(Ailina) - Whoever is trying to bring you down, is already below you.

l'histoire de ma vie

Be who you needed when you were younger

3ans – « Maman, c'est quoi cette chose ? »
Une harpe. Disait-elle avec enthousiasme et une once de nostalgie dans la voix. Ailina apprenait de jour en jour quelques nouveaux mots, bien qu'elle soit amoureuse de lecture dès ce jeune âge, elle n'a jamais croisé ce dernier, du moins, dans ses souvenirs. Sa mère lui expliqua ce que c'était et, sans se faire prier, s'installa à côté et commença à chatouiller les cordes de cet instrument avec une grâce et une légèreté inouïes. La petite fille resta sidérée. Elle n'avait encore jamais vu sa mère jouer de la musique. Ça lui allait tellement bien. Elle était tellement belle. Sa mère n'avait rien à envier aux princesses Disney.

5ans – « Maman, pourquoi je n'ai pas de papa ? Céline m’a dit que son papa allait venir la chercher. Et elle m’a dit que son papa c’est son Héro. »
Malheureusement, les choses commençaient à se compliquer pour Niamh, elle trouva une explication peu crédible, mais Ailina, jeune et tête en l’air, n’a pas voulu insister. Elle a trouvé ses céréales préférés dans le placard et a tout de suite déviée ses préoccupations par cette boite qui la narguait d’en haut. Elle était beaucoup trop petite pour l’atteindre.
Quelques jours après, sa mère décida de tout lui raconter, jugeant mieux tout lui raconter à un jeune âge. Avec sagesse, et choisissant les bons mots, Niamh expliqua à son enfant ce qu’était l’homosexualité, l’amour qui n’a aucune limite et lui parla de Kenlee, sa deuxième maman. Ailina était très contente de savoir qu’elle avait deux mamans, et lui demanda : quand est-ce qu’elle viendra me voir ?

8ans – « Quand je serai grande, je veux qu’on devienne comme les parents de Céline. »
S’adressa-t-elle à Ethan, son meilleur ami qui l’a toujours défendu. Car déjà, à l’école primaire, Ailina était sujet de moquerie et d’harcèlement par ses camarades, on se moquait d’elle parce qu’elle avait osé dire qu’elle n’avait pas de papa mais une deuxième maman. Naïve, elle ne connaissait pas encore l’homophobie, étant donné qu’elle a toujours vécu dans le milieu LGBT. Pour éviter les moqueries, elle inventait de temps à autre des mensonges pour qu’on arrête de lui tourner autour, elle utilisait l’histoire de vie d’un des amis de sa mère qu’elle avait connu dans le centre LGBT et prétendait que c’était son papa. Mais toujours, étant une fille étourdie, elle oubliait à chaque fois de qui elle parlait et changeait donc souvent de noms. Quand ses camarades se sont rendu compte qu’elle les tournait en bourrique, ils commencèrent à la traiter de menteuse, d’une fille d’une pute. Elle ne connaissait pas la signification de ce mot mais savait que ce n’était pas un mot qu’elle devait utiliser. Le jour où elle l’a sorti à sa mère, celle-ci l’a prise dans ses bras et la rassura du mieux qu’elle pouvait. Ailina su à ce jour que c’était elle pour sa maman, et sa maman pour elle. Elle commençait à comprendre et essaya d’égayer les journées de sa maman quand elle déprimait ou quand elle pensait à Kenlee.
15ans – « Tu ne t’occupes que de tes PD ! »
Les moqueries des camarades de Lina n’ont pas cessé. A croire qu’on vit dans un monde de brutes ! Elle a eu la chance de côtoyer les homosexuels et ils n’avaient rien de ce que ses camarades disaient. Au contraire ils étaient gentils, plus doux, ouverts d’esprit, drôles… faisaient son bonheur et le bonheur de sa maman.
Malheureusement, son meilleur ami la lâcha pour une autre fille, il avait une petite amie –très jalouse, surtout après avoir su qu’Ailina était sa première fois- ils se voyaient de moins en moins, et Ailina se retrouva de plus en plus seule chez elle, n’ayant pas d’autres amis. Ça en pesait.
Elle souhaitait intérieurement d’être la petite amie d’Ethan, celle dont il était amoureux, mais ce ne fût pas le cas. Elle commença à avoir des complexes. Qu’attendons-nous de la télévision ? A part complexer les jeunes adolescentes sur leur manière de parler, leur beauté, leur corps.
C’est un fléau certes, du vingt-et-unième siècle, Ailina se trouvait grosse, elle avait de la cellulite, commença à se détester, à se sentir seule, à ne s’ouvrir que pour son journal intime.
Un jour, personne n’a compris ce qui c’était vraiment passé ce jour-là. Ailina était rentré surexcitée à l’idée de raconter à sa mère ce que son prof lui avait dit. La seule réponse qu’elle entendit était « Ma chérie je suis désolée je suis crevée, je vais aller dormir, on parlera demain matin, d’accord ? »
Mauvaise journée pour la maman ? Probablement. Mais le sentiment de solitude d’Ailina l’emporta et cria sans pouvoir pour autant se contrôler : « Bien sûr ! Oui vas-y ! Ça a toujours était comme ça de toute façon, tu t’en fous de moi. Tu ne t’occupes que de tes PD ! »
Bien sûr elle ne voulait pas dire ça, surtout pas ! Mais c’était trop tard, quelque chose se brisa ce jour-là. Sa maman resta sidérée par l’élan de colère qu’avait pris sa fille et Ailina honteuse de ce qu’elle avait sortie, et regrettant surtout, ne savait quoi faire que de claquer la porte de sa chambre se détestant encore plus.
Bien sûr, une mère ne peut pas être rancunière envers ses enfants, elle essaya d’être plus présente pour sa fille mais ça ne dura pas plus d’un mois avant qu’elle reprenne ses anciennes habitudes.
Cependant, Lina n’a jamais pu se pardonner elle-même pour le terme qu’elle avait utilisé contre sa « famille », parce-que oui, ce centre-là était sa famille à elle aussi. Mélangé à une fierté mal placé, Lina n’a pas pu renouer les liens avec sa mère, sa colère et sa solitude la poussaient à avoir un comportement immature, irresponsable et rebelle. Etait-ce dans l’espoir de faire réagir sa maman ? Un appel à l’aide ?

17ans aujourd’hui – « tu me manques maman. »
Cependant, Lina n’a jamais pu se pardonner elle-même pour le terme qu’elle avait utilisé contre sa « famille », parce-que oui, ce centre-là était sa famille à elle aussi. Mélangé à une fierté mal placé, Lina n’a pas pu renouer les liens avec sa mère, sa colère et sa solitude la poussaient à avoir un comportement immature, irresponsable et rebelle. Etait-ce dans l’espoir de faire réagir sa maman ? Un appel à l’aide ? Ça empire.
Tout ce qu’elle n’arrive pas à dire à sa maman en face l’écrit dans son journal, est-ce de la lâcheté ?
Larmes à l’œil, stylo dans la main, elle commença à écrire trois petits mots qui décrivaient l’état dans lequel elle se retrouvait depuis des mois. Elle-même n’avait pas compris ce qui c’était passé. Peut-être parce-que, quand elle était enfant, sa mère faisait plus attention parce qu’elle était justement, « enfant » ? Se dit-elle : « ma fille est assez grande maintenant, elle n’a pas besoin de moi. » Mais c’est faux, Lina n’a jamais autant eu besoin de sa mère qu’à ce jour. Elle a besoin de savoir que sa mère la protège comme elle le fait elle, combat quotidien contre ces homophobes écervelés. Malheureusement, elle n’est pas très douée pour les mots. Et sa maman est sur une fausse piste croyant qu’elle a de mauvaises fréquentations.  « Mais maman, ne sais-tu donc pas que tu es ma seule raison de vivre ? Pourquoi me négliges-tu ? Suis-je un fardeau pour toi ? M’aimes-tu maman...? »