Natasha - Bad at love

« Maman, je veux faire de la danse classique. » Premier caprice d'enfant, premier gain de cause. Tu n'as pas eu à beaucoup insister, tu n'as pas eu à pleurer comme d'autres l'auraient fait. Non ces quelques mots ont suffit et te voilà inscrite. Tutu rose, puis blanc. Les chaussons qui vont avec. C'est tout ce que tu désirais et les années ont beau passé, ta passion ne s'amenuise pas. Tu aimes danser, tu te sens bien sur un parquet, à une barre. Tu enchaines les exercices sans broncher, sans jamais te plaindre même si bien souvent, c'est pas l'envie qui t'en manque. Apres l'école, même quand tu n'as pas danse, c'est souvent plus fort que toi, tu es obligée de te retrouver avec tes chaussons et de faire des pointes. Pointes, grand écart. Tu t'échauffes et tu t'entraines, tu travailles ta souplesse. Jamais tu ne te lasses, tu aimes bien trop cela. Tu es dans a chambre, ta mère te demande de descendre manger et tu soupires. Tu ne veux pas, tu n'as pas faim, surement pas pour cette nourriture grasse qu'elle a préparé. « Je n'ai pas faim, maman. » Un cri qui brise le silence alors que tu viens faire un nouveau grand écart. Ton buste vient toucher le sol, tes doigts attrapent tes orteils et tu restes dans cette position pour quelques secondes, jusqu'à ce que tu te sentes pleinement détendue.

Un appel. C'est ce qu'il a fallu pour que vos vies change. On est en novembre, tu vient seulement d'entrer au lycée et déjà tu dois faire face à ton lot de galère. Ton oncle et ta tante sont partit. C'est ce que tu gardes en mémoire depuis qu'on te l'a annoncé. Il y a tes cousines qui entre en jeu dans toute cette histoire. Elles ne seront pas malheureuse chez vos grand-parents mais pour elles, rien ne sera jamais plus comme avant. C'est la vie te dira-t-on. Et bien la vie, tu l'emmerdes. Tu ne l'aimes pas si elle en vient à faire souffrir des personnes que tu aimes et qui n'ont jamais mérité une telle punition. Cette vie est pourrie, c'est ce que tu te répètes et depuis que l'accident est arrivée, tu as décidé que tu ferais tout ce que tu peux pour la rendre plus juste. On ne dirait pas quand on te voit. Toi, Natasha, la petite fille aux moeurs légères qui ne se soucis de rien d'autre que de sa petite personne. Mais derriere ce masque, il y a un coeur contrairement à ce que beaucoup pense. Tu n'es pas seulement la fille superficielle que tu laisses paraître. Celle qui ne se soucie de personne, elle n'existe que quand tu n'es pas chez toi. Tes parents, tes grands-parents mais surtout tes cousines, sont les personnes les plus importantes pour toi. Ces petites perles qui ont grandit bien trop vite à cause de ce maudit accident. Tu voudrais les protéger, tu le veux vraiment et c'est ce que tu comptes faire. Toi, tu étais vouée à devenir danseuse, à être cette artiste que tu as toujours voulu et pourtant, là, ta décision est prise. Pours elles, tu serviras ton pays.

« Allez Duncan, bouges-toi un peu ! » Tu souffles, tu as du mal. Tu es à court d'énergie et la journée n'est pas encore terminée et pourtant, tu dois tenir le coup. Abandonner n'est pas une option, tu l'as fait sentir dès ton arrivé et c'est peut-être d'être sûre de toi que tu payes en ce moment. Tu entends le sifflet, tu te relèves, te mets au garde à vous avant qu'on ne vous signal que c'est terminé pour aujourd'hui. Pas pour toi, on te fait signe et tout en gardant la tête haute, tu t'avances. « Duncan, rejoins Wade. Elle te dira quoi faire. » Tu voudrais lever les yeux au ciel, tu t'en empêches, sachant qu'on te le ferait payer et que ça ne serait pas agréable. Alors sans un mot, tu t'avances vers la jeune femme qu'on t'a désigné et qui semble être en train de plier des parachutes. Tu détestes ça, tu savais bien que la journée ne serait pas terminé pour toi. « Cadet Duncan. » Tu salues comme tu en as l'habitude, elle te le rend. La jeune femme qui te fait face ne semble pas bien plus âgée que toi. Un an, peut-être deux, tu ne saurais dire exactement. « On m'a dit que vous me diriez quoi faire. » Tu voudrais partir, tu n'as pas envie de faire cela et pourtant tu le dois, ta place ici, tu la mérites comme tout le monde et tu ne comptes pas te laisser marcher sur les pieds. « Wade. Tu peux m'appeler Naomi. » C'est peut-être la premiere fois qu'on te parle de cette manière, ça te change, tu pourrais y prendre goût. Tu avises la main qu'elle te tend et tu souris en venant la serrer. « Natasha. » Sans que tu le saches, une amitié est née. Non tu ne savais pas que Naomi allait devenir la personne qui te serait indispensable, ta meilleure amie.

Tu es assise dans un coin, contre le mur. Tes jambes sont repliées contre ta poitrine et tu ne cesses de pleurer. Tu n'arrêtes pas, tu ne sais plus faire autrement depuis que c'est arrivé. Un moment vous chantez, vous êtes heureuse et l'instant d'après tout à changer. C'est la vie, c'est ainsi. Toi, tu n'y crois pas. Tu détestes ça, tu détestes cette situation qui te prives de l'une de tes amies les plus proches. La seule mis à part Naomi avec qui c'est encore différent. Nadia, c'était ta lumière, celle qui réussissait à te faire sourire quand tu allais mal. Et même si maintenant, ça fait plusieurs semaine que l'accident a eu lieu, tu ne peu t'empêcher d'y penser. Il te suffit de fermer les yeux pour la voir, pour voir son visage, son regard s'éteindre dans vos bras. Tu ne dors presque plus, tu n'en es pas capable. Tu restes simplement replier sur toi même et tu attends que le temps passe. C'est pas une vie. Naomi te le répète sans cesse mais qu'importe, il n'y a que comme ça que tu tiens un minimum le coup. C'est pas une vie, tu le sais très bien et pourtant, tu n'as que ce souvenir auquel te raccrocher. Dans ta léthargie, tu entends quand même la porte s'ouvrir puis se refermer. Naomi est rentrée. Tu l'entends s'approcher de toi mais tu ne veux pas la voir alors tu baisses ton regard sur tes genoux. Tu restes ainsi quelques secondes, tu n'entends plus de bruit jusqu'à sursauter en sentant ses mains se poser sur tes épaules. C'est te forcer à la regarder. Tu voudrais la détester pour cela, mais tu es incapable de ressenti cela pour ta meilleure amie. « Laisses-moi s'il te plait Naomi... » Ta voix est éraillée par les larmes, tu ne sais pas depuis combien de temps tu es ici. Tu vois à peine le hochement négatif de sa tête. Sa main se saisit de la tienne et elle te fait te lever. Tu vacilles légèrement, tu te raccroches à elle et tu te laisses entrainer vers sa chambre. Tu t'allonges dans son lit, contre elle. Et enfin, tu es libre de pleurer comme tu le désires avant de t'endormir. Ce soir là, c'est la dernière fois que tu pleures pour tout ceci. C'est une promesse que tu te fais. A toi, à elle.

Tu l'observes du coin de l'oeil. Elle est assise, affalée dans le canapé de ton appartement. Naomi n'est pas là, une raison de plus pour elle, Ava, ta cousine, d'être venue passée la soirée avec toi. C'est pas souvent que vous avez la chance de vous retrouver. Tu essayes pourtant d'être le plus possible disponible pour ta famille mais avec ton travail, c'est bien plus difficile que tu ne le voudrais. Difficile mais pas impossible, cette soirée en est la preuve. Depuis la cuisine, tu jettes un regard à Ava. Sa lecture semble bien plus importante que ta présence, tu sais que ça ne durera pas. Déjà, entre tes mains tu as le plateau repas qui rythmera votre soirée. Nourriture diverse que tu as pris le temps de préparer, tu fais le plus possible attention à ce que tu manges quand tu le peux. A même le sol, tu t'installes, le plateau reposant sur la table alors que tu appuies ton dos contre le canapé. Tu prends une chips dans le plateau, tu portes ton regard à ta cousine. Elle, elle regarde son téléphone en levant les yeux au ciel et ce simple geste te fait rire. « Il s'appelle comment ? » Tu affiches un petit sourire. Tu sais qu'elle a très bien compris de quoi tu parles. Toi aussi tu sais ce que ça veut dire. Ce regard, ses yeux levé au ciel. Il ne t'en faut pas plus. « Tu sais que tu ne pourras pas vivre ainsi éternellement Ava ? » Tu lui tends son assiettes de nouille et ses baguettes quand toi, tu te rapproches simplement un peu plus de la table. Une bouchée, ton regard est rivé sur la télévision sans pour autant vraiment voir le programme qui s'y déroule. « Je dis ça pour toi, tu le sais. J'ai pas de leçon à te donner mais tu sais ce que j'en pense. » Tu hausses les épaules. Oui elle le sait, tu lui répètes à chaque fois que tu l'as vois mais parfois, bien trop souvent, tu as juste l'impression que ça rentre par une oreille pour ressortir par l'autre.

« Joy ? Je peux entrer ? » En guise de réponse, tu n'entends qu'un faible gémissement qui t'arrache un sourire. Ta main sur la poignée, tu ouvres doucement pour ne pas faire trop de bruit et tu laisses ton regard parcourir la chambre, s'habituer à l'obscurité. Tes cousines vivent ensembles, c'est un gros avantages quand tu veux les voir, tu n'as pas à aller à plusieurs endroits. Mais aujourd'hui, il n'y a que Joy. Elle est couchée, elle est malade. Tu t'approches avec douceur, celle que tu lui réserves et tu t'assois sur le bord de son lit pour venir poser ta main sur son front que tu juge brûlant. « Grand-mere m'a prévenu. Elle voulait que j'aille la chercher mais je lui ai dit que je m'occupais de toi. » Tu caresses distraitement sa joue sans te départir de ton sourire tendre. S'i y a bien une chose que tu détestes, c'est les voir malade tes princesses. Alors t'occuper d'elles dans ces moments là, c'est tout ce dont tu es capable pour soulager ton esprit et te dire que c'est ce que leurs parents voudraient. Tu penses à eux dans ce genre de moment. Tu te dis que c'est leur place. Une place qui leur a été volé bien trop tôt. « Je ne savais pas ce que tu voudrais manger alors je t'ai préparé de la soupe avant de venir, je pourrais faire autre chose sinon, avec ce qui traine dans votre frigo. » Joy, elle connait ton amour pour la cuisine, elle devine sans mal que tu l'as fait toi même cette soupe et que ça n'est pas une vulgaire brique que tu as ouverte, loin de te ressembler ce genre de chose. Son sourire te rassure, elle ira vite mieux, tu le sais. Alors quand elle hoche la tête pour te signaler que ça lui va, tu te relèves pour aller lui prépare un bol à la cuisine, tu fais un peu comme chez toi ici. « Et Joy... » Un souffle alors que tu es sur le point de passer l'encadrement de la porte. « C'est pas moi qui vais la ranger ta chambre, même si tu es malade. » Ton côté maternelle qui ressors, celui de la grande soeur que tu n'es pas qui lui arrache un rire, ce rire que tu aimes tant.

Le pinceau à la main, tu le trempes dans le pot de peinture blanche avant de l'appliquer sur la barrière de l'enclos. C'est dimanche, il fait beau, il fait chaud et tu es simplement bien, au centre équestre de tes grands parents ou plutôt celui de Kathleen désormais. Quand tu étais plus jeune, c'était ton rêve à toi. Natasha la rêveuse. Un rêve qui a bien changé avec le temps quand on voit qui tu es devenue. Sur tes lèvres, alors que tu t'appliques à peindre, il y a un sourire de présent. Il ne te quitte pas, pas alors que tu es heureuse d'être ici. Ton âme d'enfant à tendance à vouloir s'échapper quand tu es en ces lieux. Alors sans un bruit, d'un regard que tu veux innocent, ton pinceau vient s'écraser contre la joue de Kathleen. Regard faussement outré de sa part, tu lui adresses un large sourire que tu regrettes bien vite en sentant la fraicheur de la peinture sur ton visage. Tu as cherché, tu as commencé cette bataille de peinture et tu remercies l'idée que tu as eu de mettre des vêtements sales en te levant ce matin. Tu essaies de te cacher derrière un arbre pour échapper aux coups de pinceau expert de ta cousine. En évidence, tu fais tomber le tien, tu retires ta chemise blanche pour ne porter plus que ton débardeur et tu viens l'agiter en signe de paix. « Temps mort ! Je n'en peux plus. » Tu sors de ta cachette pour la rejoindre et la prendre dans tes bras brièvement. Autour de son cou, tu gardes ton bras en déposant un baiser bruyant contre sa joue. Un cou d'oeil à vos tenues suffit à faire disparaître ton sourire au profit d'une légère grimace. « Grand-mère va nous tuer si on rentre comme ça dans la maison, j'espère que tu le sais. » Mais dans le fond, ça t'importe peu, parce que votre grand-mère, il suffit d'un sourire tendre pour la faire craquer.

« Naomi, dépêche, je vais être en retard ! » Avec Naomi, c'est comme ça un matin par semaine. Si généralement vous avez les mêmes horaires, il y a toujours un jour où quand l'une part dormir, l'autre part travailler. Ce matin c'est à toi de partir bien que ça ne t'enchante pas vraiment et que tu n'aurais pas dit non à quelques heures de sommeil supplémentaires. Quand tu sais Naomi au travail sans toi, tu as toujours du mal à dormir. Tu as cette peur qu'il lui arrive quelque chose sans pouvoir rien y faire qui te ronge, c'est plus fort que toi. Le bruit de la serrure se fait entendre et tu n'hésites pas pour entrer dans la salle de bain. Elle ne porte qu'une serviette sur elle, une autre dans ses cheveux. Ca t'es bien égale, elle est ta meilleure amie après tout, vous avez dépassez depuis le longtemps ce stade de vous cacher l'une de l'autre. « Je rentre pour midi, tu veux que je passe prendre chinois ? » La nourriture à emporter, c'est loin d'être ce que tu aimes. Tu préfères largement faire la cuisine toi même mais pour une fois, tu veux lui faire plaisir et ne pas lui imposer ton style alimentaire qui ne plait pas forcément à tout le monde. Et puis un écart de temps en temps dans les règles que tu t'es imposée ne peut te faire de mal. « Sushi pour moi s'il te plait ! » Comme si c'était un ordre, tu fais le salut militaire, sans pouvoir te retenir de rire. Ca fait bien longtemps que tu n'avais plus fait ça et dans le fond, ça te manquerait presque. La vie à l'armée n'était pas pour te déplaire, c'était simplement différent. Tu termines de tes maquiller et de te recoiffer et tu viens déposer contre sa joue un baiser sonore. « J'y vais, dors bien. » Tu lui adresses un sourire, un clin d'oeil et te voilà partit pour une matinée que tu sais d'avance ennuyante, parce qu'elle ne sera pas avec toi.