l'histoire de ma vie
Let your life lightly dance on the edges of Time like dew on the tip of a leaf.
Je suis né un beau jour de printemps, le 3 janvier 1993 à 16h06 (pile à l'heure pour goûter !) à Wellington. Ma mère a vécu le plus beau jour de sa vie, seule. Mon père étant en voyage d'affaires à l'autre bout du monde n'a pas pu assister à la naissance de son fils. Mais honnêtement, je pense qu'il a préféré fuir le plus loin possible pour ne pas être présent lors de l'accouchement. Il ne voulait pas d'enfant. Il ne me voulait pas. J'ignore encore aujourd'hui comment ma mère a pu le faire changer d'avis durant toutes ces années, mais je préfère me faire croire que je m'en fiche. Avant le divorce, mon père c'est, pour ne pas dire jamais, très peu occupé de moi. Il était, soit disant toujours en déplacement pour son travail, alors pour masquer son absence, il m'offrait tout ce que je désirais. Comme ci des jouets pouvaient combler l'absence d'un père. Aujourd'hui, je n'ai plus aucune considération pour cet homme. À vrai dire, je ne le considère plus comme mon père. Biologiquement parlant il l'est (et avoir ses gènes me semble déjà être trop), mais aux yeux du reste du monde, et surtout des miens, il est mort.
Where it all begins ~ Septembre 1998« Allez, ne fait pas la tête Sky et viens regarder le film avec moi. » Je lance un regard en coin à Margaud et je la vois tapoter la place à côté d'elle. J'hausse les épaules tout en la rejoignant. Elle a raison, je ne peux pas continuer à faire la tête comme un enfant et je dois accepter, qu'encore une fois, ma mère ait annulé notre soirée mère/fils pour une réunion au boulot. Je me laisse tomber sur le canapé avec le saladier de pop corn et fais la moue en découvrant le DVD que la jeune française a choisi.
« C'est un très grand film. » m'explique-t-elle.
« C'est bon pour ta culture ! » Elle rigole, mais moi, je sens que je vais passer la pire soirée de ma vie. J'aurais préféré un bon dessin animé, alors je me venge sur la nourriture. Elle lance le film et je regarde l'écran d'un œil distrait avant de me laisser emporter par l'histoire. Le temps passe à une vitesse folle et quand le générique de fin se termine, je saute sur mes pieds, faisant tomber le saladier qui était sur mes genoux. Sous le regard surpris de Margaud, je m'exclame :
« Moi aussi je veux danser comme lui ! » La jeune femme sourire et penche légèrement la tête sur le côté.
« C'est mieux que le foot ? » Le sourire jusqu'aux oreilles, je lève le pouce vers elle en signe d'approbation.
Novembre 2000Maman a cédé. Elle a accepté de m'accompagner à cette initiation à la danse dont je lui parle depuis des semaines. Je pensais que j'allais être obligé d'y aller en cachette avec Margaud, mais finalement, je n'en ai pas eu besoin. Et même si j'aime beaucoup celle que je considère maintenant comme une sœur, je préfère que ce soit ma mère qui m'accompagne. Elle vient avec moi jusque devant la porte et dépose un baiser sur mon front.
« Amuse-toi bien mon chéri. » Et comment !
Une heure plus tard, je sors en courant de la salle et je me jette dans ses bras. Je la serre contre moi et elle fronce les sourcils, inquiète.
« Ça ne s'est pas bien passé ? » Je relève la tête pour la regarder, mes yeux brillent de joie et je me mets à sautiller d'excitation. Mon bonheur est communicatif et pour la première fois depuis que papa est parti, un sourire illumine son visage.
« Maman, maman ! Je veux faire ça toute ma vie ! » Du haut de mes sept ans, je sais que je ne pourrais jamais arrêter de danser.
Janvier 2009Je prends une profonde inspiration et je passe la porte du studio de danse. Tout me semble immense et moi, j'ai l'impression d'être une fourmi dans un monde de géant. Peut-être que je n'ai pas ma place ici ou peut-être que si. Seul le temps me le dira. Je regarde autour de moi, les élèves parlent tous entre eux et je me demande si je serais capable d'avoir ma place au sein de ce groupe un jour. Puis sans avoir le temps de comprendre ce qui m'arrive, une masse sombre me tombe dessus et même mes clignements d'yeux ne m'aident pas à y voir plus clair. Je sens un bras autour de mes épaules et je tourne la tête vers cet inconnu un peu trop collant. Inconnu qui s'avère être une inconnue. Je fronce les sourcils et elle m'offre un resplendissant sourire.
« Salut ! T'es nouveau ? C'est ton premier jour ? Tu t'appelles comment ? Moi c'est Ava ! » J'ai dû mal à remettre de l'ordre dans toutes ses questions alors je me contente de lui rendre son sourire pour paraître poli.
« Tu vas lui faire peur… » Je me tourne vers cette nouvelle voix et la jeune fille se décale pour accueillir le nouvel arrivant. Elle pose les mains sur ses hanches et lève les yeux au ciel.
« Le rabat-joie, c'est Danaël. » « Dan » rectifie-t-il en me faisant un clin d’œil. Je mets mon malaise de côté et prends enfin la parole.
« Moi c'est Skyler. Mais je préfère Sky. » La dénommée Ava se place entre nous, ses bras autour de nos épaules et pousse un long et profond soupir d'aise.
« Je sens que cette année promet d'être intéressante et haute en couleur ! » Oui. Cette année, comme toutes les suivantes, nous avons fait des étincelles. Amis pour la vie que nous nous étions dit.
In your eyes ~ Mars 2013Safiya. C'est ainsi qu'elle s'appelle. Et ça fait des mois que je la regarde, que je l'observe et que mon cœur chavire quand nos regards se croisent. Dan dit que cette fille est devenue une obsession et que je ne vis que pour elle. Il a sûrement raison, mais je n'y suis pour rien, je le jure, tout est de sa faute, elle m'a hypnotisé dès son arrivée. Seulement, je n'ai jamais osé faire le premier pas. Et ma timidité ne rend pas dingue que moi. Mon meilleur ami aussi commence à ne plus la supporter. Et il me le fait savoir tous les jours.
« Je te jure que si tu ne l'invites pas à aller boire un verre avec toi dans les prochaines quarante minutes, je le fais pour toi ! » Je le supplie du regard et il me pousse vers elle en marmonnant un
« Allez mauviette. » Et avant que je puisse quoi faire, je me retrouve nez à nez avec elle. Elle relève la tête vers moi et mon cœur rate un battement.
« Salut Sky. » Oh. Mon. Dieu. Elle connaît mon prénom. Je me tourne vers mon ami, j'ai peur de défaillir, mais vu le regard assassin qu'il me lance, je comprends rapidement que je n'ai pas le droit de fuir. Pas cette fois.
« Salut… Safiya… » Je serre les poings dans mon dos. Je suis capable de danser devant des milliers de personnes, mais inviter une fille me semble être insurmontable.
« Tu… Tu accepterais qu'on… euh… » Un petit sourire amusé illumine son visage.
« Un milk-shake après les cours ? C'est d'accord. » «
Oh. Super ! » « À tout à l'heure alors. » Elle termine sa phrase par un clin d’œil et part rejoindre ses amies. Je crois que je suis sur un petit nuage.
Avril 2014Paris, nous voilà ! Il est 7h36 quand nous quittons l'aéroport de Welligton en direction de la France. Et par nous, j'entends Safi et moi. Tous les deux, nous avons été choisi pour faire partie de la troupe de danseurs du prochain spectacle du célèbre parc DisneyLand. Contrairement à ma petite amie, je ne pourrais pas dire que c'est un rêve de gosse qui se réalise, mais rejoindre Mickey et ses amis dans la plus belle ville du monde, c'est quand même une chance incroyable, une opportunité qui ne se représentera pas deux fois. J'embrasse la peau douce de la joue de Safiya et elle pose sa tête au creux de mon cou.
« Tu ne stress pas trop ? » « Un peu. Mais il faut bien prendre son envol un jour. » Je n'ai jamais quitté la Nouvelle-Zélande alors partir vivre à l'autre bout du monde, ça a beau être excitant, c'est aussi très effrayant et carrément angoissant. Je quitte mes repaires, ma famille, mon meilleur ami.
« Mais tu seras là, alors je pense pouvoir surmonter cette difficile et inquiétante épreuve. » Son rire me fait frissonner comme au premier jour, je me perds. Elle m'a envoûté.
« Je serais toujours là. » Et quand elle me dit ça, je la crois.
Mars 2017Blotti contre moi, je ne peux pas détacher mes yeux de son visage angélique. Sa petite main sert l'un de mes doigts si fort que je sais que ce petit bout de moi, je ne suis pas prêt de le laisser partir, de le laisser grandir. Jamais. Elle est le plus beau cadeau que la vie a pu m'offrir. Je pourrais rester des heures à la regarder dormir en me répétant que ça y est, je suis un père comblé et à lui murmurer combien je l'aime. Ma fille, ma princesse, ma fée, ma Tiana.
Love Kills ~ Mai 2017Les yeux grands ouverts, j'observe le plafond attendant qu'il me donne la réponse à tous mes questionnements. Est-ce que je fais le bon choix ? Est-ce le bon moment ? N'est-ce pas trop tôt ? Ces interrogations tournent en boucle dans mon esprit et malheureusement, je ne dispose pas d'un bouton stop. La vie est parfois vraiment cruelle. Je regarde Safiya qui dort à mes côtés et me redresse doucement, priant pour ne pas la réveiller. Je sors un petit écrin du tiroir de ma table de chevet et le fait tourner entre mes doigts. Le mieux à faire, c'est que j'arrête de réfléchir. Le contraire ne m'aidera pas de toute façon. Je remet la bague à sa place et me rallonge en me pelotant contre elle. Demain je lui ferais ma demande.
Le lendemainJe quitte le royaume des songes au moment où les rayons du soleil viennent caresser mon visage avec un étrange pressentiment. Safiya est déjà debout et j'entends Tiana pleurer dans le babyphone. Je suis persuadé que quelque chose ne va pas. Je quitte le lit d'un bon pour rejoindre la chambre de ma fille. Je la prend dans mes bras, dépose un baiser sur son front et la berce pour calmer ses larmes. J'appelle ma fiancée, je parcours toutes les pièces de notre appartement, mais rien, aucune réponse, pas la moindre trace d'elle. Elle est peut-être sortie et je trouverais un mot à mon attention, m'expliquant qu'elle avait une course à faire ou tout autre explication logique. Et quand j'arrive dans la cuisine, un mot est bien aimanté au frigo.
« Tu vois, pas de quoi paniquer. » dis-je à ma fille en récupérant le message.
« Je ne rentrerais pas ce soir. Ni demain. Je ne suis pas prête pour tout ça, pour cette vie. J'ai des rêves et je ne peux pas les laisser tomber. Tu m'as toujours dit que je devais croire en eux, alors c'est ce que je vais faire. Je sais que tu seras un excellent parent pour Tiana, bien plus que moi.
Prends soin de toi. Prend soin d'elle.
Je t'aime. »
Et mon monde s'est effondré.
Juin 2017Assis sur le canapé, je froisse la feuille que je tiens entre les doigts et la jette avec rage contre le sol. Je prends mon visage entre mes mains, à bout de force physique, mais aussi mentale. Tiana ne fait toujours pas ses nuits, me réveillant parfois toutes les heures et réduisant mon sommeil à un temps anormalement court. L'épuisement se fait ressentir lors de mes entraînements de danse où je suis incapable de suivre le mouvement et où, à plusieurs reprises, j'ai manqué de me blesser et pire, de blesser mes coéquipiers. Et maintenant, il semblerait que ma situation de père célibataire me ferme toutes les portes que j'avais si durement ouvertes. Une par une. Remuant le couteau dans une plaie qui ne guérira sans doute jamais. Alors oui, je l'avoue, pendant un court instant, j'ai songé à tout envoyer en l'air, à dire fuck au monde entier, à laisser tomber, abandonner, mais j'ai croisé son regard. Un regard qui m'a retourné le cœur. Un regard qui m'a fait prendre conscience de l'absurdité de mes pensées. Un regard qui m'a sauvé. Ses deux grands yeux noirs ne me quittaient plus. Je n'avais plus la force de me battre pour moi, mais j'en trouverais toujours pour elle. Pour ma fille, j'étais prêt à tout.
Août 2017Trois mois se sont écoulés depuis le départ de Safiya et je vis dans l'absence la plus totale de nouvelles. Ce n'est pas tous les jours facile, ce n'est même jamais facile, mais je commence à prendre mes marques. Seulement, cette ville que j'aimais tant me rappelle trop de souvenirs, tout comme cet appartement qui ne fait qu'accroître ce sentiment de vide. J'ai besoin de partir, de tourner définitivement la page. Je pose deux grosses valises sur le lit et dans un soupir, j'appelle la seule personne qui ne me trahira jamais. Après trois sonneries sa voix résonne à l'autre bout du téléphone et je sais que c'est la meilleure solution.
« Maman ? C'est Sky. Je rentre à la maison… »