Chapitre un : Le bar. | Sean et Benjamin.

Chapitre un : le bar

B E N J A M I N & S E A N

J’étais loin d’être dans une bonne passe à ce moment-là. Après tout, je ne devais en vouloir qu’à moi-même, mais ne rien regretter et commencer à faire à mon deuil même si j’étais conscient que tourner la page sur dix ans de vie de couple dont cinq années de mariage en un claquement de doigt est impensable. Pour ça, le temps serait mon meilleur allié enfin, fallait-il encore que j’accepte cette situation. Il ne m’avait fallu qu’une simple et limpide phrase de quelques mots pour mettre fin à tout ça pourtant. Celle-ci résonne encore dans mon esprit, limite à me hanter. Cette décision, en aucun cas, n’avait été prise à la légère. Je m’étais même donné un temps de réflexion en voyant le sujet en long, en large et en travers avant de me jeter à l’eau. Après mûre réflexion, je m’étais donc décidé à demander le divorce à ma femme, exaspéré qu'elle fasse passer son travail avant son couple malgré mes tentatives pour lui faire comprendre mon désarroi. Pour tourmenter d’avantage mon esprit, ma demi-sœur, non de sang, je précise, avec laquelle un lien au-delà du lien fraternel s’était développé était de retour dans le coin. Je ne pouvais qu’être déchiré et naviguer entre la nostalgie et l'espoir, entre la perte et le fantasme. Ainsi, pour mon équilibre, il m’était nécessaire de trouver un moyen pour m’éviter de penser à tout ceci tel que le travail, le plus souvent, et le sport, mais une fois la nuit tombée, là était le calvaire. Je ne faisais que d’avoir les mêmes pensées et répéter les mêmes mouvements, je tournais et me retournais donc dans mon lit avec les yeux rivés sur la plafond pendant plusieurs heures avant de finir par m’assoupir sous l’épuisement. Cette nuit-là, rien n’y faisait, le sommeil n’avait pas l’air de vouloir pointer le bout de son nez. Après plusieurs heures à tenter de le trouver, à croire qu'il se cachait, je me faisais une raison et finissais par m’asseoir sur le rebord de mon lit me demandant comment occuper mon temps plutôt que de le voir défiler. Très vite, une idée me venait à l’esprit. Je n’hésitais pas à quitter mon lit et me diriger vers mon dressing pour me rhabiller : un t-shirt, un jean et une veste avec des baskets faisaient l’affaire. Je ne comptais rien faire d’extraordinaire ce soir, juste boire un ou plusieurs verres dans un bar, seul et sûrement accoudé au comptoir pour être au plus prés de l’alcool. Je ne m’apprêtais pas plus que ça alors et quitter mon domicile pour me rendre dans l’un des bars où j’ai mes coutumes. Avec mes tourments, j’ai presque pris la manie d’écumer les bars pour en faire abstraction. A mon arrivée, je me dirigeais forcément vers le comptoir pour m’y installer et attendre après un barman pour réclamer un verre. Jetant un œil sur la salle et entendant l’ambiance, je me rendais compte que ce soir-là était une soirée karaoké. Même si j’aurais préféré boire mon verre en toute tranquillité, cela ne me dérangeait guère de découvrir parfois, pour ne pas dire rarement, de belles voix. « Salut Sean ! Triste mine … Je te sers quoi ? » Me remettant face au comptoir, je reconnaissais Jared, l’un des barmans de l’établissement où je connais la plupart du personnel, en même temps, dés que j’avais un temps libre après le travail, je ne tergiversais pas à savoir ce que je comptais faire. « Comme d’habitude Jared. » lui dis-je d’un air impassible. Quelques minutes après, mon verre de bière était à ma portée. J’en buvais quelques gorgées tout en écoutant l’ambiance m’environnant. « Nous avons une correspondance pour « Brother » ! Sean et BenJ vous êtes attendu sur scène ! » A cet instant, j’avais presque failli m’étouffer. J’espérais que ce soit un autre mec avec le même prénom, mais Jared s’approchait de moi pour me dire : « Je me suis permis de te mettre sur la liste, histoire de te changer les idées ! » Cette blague ! Je n’avais absolument pas la tête à chanter, mais voyant qu’il souhaitait réellement m’aider, car Jared savait dans quel état je me trouvais avec mon divorce, je me décidais à lever mes fesses de mon tabouret. « Tu me revaudras un verre pour la peine ! » Je m’emparais de mon verre et ne faisais pas plus attendre ce « BenJ » déjà sur scène en me pressant jusqu’à lui et montant sur l’estrade. Alors qu’il accordait la guitare de son côté, je m’occupais de régler le pied de mon micro du mien après avoir trouvé une place pour poser mon verre. « Prêt à envoyer ? » m’adressait-il tout sourire. Sincèrement ? Nan ! D’autant que cela faisait longtemps que je n’avais pas chanté et je n’étais pas très à l’aise de chanter devant un public, plus habitué à chanter dans l’intimité avec mes proches, juste pour le plaisir. « Je vais essayer de limiter la casse, on va dire. » Je lui rendais son sourire, un sourire plus nerveux qu’autre chose.