Je décalai ma tête de façon à pouvoir la regarder, une étincelle particulière faisant briller mon regard. Si mon père avait décidé de me rendre la vie dure, rien ne m’empêchait de faire de même. Et il venait de m’offrir l’occasion parfaite.

« Comme tu voudras. Tu peux mentir à tout le monde, mais tu ne peux pas te mentir à toi-même. » Je lui accordai encore un regard puissant avant de me détourner d’elle et de me diriger vers le couloir. Malgré son nouveau refus, je ne pouvais m’empêcher de sourire avec sincérité. Je dévalai discrètement les escaliers, allai récupérer ma veste dans le vestibule et en profitai pour laisser mon cadeau près des manteaux de Leah. Je savais qu’elle ne pourrait pas le louper, pas alors que je venais de l’accrocher au niveau de son manteau préféré pour l’hiver. Et le petit mot que j’avais glissé dans la housse de la robe ne laissait aucun doute, c’était ma signature même, les paroles que je ne cessais de lui répéter à chaque fois que je me retrouvais seule avec elle : laisse-toi vivre. J’enfilai ma veste et sortis dans le froid glacial de l’hiver new-yorkais. Atteignant ma voiture, je m’arrêtai avant de pouvoir m’installer dedans et sortis mon portable de ma poche, surpris d’entendre cette sonnerie spécifique à cette époque de l’année et, surtout, à cette heure-ci. « Lukas, tout va bien ? … Parker ? La Parker ?! Celle d’il y a 13 ans, celle qui est apparue un été et a disparu tout aussi vite ? … Non, je ne le savais pas, je n’ai pas pu venir cet été et… Est-ce qu’elle va bien ? Où est Shaelyn ? … Oui… Non, d’accord. Je rentre chez moi prendre des affaires et je monte dans le premier avion qu’ils pourront me préparer ! Tiens-moi au courant de toutes les évolutions, j’arrive au plus vite ! » Je raccrochai en tremblant et montai aussitôt dans la voiture. Ne faisant pas attention à la vitesse à laquelle je roulais, j’arrivais en un temps record devant chez moi et ne pris pas la peine de me garer correctement. Je courus vers mon appartement, montai les marches quatre par quatre et fis irruption dans ma chambre pour jeter une valise sur le lit et commencer à la remplir sans faire attention à ce que je prenais. « Théo, est-ce que tout va bien ? Qu’est-ce qu’il se passe ? » « Je dois en Nouvelle-Zélance. Une urgence. » Pour la première fois depuis que je la connaissais, je parlais presque comme le commun des mortels à ma fiancé. Pire, je parlais en télégramme. Elle s’approcha de moi et vint poser une main sur mon bras pour me faire ralentir. « Eh calme-toi, ton avion ne décollera pas sans toi. Et tu n’auras pas besoin de tes gros pulls, c’est l’été là-bas. Tu es sûr que tout va bien ? » Je laissai tomber les vêtements que j’avais dans mes mains et tournai la tête vers elle, me figeant à l’écoute de l’étonnement dans sa voix. « Oui, non, c’est rien… Je dois juste y aller au plus vite, mais tu as raison, il ne sert à rien que je me précipite. Tu voudrais bien venir avec moi ? Tu me disais que tu avais envie de vacances depuis quelques temps, c’est l’occasion rêvé. En plus, tu pourras ressortir tes belles robes ! » Et mon père ne pourra pas se douter que Lukas a un problème, il ne viendra pas fouiner dans ses affaires, dans sa vie. Je tentai de sourire comme j’avais l’habitude de faire, mais je sentis dans son regard les doutes qui grandissaient en elle. Pourtant, elle finit par hocher la tête et elle se détourna de moi pour retourner vers sa chambre. « Laisse-moi une petite heure pour préparer mes sacs et on pourra y aller, d’accord ? » Je hochai lentement la tête, la regardai sortir de la pièce avant de me laisser tomber sur le lit, la tête plongée dans mes mains. Une heure plus le temps de transport et l’arrivée à l’hôpital, je n’allais jamais y arriver à temps. Mais je ne pouvais pas non plus empirer la situation en la trahissant, alors je fis ce qu’on me dit et remplis de nouveau ma valise, un peu mieux cette fois-ci. Une fois installé sur mon fauteuil fétiche de mon avion favori, je n’arrêtai pas d’allumer l’écran de mon portable pour voir si Parker m’avait envoyé un nouveau message, mais rien ne s’affichait. De nouveau, une main se posa sur mon bras et je relevai la tête pour apercevoir les yeux inquiets de ma fiancée. « Tu vas devoir l’éteindre si tu veux qu’on décolle. Mais ne t’en fais pas, s’il y a vraiment un problème important, on pourra te contacter via les téléphones de l’avion. Tout va bien se passer. » Elle serra un peu plus mon poignet et je ressentis un faible soulagement. Je la laissai prendre mon portable des mains pour l’éteindre et le poser sur la table devant nous, avant de garder une main dans la sienne, le regard tourné vers la fenêtre à ma droite. La terre ferme s’éloigna sûrement de nous et toutes mes pensées se tournèrent vers Lukas, Parker et ce petit être qui allait nous rejoindre.