Je ne suis pas un super-héros (FT. Kenny)

Caïn était trempé et l'eau n'était pas chaude, loin de là. Mais il était tellement énervé qu'il brulait de l'intérieur. Une fois encore, Kenny avait un aperçu de la bête sombre et sauvage qui guettait derrière sa façade affable. Ce visage n'avait rien d'attirant, au contraire. En l'absence de père, Caïn s'était forgé une forte personnalité. Il avait encaissé les exigences de sa mère, ses remarques blessantes grâce à cette armure. Il n'acceptait pas que quelqu'un parvienne à créer une brèche. S'il se sentait aussi heurté, c'est parce que Mathisson venait de réussir l'exploit de porter un coup d'estoc sur un point sensible. Le monstre de rage et d'agressivité avait envie de frapper, de fracasser. Mais le flic pouvait être tranquille. Il ne serait pas la cible de cette violence. Gallagher était avant tout furieux contre lui-même. Les justifications du brun étaient confuses. Et honnêtement, Caïn n'en avait rien à foutre, il était trop aveuglé par sa hargne. Il ne percuta même pas que Kenny lui faisait un aveu et qu'il avouait sans s'en rendre compte un attachement. Ils entrèrent dans le magasin. Le blond dégoulinait d'eau mais ne desserra pas les dents. Il attendit que son amant choisisse, ce qui ne tarda pas à arriver. Il examina le meuble. Plutôt sympa, le flic avait bon goût en matière de déco. Pour autant, cela ne suffit pas à l'adoucir. Son visage resta fermé, marqué par la colère qui ne redescendait pas. Au moment de passer en caisse, il ne prit pas la peine de dire "bonjour". Tout sauf aimable, il gêna même le gérant qui tenta quelques mots pour sympathiser et détendre l'atmosphère. Ils attendirent ensuite qu'on leur apporte le carton. Comme prévu, le meuble n'était pas léger. La tentative d'humour de Kenny fit un gros flop.

D'un geste qui impressionna sérieusement l'employé, il souleva le meuble tout seul et le cala sur son épaule. La colère décuplait sa force et ce n'était finalement pas plus mal qu'il l'extériorise en se bousillant le dos et les muscles plutôt qu'en fracassant tout ce qui lui passait par la main. Il ignora les tentatives d'aide de Kenny et marcha vers la voiture. Comme ils se trouvaient devant le coffre, il fallait bien que quelqu'un ouvre le coffre. Gallagher prit la parole, sur un ton sec mais moins agressif qu'avant. Le trajet l'avait légèrement calmé.

- La clé est dans la poche de mon pantalon.

Quand le policier eut ouvert le coffre, Caïn y mit le meuble qui y rentra sans difficulté. Gallagher referma en faisant lourdement claqué. Puis il monta dans la voiture et démarra, sans dire un mot. Sa conduite était nerveuse. A un moment, il donna un coup de volant pour se garer sur une place handicapée et tapa sur le volant.

- Ca va pas être possible. Ca va vraiment pas être possible. Tu vas me dire pourquoi et tu vas me le dire tout de suite. Et ne me demande pas de me calmer... parce que je tâche de rester calme pour pas tout défoncer, et si tu me refais ta putain de morale, je sens que ça va m'énerver. Je veux savoir pourquoi c'est important pour toi et je veux savoir pourquoi ça te prend là, maintenant de me poser cette question de merde. Tu dis que tu n'as pas l'intention de me juger, mais j'en doute sérieusement. Je sais que j'ai raison. Mais tu vas pas t'échapper comme un lâche là. Va au bout de ta pensée ! Porte tes couilles !

Les deux dernières phrases étaient prononcées dans un éclat de voix, grave et grondante. Caïn ne pensait pas un seul moment que les raisons étaient autres et si Kenny lui disait la vérité, ça serait un séisme. Mais d'un autre côté, ce n'était pas un hasard s'il s'était garé. Pas un hasard non plus si ces réponses lui importaient. Caïn voulait savoir ce que son amant pensait de lui, de l'aveu qu'il lui avait arraché, persuadé qu'à ses yeux, il n'était désormais, ni plus ni moins qu'un malade.

C'était assez surprenant de voir comment une même journée pouvait changer du tout au tout ! Des dizaines de sentiments s'étaient immiscés au sein de mon esprit depuis ce début d'après-midi. Le désir, l'extase et plus récemment l'incompréhension sans oublier la colère..... C'était troublant, déroutant serait même plus approprié ! Je m'étonnais moi même à prendre les choses très à cœur alors qu'habituellement quand une relation tournait au vinaigre je faisais en sorte de couper court n'aimant pas me prendre la tête.... Il n' avait plus de toute j'étais bel et bien en train de tomber amoureux du Trader....Encore une histoire qui n'allait pas tarder à m'exploser en pleine gueule ! Peut-être même d'ici quelques heures à la vue des derniers rebondissements.... Mon humour qui avait pourtant fait ses preuves jusqu'à aujourd'hui venait d'essuyer un échec cuisant... La déception se lisait une nouvelle fois sur mon visage.... Pour autant je ne m'en voulais plus d'avoir jouer les petits curieux.... Toutes mes questions étaient légitimes... Ce n'est pas comme si je lui avait demandé le code de sa carte bleue ou pire ce qui s'était passé entre lui et son ex-femme, la mère de Murphy.... Je n'étais pas non plus suicidaire....

Cette recherche de meuble de salon aussi rapide soit-elle fût son âme, sans saveur, je ne m'attendais à rien d'exceptionnel mais Gallagher aurait au moins pu émettre un avis quant à mon choix qu'il soit positif ou négatif, ça n'avait pas d'importance mais non ce dernier n'avait pas pipé mot ! Ces détails me laissaient toujours penser que la fin de notre histoire avait sonné.

''Ok.'' lâchais-je simplement avant de récupérer les clefs pour déverrouiller le coffre dans la foulée.

Autant communiquer par des phrases mono-syllabiques vu que depuis 20minutes à part me dire où se trouvait les clefs il n'avait pas ouvert la bouche. Le trajet du retour allait être long, très long si l'on continuait sur cette lancée.... Calé au fond du siège, j'attendais patiemment que le temps passe. Ce fut seulement au bout d'une dizaine de minute que le dragon se réveilla ce qui me provoqua un léger sursaut... Gallager hurlait, tapait sur son volent ! Ça va que je n'étais pas trouillard comme mec car son comportement en était limite inquiétant !

''Porter mes couilles ?! C'est très drôle vraiment'' Bon ce n'était pas le moment de le gratter ! On allait pas jouer à qui était le plus con une fois de plus ! Il me demandait des comptes ce qui me faisait doucement rire sachant que de son côté il avait du mal à en rendre....

''Sérieusement, t'as pas une petite idée ? Tu te demandes pas pour quelles raisons depuis nos deux dernières entrevues je cherche à chopper des infos sur toi ?''

C'était maintenant ou jamais ! Quitte à ce qu'il mettre un terme à notre histoire autant lui balancer ce que j'avais sur le cœur ! Dans la vie il est préférable d'avoir des remords que des regrets c'était ma philosophie et ceci depuis des années ! ''Gare ta caisse !'' avec qui allait suivre il était plus sage de ralentir ou de se poser sur une place comme je venais de le demander ! Disons que je n'avais pas très envie d'avoir un accident ! ''Est-ce que t'es déjà fait à l'idée que quelqu'un aussi stupide soit-il puisse s'attacher à un mec comme toi ?! Tu sais même les pd peuvent tomber amoureux entre eux ! On ne passe pas tout notre temps à s'enculer et à faire la tournée des saunas pour chercher qui à le plus grosse et qui baise le mieux....'' Je sortais les clichés les plus ignobles qu'ils puissent y avoir sur les gays mais au moins ça le marquerait..... Prenant une nouvelle et grande inspiration, je poursuivis : ''Je sais bien que ton éducation a été quelque peu tronqué quant à tout ça mais dit toi que comme la majorité des gens j'ai un cœur et qui si j'ai cherché à en apprendre un peu plus sur toi c'est parce que je commence à m'attacher.... Parce que ouai tu me plais et pas seulement parce que t'es doué au pieu....'' Histoire de ne pas changer les bonnes habitudes, ces quelques explications sur mes sentiments s'étaient fait avec maladresse mais je n'étais pas un abonné aux déclarations d'amour alors on pouvait m'en excuser ! ''J'ai des sentiments, je vais pas m'en excuser ! Fait chier tiens...'' concluais-je en donnant un léger coup de pied dans la vide poche. ''Et merde....

Des réponses. Voilà ce qu'il attendait. Persuadé que le brun le jugeait, il n'avait pas perçu les signaux. Jamais personne n'était parvenu à lui faire perdre le contrôle comme ça. D'ordinaire, Caïn ne doutait jamais de lui, il était vaniteux, orgueilleux, prétentieux. Les autres avaient tort, lui jamais. Il affichait des convictions très arrêtées, sur les étrangers, sur les utopistes, sur l'écologie et sur l'homosexualité. Au fond, il ne savait pas trop comment se comporter sur ce dernier point. Cela faisait des années que sa mère était morte. Quand on est éduqué avec l'idée qu'aimer ou coucher avec une personne du même sexe fait de vous un sous-homme, un animal, un déchet humain, il est difficile de s'assumer du jour au lendemain. Kenny avait de la chance, dans le sens où Gallagher avait progressé et acceptait petit à petit son identité et ses préférences sexuelles. Mais le travail nécessiterait encore du temps, de la patience pour le flic. A aucun moment, il ne s'était attendu au missile que lui envoya Kenny. Il pensait que le brun allait le juger, lui dire qu'il n'était qu'un parfait connard, homophobe. Un taré. Ce qui n'était pas tout à fait faux. Mais que ça soit le brun qui le lui dise, ça le blesserait. Il ne pourrait pas le supporter. Contre toute attente, le flic fit un aveu insoupçonné. Caïn se figea littéralement en entendant les mots de Mathisson. Il venait de recevoir une gifle, une balle, même. Tomber amoureux ? De lui ? Il le traitait souvent comme de la merde ! Et voilà qu'il s'était épris ? Con ou quoi le mec ? L'incompréhension était de mise. La colère disparut en un clin d'oeil, à l'intérieur, bien qu'il en garda les stigmates sur son visage. Il lui plaisait ? Malgré lui, Gallagher secoua la tête en fronçant les sourcils. Et tandis que son amant s'en prenait à son vide-poche, il s'agaça :

- Hé, mais putain, tu vas te calmer direct ! Tu pètes pas ma bagnole ! Y'a que moi qui aies ce privilège !!!

Il était sérieux, ce qui pouvait paraitre ridicule. Caïn pouvait exploser ses affaires, les maltraiter mais il refusait qu'on le fasse à sa place. Il aurait pu lui en mettre une pour ça ! En lieu et place, il posa sa main sur son bras et le regarda. Ses yeux bleus, le miroir de son âme, n'avaient plus rien de menaçants. Il y avait même une lueur humaine, suffisamment rare que le souligner. Trop d'informations, trop d'émotions contradictoires. Il avait du mal à encaisser que les questions aient été posées par attachement plutôt que par jugement. Il aurait préféré mille fois que Kenny l'insulte, pour continuer à gueuler et se défouler. Mais là... il n'allait quand même pas lui foutre un bourre-pif ! Ou le traiter de sale con, de tafiole... Caïn était touché, et en plein coeur. Dans son cerveau, la rage se mélangeait à l'adrénaline. Il eut du mal à trouver ses mots. Et ce fut sur un ton sec qu'ils sortirent, comme s'il lui reprochait d'avoir répondu, alors que quelques instants plus tot, il l'avait menacé !

- Donc... en gros... tu veux en savoir plus sur moi, parce que tu... as des sentiments ? C'est complètement... dingue ! C'est complètement con ! Comment un connard comme moi a pu te plaire ? Qu'est-ce qui tourne pas rond là ? C'est quoi ces conneries ?

Il ne le laissa pas répondre et donna un coup de rage sur son volant.

- C'est toi qui fais chier... putain... je pensais être le seul à m'attacher, au fond, mais il a fallu que tu t'y mettes aussi ! T'étais sensé être un coup d'un soir, bordel ! Tu le comprends ça ? Tu devais me servir de vide-couilles et sortir de ma vie... comment ça se fait qu'on ait cette conversation ? Ca n'aurait jamais du arriver ! Comment ça se fait que tu sois resté et qu'on ait remis le couvert ? Comment j'ai pu être aussi aveugle pour ne pas le voir venir ? Et toi, t'es là, tu t'attaches... alors que tu devrais pas... T'es pédé ! T'es pas sensé tomber amoureux ! T'es sensé te taper tous les autres pédés que tu croises, sauna ou pas sauna, jusqu'à choper le SIDA ! C'est comme ça bordel !

Caïn était bourré de préjugés, à cause de son éducation. Il avait une vision de l'homosexualité très altérée par les propos de sa mère et par la religion. Acide, il reprit :

- Et maintenant on fait quoi, hein, tête de noeud ? Comme si de rien n'était ? On se prend la main et on papote robes de mariées ? Je ne veux pas m'embarquer là-dedans ! Je refuse ! Tu me plais, mais je ne suis pas une pédale ! Et je ne suis pas prêt à assumer une relation officielle ! Faudra que tu me dises, aussi, ce qui peut bien te plaire chez moi. Je pense que tu es masochiste.

Masochiste ou alors sincèrement amoureux. Caïn n'osait pas le dire. Il n'empêche que la tournure que prenaient les évènements l'inquiétait, dans le sens où il ressentait la même chose en retour et que ça n'aurait pas du se produire. Il lâcha, incisif :

- Masochiste et con... ça te gêne pas que je considère qu'un pédé soit quelqu'un de malade ?

Soulagé ? Je ne l'étais même pas ! Pourtant je venais clairement de lui avouer mes sentiments en allant même jusqu'à sous-entendre que j'étais amoureux de lui ! Tout ça était la pure vérité, je n'avais rien inventé, j'avais juste ouvert mon cœur pour la toute première fois de ma vie.... Jamais un homme avant Gallagher n'avait entendu de tels mots sortir de ma bouche... Ca signifiait donc beaucoup.....

Hélas les répercussions qui découleraient de mes confessions allaient surement être aussi douloureuses que les premiers coups de reins donnés par le trader en début d'après-midi.... Sauf erreur de ma part, Caïn n'était pas du tout dans l'optique de vivre au grand jour avec un autre homme et dans des situations comme celle là généralement on coupait court à la relation pour ne pas que l'autre s'attache de plus en plus.... Oui la vie était cruelle et même si je n'aimais pas tomber dans des généralités et autres clichés s'était encore plus vrai lorsqu'on était homosexuel vu que beaucoup ne cherchait pas d'engagement privilégiant le plaisir de la chair et les relations sans lendemain.... - Ça va.... Je n'ai rien cassé... C'est tout ce qu'il trouvait à dire ?! Parler de sa voiture ! Pourquoi est-ce que ça ne m'étonnait même pas ?! N'avait-il vraiment pas de cœur pour ne pas rebondir immédiatement sur mes précédentes paroles ?! J'étais dépité, triste mais aussi énervé et probablement déçu par un tel comportement et un tel je m'en foutisme...

Oui le cœur à ses raisons que le raison ignore mais on ne choisit pas sur qui Cupidon va planter ses flèches ! Pourtant mon cœur ne cessait de battre de plus en plus au fur et à mesures de nos rencontres et même là dans cette voiture alors qu'il me parlait comme à un chien je ne pouvais m'empêcher de ressentir du désir et un peu d'amour...

Heureusement Gallagher en oublia ses problèmes de carrosserie pour se concentrer sur l'essentiel, sur l'humain c'est à dire sur ma petite personne... - Je me... Et voilà qu'il ne me laissait pas en placer une....

La façon qu'il avait de me parler provoqua en moi un petit rire mais pas un rire d'amusement non c'était de nouveau de l'agacement, je haussais les sourcils tellement tout ça était surréaliste... Pour le coup Caïn semblait avoir adopter ma propre stratégie en laissant échapper deux trois informations capitales au milieu de plusieurs insultes. Je n'en croyais pas mes oreilles ! Est-ce qu'il était en train de sous-entendre que lui aussi avait des sentiments ? Si c'était le cas qu'on lui décerne un oscar sur le champ car il était on ne peut plus doué pour les cacher... - Si tout était simple dans la vie ça se saurait.... Tu crois vraiment que j'ai choisit de m'attacher à toi ? Que ça me fait plaisir de me faire jeter comme tu l'as fait et de t'entendre parler des gays comme tu le fais ? J'ai vraiment l'impression d'être un malade accroc à la bite et au foutre.. Pour le coup je veux bien te pardonner vu que ça relève de ton éducation.... Et ouai ça me fait du mal alors peut-être que j'aime ça ! Peut etre que ouai je suis un masochiste mais à coté de ça je me vois plus vivre sans toi à mes cotés... Je pris volontairement une pause de façon à bien choisir mes mots histoire qu'il comprenne bien où je me situais et ce qui se passait en moi. - Je ne réponds plus de rien quand t'es avec moi.... Je sais pas.... Je comprends pas non plus certaines de mes réactions mais voilà tout ce que je sais c'est que je ressens des trucs... Je crois que je t'aime tout simplement tête de con ! Au moins c'était dit....

- Je veux pas d'une histoire comme dans les films... Le mariage et toute ces conneries ça m'intéresse pas... Pour l'instant ce que je sais c'est que j'ai envie d'être avec toi et que ça me ferrait grave chier de te voir avec une femme et encore plus avec un autre gars ! Je te demande pas non plus à ce qu'on se ballade dans les rues de Wellington mains dans la mains mais je vais pas te mentir j'aimerai être TON MEC et que tu sois le mien en retour. lâchais-je non sans une certaine émotion.

Reste a savoir si Caïn oserait franchir le pas ! Je n'avais volontairement pas réagir sur les sous-entendus relatifs aux sentiments qu'il pouvait avoir à mon égard, ce n'était pas tomber dans l'oreille d'un sourd mais j'avais bien comprit que ça le mettait mal à l'aise alors autant ne pas lui tirer les vers du nez.... - Fais ce qu'il faut pour que tu sois heureux ! Et pense à toi pour une fois.... Ton choix sera là mien. Comprenons par là que s'il ne souhaitait plus de moi dans sa vie je disparaitrai une bonne fois pour toute et ceci sans faire de manières.

- Hop, hop, hop ! Non, non, non ! Tu vas pas me la faire à l'envers ! C'est TOI qui m'a posé une question à la con alors que tout allait bien. TU l'as sorti comme ça de derrière les fagots. TU l'as posé en émettant un jugement à mon égard. Si tu voulais pas entendre la réponse, t'avais qu'à fermer ta gueule et rien me demander. C'est simple et ça vaut pour toutes les conneries que tu pourrais demander, d'ailleurs. On serait pas comme deux cons maintenant, si tu avais bouclé ton claque-merde. Que tu me pardonnes ou pas, au final, j'en ai rien à foutre. Je suis comme je suis. Si t'as des sentiments, faudra t'y faire et faudra que tu sois patient. C'est tout. J'ai conscience que j'ai des efforts à faire, mais là, c'est toi qui a cherché la merde. Alors tu vas pas me faire avoir du remords. Quand on me cherche, on me trouve, c'est tout.

Il marquait un point. Rien de tout ça ne serait arrivé si Kenny avait filtré, ou s'il avait posé la question différemment. Pour autant, dans la façon dont Gallagher venait d'énoncer cette vérité, il n'y avait aucun reproche. Parce qu'au fond, il était content que ça se soit déroulé ainsi. Sans ça, les révélations n'auraient jamais eu lieu. Combien de temps seraient-ils restés dans le secret ? A se voiler la face ? Quel gâchis de perdre tout ce temps ! L'avenir s'annonçait plus serein, maintenant. Limpide. Caïn était plus calme, plus apaisé. Ca ne changeait pas le fait qu'il porte toujours la froideur sur son visage. Les stigmates de la colère avaient disparu. Ils pouvaient revenir à tout moment, pour un mot, un pet de travers. L'orage était passé et le ton, neutre voire doux, témoignait d'un retour à la normale entre eux deux. Kenny lui demandait de prendre une décision. Et comme toujours, le trader ne montra aucune hésitation. Il répondit :

- Ok, trou duc. T'es mon mec et je suis le tien. Ce que tu ressens pour moi, c'est partagé, voilà. Mais le mariage c'est niet, n'y compte même pas ! Les balades dans les rues à se pelotter devant les gens c'est niet aussi. Tu oublies les fleurs, sinon je te les fais bouffer. Tu oublies les scènes parce que sinon je te mets un parpaing dans les dents. Tu oublies les coups de fil et les visites impromptues quand y'a ma fille chez moi. Pas un mot à qui que ce soit, de rien. Tu es muet comme une tombe ou je t'y envoies direct. C'est clair ?

Cette situation était étrange. Caïn secoua la tête et leva un doigt, menaçant.

- Et plus jamais... plus jamais, tu me poses des questions aussi merdiques. T'aurais été un autre, je te défonçais la tronche. T'as de la chance que je te trouve intriguant et que je t'aime... bien, aussi...

On sentait que ça l'avait touché, blessé. Il n'acceptait pas d'être jugé par les autres, encore moins par son amant, ou plutôt son petit ami, désormais. Kenny ne se rendait pas compte à quel point il avait de l'influence sur lui. Il l'aidait à se transformer. L'avenir ne serait pas tout rose. Caïn avait un caractère très dur à dompter et à anticiper. Il était capable de tout, surtout du pire. Sa noirceur était ressortie quelques instants plus tôt. Elle se manifestait dans sa bataille judiciaire pour obtenir la garde de sa fille. Il ne voulait pas gagner, il voulait écraser Lazslo, le pulvériser. Il n'avait pas de morale et en même temps, vu son métier, on pouvait facilement le deviner ! Pas de pitié, pas de sentiment. Juste ses objectifs, sa réussite. Point final. Mathisson était le coup de pinceau blanc sur le tableau noir. Le yin qui contrebalançait son yan. Caïn se mura dans le silence. Les aveux, ça n'était pas son truc. Il contrôlait tellement ce qui transparaissait de lui, qu'il bloquait toute communication sur le sujet. Quelques mots sortirent :

- Je n'ai pas connu ça, avant. Avec la mère de Murphy, j'étais dans le déni complet. Je voulais une relation hétéro, bien stable, bien tranquille, faire un gosse et vivre dans la normalité. Mais je n'ai pas tenu. Avant toi, j'ai défoncé des culs sans ménagement. J'ai jeté les types comme de vieilles merdes. Tu es la seule exception. Le seul qui est resté dormir chez moi. Y'a pas d'autre mec. Juste toi. Tu dois me laisser le temps. Il y a des choses que tu n'imagines pas, parce que tu assumes. Ce n'est pas mon cas. Il y a des questions que je pose, des à-prioris, beaucoup. Tu auras des déceptions, forcément. Des souffrance... tu verseras peut-être des larmes. Je préfère te le dire, car je ne t'épargnerai rien, je le sais. Mais c'est ça ou rien. Tu vas devoir faire avec.

Caïn redémarra. Alors qu'ils arrivaient à un feu rouge, il lâcha :

- Et oui, désolé de te le dire, mais t'es accro à ma bite et au foutre.

Lui laisser le choix quant au futur de notre relation n'était pas un abandon de la part de l'inspecteur de police ni même une façon intelligente de baisser le bras..... Pour autant Mathisson ne se voyait pas forcer le destin en suppliant son amant de continuer cette relation, Kenny n'allait pas se mettre à genoux et pleurer toutes les larmes de son corps, jamais de la vie, il avait tout de même un minimum de fierté.... Et puis merde, il estimait avoir faire sa part du boulot en se mettant à nu de cette façon.... Si Maggie avait assisté à cette scène au sein de la voiture du Trader elle en aurait probablement perdu son latin vu qu'elle n'avait jamais eu le loisir de voir son meilleur ami se confesser de la sorte.... Kenny avait donc franchit une étape importante dans sa vie et pour lui même reste à savoir si le destin lui en serait reconnaissant....

Le premier monologue du Trader avait eu pour conséquences de clouer le bec de l'inspecteur ! Pour le coup tout ce qu'il venait de lui balancer se tenait... ''Patience est mon deuxième prénom, ça tombe bien....''

Après avoir donné sa ''vision'' du couple, Mathisson écouta attentivement les réponses de son amant relatives à ce sujet... Un léger sourire se dessina sur son visage lorsque le blondinet affirma qu'il était son mec et vice versa...Le fait que Caïn reprenne ses propres paroles était plutôt amusant. ''Que tu m'aimes bien ? Tiens donc.... Mais ok t'en fais pas ! Loin de moi l'idée de vouloir faire un remake de Roméo & Juliette d'autant plus que la fin est tragique.... Mais très bien chef ! J'arrête de jouer les curieux...'' Leur vision du couple était quasiment la même et ce détail qui au final n'en était pas un avait certainement pesé lourd dans le choix de Gallagher... Et oui les deux hommes voulaient avoir une histoire d'HOMMES ! Pas de chichis, pas de vision utopiste de l'amour comme dans les grands films hollywoodiens et les séries télés des plus grands network ! Au diable le mariage, les fleurs, les chocolats et toutes ces conneries que la société voulait bien nous présenter pour enrichir les puissants de ce monde et faire exploser les comptes en banques de certaines entreprises ! Il n'y avait pas besoin de toutes ces conneries pour être heureux.... Mathisson exigeait juste une seule chose : la fidélité ! Le reste il s'en fichait.... ''Ne me voit pas comme une Princesse ! Je reste un mec quoi qu'il arrive... Un homme avec ses secrets....'' Petite piqure de rappel à ce coté intriguant que Caïn semblait lui trouver... Oui, Kenny avait lui aussi eu un passé et des épreuves qui l'avait marquée et fait l'homme qu'il était aujourd'hui.... Est-ce qu'il se sentait prêt à tout raconter ? Pas sur ! Alors, Mea Culpa ! Les réactions excessives du père de famille étaient peut être normales tout comptes fait..... ''Je ne suis pas pressé.... Ca prendra le temps que ça prendra... Mais ça me plait bien d'être TON exception alors je suis prêt à prendre le risque de verser quelques larmes et à souffrir...... Sincèrement c'est la première fois de ma vie que je ressens des trucs comme ça pour un autre mec la première fois que je me sens amoureux...'' Sa main venait d'attraper celle de son amant ! Toujours dans la voiture, personne ne pouvait les voir d'autant plus qu'il pleuvait des cordes alors même s'ils étaient garés et bien on y voyait pas grand chose.... Kenny prit également soin de regarder le blond droit dans les yeux de façon à appuyer chacun des mots prononcés... ''On est plus ou moins comme deux handicapés des histoires amoureuses alors on va avancer tranquillement sans se prendre la tête. Je préfère de loin que tu me prennes autre chose.'' voilà une bonne chose de faite, il n'y avait plus qu'a attendre de voir si toutes ces petites choses allaient fonctionner mais Kenny comme à son habitude était prêt à y mettre de la volonté. ''Allez démarre, mon meuble nous attends.

- Je rêve ou tu me traites d'handicapé, là ? Tu cherches la merde ! Ni toi, ni moi, ne sommes handicapés. Ce sont les autres qui le sont. Nous, nous sommes normaux, c'est tout.

Il venait de dire ça avec un aplomb hallucinant. Se voir qualifié d'handicapé, c'était une insulte pour lui. Effectivement, dans sa tête, il était persuadé qu'ils étaient somme toute, sains et "conformes". Hors de question d'admettre qu'il puisse en être autrement, même s'il voyait son homosexualité comme une maladie. Caïn n'en était pas à son premier paradoxe. Après tout, il était typiquement le mec capable de claquer sa porte à un bénévole venu demander la charité alors qu'il donnait une pièce comme ça, sans raison, à un clochard dans la rue. Sa fille, elle-même, lui reprochait cette attitude. Elle ne savait pas sur quel pied danser. Personne ne le savait. Gallagher n'était pas du genre à se remettre en cause. Et plus on essayait d'y remédier, plus il s'entêtait. Il avait l'esprit de contradiction. Fâcheuse façon de se comporter qui l'amenait souvent à faire des choses à l'opposé de ce que l'on attendait pour emmerder son monde. Au fond, le flic avait pu le constater quelques minutes plus tôt, lorsque Caïn avait répondu à sa question pour avoir le dernier mot et pour lui clouer le bec. Le feu était passé au vert. Il appuya sur l'accélérateur d'une façon un peu brusque quand le brun le lui signala. En dépit de ce moment très étrange qu'ils venaient de passer, Caïn se montra encore plus vigilant qu'il ne l'avait été à l'aller. Et ce n'était pas pour le meuble mais bien parce qu'il transportait une personne précieuse, désormais. Ils roulèrent jusqu'à l'immeuble de Kenny. Il pleuvait toujours abondamment. Les cordes tapaient avec intensité la carroserie et les vitres, provoquant un bruit continu. Gallagher était trempé, de toute façon. Un peu plus ou un peu moins, il s'en moquait. Cette fois, le trader se gara correctement, sans même chercher à faire chier la voiture derrière lui pour l'empêcher de sortir de son emplacement, en lui collant au train. Un créneau impeccable. Sa colère ayant passé, la transport du meuble ne serait pas le même, cette fois.

- Bon... tant pis, on va pas se faire chier à attendre. Cette fois je vais avoir besoin de toi. Saloperie de pluie...

Rageur, il sortit du véhicule. Douché, véritablement, par l'eau fraiche, il se dirigea vers le coffre et attrapa un bout du carton. Quand Mathisson eut l'autre, il ferma le coffre et ils entrèrent dans l'immeuble. Ils montèrent à l'étage et après que le brun ait ouvert la porte d'entrée, ils posèrent le lourd colis dans le couloir. Le carton avait pris l'eau. Heureusement que le meuble était sous plastique à l'intérieur. Ils dégoulinaient d'eau. Caïn retira son haut et l'essora dans l'évier.

- Putain de temps de merde... je m'en rappelerais de ton meuble à la con !

Il était de mauvais poil parce que mouillé. Caïn aimait bien son petit confort. Sans pudeur et sans se gêner, il se déshabilla intégralement, jeta ses vêtements dans l'évier et se rendit dans la salle de bains pour se sécher à l'aide d'une serviette. N'ayant pas de vêtement sec autre que le costume, il préféra rester avec sa serviette nouée autour de la taille. Il doutait de rentrer dans les vêtements de Kenny. Il n'avait pas envie de les lui déformer.

- La pluie a bousillé le carton... fais chier ! Moi qui voulais faire un don à un SDF !

Il afficha le sourire du parfait connard. Caïn avait un humour très particulier. On ne savait jamais s'il plaisantait ou non et comme il allait piocher dans l'humour noir et le cynisme, ça ne prenait pas chez tout le monde. Il prit un couteau de cuisine et ouvrit le carton. Méthodique, il sortit les planches du plastique et les mit plus loin dans le salon, au sec et rangées de façon ordonnées.

- Bon... va falloir des outils pour monter tout ça. J'espère que tu as de quoi faire... Soit dit en passant, ce meuble a l'air bien. Je trouve que tu as bien choisi. Il va te servir à quoi ?

Question pertinente. Caïn était un fin observateur. Il s'était bien rendu compte, avant même qu'ils ne partent qu'un nouveau meuble n'était pas indispensable. Mais si c'était un prétexte pour qu'il reste, alors tant mieux. Il était partant.

Il allait vraiment falloir que Kenny apprenne à choisir avec une très attention chacun de ses mots sous peine de réveiller le dragon qui sommeillait en la personne de Caïn Gallagher ! Mathisson ne pensait pas à mal en les surnommant les ''handicapés'' de l'amour hélas cette petite touche d'humour n'avait pas obtenu l'effet escompté.... Pour l'inspecteur qui usait très très souvent de second degré ça n'allait pas être une tache aisée mais il ferrait l'effort tout du moins pendant un temps ! Inutile de préciser que le naturel revient très vite au galop et de toute façon Kenny n'était pas là pour changer sa personnalité.... Ce n'était pas le but.... ''Ça s'appelle de l'humour Caïn'' Le plus intéressant dans tout ça c'est que le Trader semblait le mettre dans le même sac que lui, dans la case ''normaux'', c'était donc plutôt honorable mais quels types de personnes pas ''normales'' pour lui ? Les autres homosexuels ? Toute les minorités ? Et pourquoi est-ce qu'il voyait Kenny comme une exception ? Tout ça était très curieux.... Est-ce que le fait de chercher une relation sérieuse et de pas vouloir d'un histoire style conte de fée était pour le Trader une forme de normalité ? C'était possible..... L'inspecteur de police était en tout cas intrigué...

Ça faisait plaisir de voir que suite à ces nombreuses et intenses confessions, la colère avait laissé place à une légère accalmie. Contrairement à ce qui se passait dehors au sein de la voiture c'est un climat beaucoup plus zen qui s'était installé.... ''A ton service !'' C'était bien peu de chose que de l'aider à monter ce fichu carton ! ''Oh tu sais j'aime marquer les esprits..... Que les gens se souviennent de toi c'est important....'' dit-il une fois le meuble posé à terre ! C'est vrai que ce dernier pesait son poids et que deux personnes n'étaient pas de trop pour le soulever.... Pour le coup, Mathisson prenait ça avec beaucoup d'humour même si c'était dit une fois de plus sur un ton peu sympathique qui exprimait un certain ras le bol.... En soit personne n'aime être trempé comme une soupe alors inutile de relever...

''Que... Ok...'' Fallait croire que Gallagher avait prit ses aises et ceci n'était pas pour déplaire au maitre des lieux.... Kenny ne loupa pas une miette du spectacle que son amant ou plutôt son petit-ami venait de lui offrir.... Pourtant la dernière fois qu'il avait vu cette belle paire de fesses ne datait que de quelques heures mais le désir était encore là... Sa soif n'avait pas totalement été étanchée.... ''T'es vraiment un enfoiré....'' dit-il sur le ton de plaisanterie. C'est vrai qu'il était sans pitié mais au final ça en devenait presque marrant, question d'habitude surement.... ''Le look serviette de bain, je valide totalement.... C'est presque aussi excitant que l'uniforme de Batman'' dit-il en s'approchant de lui avant d'offrir un timide baiser. Oui Kenny y allait comme sur des œufs ne sachant pas si le blond apprécierait ce baiser... ''J'aime pas trop quand je vois le couteau s'approcher de tes parties..... Ce serait dommage qu'il y ait un accident.... On a encore beaucoup de choses à faire avec....'' Ca se voulait bon enfant ! Le but étant de retrouver la bonne humeur du début de journée.... Et puis ce n'était pas le genre à ressasser la merde pendant des heures et encore moins à faire ''la gueule''. Suffisait d'une bonne explication pour passer à la suite.... ''Ouai ils sont sous l'évier... Je vais te chercher ça..'' Sans attendre, il s'exécuta ! Kenny aurait très bien pu se débrouiller tout seul mais ça lui plaisir bien de regarder le Trader s'en occuper... ''Bonne question.... Je vais être honnête avec toi j'en sais rien.... J'avais juste envie de te garder un peu plus longtemps et je crois avoir bien fait..... On verra bien où le mettre.... Ce n'est pas important !'' Ca ne servait à rien de minauder et de mentir en inventant une nouvelle excuse ! Depuis toute à l'heure la franchise était de mise alors autant poursuite dans cette continuité.... ''Je vais nous commander des pizzas... J'ai pas envie de me faire chier à cuisiner...'' Kenny en profita pour décapsuler deux bières tout en validant son panier sur application de livraison à domicile ! Il se lancerait dans de la grande cuisine un autre soir.... Les deux garçons s'installèrent dans le canapé, bières à la main. ''Je suis content que tu sois là...'' Il s'autorisait quelques douces paroles histoire de montrer que vraiment tout ça était très important pour lui et qu'il prenait ce début d'histoire très au sérieux.

Il fallait avoir de l'audace et du courage pour venir embrasser Caïn après l'accès de colère qu'il avait eu. En fait, il fallait être quelqu'un d'exceptionnel comme Kenny pour réussir l'exploit. Le blond le laissa faire, sans broncher et sans le rejeter. Il apprécia même sa timidité, sa prudence. Ce court instant de douceur lui fit du bien. Il chasse les pensées sombres provoquées par les souvenirs de sa mère. Peut-être pour la première fois, il sentait le bonheur. Il avait l'impression d'être normal. Au diable la bible et ses foutaises ! Voilà quelque chose qui n'était jamais arrivée auparavant. Quelque chose grandissait. Il ne savait pas encore quoi, mais à l'instar de Bartimée, il n'était plus aveugle. Il prenait conscience que lui aussi, il ressentait quelque chose pour le policier. Il ne s'agissait pas d'un entichement classique, non, le grappin se trouvait planté bien plus profondément. Il traversait l'armure, fixant sa prise dans son coeur. Il goûtait le bonheur, le vrai, pas celui qu'il se construisait au quotidien, fait de possessions, de victoires et de contradictions. Il épousait enfin une forme de paix intérieure, fragile, encore vacillante mais franche. La plénitude le détendait. Il eut un rire franc lorsque Kenny évoqua la possibilité qu'il mutile ses parties avec le couteau. Il lui envoya un coup dans l'épaule et grassement, il répliqua :

- Tu peux être tranquille, j'ai pas l'intention de me les couper ! Pas avant d'avoir épuisé la très longue liste de positions et de lieux où te faire jouir. Tu devrais plus avoir peur pour ta langue ! A force de dire des conneries c'est elle que je vais finir par couper !

Du Caïn tout craché... le monstre, la bête noire était retournée dans sa tannière, jusqu'à la prochaine fois. Il y en aurait, pour sûr. Et ce ne serait pas prévisible. Kenny se leva pour aller chercher la boîte à outils. Il répondit au passage à sa question. Le blond était observateur. Il se doutait que leur escapade au magasin de meubles ressemblait davantage à un prétexte qu'à un besoin réel. Et il ne tarda pas à avoir confirmation. Loin de se fâcher, Gallagher resta silencieux. Mieux valait oublier cet épisode sous la pluie. Il préférait cent fois celui de la voiture, ou même ce qu'ils vivaient là. Quand son petit ami changea de sujet et parla de nourriture, Caïn gronda :

- Bah bravo... t'as vu comme tu me reçois ! T'as de la chance que j'approuve ton idée. Franchement, c'est brillant. Commander des pizzas et se les faire livrer par ce temps ! J'ai hâte de voir la gueule du chauffeur quand il aura pas son pourboire. Je me demande s'il va pleurer comme le petit con qui a livré chez moi un jour. Alors surtout, tu prends pas une saloperie de végétarienne ! Je veux de la viande et bien saignante. Prends des larges. Qu'ils lésinent ni sur le bacon, ni sur le pepperoni ! Et précise que tu les veux chaudes ! Comme ça le mec va se grouiller de débarquer et il aura davantage les glandes. Et puis arrête de me regarder comme ça. On est ensemble, je peux plus trop être un sale connard avec toi. Alors faut que je compense avec d'autres. Mais si t'es jaloux, ça peut se régler vite fait, hein !

Il lui adressa un regard de tueur. Il possédait une immense capacité à devenir la pire ordure de tous les temps en l'espace de quelques secondes. Le temps que Mathisson commande, il prit la notice et commença à la lire. S'il y avait bien un truc qui le faisait chier, c'était de tourner en rond et de ne pas savoir comment agir. Il n'y avait que lui pour lire les modes d'emploi. Ce travail rigoureux et méticuleux le rendait incollable. Caïn possédait une excellente mémoire visuelle. Il mémorisa les schémas en quelques instants. Et il commenta, en faisant l'inventaire des vis :

- A tous les coups ça a été conditionné par des chinois. Y'a deux vis en trop ! Ils savent même pas compter !

Chassez le racisme, il revient au galop. Au moins, quand il les insultait, il en oubliait les homosexuels. Kenny s'installa à côté de lui et lui tendit une bière. Assis sur le canapé, Gallagher but plusieurs gorgées d'un coup. Quand Kenny lui parla avec douceur il plongea son regard dans le sien.

- Je ne sais pas trop où on va. Mais je sais que je me sens bien avec toi. Alors, ça vaudra ce que ça vaudra, mais j'ai envie de vivre la suite.

Il posa sa main sur la sienne et ajouta :

- Tout à l'heure, tu m'as dit que tu étais un homme avec des secrets. Beaucoup de "couples" jouent à action et vérité, pour en savoir plus. Personnellement, je tenterais bien la torture, mais parait que c'est pas trop légal, Monsieur l'agent ? On peut peut-être faire comme les autres et si jamais ça devient trop sensible se balancer une insulte afin de pas faire trop cul-cul non plus ?

Une soirée somme toute ''normale'' était en train de commencer au sein de son appartement et Kenny n'était pas peu fière de voir Caïn s'occuper de son meuble... Ca faisait très scène de vie quotidienne d'un couple installé depuis quelques temps et ça ce n'était pas pour lui déplaire.... Mathisson n'avait jamais connu ce genre de moment avant aujourd'hui et même s'il n'avait pas envie d'une histoire comme dans les films c'était quand même appréciable de se retrouver en compagnie d'une autre homme de cette façon. Reste à savoir si cela fonctionnerait sur le long terme et si ça lui plaisait car ça il ne pouvait pas savoir..... Oui, peut-être qu'il n'était pas fait pour la vie à deux.... Seul le temps le lui dira... Et de toute façon, ce n'était pas dans ses habitudes de faire des plans sur la commette ! L'inspecteur vivrait cette relation ''au feeling'' sans trop attendre de son amant et sans trop cogiter quant à la suite des événements..... Ainsi serait éviter de potentielles déceptions.. Bien qu'il avait été mis en garde par le Trader, Kenny n'était pas maso !

Peur de Caïn non ? De ses réactions ? Pas vraiment ! Ce n'était pas ce sentiments qui traversait le corps de Kenny lorsque Gallagher se mettait en colère.... De l'incompréhension oui ! De la déception aussi mais pas de la peur alors pourquoi se serait-il priver d'embrasser l'homme dont il tombait amoureux ? Le policier était plus tête brûlée qu'autre chose alors il fonçait dans le tas sans forcément penser au ''danger'' et il avait bien fait le blond ne l'avait pas repoussé d'un poil.... Comme quoi prendre des risques s'avéraient souvent payant ! ''Je serai toi je ferrai en sorte de garder cette langue intact... Crois moi elle peut servir et te mener à la jouissance aussi.... Mais j'ai pris note pour les lieux et positions à essayer.... Juste fait attention au meuble de la salle de bain, il est fragile.... Par contre on a une nouvelle machine à laver avec un cycle d'une heure et demi.... Les vibrations tout ça tout ça.... Je dis ça, je dis rien....'' Kenny serait-il d'humeur coquine ? Bien évidemment que oui d'autant plus que le programme de son amant était fort intéressant mais pour l'instant les deux hommes avaient mieux à faire que de remettre le couvert ! Ils avaient à DISCUTER et pas de la pluie et du beau temps !

''J'avais même pas penser à ça.... Mais tant pis, ils sont payés pour livrer peu importe le temps...'' Kenny n'était pas non plus Mère Théresa ! Autant voir des gens se garer comme des chiens qui posent leur merde ça le saoulait autant faire venir quelque chez lui par temps d'averse ou de neige il s'en fichait royalement ! Qui se préoccupait de sa petite personne quand il planquait pendant des heures par -15 degré sans chauffage avec seulement un thermos de café ? Chacun sa merde ! ''Et désolé de ne pas mieux vous recevoir Monsieur Gallagher... Le caviar et le champagne ce sera pour une prochaine fois'' dit-il en rigolant. Avec sa longue tirade concernant les fameuses pizzas il en était amusant et ceci lui faisait gagner de nombreux points ! C'était très appréciable de le voir dans l'humour, dans la plaisanterie même si cette dernière gardait une forme d'opulence c'était très drôle. ''Des pizzas végétariennes ? Attends tu m'as bien regarder ? C'est comme demander à une prostituée de te faire un massage ! Ca sert rien... Mais rassure toi j'ai pris en compte tes exigences, tout est noté sur la commande... Si y'a un couac se sera de la faute du livreur.'' Kenny prit soin de noter avec la plus grande attention les ''exigences'' de Monsieur avant de valider une bonne fois pour toute son panier et de procéder au paiement ! La technologie s'était tout de même bien pratique même si à coté de ça il aimait aussi se déplacer et voir les commerçants en chair & en os mais avouez que par un temps pareil c'était bien plus sympa qu'une personne se fasse mouiller en l'occurrence l'employé du restaurant plutôt que deux !

''Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?! On peut pas être doué dans les rouleaux de printemps et les meubles modernes...'' A croire que ce soir Gallagher dégoulinait sur lui ! Il se surprenait lui même à être un peu plus ''méchant'' qu'à la normal même si avec Kenny c'était plus de l'humour qu'autre chose. Il n'y avait rien de foncièrement raciste dans ses paroles. ''Ca me convient, je ne te demande pas plus...'' Bordel que ça le rendait désirable d'être sympathique ! La suite était aussi gênante que surprenante pour le jeune policer ! Voilà que Cain se mettait à son tour à devenir curieux quant au passé de Mathisson... Kenny ne faisait que récolter ce qu'il avait semé.... ''Oh tu sais la torture moi ça me va..... Tant que tu ne fais ça qu'avec moi ça reste légal.... Mais si tu veux jouer, jouons.... J'imagine que tu souhaites commencer ? Par contre je vais aller me changer.... Je reviens...'' Est-ce qu'il allait vraiment tout raconter ? Pas sur ! A voir quelles seraient les questions de Caïn mais Kenny se voyait mal lui raconter son agression sexuelles dès maintenant..... Est-ce que le trader chercherait à savoir que signifiaient les dates que Mathisson s'étaient faites tatouées sur les bras ?

Comme annoncé quelques secondes plus tôt, le grand brun quitta ses vêtements de ville pour enfiler un boxer noir et un débardeur de la même couleur histoire d'être plus ''confort''. Il ne tarda pas à revenir au salon rapportant au passages deux nouvelles bières. ''A vous de jouer M'sieur Gallagher. Je vais être sympa je te laisse choisir entre action ou vérité pour ce premier tour. Delande moi ce que tu veux.'' A la base c'est celui qui va répondre à la question ou faire le gage qui dit ce qu'il souhaite faire mais Kenny voulait ce soir changer les règles et sans doute jouer avec le feu...

Le temps que Kenny aille se changer, Caïn s'attela à monter le meuble. Fin observateur, il n'eut aucun mal à trouver la position de chaque planche. Il avait toujours été comme ça, même enfant. Aucun détail ne lui échappait. Il aurait pu travailler dans la police, si seulement ça l'avait intéressé. Les enquêtes, ça n'était pas son truc. Et puis surtout, il savait comment ça fonctionnait. Sans l'aval du procureur et du juge, tout le travail entrepris pouvait être jeté au broyeur. Il lui fallait des résultats, des garanties et il fallait que ça soit rapide. Tenir une planque pendant des jours pour coffrer un voyou, très peu pour lui. De toute façon, Gallagher n'aurait pas accepté sa hiérarchie et ses méthodes seraient très vite devenues un problème majeur pour sa carrière. Manuel, il le devenait par la force des choses. Quand on a pas de eu de père et que sa mère ne savait pas bricoler, il fallait bien que quelqu'un s'adapte et résolve les problèmes du quotidien. Avec le temps, il avait acquis une dextérité particulière. A de rares exceptions près, il réussissait du premier coup ses travaux. Ce fut le cas, ce soir. Quand Kenny revint dans le salon, son meuble était fini, prêt à être utilisé. Pour quoi, il n'en savait rien. Mathisson non plus ! Il verrait bien quoi en faire, ça n'était pas son problème. Le trader avait quand même obtenu une confirmation. Cette escapade avait été un "piège" pour le retenir ici. Ca lui convenait, il ne trouvait rien à y redire. Il aimait bien l'idée que le brun ne puisse pas se passer de lui. D'autant plus que c'était réciproque. Ensemble, il oubliait qu'il était en pleine procédure judiciaire pour avoir la garde de sa fille, qui, au demeurant, avait une santé fragile ces derniers temps. Il n'avait pas encore découvert le pot aux roses sur son anorexie, mais il s'inquiétait. Qu'on le veuille ou non, Murphy était son point faible. L'adolescente comptait énormément, puisque désormais, elle représentait la seule famille qu'il lui restait.

Puisque le meuble n'avait pas encore d'utilité, Caïn en profita pour se caler sur le canapé et poser ses pieds nus dessus. Il ressemblait un peu à ce braconnier qui posait sur une photo, le cadavre d'un malheureux lion à ses pieds. Ou encore à Arès, le Dieu de la guerre grec, qui surmontait la dépouille d'un terrible dragon. A vrai dire, Gallagher avait du charme. Encore plus à ce moment, alors que la serviette qui masquait sa nudité était un peu plus lâche et laissait apercevoir le pli de son aine. A l'inverse de la coutume grec, il n'était pas imberbe. Ses poils blonds restaient visibles sur ses jambes et sur son bas ventre. Certes, en plus d'être clairs, il n'était guère nombreux, mais cela contrastait avec la peau lisse que l'on pouvait voir sur les amphore antiques. Le trader prit la nouvelle bière que Kenny lui apportait et but plusieurs gorgées. Il haussa légèrement un sourcil lorsqu'il changea les règles. Il n'allait protester, après tout, il pouvait amener la conversation où il le voulait. Caïn posa son regard bleu et glacé sur son petit ami. Et puis il prit la parole :

- Vérité. Comment t'as découvert que tu étais attiré par les mecs ?

Une question assez basique pour commencer. Mais pour laquelle, Caïn manifestait un certain intérêt. Puisqu'ils allaient désormais vivre quelque chose de spécial, il voulait savoir d'où venait cette préférence. Etait-ce une anecdote croustillante ? Une histoire de vestiaires ? Il n'en savait rien et voulait le découvrir. Sans doute pour se sentir moins seul. Lui qui avait mis énormément de temps à comprendre qu'il n'éprouvait rien pour les femmes et que ses tentatives de changer sa nature s'avéraient vaines. Sur le long chemin qui l'amènerait un jour à s'accepter et à assumer, Kenny serait un guide, une lumière. Il donnerait l'exemple à suivre et serait, parfois, en même temps, l'objet de toutes les rancoeurs. Car Caïn fonctionnait ainsi, avec un énorme esprit de contradiction, et une colère profonde contre les choses, à commencer contre lui-même. Il serait capable du meilleur comme du pire.

Ce petit jeu tombait à pic ! Il permettrait de passer le temps en attendant que le livreur apporte les deux pizzas qui venaient à l'instant d'être commandées sur l'application ! En soit ce n'est pas les idées qui manquaient pour tuer le temps mais cette partie d'action ou vérité pouvait être dès plus intéressante..... Les deux hommes succomberaient à leurs pulsions respectives plus tard dans la soirée...

Kenny savait très bien qu'en laissant le choix à Caïn il se mettait en danger mais très sincèrement il s'en moquait ! Oui, jouer avec le feu ne lui faisait pas peur, il fallait juste savoir s'arrêter à temps pour ne pas se brûler les ailes mais pour le coup pas de danger ! Pourquoi ? Et bien parce que lorsqu'on est en couple le jeune inspecteur partait du principe que l'on pouvait tout se dire.... Certaines confessions prendraient probablement un peu de temps mais Mathisson n'avait pas envie de mentir.... Et bizarrement Kenny se sentait très en confiance en compagnie du Trader ! C'était plutôt curieux quand on prenait en compte leurs engueulades mais l'inspecteur n'était pas comme tout le monde ! Oui il aimait qu'on lui rentre dedans (ne voyez rien de sexuel dans tout ça) qu'on le pousse à bout..... Quand on bouscule quelqu'un c'est aussi parce qu'on tient à lui et ça Kenny l'avait bien comprit d'où l'envie de laisser aller sur son passé....

''Ca c'est de la question.'' répondit-il du tac au tac en souriant légèrement.

''Au risque de chambouler tout un tas de discours que peuvent te servir des psychiatres et autres médecins à la con, ce n'est pas l'absence de mon père qui m'a fait aller vers les autres garçons. Mes deux parents ont et sont toujours très présents. Même si ils habitent toujours New-York, je peux compter sur eux.'' Il déviait un peu par rapport à la question posée mais ce qu'il disait n'était pas inintéressant pour autant...

''Après, tu sais tout s'est fait tout seul..... Je me surprenais à mater les mecs en sous-vêtements dans les catalogues de vente par correspondance à imaginer des trucs sous les douches après les cours de gym.... A fantasmer sur des acteurs... Ce genre délires quoi.... Je me suis aussi inscrit sur des tchats gay en me faisant passer pour quelqu'un de plus âgé... J'étais encore mineur alors je chauffais d'autres mecs... Et j'ai eu la confirmation avec un mec du club de boxe un soir après un entrainement... Je te passe les détails...'' dit-il un poil gêne. Pas facile d'évoquer cette partie de sa vie car même si Kenny avait toujours assumé son homosexualité, il s'était sentit tout de même seul lors de certaines étapes.... C'est sans doute très cliché mais être jeune et être différent et bien ce n'est pas aussi simple que ça... ''Et puis je sais pas, je me suis toujours sentit un peu différent.... Hétéro parmi les homos mais homos parmi les hétéros.... C'est un peu difficile à comprendre.'' Bien qu'il n'ait jamais aimé parlé de sa petite personne, Kenny se surprenait à y trouver un certain plaisir.... Aller savoir pour quelles raisons....

''A mon tour ! Et ouai je te laisse pas choisir, je suis un dingue ! Qu'est-ce qui te fait le plus peur ?''

Caïn se montrait particulièrement attentif tandis que Kenny lui expliquait comme il avait découvert son homosexualité. Sainement. Sans qu'il n'y ait la moindre perversion quelconque. C'était curieux. Sa mère lui avait dit tout un tas de choses sur ce qu'elle considérait comme une maladie. Elle affirmait que ça venait du démon, que les gays étaient des enfants délaissés, mal éduqués pas leurs parents. Kenny aurait du être un de ceux-là... Lui aussi, d'ailleurs. Mais il découvrait que la vérité prenait une tournure toute autre. Cela pouvait sembler niais, mais il ne fallait pas oublier qu'il y avait un lourd passif dans son éducation et que les préjugés avaient la vie dure. Le trader ne dit rien mais il ressentait la même chose à son sujet. Il ne se sentait pas homosexuel. Enfin, pas dans le sens péjoratif où il l'entendait. Il était viril, masculin, il ne se comportait pas comme une tapette. Et dans le même temps, l'attirance qu'il ressentait pour Kenny était incontestable. En réalité, il réalisait que ses stéréotypes s'écroulaient et pour le moment, il ne voulait pas y croire. La vie était bien plus facile avec des raccourcis à la con ! Sans transition, le brun enchaina et le questionna à son tour. Une vérité. Très bien. C'était le jeu. Il ne s'attendait toutefois pas à ce qu'il lui demande ce qui l'effrayait le plus. Il fronça les sourcils, légèrement désarçonné. Une furieuse envie de l'envoyer chier le prit au corps et se manifesta sur son visage et sur son regard. Le flic ne pouvait pas passer à côté. Caïn se tut quelques secondes, pour se maîtriser. L'idée de ce jeu à la con venait de lui... par conséquent, il ne pouvait pas se défausser. L'insulte se transforma en confidence, comme jamais il n'en avait fait avant :

- Je n'ai peur de rien, à une exception près. Je n'ai rien à péter de la mort, de me retrouver sur la paille, d'être malade, des insectes, des araignées, des serpents. Je m'en cogne. Mon angoisse, c'est de me retrouver seul, sans plus personne. C'est pour ça que je veux démonter la tronche de cet enculé de Laszlo et obtenir la garde de Murphy. Elle est la seule famille qu'il me reste. Le jour où je n'ai plus personne, je me tire une balle. Et non, je déconne pas. Quitte à aller en enfer, j'irais pour une autre raison. La solitude, le vide, c'est pire que mourir.

Il n'y avait aucune hésitation dans sa voix. Il était déterminé à mettre fin à ses jours si d'aventure, un jour, il se retrouvait seul. Il avait trop souffert par le passé et conscient de lâcher une bombe, il ajouta, avec une froideur et une assurance effrayante :

- J'ai fait la connerie d'abandonner Murphy une fois. J'ai été cette espèce de sous-merde qu'a été le sac à foutre qui m'a conçu. J'ai répété le même schéma et jamais je ne me le pardonnerai. Murphy est tout ce qu'il me reste, tout ce qui me fait apprécier mon quotidien. Je vais travailler pour elle, j'emmerde le monde pour elle, je me réveille pour elle. Maintenant, il y a toi, aussi, qui viens s'ajouter dans l'équation. Le jour où tous les deux, vous vous tirerez et vous m'abandonnerez vous aussi, ça sera mon retour de bâton et bien fait pour ma gueule. Ca arrivera un jour. C'est ainsi que ça se passe pour moi, je me retrouverais seul. Comme Caïn dans la Bible, c'est de là que vient mon prénom d'ailleurs. Je sais ce que tu vas dire, que ça n'arrivera jamais, alors économise ta salive et ferme-la.

C'était sec, mais comme Kenny l'avait sans doute remarquer, dès que l'on touchait à une fêlure, Caïn avait tendance à utiliser l'agressivité comme arme de défense. On ne pouvait pas lui reprocher de cacher la vérité. Celle-ci était sombre, lugubre, terriblement inquiétante. Mais elle était dite. Et comme souvent, ça ne voulait pas forcément dire que c'était bien. Le trader but quelques gorgées de bière. Puis, considérant que le sujet était clos, puisqu'il n'avait plus rien à dire dessus, il profita du fait que ça soit son tour pour poser à son tour une question. Il pensait détendre l'atmosphère, il était loin de se doute qu'il mettait le doigt sur une vilaine blessure :

- A mon tour. Ils veulent dire quoi tes tatouages. Les dates ne peuvent pas être celles de la naissance de tes parents, vu l'âge. Alors ça doit forcément avoir une signification. C'est ton premier amour ? Ta première partie de jambes en l'air ?

Faire le bilan de la découverte de son homosexualité dix ans plus tard s'avérait fort attendrissant, c'était toujours délicat de parler de soit, de faire part à une autre personne de son vécus sur un sujet aussi personnel que celui-là.... D'ailleurs le Kenny de l'époque n'avait plus rien à voir avec l'actuel autant sur le plan physique que sur le plan du mental.... Énormément de choses avaient changés en une décennie.... Pourtant tout ça ne lui semblait pas aussi éloigné... Certains souvenirs étaient encore très frais, un peu comme si ils dataient d'hier....

Plutôt que de poser une question semblable à la sienne, Kenny préféra jouer sur un autre tableau ! Depuis qu'ils se connaissaient Caïn n'avait jamais manifesté la moindre faiblesse ! C'était un homme fort, un homme qui ne pleure pas, un homme qui n'essuie aucun échec, cette image qu'il se donnait était forcément liée à l'éducation qu'il avait reçu mais pour autant tout le monde à peur de quelque chose, que ce soit une phobie ou la peur de perdre un proche, tout le monde à des faiblesses.... Alors oui ce n'est jamais agréable d'en parler mais ça reste humain d'avoir ''peur'', c'est un sentiment comme un autre.....

En choisissant cette question Mathisson savait très bien qu'il risquait de bousculer son amant mais il ne cherchait pas le mal.... Encore une fois il essayait tant bien que mal de grappiller deux trois informations.... Et puis merde c'est lui qui avait souhaité jouer à ''action ou vérité'' alors il fallait assumer....

''C'est à la fois étonnant et à la fois pas du tout.....'' Kenny s'avérait touché par la réponse de son amant ! C'est bien la toute première fois que le Trader posait son casque et ôtait son armure de gladiateur. ''Quand on te vois on pense que justement tu n'as besoin de personne, que tu vis très bien sans les autres, tu fais ta vie et point..... '' Le ton du Policie permettait de comprendre qu'il n'y avait aucun jugement, aucune arrière pensée, il ne faisait que donner son ressentit... ''Mais plus ça va et plus j'ai l'impression que tu manques cruellement d'amour et probablement d'attention..... Après je dis ça je dis rien mais si ça marche entre nous...'' Leurs paroles respectives s'entrechoquaient mais Mathisson fût couper net dans son élan, Kenny s'apprêtait à dire mot pour mot ce que le Trader venait de souligner... Et c'était vrai ! Kenny était un combattant, il ne baissait que très rarement les bras ! Et oui il était prêt à se battre pour que cette relation fonctionne ! Cette dernière pourtant récente comptait déjà beaucoup à ses yeux son cœur n'ayant jamais battu aussi fort qu'aujourd'hui. ''Je vais économiser ma salive alors....'' Et ca voulait donc tout dire.

Deuxième question qui lui était adressée ! Et cette fois si Caïn avait mit les pieds dans les plats ! ''Non.... La signification ne se veut pas aussi légère que tu pourrais le croire.'' Son regard était plus sombre, sa voix plus grave. Il prit deux trois gorgées de cette délicieuse bières et une grande inspiration. ''C'est la date d'une agression quand j'étais ado.... Un soir des mecs me sont tombés dessus alors que je rentrai chez moi et il s'est passé ce qui s'est passé..... Ça a changé pas mal de choses en moi..... C'est aussi suite à cette soirée que j'ai voulu devenir flic et m'occuper des histoires d'agression sexuelle... Ce qui s'est passé ce soir là à plus ou moins donné naissance à un nouveau Kenny et ce tatouage est là pour me le rappeler...'' Il était nécessaire de savoir lire entre les lignes pour comprendre ce qu'il essayait tant bien que mal d'expliquer à son amant... Dire la vérité ce n'était pas un problème pour le petit brun par contre certains mots étaient toujours difficile voir impossible à sortir... Pourtant le mot ''viol'' dans on boulot c'était un peu monnaie courante mais là ça le concernait lui et non une autre personne...

Manque d'amour et d'attention... Il adressa à Kenny un regard noir. Parce qu'il détestait qu'on l'analyse et qu'on le juge. Même si la remarque venait de son petit-ami, même si elle n'avait rien de péjoratif. Comme d'habitude quand on mettait le doigt sur un point sensible, le trader envoya chier son interlocuteur, manu militari. Oui, il manquait d'amour et d'affection. Sa mère, stricte et froide, n'avait fait que le sermonner sur ce qu'il faisait mal, et lui donner en exemple, des principes moraux d'un autre temps. Son ex-femme, quant à elle, n'avait pas vraiment eu le temps de témoigner de l'affection. Il l'avait abandonnée, comme son père l'avait fait avec sa mère. Quand à sa fille, il essayait de rattraper le temps perdu. Tâche ardue, bien plus qu'il ne l'aurait imaginé, car elle ressentait toujours de la rancoeur à son égard, fait logique. Gallagher n'avait, qui plus est, pas de vie sentimentale. Il se contentait de coups d'un soir, généralement des mecs branchés sur les réseaux sociaux, dont il se servait comme vidoir. Et puis terminé, rien d'autre. Le seul auquel il s'était attaché, c'était Kenny. Et c'était sans doute pour ça qu'ils se retrouvaient tous les deux à se dire des vérités.

Celle que Mathisson lui révéla n'avait rien de joyeuse. Il ne s'attendait pas du tout à cette révélation. Et son visage changea du tout au tout pour se faire plus dur, plus neutre. N'importe qui d'extérieur à la conversation aurait été impressionné de voir à quel point il pouvait changer d'émotion rapidement. Jamais il n'aurait imaginé que Kenny puisse avoir été victime d'un viol. Jamais. Comme quoi, il n'était pas le seul à avoir mis une armure. Le brun ne lui parlait de façon équivoque de ce qu'il s'était passé, mais son partenaire n'avait pas besoin d'un dessin. Caïn se rappela son raisonnement sur ceux qui allaient en fac de psycho. Il considérait que tous avaient un problème à résoudre dans leur vie. Quand on est victime de quelque chose, on finit par en développer une obsession. Kenny bossait au département chargé des agressions sexuelles, il en avait fait son métier. Lui, multipliait les relations homosexuelles et les entraves au code instauré par sa mère. Et que dire de sa fille, abandonnée, et désormais l'objet de toutes ses préoccupations ? L'esprit humain avait de drôles de façon de se soigner. Pour autant, Caïn se garde de faire part de cette théorie, ni de formuler la moindre remarque. Il montra même de la compassion, en posant sa main sur son épaule. Sa voix était grave, mais douce :

- Merde... désolé, je ne savais pas. C'est jamais évident de se remettre de ce genre de choses... mais si ça peut te consoler un peu, tu es quelqu'un de fort. Tu m'en parles dignement, même si je sens que c'est une blessure. Et tu es pas tout seul, ok ? Je veux dire, maintenant, on peut gérer ça à deux, si jamais ça ne va pas. Par contre, il n'y a ni ancien, ni nouveau Kenny. Tu as juste relevé la tête et t'as continué à avancer. Je ne crois pas en une nouvelle vie, le passé reste toujours là, tu ne peux pas t'en débarasser. Il n'empêche que je suis fier de ce que je vois en toi.

C'est à ce moment précis que l'interphone de Kenny sonna. Caïn donna une tape amicale au brun et se leva, en regardant l'heure :

- En retard de 20 minutes. Ca va chier !

Il décrocha l'interphone et d'un ton peu aimable ordonna au livreur de monter. Avec sa serviette autour de la taille, il démontrait qu'il n'avait aucune pudeur. Lorsque le livreur frappa à la porte, il ouvrit, le visage fermé. Glacial, il dit :

- T'as vu l'heure ? Ca va pas se passer comme ça, tu vas appeler ton patron tout de suite, je vais régler ça avec lui directement.

Le livreur hésita mais devant le regard meurtrier de Gallager il s'exécuta. Lorsque le patron décrocha, Caïn partit dans un lynchage en règle. Il n'épargna rien au boss, tellement bien que celui-ci consentit à offrir les pizzas et à s'excuser pour la gêne occasionnée. Gallagher raccrocha, rendit le portable et récupéra les pizzas. La porte claqua brutalement sur le livreur qui n'en menait pas large. Sans regret ni remord, le blond revint vers Kenny et posa les pizzas sur la table basse. Et l'air de rien, alors qu'il venait littéralement de se comporter comme un gros connard, il enchaina :

- Bon... comme tu m'as pas posé de question, j'ai choisi action et je suis allé cherché les pizzas. Bah ouais, bien fait pour ta gueule ! C'est donc de nouveau à mon tour. Allez hop, action, pour changer. Tu vas couper les pizzas et ramener d'autres bières. Ah et tu tombes le débardeur aussi. Y'a pas de raison que je sois le seul à être torse nu ! Dépêche, ça va refroidir !