Une amitié à toute épreuve

Rendez-vous au bar ce soir. Mais pas avec une jolie demoiselle. Je pourrais dire dommage mais après tout … je vois déjà plus ou moins quelqu'un. Pas exactement mais qu'importe. Je ne suis pas à plaindre. Rendez-vous avec toi qui me donne des cheveux gris ces derniers mois. Toi qui me ferais presque chialer. Je souhaite à personne ce qui t'arrive. Quoique parfois j'ai l'impression tu le cherches. J'imagine pas ce que tu traverses, j'imagine pas combien ça doit être dur tous ces gens qui te rappellent tes souvenirs, ton ancien toi. Car autant être franc, une partie de toi a disparu pendant les trois mois où tu étais alité à l'hôpital. On garde notre complicité et clairement ça me fait plaisir. J'ai besoin de mon meilleur ami. Mais en ce qui concerne la plupart des gens qui te sont encore plus proches que moi, tu fais pas d'efforts. Toutes ces choses je ne te les ai plus ou moins dites au début. J'ai bien vu que je parlais à un mur alors au lieu de persévérer et bien j'ai … abandonné. Ce qui est peut-être pas la meilleure chose on est d'accord. Mais j'ai pas vraiment envie de te perdre. Je continue de voir ta femme, ton frangin, mon ami. Je leur donne parfois de tes nouvelles car visiblement tu n'as pas envie de le faire. Je te le dis pas. Mais peut-être que tu t'en doutes un peu. Enfin je ne fais pas non plus des « rapports » de tout ce qu'on se dit. Je joue pas de double-jeu. Je me crois pas en mission, la dernière a été suffisante que pour que je retrouve ma vie d'avant. Même si ma vie d'avant semble bien loin de l'actuelle. Je rentre dans ce bar. Et je te vois. T'as pas attendu pour te prendre une bière. Ce qui me permet une petite blague. Je m'approche et je te dis Je vois qu'on perd pas de temps … Je souris. On se fait la bise et je m'installe. Je fais signe à la serveuse de nous en remettre deux. Allez vas-y d'une traite. Y'en a une deuxième qui arrive. On est pas là pour se mettre une murge mais on peut sereinement s'en boire trois ou quatre. Et puis au pire tu sais bien que s'il y a un contrôle, je gère … Je fais jamais le con concernant l'alcool et le guidon, ou le volant, tu le sais bien. Je tiens suffisamment à la vie que pour pas aller m'empaler dans un mur. Et plus encore depuis ton accident. Les choses dérapent parfois tellement vite. Je me suis posé la question après avoir vu ton état. Qu'adviendrait-il de moi si je me souvenais plus de personne ? Ma famille … Ma belle et grande famille. Aidan, les jumelles, Bryan, Leilani … Je crois que je ne pourrais leur tourner le dos. Un truc au plus profond de moi m'en empêcherait. Mais je ne te juge pas. T'as vu la nouvelle ? Australie championne du monde … Dégoûté … Plus qu'à attendre deux ans pour la revanche au rugby à XV … C'est long deux ans … Mais au vu des six derniers mois, ça va passer super vite. Je vois plus le temps en ce moment. Toujours à trainer à droite, à gauche. Si j'ai toujours été assez dynamique, bougeur, ça s'est accentué ces derniers temps. La prison vous change ouais … Et pour moi, ça n'aura pas été en moins bien …

La bonne excuse ! C'est ça, rejette la faute sur moi vas-y … Je te souris, on se salue comme il faut et je m'installe. Moi je t'aurais attendu ouais avant d'en prendre une. Si on peut même plus compter sur ces amis ! Je plaisante. Et je te dis de finir ta bière car une deuxième arrive. Deux bières en si peu de temps, pas de quoi te faire tourner la tête néanmoins. Pas de reprise de volant pour toi ce soir. « A pied ». Nan mais écoute toi … Ouais enfin … Rentré à pied en étant ivre c'est pas beaucoup mieux que de reprendre la voiture. Un peu quand même. Tu risques juste de te faire à toi, et à toi seulement à pied, plutôt qu'avec une voiture ou il peut y avoir d'autres personnes impliquées dans un accident. Mais façon je te redépose t'inquiète. Hors de question que je le laisse retourner seul. Pas que tu risques de te faire agresser car IB c'est calme mais … bin c'est juste comme ça quoi. C'est normal. Tu ferais pareil à ma place. Je te parle du rugby. La « mauvaise nouvelle » de la veille. Tu réagis pas comme tu l'aurais fait dans le temps. Une réaction, ou une non-réaction, que je ne connais que trop bien ces temps-ci. C'est toujours particulier je vais pas te mentir. Comment peut-on oublier autant de chose. Comment peut-on s'oublier soi-même. T’enchaînes sur le salon de tatoo. J'ai entendu la nouvelle aussi. Je souris doucement à ta dernière remarque même si je sens que t'es un poil sérieux. Ca va toujours pas mieux toi hein ? … Je rigole quand même avant de reprendre. Eurk j'ai entendu ouais. Parait qu'il y a eu quelques infections en plus. Enfin c'est pas la sujet. Ma vie est plus … moins dégoûtante que ça au moins ouais. Je rigole de nouveau. Voilà pourquoi j'ai pas de tatouage perso … Ouais bon, c'est pas non plus la raison principale. Mais sinon je suis pas mal occupé oui. Un peu comme d'habitude mais principalement ces derniers temps. Tu me poses une petite question à laquelle je vais moyennement répondre. Boulot. Puis je suis repassé voir ma sœur et après je devais régler un petit truc avec quelqu'un. Je vais t'épargner le reste. Je vais pas te dire qu'il s'agit d'une discussion que j'ai eu avec Dylan. Je vais pas non plus te dire que j'ai recroisé cette autre femme à la supérette. Et qu'on devrait aller faire un paintball sous peu. Ca soulèverait trop de questions. Et puis, je veux juste pas en parler, pas de suite. Je profite. Aucune mission qui se profile, je vais pas trop trop m'en plaindre. Alors c'est patrouille et arrêt donuts-café pour la pause goûter. Faisons cliché ouais. C'est bien. Là-dessus, on reçoit nos bières. Je lève doucement la mienne. A ta santé. Et je bois une gorgée.