Eyes of the tiger (Lukas)

Un message clair et précis, presque le sentiment d’une urgence, Lukas avait besoin de se défouler et quoi de mieux qu’une bonne séance de boxe pour ça ? En me sollicitant elle savait bien que je ne dirais pas non, surtout pas alors que ça semble presque lui être vitale que de s’aérer l’esprit. Ça fait quelques temps que l’on ne s’est pas vu, ni vraiment parlé j’ai pris des nouvelles de temps en temps, mais la flic est pas mal occupée par son nouveau rôle de mère. J’ai fait le nécessaire pour avoir une salle de boxe juste pour nous, étant donné qu’elle reprend après sa grossesse nous irons à son rythme. Bien qu’ayant d’avantage l’opportunité de m’entrainer j’avoue avoir besoin moi aussi de relâcher la pression. Finalement cette petite séance improvisée va nous faire autant de bien à l’un qu’à l’autre, et puis je suis content d’avoir la possibilité de passer un peu de temps avec quelqu’un qui n’a vraiment rien à voir avec mon boulot, qui soit totalement extérieur à ma vie quotidienne. Un peu avant l’heure convenue j’arrive au complexe sportif, je récupère à l’accueil les clés de la salle que j’ai réservé, je commence à vraiment me sentir à ma place ici et c’est plaisant. Je me rends aux vestiaires pour me changer et range mes affaires dans l’un des casiers et rejoins la salle. En me retrouvant seule dans celle-ci une vague de souvenir me submerge, je me revois il y a plusieurs années en arrière où comme à cet instant je me retrouvais seul jusque tard le soir pour m’entrainer toujours plus et atteindre mes objectifs. Avec cela reviennent aussi des regrets, les mêmes qui tournent dans mon esprit depuis le moment où j’ai renoncé à ma carrière sportive.
Le bruit de la porte qui se referme me tire de mes pensées, je me retourne et souris à Lukas. Elle a meilleure mine qu’à l’hôpital, même si ses traits trahissent sa fatigue « Salut. Je vois que tu nous as amené un spectateur. » dis-je en posant mon regard sur le cosy qu’elle tient et dans lequel se trouve son fils. « Maman est vraiment un métier à plein temps. » lâchais-je en pensant néanmoins qu’elle n’est pourtant pas la seule à élever cet enfant, mais n’en sachant que peu sur cela je ne fais aucun commentaire. Qu’elle ai amené son fils ne me pose aucun soucis, et puis c’est l’occasion pour moi de le rencontrer puisque je ne l’ai encore jamais vu. Je m’approche un peu et regarde le bébé avec un léger sourire « T’as bien bossé, il est réussi ce petit gars. » dis-je avec enthousiasme. Je regarde Lukas et ajoute avec une certaine malice « Tu l’as amené pour que dès le plus jeune âge il comprenne qu’il ne faut pas jouer au plus fort avec les femmes ? » plaisanté-je « De toute façon on va y aller doucement, t’es sans doute encore un peu rouillée. ».

J’ai besoin de taper sur quelqu’un, ou quelque-chose, d’évacuer mon stress, alors que je tourne en rond dans cette villa sublime appartenant à mon petit frère. Je me demande encore comment il a pu comprendre si vite quand je lui ai juste demandé s’il restait un peu de place dans sa villa. Il n’y vit pas en ce moment, mais il a des pieds à terre un peu partout dans le monde et peut se le permettre vu sa fortune, et je dois dire que ça me soulage pour cette fois. L’argent peut régler certains soucis, pas tous, mais ceux d’ordre matériel sans aucun doute.
Tout est équipé pour que Lenny ne manque de rien, une chambre à lui alors qu’il ne descend que quelques jours dans l’année, en fait, cette villa, est presque une villa témoin, il lui arrive de la louer pour des films, pour quelques tournages de clips ou autre. Mon frère connaît du monde, trop de monde.
J’ai clairement honte de ma situation, j’en suis rendue au point zéro et pour le moment je n’ai que mon angoisse pour toute compagnie, et mon fils, qui ne doit pas être affecté par tout ça, mais qui le sera que je le veuille ou pas. Pour le moment, c’est encore trop compliqué pour poser de vrais mots dessus, j’ai juste besoin de me défouler. Quitte à m’abimer, j’ai vraiment besoin de briser quelque-chose. J’envoie un message à Neal, dont je n’ai pas de nouvelles depuis un petit moment, même si j’ai quelques textos de temps en temps, ça ne remplace pas une bonne séance pour se vider la tête. Nous convenons d’un rendez-vous en soirée, c’est encore là que la salle est le plus vide et je ne trouverais de toute façon pas le sommeil. « Allez mon cœur, on va faire un peu de sport. » Je l’habille pour l’occasion, un pyjama et une couverture pour ne pas risquer le coup de froid et je pars le retrouver. Je rentre à peine dans mon jogging, c’est ça d’arrêter l’entrainement et de courir après les méchants !

Neal est déjà là, fidèle au poste et toujours prêt à accueillir la gente féminine. « Salut. Je vois que tu nous as amené un spectateur. » « Je te présente Lenny, 2 mois et demi. » Tournant le cosy face à lui de manière à ce qu’il puisse le voir. Il dort, la voiture le berce, et je passe mon temps à fixer cet écran qui me retransmet son image. Une petite caméra au-dessus de son cosy, qui se retransmet sur l’écran de mon téléphone que je pose à côté de moi dans la voiture, sur son socle. « Maman est vraiment un métier à plein temps. » « Tu verras quand tu seras papa, c’est pas mal non plus. » Je lui adresse un sourire complice, je le soupçonne de pouvoir être un super papa, il est très empathique et surtout très à l’écoute, c’est tout ce dont a besoin un enfant, de se confier. « T’as bien bossé, il est réussi ce petit gars. » « Merci. » C’est une fierté pour une maman d’entendre ça. Je le savais déjà pour Wyatt, le fils que j’ai pu avoir avec Shay, même si je ne l’ai pas porté, génétiquement, c’était mon fils. C’est très étrange comme façon de penser, je le sais, mais je n’ai jamais fait les choses comme tout le monde de toute façon. « Tu l’as amené pour que dès le plus jeune âge il comprenne qu’il ne faut pas jouer au plus fort avec les femmes ? » « Oh non, ça je vais devoir lui répéter toute sa vie pour qu’il le retienne vu l’héritage génétique qu’il se traine. » Entre mon père et mon petit frère je vous permets de croire que ça ne se passe pas comme partout. Si mon frère me respecte, il a pour habitude de jouer au con avec les filles, ce que je conçois. Toujours est-il que même si elles lui disent toutes oui – et que je comprends pourquoi – je ne manque jamais de lui dire qu’il se comporte comme un foutu macho. Pour ce que ça lui fait ! « Rouillée ? Je pourrais défoncer une équipe de foot américain là ! Tu vas voir si je suis rouillée ! » Je suis juste un peu plus enrobée, je le conçois, tout du moins, moins musclée, c’est une évidence. Je cale mon téléphone dans un coin, branché sur l’image de mon fils, et enfile mes gants, tapant dans l’épaule de Neal en douceur pour l’attiser. « Et toi, pourquoi tu t’entraines aussi tard ? Tu dois pas jouer les nounous ? »

Je lis de la fierté dans le regard de Lukas chaque fois qu’elle pose les yeux sur son fils et quand je la complimente sur le petit Lenny. Une vraie maman ours à n’en pas douter ! Ça se sent ce genre de truc, et le fait qu’elle vienne avec lui pour une séance d’entrainement au combat en dit long. Il y a aussi l’éventualité qu’elle n’ai trouvé personne pour le garder, mais ça m’étonnerait, je crois que c’est simplement que la flic préfère être près de lui. Je ne suis pas père mais je comprends, après tout il est venu au monde avec de l’avance, il était très fragile et l’est sans doute encore aujourd’hui, normal qu’elle le couve. Je plaisante gentiment sur le fait que c’est aussi un moyen pour Lukas de commencer au plus tôt l’éducation de son fils, à savoir qu’une attitude de macho sera mal venu. Personnellement ça ne me viendrait pas à l’idée de jouer les misogyne avec elle, je sais comment elle frappe. Et puis il y a mon éducation, surtout, qui fait que ce n’est pas mon style d’être macho, bien que ça doit m’arriver sans le vouloir. « Je ne me fais pas trop de soucis là dessus, tu arriveras à enrayer l’effet de cet héritage. » j’ai comme l’impression que Lukas a du mal avec l’attitude des hommes dans sa famille, du moins si je décrypte correctement le message. Sauf si elle parle du père de Lenny ? Je choisis de ne pas poser de question, ça ne me regarde pas et nous sommes là pour nous défouler. Je taquine la flic à nouveau histoire qu’elle se mette dans le bain et jauger de sa motivation. Elle n’a pas menti, elle a tout l’air d’avoir besoin d’évacuer un trop plein de tension. Après avoir installé le cosy de son fils dans un coin et de quoi le surveiller à porter de regard, Lukas me fait savoir qu’elle est prête à en découdre.
Forcément je n’échappe pas à une petite question sur ma présence si tard, elle se doute bien que ce n’est pas juste parce qu’elle m’a sollicité. Je hausse les épaules « Non ce soir j’ai quartier libre. Miss Monde n’avait pas besoin de moi. » et heureusement, parce qu’en plus de devoir faire le planton j’aurais été obligé d’être habillé en pingouin. Je suis beaucoup mieux ici. « Je profite toujours un maximum des moments de tranquillité que j’ai. Et puis je t’avais dit que je serai là pour te botter le cul en temps voulu. » je souris et attrape deux pattes d’ours, les tapant l’une contre l’autre je me mets sur mes appuis « Allez frappes Rocky ! On va voir si t’as toujours le truc. » dis-je avec une pointe d’humour pour le côté provoquant. « Vas y quand même doucement le temps de te chauffer. » ça serait bête de devoir arrêter la séance tout de suite pour une déchirure musculaire « Commence par des directs. ». Je vois combien Lukas à l’air déterminée, je ne sais pas ce qu’elle a dû encaisser mais ça a tout l’air de lui peser. Elle enchaine les coups « Respires bien. » je me permets de lui donner des conseils, je sens bien que son attention est focalisée sur le coup lui même et rien d’autre. Après plusieurs séries d’enchainement je baisse la garde et la regarde avec perplexité « Et bah je sais pas qui tu cognes dans ta tête, mais j’aimerais pas être à sa place. » même si techniquement dans quelques minutes ça sera un peu le cas quand nous serons réellement face à face. « Un peu de sac ? Après on passe au combat. » dis-je en sachant bien qu’elle attend probablement cela avec impatience.

Il a l’air de remarquer mon nouveau statut de jeune maman. Que je sois moins attentives à certaines choses pour me concentrer sur d’autres, c’est étrange de voir comme on peut changer à ce point, mais c’est plaisant, au fond, de se dire qu’un tout petit être peut changer tout ce que vous êtes, et ce dont vous êtes faite.
Il me faut à tout prix évacuer toute cette rage, cette agressivité, qui finirait par se retourner contre le premier qui se met en travers de mon chemin. Heureusement que je n’ai pas repris le service, j’aurais bien peur que ça finisse par tourner au chaos. Je me suis déjà vue mettre à pieds, une fois enceinte, et ça n’est pas le moment de recommencer. J’ai mis toute mon équipe en danger la dernière fois que je suis allée sur le terrain, je ne recommencerais pas, je m’en suis bien trop voulu.

« Non ce soir j’ai quartier libre. Miss Monde n’avait pas besoin de moi. » « Oh Miss Monde, y a de l’eau dans le gaz ? » Il s’occupe d’une célébrité, de sa sécurité, façon Bodyguard, et je trouvais ça super sexy, autant que ça m’amusait de me foutre de lui avec cette histoire de film avec le grand Kevin Costner. Apparemment, ça commence à tourner autrement. Mais les ressentiments ne sont-ils pas le terreau de la passion ? « Je profite toujours un maximum des moments de tranquillité que j’ai. Et puis je t’avais dit que je serai là pour te botter le cul en temps voulu. » « Tu crois vraiment pouvoir avoir le dessus ? C’est ce qu’on va voir, terreur. » Je me fends d’un rictus plein de défi, mais je suis persuadée que ça finira par nous libérer, ce petit combat improvisé. Il attrape les pattes d’ours, et me coach comme un entraineur le ferait. Neal est le parfait gentleman. « Allez frappes Rocky ! On va voir si t’as toujours le truc. » En plus il me provoque ! Je suis le genre de nanas assez peu mature pour réagir à chaud et partir au quart de tour, sans même réfléchir, comme une gamine au lycée qui frapperait une autre camarade dans les vestiaires pour une réflexion. C’est une connerie, une vraie connerie, je ne suis pas faite pour la raison. « Vas y quand même doucement le temps de te chauffer. » Me chauffer, il a raison. Je devrais. « Commence par des directs. » Mais je mets le premier coup, intense, sans retenue. Je frappe, sans retenue encore une fois, et enchaine les gestes, les uns après les autres, me déchargeant de toute rage, tout ce que je peux donner dans ces coups. Je veux m’épuiser. « Et bah je sais pas qui tu cognes dans ta tête, mais j’aimerais pas être à sa place. » « Parker. Ou sa pute. Je sais pas trop. » répondis-je sèchement avant d’asséner un dernier coup, plus puissant encore que les autres. « Un peu de sac ? Après on passe au combat. » Je lui confirme d’un signe de tête et reprend mon souffle. Je jette un œil à mon fils, qui dort dans son cosy, il est paisible et le bruit l’a toujours rassuré. Sans doute est-ce dû au bruit des machines en salle de néonate, ce furent les premiers bruits qu’il ait entendu à peine venu au monde, c’est tout ce qu’il connait. Je tiens le sac pour Neal, et attend qu’il ne frappe, lui aussi a besoin de se défouler à ce que je vois, même s’il a la galanterie d’être plus délicat ou prudent que moi. « Et toi, à qui tu referais bien le portrait ? Je ne suis pas une petite chose fragile Neal, tu peux taper. »

De l’eau dans le gaz avec Cameron ? Pas vraiment. Les choses sont comme elles l’ont toujours été, houleuses et complexes. Chacun y allant de son caractère bien affirmé, les moments de conflits alternent avec la complicité qui nous lient malgré tout. J’esquisse un sourire « Pas plus que d’habitude. C’est une emmerdeuse. » lâché-je sur un ton neutre, Lukas m’a déjà taquiner une fois sur le filmBodyguard, je ne veux pas lui donner une trop belle opportunité de réitérer cela. Pour changer de sujet je la provoque gentiment, c’est une vraie battante et elle fait preuve de répondant comme je m’y attendais. « On va voir, un combat n’est jamais gagné ou perdu d’avance. » dis-je en attrapant les pattes d’ours. J’invite la flic à frapper, et j’ai beau lui conseiller de ne pas y aller trop fort trop vite je crois qu’elle a en elle un trop plein de hargne qui a besoin d’être évacuée. Elle se déchaine et j’en viens même à lui demander sur qui elle s’imagine frapper avec tant de rage. Lukas répond du tac o tac, sèchement avant de balancer un nouveau crochet puissant. Je ne pose pas de question même si forcément cette réponse m’intrigue. Ça serait bête qu’elle s’épuise déjà à l’échauffement, je propose alors que l’on passe aux frappes sur le sac avant de se faire un petit combat. Elle a besoin de souffler, c’est donc moi qui commence quelques enchainements de coups. Je les retiens un peu, me concentrant plus sûr ma technique, je ne veux pas mettre Lukas à l’effort. Apparemment ça se voit parce que la flic me questionne son tour sur qui j’aurais envie de frapper. Je ne sais même pas… personne en particulier, j’ai juste besoin d’évacuer un trop plein d’énergie et de frustration. Je souris quand elle m’autorise à frapper plus fort « Je sais, tu me l’as déjà prouvé. » dis-je avant d’alourdir un peu mes coups. « Et j’ai envie de cogner sur personne… juste de frapper, c’est tout. ».
Nous échangeons les rôles et une nouvelle fois l’énergie que mets la jeune femme dans ses coups me conforte dans l’idée qu’elle est vraiment à bout de nerfs. Si j’en crois sa précédente réponse, Lukas a des problèmes avec sa femme et le terme de pute ne m’a pas échappé non plus. Une affaire de tromperie ? Il y a de quoi avoir envie de cogner dur. La flic se déchaine « Gardes en pour le combat. » dis-je pour qu’elle calme le jeu « Tu sais qu’avec moi tu peux frapper. ». J’ai l’habitude d’encaisser des coups, et j’aime l’enjeu d’un vrai combat. Pour éviter la douleur il faut donner le meilleur de soi, chaque erreur est pénalisée et il faut sans cesse revoir sa stratégie. Je ne vivais presque que pour ça à une période de ma vie que je trouve maintenant bien loin. « La boxe, c’est une bonne soupape de décompression, hein ? » dis-je alors que nous prenons une petite pause pour nous hydrater. Je désigne le cosy du regard « Il est imperturbable ce petit gars. », il dort paisiblement malgré le bruit. Je regarde ensuite Lukas « Toi par contre le sommeil ça doit pas être ça, je me trompe ? » loin de moi l’idée de sous-entendre qu’elle a une tête à faire peur, mais ses traits sont tirés par la fatigue c’est indéniable.

« Pas plus que d’habitude. C’est une emmerdeuse. » « Bodyguard mon pote… » Je lui lance un sourire en coin, complice, qui veut bien dire qu’il est en train de s’y mettre jusqu’au cou, et je pense clairement ce que je dis. Je ne sais pas ce qu’il compte faire avec elle mais il doit y tenir pour se comporter de la sorte, il est jeune, mais il aime galérer, ou alors il l’aime elle tout simplement. Il aurait pu démissionner, il ne l’a pas fait, il y a bien une raison à ça. Mais je ne juge pas, au contraire, quel intérêt quand c’est trop simple ? Il n’y en a tout simplement aucun ! « On va voir, un combat n’est jamais gagné ou perdu d’avance. » « Tu crois que je m’entrainerais avec toi si j’étais sûre de gagner ? » Non, ce que j’aime c’est le défi, et sa personnalité, autant dire que Neal est le genre de mec droit. S’il doit perdre il perdra, s’il doit gagner il le fera, mais il n’y a là-dedans aucune forme de pitié pour laisser gagner une femme. Je ne suis pas une femme, enfin si, mais dans son esprit, je suis plutôt un adversaire comme les autres, et ça fait du bien de trouver quelqu’un d’entier.
Je commence à frapper la première, c’est difficile pour moi de faire la part des choses, de retenir mes coups, mais une chose est sure, je sais toujours sur qui je frappe, j’ai toujours une victime en tête, et ça, depuis gamine, je ne tape jamais dans le vide, je crois que j’ai besoin depuis toujours de me venger de quelque-chose, que je n’ai peut-être pas encore consciemment identifié. « Et j’ai envie de cogner sur personne… juste de frapper, c’est tout. » « T’es le mec le plus sain d’esprit de la terre, je te jure que ça fait flipper. » Je lui dis, comme ça, en passant mais qu’il en prenne conscience ! Les gens trop bien élevés ça fait peur, moi qui ne suis qu’une tornade. Mais au fond, je trouve qu’il est reposant, il est loin de tous ces conflits et c’est d’un mec comme lui dont on aurait besoin dans l’équipe ! L’équipe dont je ne ferais sans doute plus partie à ma reprise. « Gardes en pour le combat. » « T’inquiète, j’en ai à revendre. » A force de tourner en rond chez mon frère et à tout retenir pour ne pas inquiéter mon fils, je deviens dingue, complètement dingue. « Tu sais qu’avec moi tu peux frapper. » Je le remercie d’un sourire avant de reprendre mes coups, plus forts encore que les derniers, j’allonge mes frappes, les rends plus puissantes, et tout ce que je veux c’est m’épuiser. « La boxe, c’est une bonne soupape de décompression, hein ? » « Ca remplace pas une bonne montée d’adrénaline sur le terrain mais ça compense… » Nous nous arrêtons quelques minutes pour boire un coup. Je prends ma bouteille d’eau et m’essuie le front d’un revers de poignet. « Il est imperturbable ce petit gars. » « Tu trouves aussi. Il n’y a que dans le bruit qu’il trouve le sommeil. » Lançant un regard attendri au cosy. Mon fils est un bébé qui n’est bien que quand il se trouve au milieu du monde, quand il se retrouve tout seul, il panique et se met à pleurer, il doit avoir un sixième sens, quand il dort, je ne peux pas le laisser seul, alors il s’endort un peu partout. Sur le canapé, sur son transat, dans son cosy. Pourvu qu’il me suive, moi ou une personne qu’il connait. « Toi par contre le sommeil ça doit pas être ça, je me trompe ? » « Non, pas trop. Mais c’est le lot de toutes les mamans. Enfin… je crois. Je dors pas tant qu’il le fait. J’ai trop de peur… De me réveiller et de me rendre compte qu’il ne respire plus. » Je fuis son regard et bois une autre gorgée, je dois me libérer de mes démons. Shay me le disait assez. « J’ai perdu un bébé, il était encore plus jeune que Lenny et j’étais mariée à cette époque. Depuis je… je vis plus. Je le surveille comme si la moindre seconde d’inattention de ma part pouvait lui être fatale. » L’avouer me libère un tant soit peu. « C’est complètement ridicule, je le sais, et je crois que c’est ce que Parker essayait de me dire. Mais elle s’y est mal prise, c’est tout. » Je reprends les gants pour les enfiler. Un dernier regard à mon fils pour m’assurer de son sommeil paisible et je monte sur le ring. « Ta starlette, elle te plait ? Réponds ce qui te passe par la tête. Arrête de trop réfléchir, on dirait que tu fais que ça et que tu dors pas beaucoup plus que moi. »

Le mec le plus sain d’esprit je ne crois pas, mais cette remarque de la part de Lukas me fait sourire « La frustration, la rancœur, elles n’ont pas nécessairement de visage. » expliqué-je avec la volonté de rétablir la vérité. Le combat j’ai faillit en faire mon métier, se reposer sur la simple rage dirigée vers quelqu’un n’est pas une base fiable pour gagner. J’ai garder ça, ce recul, je combats des émotions plus que les gens qui en sont à l’origine. Mais je comprends qu’en tant qu’échappatoire la flic mette ça au service de sa colère pour la canaliser, c’est humain. Et tout ce qui la bouffe elle le transforme en énergie pour frapper dans le sac avec vigueur. J’essaye de la tempérer un peu afin qu’elle n’épuise pas toutes ses forces maintenant, mais apparemment ça ne lui fait pas soucis. Néanmoins une petite pause pour s’hydrater me semble être judicieuse, le but n’est pas de se mettre dans le rouge. Je suis vraiment surpris qu’avec le bruit que nous avons fait le fils de Lukas n’ai pas été réveillé, il dort paisiblement et je fais remarquer combien il est imperturbable. La flic m’explique que le bruit le sécurise, il dort mieux avec de l’agitation, c’est étonnant. Enfin je n’y connais rien en bébé peut-être que ce n’est pas si original que ça. Et si lui se repose convenablement je me doute qu’il ne doit pas en être de même pour sa mère. Je pensais que peut-être le petit se réveille souvent pour réclamer à manger, mais les raisons du sommeil quasi inexistant de Lukas sont toutes autres. Je reste silencieux alors qu’elle m’explique ses angoisses liées à la mort d’un fils perdu alors qu’il dormait. La révélation me laisse sans voix, je ne peux même pas imaginer ce qu’un parent peut ressentir en perdant un enfant, qui plus est si jeune et dans de telles circonstances. J’ai déjà entendu parler de la mort subite de nourrisson mais c’est la première fois que je connais quelqu’un qui a vécu ce drame. Je pose une main compatissante sur l’épaule de la jeune femme « C’est pas ridicule, c’est humain… » je hausse les épaules, je ne crois pas être le mieux placé pour la réconforter ou la conseiller mais si en parler la soulage je peux au moins l’écouter. « C’est difficile d’accepter la fatalité… de se déculpabiliser. Mais tu y arriveras. » bien que le contexte ai été totalement différent et la situation beaucoup moins dramatique je connais ce sentiment qui pourrit la vie de Lukas. J’esquisse un léger sourire quand elle regarde de nouveau vers son fils « Arrêtes de le regarder comme ça tu vas l’user. » je remets mes gants et la rejoins sur le ring. J’arque un sourcil à la question aussi soudaine qu’inattendue qu’elle me pose m’encourageant à répondre sans réfléchir. « Elle est mannequin, je te laisse en déduire ce que tu veux... » je souris légèrement « Je dors pourtant. » je tape mes gants l’un contre l’autre « Trêve de blabla, voyons si tu t’es pas trop fatiguée » comment ça j'essaye d'esquiver le sujet ? Nous nous saluons et je remonte ma garde, c’est partit. Sans surprise c’est Lukas qui attaque la première, j’anticipe bien et la contre mais sa garde est bonne.

Neal représente une vraie soupape de sécurité, quand j’en ai besoin, il est là, il me permet de vider mon sac, de discuter, on ne soupçonne pas les confidences qu’on peut faire dans une salle de sport, à l’heure de l’entrainement, parfois même plus que sur l’oreiller je crois. C’est un homme charmant de plus, à quoi bon se priver de ça aussi ? En tout cas, je dois lui reconnaitre une grande capacité d’écoute, et surtout une amitié sincère. C’est le genre de mecs que j’aimerais avoir pour coéquipier. Je ne sais pas trop comment ça pourrait se passer en intervention, mais il a déjà ce truc protecteur. En revanche, il finirait sans doute par me détester, moi et ma façon de contourner les règles en permanence.
Nous parlons de tout et de rien, et même de mon fils, ça a l’air de le surprendre tout ce bruit sans le réveiller. Mais je dois avouer que j’étais aussi un peu comme ça gamine, le bruit me permettait de savoir que je n’étais pas seule. J’ai une trouille bleue de la solitude. Nous parlons de Parker et du rapport qu’elle a à mes angoisses les plus profondes. Elle les comprend mais elle les subit plus qu’autre chose et ça devient vite invivable pour elle. Je peux l’imaginer, mais lutter contre, je ne pense pas. Pas encore en tout cas. « C’est pas ridicule, c’est humain… » « L’être humain est son propre pire ennemi. » Je ne sais pas de qui je cite tout ça, mais il est clair que ça se vérifie. Mon pire ennemi c’est moi-même, je ne fais rien pour arranger les choses et je me permets de me plaindre. En même temps pour le moment j’ai mal, alors je cogne, je me plains, je souffre encore et j’attends que ça passe. Viendra la seconde phase, celle de la réaction. « C’est difficile d’accepter la fatalité… de se déculpabiliser. Mais tu y arriveras. » « Je sais pas. Mon ex-femme a réussi. J’imagine que j’ai juste besoin de temps. » Et de voir mon fils grandir. Je ne sais pas trop comment d’ailleurs. J’attends sans doute juste qu’il atteigne un âge raisonnable pour arrêter de flipper. Mais ensuite, ce sera quoi ? La peur des noyades sèches, la peur qu’il ne glisse dans son bain, ne se fasse mal dans la cour de récré, traverse sans regarder ? Et le jour où il va me demander un scooter ? Ce jour-là je meurs, littéralement, et si je le vois sur une moto, je l’encadre, voilà ! En fait, en mettant mon fils au monde, j’ai pris perpète. Je le savais, mais je ne pensais pas ça si dur, d’avoir si peur pour ses enfants. C’est juste un enfer de questionnement sans fin ! « Arrêtes de le regarder comme ça tu vas l’user. » Je lui souris, et repose mon regard sur mon fils. « Je pensais pas que c’était ça d’être maman. C’est carrément un flip permanent, jamais j’aurais pensé pouvoir être si vulnérable à un truc grand comme ça. » Je bois une autre gorgée et repose ma bouteille. Je dois m’entrainer, et lui aussi, il n’est pas venu pour parler chiffons !
Nous nous remettons à taper, et je lui pose une question pour le moins banale, est-ce-que sa galère lui plaît ? « Elle est mannequin, je te laisse en déduire ce que tu veux... » « Tu m’as l’air un peu plus réfléchi qu’un mec qui se laisse séduire par une bombe atomique. Qu’est-ce-qui te plait chez elle ? Y a bien un ou deux trucs qui font la différence, non ? » Je pense que Neal est typiquement le genre d’homme à remarquer un détail, une mimique, un truc attachant, et c’est en ça qu’il sort du lot. Il observe le monde, ne se contente pas d’une jolie gueule ou d’une jolie poitrine. Neal m’a l’air disons plus… Cérébral. « Je dors pourtant. » « Tu dors mais est-ce-que t’arrête de cogiter ? » Il n’a pas l’air. Il prend maintenant l’initiative de commencer le combat. Cette esquive magistrale de conversation ! « Trêve de blabla, voyons si tu t’es pas trop fatiguée » Il veut voir, je lui montre ! Je suis un peu agressive, trop vive et je m’épuise seule alors que Neal pense chacun de ses mouvements, ce qui lui laisse l’avantage. Une bonne garde ne suffit pas. Et il finit par prendre l’avantage, avant que Lenny ne se mette à pleurer. « Deux secondes, pause bébé. » Je lui souris et, toute essoufflée et dégoulinante, je me passe une serviette sur le visage et vais vérifier l’état de mon fils. « Mais c’est l’heure du biberon, je t’ai oublié bébé. » Je ne suis qu’une mère pitoyable, voilà ! « Je crois que c’est la fin de la séance… Je t’offre un café pour me faire pardonner. » J’ai juste besoin d’une bonne douche, et de préparer le biberon de mon fils.

Bien que je n’ai rien vécu de semblable et d’aussi dramatique que Lukas, je comprends que cela puisse influencer son comportement aujourd’hui. Elle a peur pour Lenny, de revivre ce traumatisme et c’est une réaction légitime et humaine. Et si son ex-femme a réussi a cesser de culpabiliser pour la perte de leur enfant, la flic y arrivera aussi, avec du temps comme elle le souligne très justement. En espérant que cela ne lui bouffe pas l’existence d’ici là. Alors qu’elle couve du regard son fils, une fois de plus, je plaisante en affirmant qu’à force elle va l’user. Lukas se reconnaît totalement vulnérable depuis qu’elle est mère, et par contre sur ce coup là je suis bien incapable de comprendre ce que cela fait. De un parce que techniquement je ne serais jamais mère, ça va de soi, et de deux la paternité n’est pas encore dans mes projets. Je ne suis pas un type assez posé pour ça, j’ai encore trop de choses irrésolue qui me rongent de temps à autre pour vouloir m’engager dans cette voie… et puis pour faire des enfants faut être deux. Non vraiment ce n’est pas une priorité pour moi, je me sens un peu trop immature pour ça même si j’ai dépassé le cap fatidique des trente ans. Preuve en est la situation avec Cameron, digne d’une embrouille de lycéens. Je sais que la flic tente de me tirer les vers du nez mais je suis difficile à faire parler, je reste évasif. Ça ne prend pas vraiment parce que Lukas voit clair dans mon jeu, et elle a l’air de m’avoir assez bien cerné. C’est vrai que je ne me contente pas d’un physique aussi avantageux soit-il. Alors certes j’ai bien du mal à résister au charme évident de Cameron mais ce n’est effectivement pas ça qui me plait chez elle. « Paradoxalement, je crois que j’apprécie son caractère merdique. Faut être un peu maso j’imagine. » je hausse les épaules, la vérité c’est que la jeune femme est bien plus complexe qu’elle ne veut bien le laisser voir, mais cette faille je l’ai vu. J’estime en avoir déjà trop dit et je démens avoir des insomnies à cause de Miss Monde, ce qui en soit n’est pas un mensonge. J’arrive à dormir, moins que d’habitude mais je dors quand même. Apparemment ça se voit parce que j’ai droit une nouvelle question sur le sujet, bien sûr je l’esquive en proposant que nous cession de discuter au profit d’un combat.
Malgré l’énergie dépensée pendant l’échauffement et les exercices sur le sac, Lukas a encore de quoi me proposer des assauts virulents. Rien que je ne puisse pas gérer, le combat est clairement déséquilibré techniquement ou en terme d’expérience mais elle s’en sort vraiment très bien je ne peux pas le nier. Malgré tout elle gaspille de l’énergie à vouloir être trop agressive ce qui la rend prévisible. Gentiment je prends le dessus et l’oblige à rester en défense, encaissant quand même quelques belles ripostes au passage. C’est vraiment plaisant de combattre avec elle et ce moment est parfait pour décompresser. Pas de gong pour mettre fin au combat mais les pleurs de Lenny qui a fini de dormir et manifeste sa présence voire son mécontentement. Maman Ours ne met pas un quart de seconde à l’entendre et nous arrêtons de combattre « Pas de problème, le devoir t’appelle. » dis-je, compréhensif en retirant mes gants. J’attrape ma bouteille d’eau pour apaiser ma soif puis m’essuie le visage et les bras avec une serviette. « T’es venue les mains vides ? Va falloir revoir ton organisation super maman. » plaisantais-je alors qu’elle avoue à son fils l’avoir oublié. A priori on en a fini pour aujourd’hui, heure du biberon oblige. « Un café ? Ça me va. » je défais les bandes autour de mes mains et range le matériel « J’ai deux minutes pour prendre une douche ou c’est vraiment une urgence biberon de niveau maximale ? » dis-je en prenant mon sac, tout en regardant Lukas et son fils qui s’agite pas mal.

« Paradoxalement, je crois que j’apprécie son caractère merdique. Faut être un peu maso j’imagine. » « Evidemment que ça te plaît. C’est ce qui nous plaît à tous. Parker est invivable. » Je lui dis, avec un sourire complice. Parker me fait vivre un enfer quand elle le décide et a clairement un caractère de merde, mais j’aime ça. Il faut savoir que ça fait aussi partie d’un équilibre, quand on sait gérer ça à deux, nos différences et nos caractères incompatibles, on n’est pas loin du bonheur, tout simplement. Je ne comprends pas comment on peut en venir à aimer se faire autant chier, mais ça fait partie du jeu du couple, et du jeu de la vie que d’aimer la galère dans laquelle on se plonge.
Alors je prends tout ça avec philosophie, enfin je le prenais, parce que je le relativise beaucoup moins depuis quelques temps, sauf qu’à présent il est clair que je ne suis plus si sûre de moi, tout ce que je vois c’est que je suis en train de me planter sévère et que je ne vois pas d’issue.
Notre combat est interrompu par les pleurs de mon fils. Je suis maman avant tout et je crois que mon fils a décidé de régir mes journées de façon à contrecarrer mes plans de façon systématique. S’il se lance dans une carrière du genre, il part déjà gagnant ! Pas que je me plaigne de ma condition de maman, bien au contraire, je dis juste que le côté contradictoire de mon fils, je sais qu’il le tient de moi. « Pas de problème, le devoir t’appelle. » Je le remercie de comprendre et avoue à mon propre bébé que je l’ai totalement oublié. Quelle mère indigne ! « T’es venue les mains vides ? Va falloir revoir ton organisation super maman. » « De quelle organisation tu parles ? Les gosses nés dans les années 70 s'en sont plutôt bien sortis pour la plupart, je crois. » Cette époque où on se fringuait comme une grosse blague et où on fumait n’importe quoi en appelant ça la liberté. De quelle organisation on peut parler à cette époque ? « J’ai deux minutes pour prendre une douche ou c’est vraiment une urgence biberon de niveau maximale ? » « Non, va prendre une douche, je vais l’occuper 5 minutes et je vais en prendre une aussi. » Je m’atèle à préparer mon fils à attendre quelques temps. Mon stratagème ? La tétine. Je fais en sorte de mettre un tout petit peu d’eau sucrée sur le bout de la tétine et la lui donne. Ça l’occupe assez pour que je puisse prendre les 3 minutes qu’il me faut pour prendre une douche. Je ressors de la cabine en sous-vêtements et croise Neal dans le couloir. Je m’essors les cheveux et enfile mon jean et enfin une chemise par-dessus. Les cheveux mouillés, je récupère mon fils dans mes bras, et son cosy dans l’autre, histoire de l’occuper encore une fois. « Le sac à langer est dans la voiture, plus que quelques minutes d’agonie, c’est promis mon chéri. » Je ne me moque pas, je fais de l’humour, nuance ! Une fois sortis, je prépare le biberon rapidement, à même le parking, et nous allons à pied dans une petite brasserie où nous prenons une table. Enfin, je délivre mon fils de la faim, miracle ! « Il a autant de voix que moi, t’as vu ? » Je ris, Lenny calé entre mes bras, au fond de ma chaise, son biberon sur lequel il tire comme si ça faisait 6 mois que je ne l’avais pas nourri. « Commande ce que tu veux, c’est pour moi. Pour me faire pardonner de la rouste monumentale que j’aurais pu te mettre sur le ring. » Encore une fois, j’aime beaucoup jouer de l’humour, et il le sait.

Le petit Lenny pleure au bon moment pour sauver sa mère d’une cuisante défaite. Bien sûr il n’y a aucun enjeu et le combat n’est pas tout à fait équitable entre elle et moi, mais il est de bonne guerre entre nous de faire parfois des références aux résultats d’un combat. Son nouveau rôle de maman change un peu la donne, parce qu’elle ne s’est pas entrainée depuis plusieurs mois mais également parce qu’en amenant son fils avec elle, Lukas a changer le profil de cette séance d’entrainement. Je n’ai rien contre ça, c’est mieux de faire ainsi que de se priver d’une bonne séance d’entrainement sous prétexte qu’il n’y a personne pour garder le bébé. Les rouages de leur vie ne sont pas encore totalement bien huilé et je taquine gentiment la policière sur son manque d’organisation. Elle ne manque pas de répartie, c’est pour ça que je me permets ce genre de remarque, m’est donc exposé comme argument que les enfants nés dans les années 70 s’en sont très bien sortis malgré le côté désorganisé de la vie à cette époque « Hum… vu comme ça. ». Loin de moi l’idée de lui faire la leçon ou de lui apprendre comment gérer son fils, surtout pas en sachant que pour ma part je serai difficilement capable de le faire. Mais peut-être que c’est un truc qui vient instinctivement ? Non je crois plutôt que ça s’apprend sur le tas. Je m’informe sur le niveau d’urgence de la situation, et par chance j’ai le feu vert pour une douche. Lukas n’a pas pris de quoi nourrir Lenny en revanche elle a une technique pour le faire patienter d’avantage. J’ai promis d’être rapide et je le suis, je croise la flic dans le couloir et j’admets être impressionné par la vitesse à laquelle elle s’est douchée elle aussi. Bon elle a triché, elle n’est que partiellement habillée, je note au passage qu’elle a très vite retrouvé la ligne.
Nous quittons la salle de sport, j’accompagne Lukas jusqu’à sa voiture où se trouve tout ce qu’il faut pour que Lenny puisse enfin manger. Puis direction la brasserie d’en face pour boire ce café qu’elle m’a promis en compensation pour l’entraînement écourté. C’est le moment de délivrance pour le petit qui a enfin le droit à son biberon et ce n’était pas du cinéma, il tête goulument. « J’ai remarqué ça. Il sait se faire entendre, mais le contraire aurait été étonnant. » dis-je avec le sourire tout en observant la scène. La jeune femme m’invite à commander, précisant que c’est elle qui régale pour se racheter. Pas parce que nous n’avons pas poursuivit le combat mais pour sa victoire imminente. Je ris « Oh… donc tu insinues que Lenny m’a sauvé la mise ? » je hausse les sourcils « Ok dans ce cas j’accepte que tu m’invites. » un serveur vient prendre notre commande et j’opte pour un thé plutôt qu’un café, on ne chasse pas sa nature de british comme ça. Loin de moi l’idée de remuer le couteau dans la plaie, mais malgré tout je m’inquiète un peu pour Lukas avec cette situation difficile qu’elle traverse « Qu’est-ce qu’il s’est passé avec Parker ? C’est pas seulement qu’elle ne comprenne pas tes angoisses qui t’énerve, je me trompe ? » demandé-je avec la volonté de jouer mon rôle d’ami et de l’écouter, qu’elle puisse évacuer ce qui lui pèse tant.

J’aurais aimé vivre à l’époque des années 70, une année aussi libre que cette décennie. Avoir le droit de penser et de vivre aussi librement qu’on l’entend, sans oublier la musique ! Le berceau du rock’n’roll, il faut bien le dire. Les premières maisons de disques qui cartonnaient sur vinyles, bien que le milieu soit déjà plein de coke et d’arrangements. Mais ça fonctionnait comme ça, sans problème. Ils étaient connus pour ça de toute façon, et jouissaient de cette réputation on ne peut plus sulfureuse. Critiqués par certains, admirés par d’autres, adulés par certaines. Je m’égard, j’aurais simplement aimé connaître un monde un peu plus libre, parce que la tolérance, aujourd’hui… si on parle de progrès pour se rassurer, il n’en n’est pas grand-chose au final.
Dans le café le plus proche, je prends une table où Neal prend place lui aussi, et je lui propose alors de commander, maintenant que c’est plus calme. Il a de la voix mon fils, et je me dis parfois que Parker ne peut pas être innocente à tout ça. « J’ai remarqué ça. Il sait se faire entendre, mais le contraire aurait été étonnant. » « Qu’est-ce-que tu insinues ? » Petit sourire ingénue, et je sais très bien ce qu’il insinue, j’ai toujours eu la voix qui portait, déjà gamine. Le minimum pour se faire entendre. Couplez ça à mon foutu caractère d’italienne et vous obtiendrez l’enfer ! Je parle ensuite du combat qui aurait largement pu être écrasant sans l’intervention divine de mon fils. « Oh… donc tu insinues que Lenny m’a sauvé la mise ? » « C’est ce que j’insinue. Solidarité masculine ou un truc comme ça, tu vois. » Je ris légèrement pour moi-même, et m’atèle à nourrir mon fils de façon correcte. C’est encore un prématuré, et il le sera toujours. Son développement est donc encore différent d’un autre enfant. « Ok dans ce cas j’accepte que tu m’invites. » « Je n’aurais toléré aucun refus, sage décision. » Je peux me permettre l’humour avec lui, Neal comprend les nuances et commence surtout à me connaître et je peux vous dire que ça fait toute la différence.

Mais vient la partie plus sérieuse et moins confortable de la conversation. Parker… Parker. Parker est partout, dans mes pensées, jour et nuit et pourtant, elle est aussi au cœur de ma haine, et de ma rage, et de toute autre façon de penser. Parker est partout, son odeur est partout, et je dois dire que ça ne me convient plus du tout. « Qu’est-ce qu’il s’est passé avec Parker ? C’est pas seulement qu’elle ne comprenne pas tes angoisses qui t’énerve, je me trompe ? » Je relève les yeux vers lui et ne lui répond pas, dans un premier temps. « Le problème entre Parker et moi, c’est sa pute. » Pardonnez-moi chastes oreilles, enfin en même temps mon fils n’a pas l’âge de comprendre et encore moins de répéter. « Parker m’a trompée avec son assistante. Classique hein ? Je me serais envoyé un mec que ça aurait été la même histoire. La secrétaire c’est vraiment un truc universel. » Je suis un peu à la rue, mais ça, je retrouverais toujours à retomber sur mes pattes. « Je suis chez mon frère pour le moment. Enfin… dans un hôtel particulier. Il a toujours eu le goût de la démesure. Et j’ai besoin de sortir. Et de me défouler. » Parce que je pète un plomb ! Je repose mon fils dans son cosy une fois toutes les formules d’usage remplies. Il va s’endormir et l’angoisse va commencer à monter, mais je n’en laisserais rien paraître, je l’espère en tout cas. « Y a rien de plus à en dire, je l’ai deviné, elle n’a pas démenti, je me suis barrée, je suis malheureuse et sans doute qu’elle aussi. Le célibat, y a que ça de vrai ! »

En la côtoyant on se rend vite compte que Lukas est une femme de caractère. Pas franchement étonnant avec le métier qu’elle a choisit, un milieu plutôt masculin, qui, s’il tend à devenir de plus en plus mixte n’est pas pour autant un lieu dédié à la féminité. Pourtant je suis d’avis que le regard des femmes sur le monde est tout à fait complémentaire à celui des hommes et qu’en voyant les choses sous différents axes les deux genres peuvent exceller à travailler ensemble. J’ai moi-même grandit entouré de femmes doté d’une certaine force de caractère, ce qui doit expliquer pourquoi je n’ai aucun problème avec ça, voire même que ce soit quelque chose qui puisse m’attirer. Nul doute que le petit Lenny pourra toujours compter sur sa mère pour le protéger, une vraie louve qui montrera les crocs à la première menace. Et pour autant il ne faudrait pas que sa nature protectrice finisse par la ronger, malgré ce qu’elle a vécu par le passé. L’humour est toujours de mise entre nous, je me souviens des premiers entrainements où nous nous sommes croisés, déjà à ce moment là il était facile de plaisanter avec la flic. Le courant passe bien, et j’espère que ce petit interlude dans son quotidien actuellement difficile lui permette de s’aérer l’esprit. J’accepte l’invitation de Lukas, même si elle ne m’en laissait de toute façon pas le choix ce qui me fait sourire « Ça aurait été sympa à expliquer au serveur pourquoi tu m’étranglais afin que je ne paye pas l’addition… » dis-je avec légèreté. Mais si j’aimerais au maximum rester dans cette ambiance légère et propice à aux plaisanteries, je suis tout de même un peu inquiet de savoir ce qui a plongé Lukas dans un tel état de colère. On ne frappe pas si durement qu’elle la fait sans raison, et si j’ai bien compris que c’est de sa relation avec Parker dont vient le problème j’essaye d’en savoir un peu plus. Je ne veux pas forcer la jeune femme a en parler si elle ne le souhaite pas, mais lâcher ce que l’on a sur le cœur est souvent bénéfique.
J’apprends ainsi que Parker l’a trompé avec sa secrétaire, je suis bien d’accord avec elle sur le côté cliché de la chose, malheureusement tous les clichés sont issues de tendances bien réelles. Après cela la flic a prit son fils et ses affaires pour trouver refuge chez son frère. Je fais une moue compatissante, c’est vraiment le genre de situation compliquée à gérer. Je ne sais pas grand chose de leur histoire, mais en tout cas Lukas est submergée par l’amertume à l’égard de… son ex ? Il semblerait. Une erreur fatale et les voilà toutes deux malheureuses, un triste constat. Je tombe d’accord sur son point de vue quant au célibat, y’a que ça de vrai ! Ça évite tant de problèmes, enfin en théorie. « Désolé pour toi… » dis-je véritablement compatissant. « En plus avec Lenny, c’était sûrement pas ce que tu avais prévu pour vous. » notre commande arrive, le serveur plaçant nos boissons devant nous. Comme promis je laisse à la jeune femme le soin de régler la note, je ne voudrais pas m’attirer ses foudres. « Bon en tout cas tu sais que si t’as besoin de taper sur quelque chose ou quelqu’un, je suis là. » je lui souris et ajoute « En revanche je ne te proposes pas mes services comme babysitter parce que ça je ne serai pas à la hauteur c’est une certitude. ». Je ris légèrement « Principalement pour des histoires de couches sales à changer… » je hausse les épaules et ajoute avec humour « Je ne sais pas trop ce que ça fait de moi de préférer me faire taper dessus par une femme, aussi charmante soit-elle, plutôt que de m’occuper d’un enfant. » j’arque un sourcil, restant perplexe face à ma propre remarque.

Je me vois contrainte de lui expliquer le pourquoi de mon humeur et surtout pourquoi les choses vont si mal avec Parker. Je ne comprends pas comment on a pu en arriver là. Ou alors si, je le comprends et c’est ça qui commence à me faire peur. Qu’on ait pu s’éloigner autant, nous qui étions dans une bulle. Une bulle de bonheur et de désir. C’est difficile à déterminer, et je me rends compte que notre relation n’était peut-être pas la plus saine qui soit comme elle l’était. Pas notre couple, mais notre façon de le gérer. Je n’ai toujours vu que par elle à partir du moment où elle est entrée dans ma vie. Quand elle en est sortie la première fois, je n’ai eu d’autre choix que de faire sans, mais ça n’est pas pour autant ce que je préfère, et ça n’est pas ce qui se fait de plus facile non plus… Entre mon obsession pour la sécurité de mon fils et tout le reste, je crois que je ne l’ai pas vue s’éloigner, ou alors ça me permettait de souffler, ça me soulageait, je n’en sais foutrement rien ! En tout cas maintenant je souffre, j’ai mal, et je ne sais comment réparer ça sans me trouver ridicule. Céder aussi facilement et tout pardonner ? Jamais de la vie ! « Désolé pour toi… En plus avec Lenny, c’était sûrement pas ce que tu avais prévu pour vous. » « Je n’avais rien prévu pour nous, rien de plus que de laisser faire les choses, même lui il n’était pas prévu si tu veux tout savoir… » Une connerie de plan d’un soir parce que j’étais malheureuse après mon divorce, voilà comment je réagis, comme une ado de 15 ans qui prend la liberté de coucher en pensant que ça n’aura aucune conséquence. Je suis pourtant adulte et responsable, normalement, mais je suis aussi impulsive qu’en colère, et ça ne présage jamais rien de bon chez moi. Alors je prends le partie de faire comme ça vient et de ne pleurer qu’ensuite. « Bon en tout cas tu sais que si t’as besoin de taper sur quelque chose ou quelqu’un, je suis là. » « Ton attention me touche, vraiment. Je note que tu es le genre de mec qui prendrait presque du plaisir à se faire taper dessus par une fille, flic de surcroit. Ça se soigne, ça, tu sais ? » Je ris, à son intention, buvant une grande gorgée de café. « En revanche je ne te proposes pas mes services comme babysitter parce que ça je ne serai pas à la hauteur c’est une certitude. » « Ne dis pas ça, tu crois que j’étais à la hauteur pour Whyat ? J’étais pire que tous ces papas qui flippent et bouffent trois bouquins par nuit pour calmer leurs angoisses. Et puis ça a fini par se faire, c’est venu tout seul, et je m’en pensais loin d’être capable. Je sais que tu seras un super papa. » Je le regarde, sincère. « Mais évite de mettre ton mannequin en cloque, parce que non seulement elle va perdre son taf, mais toi le tient avec. » Un mannequin enceinte, bonjour pour retrouver du boulot ! Encore un peu d’humour. Foireux, mais il en prend l’habitude ! « Principalement pour des histoires de couches sales à changer… » « A ça aussi on s’y fait… » Non, je le rassure parce que s’il n’a peur que des couches, il s’y fera, et puis au pire il devient plus malin que le reste et s’arrange pour n’en changer aucune. Encore faut-il choisir la bonne maman. « Je ne sais pas trop ce que ça fait de moi de préférer me faire taper dessus par une femme, aussi charmante soit-elle, plutôt que de m’occuper d’un enfant. » « Je crois que ça fait de toi un homme indépendant, qui n’est pas encore prêt à renoncer à sa liberté. Ça se fera naturellement Neal, arrête de flipper, et puis personne ne te demande de jouer les supers papas, si ? » A moins qu’il en soit plus loin qu’il ne le dit avec son mannequin qui fait la gueule ! « Tu sais quoi ? T’es le genre de mec qui a l’air déprimé, t’es le genre de mec à avoir besoin d’une ENORME pizza, et d’un bon vinyle, et aussi d’une bonne bière. Enfin dans mon cas ça marche. Rien de mieux qu’un vieil album d’ACDC pour me remettre sur pied. Qu’est-ce-que t’en penses ? »

La vie de la jeune femme a prit un tournant inattendu avec l’arrivée de Lenny, ça n’était pas un projet commun avec Parker, mais il a fait sa place dans leur quotidien. Des plans Lukas n’en avait pas vraiment et pourtant elle devait être très loin de s’imaginer que les choses tourneraient de cette manière, devenant une mère seule, une femme trompée. Inutile de poursuivre sur le sujet, maintenant que j’ai compris ce qu’il se passait et d’où vient sa colère. Je lui rappelle alors que pour ce qui est de se défouler si elle en a besoin je répondrai présent, c’est la meilleure aide que je puisse lui apporter. Bien entendu la flic ne manque pas de me taquiner sur ma tendance à vouloir me faire cogner par une femme. Je hausse les épaules et explique que pour le rôle de babysitter ce n’est pas à moi qu’il faut s’adresser, comme pour justifier que je préfère être son partenaire de boxe plutôt que de me risquer à affronter les couches sales. Clairement je ne me sens pas apte à m’occuper d’un enfant si jeune, et je n’ai aucune honte de le dire. Lukas tente de me rassurer en m’affirmant qu’elle ne se sentait pas plus prête que ça non plus et que finalement on apprend sur le tas. J’écarquille les yeux quand elle évoque Cameron, je secoue la tête vivement « Putain parles pas de malheur comme ça ! » je me mets à rire « Ça n’arrivera pas. » on se protège, hors de question de prendre des risques. Finalement j’en viens à la même conclusion que la policière, je suis plus en accord avec l’idée qu’une femme me tape dessus plutôt que de m’occuper d’un gamin. J’vois pas trop de ce que ça fait de moi, je l’interroge, curieux d’avoir son avis. A vrai dire j’aime sa réponse, parce que ça comme bien à ce que je pense moi-même. Je suis un homme indépendant et pas prêt à faire une croix là dessus, ça me résume assez bien. « Non du tout. C'est de l'histoire ancienne ça. Donc je ne flippe pas. » depuis que j’ai quitté l’Angleterre je n’ai plus aucune pression de ce côté là. Mais dans le passé oui… ma fiancée me parlait déjà avenir à deux, famille donc bébé. Déjà qu’elle commençait à préparer des idées pour le mariage. J’ai mis fin à tout cela en partant, un peu comme un lâche je l’admets, mais dans le fond elle savait qu’un truc clochait avec moi.
J’arque un sourcil quant à la nouvelle interprétation que Lukas fait de moi. Déprimé ? Ah bon ? Je lève les yeux « Tu te découvres une vocation de psy ? » dis-je en riant. « Je ne suis pas contre l’idée d’une pizza, de bière et d’un bon disque d’ACDC. Mais je t’assure que je ne déprime pas. » je bois une gorgée de ma boisson et reprend « Je suis préoccupé je te l’accorde, mais le moral va bien. » je souris plus largement « Si c’est une invitation, je l’accepte. Par contre je ne veux pas d’anchois sur la pizza, c’est dégueulasse. Ah et poulet ananas n’est absolument pas une garniture décente qu’on se le dise. » plaisanté-je. J’observe mon interlocutrice « Tu pourras bouffer deux pizzas si le cœur t’en dis, je ne répèterais ça à personne. » je sais bien qu’elle n’est pas ce genre de nana qui se soucie d’être dans la « norme » à faire attention et surtout pas à s’intéresser au regard que les autres peuvent porter sur son comportement, mais j’aime bien la taquiner. C’est de bonne guerre, Lukas ne se prive pas de me mettre en boite dès qu’elle le peut. « Tu prévois ça pour quoi cette soirée pizza bière ACDC ? » demandé-je très sérieusement, il va falloir que je bloque ce créneau dans mon agenda.