When we were a child (ft. Eden)

Févier 2002

Pour la rentrée des classes, après les vacances, c'est maman qui m'a accompagné à l'école avec Clarisse. Je suis toute contente parce que j'ai hâte de retrouver mes camarades et surtout la maîtresse. Elle est super gentille et elle sent bon les bonbons à la fraise. En plus, c'est aujourd'hui qu'on accueille un nouvel élève. C'est un petit hamster. Ce sera à nous de nous en occuper à tout de rôle et je suis impatiente que ce soit mon tour. Alors dans la voiture, je chante ma chanson préférée qui passe tous les jours à la radio, j'invente une chorégraphie avec ma grande sœur et j'entends le rire de maman. Elle nous demande quand même de nous calmer, mais on fait pire. On chante encore plus fort et comme des casseroles. Le trajet jusqu'à l'école passe à une vitesse incroyablement vite parce que nous arrivons déjà devant. Clarisse descend la première, mais maman me retient par le bras. Je me tourne vers elle et elle me sourit. Alors moi aussi je souris. Elle me tend mon petit sac en papier, celui qui contient mon déjeuner. Je l'ai oublié ce matin avant de partir. Heureusement qu'elle est là et qu'elle pense à tout. Je la remercie en déposant un bisous sur sa joue et je pars rejoindre ma sœur en courant. Elle me prend la main et nous passons les grilles du portail ensemble.

C'est déjà la récréation et comme tout le temps, je reste assise sous un arbre, dans mon petit coin. Je n'ai pas vraiment d'amis parce que je suis trop timide et que je n'aime pas les jeux auxquels les autres enfants jouent. Je ne trouve pas ça drôle de jouer aux gendarmes et aux voleurs, ni de tuer le voleur. Je ne veux pas mourir. Et je suis toujours parmi les méchants. Alors je ne veux plus jouer avec eux. Je ramasse les cailloux autour de moi pour les jeter un peu plus loin quand j'entends quelqu'un pleurer. Je me lève et regarde autour de moi. Pourtant, je ne vois personne. Mais les pleurs eux, ils continuent.

Je ne sais pas d'où viennent les pleures, mais j'ai envie de savoir. Maman dit toujours que la curiosité est un vilain défaut, mais je suis sûre qu'elle comprendra si je lui explique. Quand on entend quelqu'un pleurer, on doit aller le voir, le protéger, le consoler, non ? Parce que mes parents, ou mon frère et ma sœur, ils font toujours ça quand ils m'entendent pleurer. Même s'ils ne savent pas ce qui se passe et que moi, je veux rien leur dire, ils viennent, me prennent dans leur bras. Parfois ils ne veulent même plus me lâcher ou alors on fait des câlins tous ensemble. J'aime beaucoup les câlins de famille. Parce qu'il y a beaucoup d'amour. Et puis ça me fait rire qu'on soit tous serrés les uns contre les autres. Alors avec tout ça, je sais qu'on ne me dira pas que c'est mal si j'ai écouté ma curiosité. Je cherche dans les toilettes. Mais il n'y avait personne. Je cherché derrière les jeux, mais personne non plus. Et après, je passe ma tête derrière les haies et c'est là que je la vois. Une petite fille est assise derrière et je peux voir ses épaules bouger et l'entendre pleurer. Je crois qu'elle se cache ici. Mais je ne sais pas pourquoi. Et je ne sais pas pourquoi elle pleure. Je m'approche un petit peu, mais je marche sur une branche et elle demande qui est là. « Moi. » C'est une réponse un peu bête, purement innocente. On ne se connaît pas, elle ne peut pas savoir qui je suis. Alors je m'avance vraiment vers elle et je m'agenouille en face. « Je m'appelle May-Line et toi ? » J'ai peur de lui faire un câlin. Normalement, c'est ce que je devrais faire, mais je ne sais pas qui c'est et je ne veux pas l'effrayer. Et peut-être qu'elle n'aime pas les câlins. Ce serait vraiment dommage parce que Claüs dit tout le temps que je fais les meilleurs câlins de la terre entière. Et ça me fait plaisir. Et s'il le dit, c'est que c'est la vérité. Parce que jamais il me mentirait mon grand frère. Alors oui, ce serait triste qu'elle n'aime pas ça parce que ça voudra dire qu'elle ne pourra jamais savoir que je fais les meilleurs câlins et si ils sont les meilleurs, ça veut dire qu'ils font du bien. On me dit toujours ça. Les câlins, ça fait du bien, ça nous apporte du bonheur et de la joie. Et elle à l'air si triste que moi, j'aimerais qu'elle soit contente grâce à moi. « Pourquoi tu pleures ? »

Eden. C'est joli je trouve. On dirait un prénom de princesse. Et j'adore les princesses. Je lui souris parce que je veux être gentille avec elle. Et puis peut-être qu'on pourrait être amie. Elle m'explique pourquoi elle pleure. Tout le monde connaît Cracra à l'école. Parce que c'est une grosse brute et même s'il est plus jeune que moi, à moi aussi, il me fait peur. Des fois. Pas tout le temps parce que je sais qu'il ne peut pas vraiment me faire de mal. Un enfant, c'est trop petit pour faire ce genre de chose. Puis je n'ai plus peur parce que mon grand-frère m'a dit que si quelqu'un venait m'embêter, il irait l'embêter à son tour. Et quand Claüs dit quelque chose, il le fait toujours. Puis Claüs il est plus grand. Beaucoup plus grand que tous les enfants ici. Alors il leur fera peur et on me laissera tranquille. Puis depuis qu'il est à la maison et qu'on sait que c'est mon frère, personne est venu m'embêter. Et il m'a apprit à me défendre un jour. Parce qu'en rentrant de l'école, des autres enfants m'ont volé mon livre. Normalement, personne ne vole les livres, mais eux, ils l'ont fait pour m'embêter. Comme je suis rentrée en pleurant à la maison, il m'a apprit comment je devais faire si on venait encore me voler quelque chose. Mais je suis sûre que je pourrais l'apprendre à Eden. Ou alors, je pourrais la protéger moi. Je suis assez grande pour le faire toute seule ! Je la prends dans mes bras pour la rassurer. Parce que je sais que des fois, c'est mieux que de parler. Alors même si on ne se connaît pas très bien, elle mérite un gros câlin. « Cracra il est trop bête de toute façon. » Et c'est la vérité. Il est bête parce qu'on ne fait pas du mal aux autres. Ce n'est pas bien. Maman dit que c'est interdit. Et papa, il dit toujours cette phrase compliqué, il dit qu'on ne doit pas faire aux autres personnes ce qu'on n'aimerait pas qu'on nous fasse. Je ne sais pas si je la comprends vraiment, mais Clarisse m'a expliqué que ça voulait dire que je ne dois jamais être méchante, parce que c'est bête. Moi je ne veux pas être bête alors je suis toujours gentille. « Moi je vais t'aider. Et les bonbons, ils seront que pour toi ! » Mais j'ai quand même envie d'un bonbon moi. Alors je lève le doigt en l'air et je dis en rigolant. « Mais j'en veux quand même un seul si Cracra ne t'embête plus jamais ! » Je me lève et je lui tends la main pour l'aider à se relever. Ce n'est pas grave s'il me voit avec elle, parce que j'ai le droit de faire ce que je veux. « Non, je ne veux pas partir. Tu vas faire comment s'il vient et que je ne suis pas là ? » Je suis un peu triste qu'elle veuille que je m'en aille. Parce que je ne veux pas la laisser toute seule. « Puis on est amie maintenant ! »

Je souris jusqu'aux oreilles quand elle me propose deux bonbons. Parce que deux, c'est mieux qu'un et que ça veut dire qu'elle même beaucoup. Et je le sais car elle me le dit juste après. En même temps qu'elle me dit qu'elle ne veut pas que je parte. Alors je suis vraiment contente. C'est la plus belle rentrée des classes ! « Moi aussi je t'aime bien ! » Je lui prends la main et lui dit de venir avec moi. Parce que c'est nul d'être cachée et qu'il ne faut pas que Jimmy continue de lui faire peur. Les gentils ils gagnent toujours. C'est ce qui se passe dans les dessins-animés que j'ai le droit de regarder le samedi matin quand je me réveille. Même que je peux le faire tout en prenant mon petit-déjeuner sur le canapé. Nous sortons toutes les deux de sa cachette, mais Cracra nous tombe dessus. Je sursaute parce qu'il m'a fait peur. Je ne pensais pas qu'il nous trouverait. En fait, Jimmy est beaucoup plus grand que nous. Il fait une tête de plus et il adore faire peur au plus petit. Mais je n'ai pas peur, alors je bouge pas et je serre la main de ma nouvelle amie. « Pousse-toi. » Il nous regarde et je le trouve vraiment méchant. « C'est toi qui te pousse ! » Avec ses mains, il me fait basculer en arrière et je tombe sur les fesses. Je me suis rattrapée avec ma main et elles sont toutes éraflées. Ça me fait mal, j'ai envie de pleurer, mais je me retiens. Claüs m'a dit que je ne devais jamais pleurer devant quelqu'un de méchant parce qu'il le serait encore plus. Cracra se tourne vers Eden et lui cris dessus. « La moche, je veux mes bonbons ! Et je les veux ce soir sinon je dirais à toute l'école que tu as des poux ! Et ce sont les gens sales qui en ont. Plus personne voudra être ton amie. Même pas cette fille. » Il termine sa phrase en me pointant du doigt et ses copains derrière lui rigole tout en répétant le deuxième mot qu'il a prononcé. Mais ils mentent. Elle n'est pas moche Eden. Et elle sera toujours mon amie. Alors je me relève et je prends sa défense. « Toi aussi tu es moche. » Je reprends la main de ma copine et part en courant jusqu'aux toilettes des filles. Parce qu'ici, Cracra ne peut pas venir nous embêter. Et parce que j'ai vraiment mal à mes mains.

J'imagine très bien Jimmy aller pleurer dans les jupes de la maîtresse. Il est comme ça Cracra. Il fait la brute, mais c'est un garçon qui est juste trop bête. Comme tous les garçons. Sauf mon grand-frère. Et mon papa. Mais les autres, ils le sont tous. En fait, ce sont des gros peureux. Alors je rigole un peu quand Eden me dit ça. « Je suis sûre qu'il pleure comme un gros bébé ! » Et ça nous fait rire un peu plus fort. Et ça nous réconforte toutes les deux. On n'a plus du tout peur maintenant. En plus, on a réussi à le faire partir et ses copains se sont moqués de lui. Pour une fois ce n'est pas des autres qu'il se moque, mais de lui qu'on se moque. Je ne suis pas méchante d'habitude, mais je crois que je suis contente que ce soit lui cette fois-ci. Je sais que je ne dois pas et que mes parents seraient fâchés, mais il l'a cherché ! « Ce n'est pas grave, ça ne me fait pas mal… » Mais je mens parce que je ne veux pas qu'elle soit triste que j'ai mal. Mais ça me picote un petit peu. J'ai quand même moins mal que tout à l'heure, mais j'aimerais bien avoir un bisous magique de Clarisse. Ma sœur fait les meilleurs bisous magiques. Moi, ce sont les câlins et elle les bisous. C'est Claüs qui le dit. Je m'apprête à les mettre sous l'eau, mais Eden prend une feuille de papier, la mouille et commence doucement à les laver. Je la laisse faire et la remercie. « Tu vois, faut pas écouter les autres. Parce que moi, je te trouve très gentille. » Je lui souris et au moment où elle termine de nettoyer mes mains, la cloche retentit. Je saigne encore un peu, mais ça va mieux. Et je n'ai presque plus mal. On laisse quelques secondes s'écouler, puis on sort des toilettes. Je regarde autour de nous que Jimmy ne soit pas dans le coin et je me tourne vers mon amie. « On mange ensemble à la cantine, d'accord ? » Elle hoche la tête. Je lève mon pouce en l'air en lui disant « Cooooooool ! » avec entrain et je pars en courant me mettre en rang devant la porte de ma classe. J'ai hâte d'être ce soir pour raconter tout ça à ma famille.

L'heure du repas est arrivée très vite et j'étais tellement contente de manger avec ma nouvelle amie que j'ai même mangé mon assiette de petits pois. Alors que je déteste ça ! Tous les légumes verts. Parce que le vert c'est moche et que les légumes de cette couleur sont tous pas bons. Les épinards, les haricots, les choux de Bruxelles. BERK. Mais cette fois, je ne voulais pas qu'Eden pense que j'étais bizarre, parce que elle, elle aime ça, les petits mois. Alors j'ai tout mangé et peut-être que j'aime bien en fait. Mais je préfère les frites. Ou le riz. En plus le riz de la cantine est très bon. Papa lui, il ne sait pas le faire le riz et ça fait toujours rire maman parce que soit il colle trop, soit il craque sous la dent. J'ai raconté cette histoire à Eden et elle a rigolé avec moi. Tout le monde nous regardait parce qu'ils n'ont pas l'habitude de nous voir rire ensemble. D'habitude, on mange toutes les deux dans notre coin, toute seule. Mais pas aujourd'hui et plus jamais. Mais j'ai vu sur les lèvres des dames de la cantine qu'elles étaient contentes. Alors moi aussi j'étais contente. Jimmy Cracra n'est pas venu nous embêter. Il a été puni par une surveillante quand il a mit du sel dans le verre de Sonia, une fille de ma classe. Et c'est bien fait pour lui. Parce que ce n'est pas bon l'eau salée. Une fois j'ai bu la tasse dans l'océan et c'est encore pire que les choux de Bruxelles ! Alors après mangé, pendant notre récréation, on a pu s'amuser sans avoir peur.

La cloche vient de sonner et c'est l'heure de rentrer ! Eden m'a dit qu'elle habitait juste à côté de chez moi. C'est vraiment trop génial ! Donc on va pouvoir rentrer ensemble ce soir. Elle aussi elle prend le bus scolaire pour rentrer car on ne peut pas venir la chercher. Puis j'ai envie de lui présenter Clarisse et Claüs. Ils vont l'adorer, je suis sûre, parce que c'est ma copine. Je range mes affaires dans mon sac et pour la première fois, je suis la première à sortir. Dans le couloir, je passe devant la porte de la classe d'Eden et je vois qu'elle est déjà ouverte. Elle est déjà dehors alors. Mais non parce que Cracra lui bloque le passage et lui réclame des bonbons. Encore. Le sac de mon amie est par terre et ça me rend furieuse. Je cours jusqu'à être à côté d'elle et je pousse Jimmy. Je me mets devant Eden et je pose les bras sur mes petites hanches. « Laisse-là tranquille ! » Mais il est plus fort que moi et je ne lui fais pas peur. « Va t'en la mioche ! » Sauf que non, je ne partirais pas. « Non. » Je repense à ce que mon frère m'a dit et je lui donne un coup de pied dans le tibia. Cracra tombe sur le sol en criant qu'il a mal. Je devrais être honteuse de ce que j'ai fait, j'avais promis de ne jamais être méchante, mais en fait, je suis juste contente. « Tu n'embêtes plus jamais Eden sinon je te donnerais un coup de pieds dans l'autre jambe et tu ne pourras plus jamais marcher ! »