(claw marks)

Roman Julius Hart

Every word has consequences. Every silence, too

les informations en vrac

la partie anecdotes ○
(1) Elle – il laissera ce mot lui plier le corps, retourner son cerveau, saccager son existence. Elle est là, insidieusement planquée, enfoncée en profondeur. Elle, elle lui permet de vivre, elle lui permet de dire. D'écrire la liberté, la murmurer du bout des lèvres, l'aimer. Elle. Elle est l'habit, l'ennui des décorums. Le faste et la faim.  Un vertige comme un rien, qui lui soulève inlassablement le cœur. Elle. L'inspire. Il l'expire, il crachote tout ce qu'elle lui fait subir déversant comme les vagues, de son vague à l'âme, des nuitées plongées dans la peur. L'inspiration, la musique, les notes qui prennent forme dans chaque pas esquissé. Roman n'a pas choisi un métier facile; d'abord parce que ses rupins de parents n'ont pas soutenu sa décision (et l'ont pour ainsi dire, répudié ?) et parce qu'il y a toujours la constante déprime-folie, qui garde une serre fermement enroulée autour de son cou. (2)L'oubli. Que l'on ne voit plus en lui qu'un abyme sans fond. Qu'une imposture. Qu'une ordure. Que l'ombre de ce qu'il aura été. Roman, il est incapable de reconnaître ses fautes, incapable de tirer un trait. Il craint la crainte elle-même. Celle d'être dépossédé de ce qu'il a de plus cher : son identité musicale. Et c'est peut-être ce qui le rend con et amer, qui teinte chaque conversation menée d'une pointe de causticité. (3) La dépendance. Il milite, à sa façon. Contre les historiettes, les peines de cœur. La mort par chagrin. Rom ment. Il n'a rien de romanesque, rien de marchand de rêve. Il ne dépense pas un seul centime, pas un seul gramme de sa personne. Il est l'égoïste, qui se clame altruiste et qui immanquablement se fourre le doigt dans l'oeil (jusqu'au coude). L'indépendance – et être seul. La solitude, il exècre et pourtant, il y baigne. Du moins, à moins qu'un de ses potes lui passe un coup de bigo, avec la ferme intention de se bourrer la gueule. Il répond présent.(4) Dans son téléphone cellulaire, on retrouve des numéros, ces contacts, ces hypocrites qu'il salue poliment du majeur. Des messages qu'il n'a jamais eu la foi de supprimer, pas le courage, l'attitude lâche du mec menotté par l'inclinaison aigre-douce du passé envers sa si modeste personne. Ses erreurs irréfutables. Des textes venant d'Elle. Puis d'eux. De lui. Des attaques éclairs sur sa gueule lancées, lors des nuits d'encre, du sommeil délestées. Des photos, aussi. Des applications dont il se demande la fonction, foutues là par son petit frère. Son portable lui sert à socialiser et, il se rend compte que ce n'est pas toujours de la meilleure manière qui soit mais plutôt de celles qui filent des regrets. (5) Il est alcoolique, oui, mais il déteste l'expression; il déteste qu'on lui suggère d'aller s'affaler sur une chaise, située au sous sol d'une église, pour raconter ses déboires à des épaves. Il refuse de reconnaître le fait qu'il en soit une, une belle épave que la réussite semble avoir black-listé. (6) Son frère est homosexuel et ,pendant longtemps, Roman a gardé le secret, ne sachant comment se positionner au sein de cette famille dysfonctionnelle dont il a écopé. Il a toujours soutenu son cadet mais, bizarrement, il ne saurait l'expliquer, demeure une certaine retenue entre eux. Une gêne. (7) En arrivant à Island Bay, la première chose qui l'a frappé, c'est cette attitude tranquille et détachée que les locaux ont. Après avoir vécu à Londres, New York et Hong-Kong, il n'était plus habitué à ce train de vie là. Une maison en bord de mer, avec des cartons qu'il prétend ne pas avoir eu le temps de déballé (et qui, surtout, résultent de cette envie de détaler qui trotte encore dans un coin de sa tête), une nouvelle lubie acquise pour les barbecues. Il vient d'acheter un vieux local qu'il retape doucement dans un but qui lui échappe et ces achats ne le mènent que droit vers la saisie. Il n'a presque plus aucun kopeck mis à part quelques royalties qu'il touche çà et là.

les indiscrétions sur le joueur

 

Code:

<pris>○ max irons</pris> roman hart

l'histoire de ma vie

from a glimpse

« Tu veux que je te dise ? Le monde peut bien s'écrouler sur lui-même, le soleil décider de ne plus se lever, les oiseaux de ne plus chanter, la pluie  s'abattre perpétuellement au dessus de nos têtes...je ne bougerai pas le moindre petit doigt » - il s'élance, il se rate, il tombe et la chute se tape des allures d'infini. La tristesse est une compagne indésirable qui de ravisseur est devenue alliée, syndrome de Stockholm, de toute évidence. Il inspire bruyamment, passant une main dans ses cheveux, frottant son visage, il a les paupières lourdes des regrets accumulés, de la frustration qui le chahute si violemment qu'il en  saignerait. «  Ras le bol de donner et de ne rien recevoir que des critiques, des critiques, des crit- » il s'immobilise, Roman, dans une grimace abjecte. Les traits déformés lui donnent des allures de vieux mal en point. La jeunesse a fui son visage, lui, qui semble avoir pris dix putains d'années d'un seul coup. «  Pose cette bouteille » l'impératif, il résonne dans l'air, les ondes viennent contre ses tympans s'agripper. La couleur est donnée, elle est balancée sur sa fiole avec la dextérité d'un artiste peintre : il embrasserait le cubisme plutôt que l’expressionnisme. «  Tu veux que j'abandonne une extension de mon bras, en quel honneur, frérot ? » - en l'honneur de rien, du jour qui se lève, de la nuit qui tombe, du ciel et de la terre , des certitudes paumées. A quoi bon se lever, à quoi bon abandonner, à quoi bon ? Il se perd, Roman, il se désespère. Il accapare l'énergie de ceux qui tiennent à lui, refuse celle des autres. Il se refuse, lui, surtout. Il se lève, titube, les éclats de rire se brisent comme des éclats de verre, ils s'enfoncent lentement sous sa peau. Il s’écœure, Roman, l'ancien était auréolé de gloire alors qu'à cet instant, seule la lumière réverbérée depuis l'extérieur vient agoniser sur son visage. Un sourire triste lui vrille les lèvres, il a les yeux qui pétillent, luisent de cette conscience pleine et entière, celle d'être un raté, entouré de ratés , celle de se complaire pitoyablement dans la fange, il y baigne avec nonchalance. Il s'y noie, il se noie ,surtout, dans le liquide ambré, dont il boit une lampée. Deux, trois, quatre, dix pas le séparent du piano, il les avale, les mètres si effroyables, il foule le parquet d'un pas si lourd, des chapes de plomb qui s'abattent à rythme régulier. Il s'installe, face à son instrument, il a la tête prise dans un étau et de nombreux questionnements au bord des lèvres. « Tu te souviens de mon tout premier succès ? » - cette chanson, classée en haut des charts - le bon vieux temps où il pouvait encore se congratuler d'une réussite acquise à la sueur et au sang - cette mélodie suave embellie par le jeu d'instruments à vent. «  Tu te souviens de ces ovations  et de la grandiloquence de mes discours, des saluts vite entérinés par les huées émétiques ? ». Il parle comme ceux qui ont subi les affres de la vie, les pluies de désillusions, comme ceux qui ont vécu, qui ont tenu et qui ont , comment là est la question, fini par renoncer, aigri jusqu'à la moelle. «  Elle , elle a fait comme eux , hein ?». Ophelia ou celle dont on ne doit jamais prononcer le nom. Il en parle comme d'une calamité, comme d'une catastrophe , comme d'une pluie de météorites venue foutre en l'air sa vie, par un dimanche où il faisait un froid de canard. Les désirs violents ont tous de violentes fins, il le disait aussi, ce maudit Shakespeare à la noix. « Voilà où j'en suis rendu : écrire des chansons de merde pour des branleuses fardées comme des camions volés, gaulées comme de vulgaires putes au rabais ». Il déglutit et joue la première note...puis la seconde puis, comme ça, comme un rien, il retrouve la mélodie. Il la sent à travers ses os, elle traverse les parcelles de sa peau, l'étreint tout entier, elle s'exprime par le biais de ses doigts qui caressent les touches. Song of broken hearts Neuf ans plus tôt, jamais il n'aurait pensé qu'elle ait un jour pu aussi bien décrire l'homme qu'il est devenu désormais. Song of a piece of shit...with a broken heart, plutôt. De sa poche, il sort son précieux briquet, celui qui l'aide à achever ses démons. Il y a cette flamme qui lèche le bout de sa merveilleuse sèche, il inspire et, comme un dragon, recrache la fumée - peut-être que s'il plissait les paupières, il verrait au travers ce que lui réserve l'avenir ? Le sourire bandit ddiscorde ses lèvres, sourire d'ange des ténèbres : «De profundis clamavi » souffle-t-il,  car il ne fait plus que crier, Roman,  il hurle depuis les profondeurs de l’abîme. Seulement, personne n'est là pour l'écouter.






« Je ne ne suis pas à vendre » il crache ces quelques mots, une grimace lui déformant les traits, l'air catégorique. Mais, la raison combat avidement son cœur, l'instrument même de ses tourments. Il manque d'argent, refuse que son petit frère  lui vienne en aide. Il dit non, Roman, avec cette vigueur qu'on les grands fous, les foutus. « Vous ne pouvez pas vous le permettre, Hart. Vos comptes sont à sec ». Le grand brun serre les poings, ses paupières plissées, il lance un regard assassin à ce col blanc qui vient d'oser. Parler fric est d'une vulgarité, songe-t-il, le leur fait bien comprendre. « Vous pensez que je fais ce métier pour l'oseille ? Pour les paillettes ? » quand au juste a-t-il perdu toute crédibilité ? Pourquoi ? Sûrement son haleine alcoolisée, le tremblement de ses mains qui souvent, l'empêchent de jouer. Sûrement ses derniers travers dévoilés, ses coups de gueules, ses absences répétées, ses retards, ses faiblesses qui sont si criardes qu'il a changé de continent plusieurs fois pour venir s'enterrer en nouvelle-zélande. « Nous ne sommes pas là pour vous juger, monsieur Hart ». Sa langue claque contre son palais, faux-jetons. Bande de rapaces dégueulasses. Il  le sait, Roman, qu'il a vendu son âme au diable. « California» - propose l'agent, le ton sirupeux. Raclure, pense Roman, se passant une main sur le visage. Qui est cette intrigante ? Probablement une nullarde qui se dit chanteuse comme il y en a tant. « California  qui ? » souffle-t-il, pas vraiment convaincu. «  Roman, je te conseille de te mettre à la page. California est la chanteuse pop du moment ». Pop. Plop. Un genre qu'on oublie. Il n'entend que ce mot, là pour lui arracher tout calme. Il en devient hilare, il rit, Roman. Ahuri. « Vous plaisantez ? » de la pop ? Si un jour il a dit jamais, monsieur, il s'incline face au dicton. Il courbe l'échine, saluant bien bas, si bas qu'il en embrasserait le sol. Quand a-t-il détruit son intégrité ?

« California, tout le monde m'appelle Cali » lance-t-elle, les yeux baladeurs, toisant sans gêne le brun élancé face à elle. California, surement des parents ayant un peu trop forcé sur la fumette. Elle paraît si...minuscule. « 'sais » voilà ce qu'il lui répond, expéditif. Elle se demande s'il ne lui servira que des monosyllabes ou s'il compte vraiment prouver que la politesse en ces lieux est bannie ? «  Mon agent » débute-elle, Roman la coupe, levant un doigt. Sa voix l'horripile déjà,- et ça se dit chanteuse ?- Le soi-disant rossignol se tape  une sacrée voix de crécelle. « Ton agent, petite, c'est un homme d'affaire. Il te dira ce qui est bon pour lui, ce qui lui rapportera gros. Il ne te dira rien qui puisse te rapporter à toi » - elle déglutit, ravale les paroles qu'elle s'apprêtait à lui balancer, même s'il l'irrite, elle sait encore reconnaître la vérité, lorsqu'elle l'entend, lorsqu'elle la croise. « te rapporter humainement »précise-t-il, allant se placer derrière son piano. Il n'a rien d'un grand enthousiaste, elle le pense, en parcourant les mètres pour le rejoindre. Elle va se faire chier, il n'est pas rigolo. Il ferait bien d'essayer l'herbe, ça le détendrait un peu, elle le songe, une expression hésitante sur son visage. «  Et je suppose que vous, vous allez l'faire ? Me rapporter gros, humainement parlant ? » - elle le dit, avec peu de conviction, il l'entend, ce manque , dans sa voix déflagrer. « Franchement ? Non, je n'ai pas cette prétention. Cependant, je peux t'assurer que travailler avec moi ne sera pas une sinécure, devoir supporter ton allégresse d'adolescente , non plus » - elle se mord l'intérieur de la joue. Quel putain d'enfoiré. Les gens lui baisent les pieds, en tant normal, ils vénèrent la terre qu'elle foule. Il le fera aussi, à la longue, elle se le promet. Elle ne se promet pas grand chose, d'habitude  - elle ne connait que trop bien le goût des grandes espérances et des déceptions qu'elles charrient dans leur sillage. «  J'essayerai de faire en sorte que ma compagnie soit la moins agréable possible, pour réjouir le vieux con cynique que vous avez l'air d'être ». Il sourit intérieurement. «  J'y compte bien » crache-t-il avec emphase. C'est ainsi que tout débute. Comme l'aventure d'une vie déguisée en infortune.