I'll never forget you

l'histoire de ma vie

The love of a family is life's greatest blessing

Je suis né à Wellington il y a quarante-trois ans. Plus précisément le dix-huit avril dix-neuf-cent-soixante-quatorze. Je n’ai jamais quitté le coin, étant bien trop amoureux de ma patrie, quand bien même je ne suis pas né dans le meilleur des quartiers, loin de là. En effet, j’ai grandi dans un coin bien peu fréquentable, faisant naître chez moi ce qui devint très vite une passion et une vocation : celle d’entrer dans la police, et de gravir peu à peu les échelons pour ne me faire non pas une renommée, mais au moins être respecté dans ce milieu tout comme dans le milieu criminel. A force de côtoyer les dealeurs, les prostituées et autres réjouissances, l’envie de faire régner la loi dans ce chaos devint vite une évidence. Mes parents étaient des personnes aimantes, mais qui travaillaient comme des forcenés pour que l’on puisse un jour espérer quitter ce milieu pourri dans lequel nous vivions. En vain. Papa décéda d’un infarctus et ma mère devint inconsolable. Sa nature heureuse et positive en toute circonstance s’éteint rapidement, et elle ne devint plus très vite que l’ombre d’elle-même. Son statut de femme de ménage fit d’elle une personne qui se croyait inférieure à toutes les autres. J’avais beau essayer de l’aider à regagner confiance en elle, il n’y avait rien à faire. Elle décéda quelques mois à peine après son mari, de désespoir et d’épuisement. Je me retrouvai bien vite très seul, à l’âge de seize ans. Sauf qu’à cet âge, même si l’on a besoin de ses parents, on sait se débrouiller seul. Du moins j’y parvins très précocement. Alors je quittai les bancs de l’école, et décidais de me trouver un travail pour pouvoir vivre. Au départ, je fus majordome dans un hôtel lambda. Ma tenue classieuse et mes quelques dollars néo-zélandais claqués pour m’acheter un costume digne de ce nom, j’adoptais une coiffure qui ne me quitta plus jamais : les cheveux coiffés en arrière, un port de tête franc et assuré, je fus deux ans après envoyé dans un hôtel de luxe pour le même poste, mais où le salaire me permis de quitter North Bay.  Seulement un jour, un cri déchira l’hôtel quatre étoiles dans lequel je travaillais. Je me précipitai au premier étage, apercevant une femme de chambre dans le couloir, pétrifiée de peur, la main devant sa bouche, l’estomac sur le bord des lèvres. Je m’approchai d’elle et le vis, ce cadavre ensanglanté reposant là, à même le sol de la chambre 124. La police n’arriva pas si vite que nous l’espérions. Sans doute parce que lorsque nous sommes pris de cours et angoissés, pressés, les secours ne viennent jamais assez vite. Personne n’avait touché le corps, nous avions suivi les instructions. La criminelle arriva enfin, et des clichés du corps furent pris. Je regardai leur travail avec intérêt, ressentant quelque chose en moi qui me donnait l’envie profonde de les aider. Seulement qui étais-je pour cela ? Je n’ai jamais su quoi que ce soit sur ce meurtre, hormis une chose : dès l’instant où je vis le corps, je sus que le métier de majordome était fini pour moi : je voulais entrer dans la police. Le sang ne me faisait pas peur, côtoyer le milieu du crime non plus, car le lieu où j’avais grandi regorgeait de victimes qui resteraient à jamais éteintes dans le silence. Malheureusement, je n’avais pas les diplômes nécessaires : pas de diplôme de fin d’année de lycée, rien. J’avais quitté le système trop tôt. Cependant entendant ma motivation, ils décidèrent carrément de me mettre à l’épreuve. J’avais, selon eux, une trop grande gueule : si j’étais fait pour le milieu de la police, je devais le leur prouver. Ils m’envoyèrent sur le terrain avec une équipe, et me demandèrent d’avoir suffisamment d’autorité pour boucler le périmètre et chasser les curieux de la scène. Sauf que moi, il m’en fallait plus. J’en voulais plus. Alors je fis mon travail, et rejoins bien vite les équipes. Ils allaient hypothétiquement dans une direction, moi j’allais dans une autre. Quelque chose clochait, non, ça ne coïncidait pas. Et petit à petit, les choses se mirent en ordre dans ma tête. Ce qui n’avait été qu’une hypothèse devint une évidence. Logiquement, personne ne voulait écouter le bleu de l’équipe, mais je sus m’affirmer et me faire écouter. Et lorsque la police scientifique alla dans mon sens, tous furent obligés de voir et de comprendre que je pouvais être plus qu’un simple flic dans l’équipe. Je pouvais pleinement intégrer les fonctions, et même gravir les échelons. Et alors petit à petit, au fil des années, je devins inspecteur de police. Plus que cela, un inspecteur à l’avenir plus que prometteur. Un jour, une affaire bien plus complexe tomba dans les casiers. Parallèlement à cela, ma vie avait continuée de changer. J’avais rencontré à l’âge de dix-neuf ans la jeune Clarke McDouglas. J’eus le coup de foudre pour cette magnifique brune, qui renversa bien malencontreusement du café sur mon uniforme. Elle était tellement confuse que je ne pus m’empêcher de rire : elle était si ravissante que je ne pouvais pas lui en vouloir. Et puis, moi aussi j’avais la tête ailleurs, alors nous étions deux fautifs dans l’histoire. Ayant du temps devant moi, je partis me changer, mais… sans omettre de lui demander son numéro. Après tout, elle m’avait promis de me payer le pressing, et moi je lui avais promis que je lui paierai un autre café. Un an plus tard, nous étions mariés. Oui, tout était allé très vite, mais c’est ce que l’on appelle le coup de foudre. Et à l’âge de vingt-deux ans, nous eurent Jade, notre petite fille. J’avais été inspecteur de police à seulement dix-neuf ans, marié au même âge, et pourtant mon plus grand accomplissement était cette petite perle, le joyeux de nos deux vies. Seulement tout était trop beau pour être vrai. Je fus un jour appelé à une intervention : un déséquilibré avait pris des otages dans un centre commercial. Nous arrivâmes prestement sur le terrain et bouclâmes le périmètre. Tandis que les uns faisaient diversion, j’avais pénétré les locaux, en tête avec mon équipe. Je réussi à avoir l’homme dans le viseur. Mais ce que personne n’avait stipulé… c’est qu’ils étaient deux. Je reçu une balle en plein dans la tête, et fut envoyé à la vitesse de l’éclair à l’hôpital le plus proche. Là, la sentence tomba pour ma femme et notre fille, encore trop jeune pour comprendre que papa venait de tomber dans un coma… qui dura dix-neuf ans.
Lorsque je me réveillai, j’étais seul. Lorsque je vis mon reflet dans le miroir de la salle de bain de la chambre, branché et perfusé aux bras, je me mis à pleurer. Seul. Je n’avais plus vingt-quatre ans. J’en avais quarante-trois. Et ça fait un choc. Brutal. Mais le plus brutal fut de revoir ma femme, toujours notre alliance à son doigt, mais un autre homme au bras. Et notre fille ? Elle était en voyage et rentrerai dans trois semaines à Island Bay. Voulais-je qu’on l’appelle pour la prévenir ? Non, je le refusai. Après tout, qu’est-ce que ça fait de savoir que l’on a son père qui se réveille au bout de dix-neuf ans ? Je l’ignorais. Mais je ne voulais pas lui infliger cela. Pas encore. Je rêvais de la revoir, mais je devais attendre. Tout comme je rêvais de prendre mon… ex-femme dans mes bras. Mais je devais attendre. Et quant à la reconquérir ? Oh oui, j’allais attendre. Mais pas si longtemps.