l'histoire de ma vie
Une suite de au-revoir
« Tu plaisantes ? » Lucas me fait non de la tête. Je bondis sur mes pieds n'osant pas en croire mes oreilles. Les feuilles sur lesquelles je travaillais tombèrent sur le sol, éparpillées. Présentement, je m'en fichais pas mal. S'il disait vrai, je n'en avais que cure de tous ces procès désormais. Mon ami pencha la tête sur le côté, un sourire au coin des lèvres. Je ne sais toujours pas si je dois le croire ou pas. Je le dévisage et lui, il éclate de rire.
« Tu l'as ton job de rêve, man ! » Un cri de victoire s'échappe de mes lèvres presque malgré moi et je me retrouve là, dans ma chambre, a sauté comme un gosse devant mon pote, hilare.
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Je charge la dernière valise dans le coffre que je referme avec un soupir. Il est venu le temps des au-revoir. Et je n’aime pas ça. Je vais partir tellement loin. L’Amérique. Oui, ça fait rêver. J’en rêve moi. Je vais devenir un célèbre photographe en Amérique. Quand Lucas m’a encouragé à envoyer mes photos, je ne pensais en aucun cas avoir le poste. J’avais envoyé cela comme ça, mais au fond, je pensais devenir un petit avocat. Sauf qu’ils m’ont pris, moi. Et pas un autre. Adieu les études droits et bonjour New York et ses paysages. Je vais devenir photographe ! Je commence par aller voir Tucker. Avant de m’approcher de lui, je le dévisage, essayant de le cerner. Je devine, à mon grand damne, que j’ai affaire à Dean. Mon frère souffre de personnalités multiples. Le plus souvent, on a affaire à Josh, Dean et Brad. Dean a certaines mimiques et c’est à cela que je le reconnais. Dean ne m’aime pas. La dernière fois, je lui ai dit de se calmer alors qu’il était en train de draguer ouvertement ma sœur. Je crois que ça ne lui a pas plu car encore aujourd’hui, il m’en tient rigueur. Brad aussi est dur. Je m’approche de lui avec un sourire engageant et il leva son majeur en signe de réponse. Je retiens à grande peine un soupir. J’aime mon frère. De tout mon cœur, vraiment. Malgré sa maladie, il reste mon frère mais parfois, c’est usant. Je m’assieds à côté de lui sans le toucher. Dean n’aime pas qu’on le touche.
« Dégage d’ici sale fumier ! » Il hurle si fort que ma mère arrive bientôt en courant. Je me lève et je lui dis :
« Au revoir mon frère. Je t’aime. » Ma mère le calme et me rejoint. Elle m’adresse un regard à moitié triste et à moitié de reproche. Je me sens coupable de les laisser. J’ai l’impression de me comporter comme mon père. Je la serre dans mes bras de toutes mes forces.
« Je ne suis pas obligé de partir, tu sais ? Ils ont plein de bons photographes là-bas. » Elle me sourit. Ma mère a peut-être de petits défauts, mais elle reste une mère géniale. Elle sait que je meure d’envie d’y aller.
« File impressionner tous ces petits prétentieux d’Américains ! » Je la remercie et l’embrasse sur le front avant d’aller voir la dernière personne que j’ai à voir. Jo’. C’est vraiment celle que je regrette le plus de quitter. C’est ma petite sœur. Je ferais tout pour elle et j’aimerais tellement la prendre avec moi. Mais c’est impossible. C’est pour elle que j’ai hésité. Au fond de moi, je ne suis sûrement qu’un crétin d’égoïste. Je m’assois près d’elle comme je l’ai fait avec Tucker. Je lui parle, j’essaye d’oublier que je suis en train de l’abandonner. Après une bonne demi-heure, je lui dis au-revoir en lui promettant de l’appeler tous les jours. Je sors et remonte dans la voiture. J’ai le cœur lourd. Lucas me fait un grand sourire. Il part avec moi, lui aussi.
« Direction l’Amérique ! » Au fur et mesure qu’on se rapproche de l’aéroport, je me détends et je sens l’excitation montée. Je suis en train de réaliser mon rêve.
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Je prends le dernier cliché avant de sourire de contentement. Ma vie est définitivement parfaite. J’envoie les photos à mon patron et j’attrape les clés de ma voiture. Je commence à avoir une certaine renommée. Je me dirige vers le bar où Lucas m’attend avec d’autres copains. J’embrasse rapidement ma petite-amie du moment. Au niveau des amours, j’avoue que je la joue cool. Jamais de longues relations, juste l’histoire de quelques nuits. C’est plus simple, et en plus, je peux m’amuser. Je commande un verre et très vite, la soirée avance. A ce moment là, tout va bien dans ma vie. J’ai un super boulot, des supers amis et aucun problème. Si j’avais su, j’aurais certainement ménagé sur l’alcool. Mais ce soir, on fêtait l’anniversaire de Margot, la fiancée de Lucas. Très vite, mes pensées s’embrument dans les vapeurs de l’alcool. D’habitude, je suis raisonnable, mais je n’avais pas le courage d’appeler un taxi alors je suis monté dans ma voiture et Lucas a fait de même avec Margot. On se disait que les accidents, ça n’arrivait qu’aux autres. Je suis donc rentré dans problème à mon petit appartement. A peine eu-je toucher la poignée de la porte que mon portable sonne. Je décroche, c’est la voix de Lucas. Il bafouille et est confus mais je comprends le principal. Je retourne dans ma voiture et fonce à l’hôpital. C’est horrible cette attente qu’on a eu. Puis un médecin fait signe à Lucas de venir. Je ne peux pas entendre ce qu’ils disent. Mais je vois mon ami se décomposer avant de s’effondrer et je dois bien me rendre à l’évidence. Margot est morte.
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Lucas me serre dans ses bras avant de passer les portiques qui le mènent à la salle d’embarquement. Ses dernières semaines ont été un cauchemar. Les obsèques, la famille endeuillée. Toute cette colère et cette incompréhension. Le père de Margot a perdu le contrôle de lui-même quand Lucas est allé parler à l’enterrement. Ses paroles raisonnent encore et encore dans ma tête :
« Ma fille est morte parce que toi et tes minables de copains, vous n’avez pas été assez intelligent pour appeler un taxi ! Alors ne dis pas que tu es triste parce que tu l’as tué sale meurtrier ! Vous êtes tous des meurtriers ! » Le pire, c’est sans doute qu’il a raison. Lucas l’a compris lui aussi. Il a décidé de retourner en France et je n’ai pu que l’accompagner à l’aéroport. Je sais bien que la culpabilité est en train de le tuer. Elle me ronger moi aussi. J’espère vraiment qu’il va réussir à s’en sortir.
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Elle, elle est différente de toutes les autres. Belle, drôle, dangereuse. Je le sais, et je crois que je suis en train de tomber amoureux. Je passe mes journées à penser à elle. Avec un soupir, je continue à prendre des photos. J’aime toujours autant mon métier. Mais sans Lucas, ce n’est plus vraiment pareil. A la fin de la journée, je rentre chez moi. La vue de mon appartement me désespère. Depuis la mort de Margot, ça a été une descente aux Enfers. Enfin, c’est peut-être un peu fort comme mot mais ça n’a pas été facile. Et mon appartement en a payé le prix. Alors qu’avant j’étais à la limite maniaque, maintenant, c’est un véritable chantier. Avec un soupir, je me décide à tout ranger. Je retrouve même un vieux téléphone qui traînait sur le lit. Au moment où je me pose, épuisé, on sonne à la porte. Ronchonnant comme un vieux monsieur, je vais ouvrir. Ma mauvaise humeur s’envola. C’est elle. Je lui souris et elle me dit :
« On n’avait pas parlé d’un dîner ? » Je la laisse entrer en remerciant tous les dieux que je connaissais d’avoir tout rangé et un sourire satisfait perdura. La nuit ne faisait que commencer…
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Pour la troisième fois de ma vie, je dis au-revoir à des gens que j’aime. Je lui dis au-revoir à elle. Tandis que je suis à la porte d’embarquement, je l’embrasse une dernière fois. J’ai reçu l’appel de ma sœur quelques jours plus tôt. Thomas Tomson était mort. Bien que je n’étais pas spécialement proche de lui, je l’appréciais et je savais que ma sœur était très proche de lui. J’avais déjà vécu le calvaire du deuil et pour rien au monde je ne laisserais ma sœur seule dans ces moments-là. J’avais décidé de la rejoindre. J’ai dit à mon patron que je partais et il a donné le boulot à un autre photographe ambitieux. Puis j’ai été la voir et je lui ai dit que je partais.
« C’est ma sœur. Elle a besoin de moi. » Elle s’est montrée compréhensive. On a dit qu’on arrêtait là. Les relations longues distances ne sont pas faîtes pour nous. Bien sûr, il y a cette part de moi, celle que j’aimerais supprimer qui me dit que je commets une erreur, qu’elle est la femme parfaite. C’est sans doute vrai. Mais je ne pense pas avoir commis d’erreur. J’ai déjà abandonné ma sœur une fois, je ne la laisserais pas une seconde fois. C’était hors de question. Je monte dans l’avion presque décidé, vers cette nouvelle vie. C’est parti pour Island Bay.