What is love ? [Jackson & Marty]

La journée s’annonçait longue. Il y avait de nombreux signes l’indiquant suivant le moment de mon réveil. Un oubli par-ci par-là. Une chute inoffensive mais dérangeante dans les escaliers. L’autobus qui passe devant soit sans être présent à l’arrêt pour lui indique de nous prendre. Je n’ai pas laissé la frustration venir diriger mes actions. J’ai patienté pour le prochain autobus, perdant près d’une heure avant d’arriver à l’hôpital. Puis, des urgences pédiatriques successives ont nécessités mon attention. Bref, de toute la journée, je n’ai pas eu le temps de penser à autre chose que le moment présent, qu’à mes petits nouveau-nés que je soignais et à leurs parents que je rassurais. Au moment de retirer mon sarrau de sur mes épaules, je me sens exténué toutefois. Il est presque dix-huit heures. Je dois rejoindre Jackson pour vingt heures. Ce policier est un bon gars. Il est un ami toujours présent pour moi, qui n’a pas manqué un rendez-vous depuis que je le connais. Il est aussi pour ainsi dire le seul représentant masculin de mes amis. J’ai plusieurs connaissances masculines, mais ça s’arrête là. J’ai toujours eu plus de facilité à connecter avec les femmes. Pourtant, rares sont celles qui me voit autrement que comme le frère de cœur ou le geek cute. Même lorsque je me présente avec mon titre de docteur, je perds des plumes en avouant que je soigne exclusivement des bébés. Je me transforme en type mignon et pas en potentiel petit-ami. Jax a décidé à un certain moment donné de changer les choses, de pousser les femmes à me voir autrement. Ce qui jusqu’à présent n’a pas encore porté ses fruits. Je vois bien que Jackson fait de son mieux. Ses techniques d’approche fonctionnent presque toujours pour lui. Le problème vient de moi. Je ne suis pas assez viril pour la gente féminine. Malheureusement, aucune des femmes que Jackson me poussent à aborder ne souhaite voir au-delà de cet apparence et tenter de me découvrir réellement. Je sais que si elles me donnaient une chance que les choses pourraient changer. Le pire c’est que je me suis faite à cette idée d’être un éternel célibataire. Non que cela me plaise, mais je ne fais plus d’effort pour changer les choses. Si Jackson ne me donnait pas rendez-vous une fois de temps en temps pour sortir tous les deux, je pense que je n’aurais plus de contacts du genre du tout. Voilà pourquoi je ne proteste pas, je pense. Pourquoi je laisse Jax intervenir ainsi dans ma vie en protestant tout de même tout du long, ce qu’il a apprit à ignorer bien évidemment. Parce que cela me gêne de draguer. J’ai l’impression de déranger ces femmes qui cherchent peut-être juste à passer un bon moment dans un bar. Bref, je prends l’autobus pour rentrer à mon appartement de West Bay. Sur place, je m’occupe des chiens. Je ne fais qu’une promenade rapide ce soir, malheureusement pour eux. Aubrey travaille en plus donc ils vont s’ennuyer une bonne partie de la soirée jusqu’à ce que l’un de nous ne rentre. Je mange ensuite un petit quelque chose et je me douche. Je n’ai rien de particulier à me mettre, alors je m’habille comme à mon habitude. Il ne me reste que dix minutes avant de retrouver mon ami au moment de quitter l’appartement. Je rejoins celui de Jax. Après nos salutations habituelles, je laisse le policier me conduire au bar qu’il a choisit pour nous ce soir. C’est un nouveau, comme à chaque fois. Je fixe l’endroit à travers la fenêtre de la portière. Par la suite, je soupire un coup et je m’extirpe pour marcher côte à côte avec Jackson. Nous passons la porte d’entrée du bar. Aussitôt, je commence à être nerveux. Je suis toujours très calme d’ordinaire mais ce genre de situations à le don de me rendre particulièrement stressé. Peut-être à cause de l’anticipation, je ne pourrais pas dire. Alors que nous allons nous assoir, je me tourne vers Jackson. « Tu es déjà venu dans ce bar avant ? » Je lui demande par curiosité, fixant la quantité impressionnante de bouteilles d’alcool derrière le barman.

Je me tourne vers Jackson au moment où il me lance sa réponse. J’avais le pressentiment qu’il était familier avec l’endroit et du coup apprendre qu’il connait justement chaque lieu de ce genre en ville me fait rire en même temps que lui. Il est difficile d’obtenir de moi un jugement hâtif. Je sais pertinemment pour le connaître depuis un bon moment déjà que Jax n’est pas un alcoolique ou peu importe le genre d’homme qu’on peut associer à la fréquentation régulière de bars. Je suis juste impressionné par cette statistique, puisque de mon côté, depuis les douze ans que je vis dans la ville, je n’ai visité que les bars qu’il m’a emmené. Jamais par moi-même ou avec d’autres personnes je n’ai passé de soirée dans ce genre d’endroit. Je préférais nettement me plonger dans mes livres de médecine le soir tout en fredonnant sans cesse de nouveaux airs qui habitaient mon esprit. Sinon, j’aimais bien dévorer une saison complète d’une télésérie ou encore jouer à un jeu vidéo avec ma colocataire une partie de la soirée. Oui, c’est pour ça que je n’attire pas les femmes. Qu’importe. Jackson me propose de prendre une bière et je hoche la tête. « Oui, bonne idée. » Je réponds en souriant. Pourquoi pas. Je peux bien boire de temps à autre même si je ne suis pas quelqu’un qui aime consommer de l’alcool à l’excès. Je peux me vanter de n’avoir encore jamais été saoule. Il faut dire que je n’ai pas connu au cours de ma vie de contextes favorables pour l’être, mais j’aime cette idée de ne pas avoir une seule fois perdu la tête et d’avoir bu à m’en vider l’estomac sur le plancher. Le barman revient donc avec chacun un verre de bière. Je bois une première gorgée pour me faire au goût qui me semble toujours moins agréable au début. Je redépose mon verre sur la table et je retrouve mon contact visuel avec Jackson. Si j’ai des plans pour le temps des fêtes ? Il serait en effet temps d’y penser. « Et bien, je pense que ça va encore être tranquille cette année. Il n’y a pas de plan en particulier, donc probablement à l’appart’ avec Aubrey, oui. Pour l’hôpital, je ne travaille pas en théorie ce jour-là mais je suis de garde donc si j’ai un appel le 25 je vais passer Noël avec des bébés. » Je dis en trouvant le tout assez amusant dans mon esprit, ce qui ne devrait pas l’être. Travailler le jour de Noël c’est chiant, mais quand on aime ce qu’on fait ça le devient un peu moins. Je remarque derrière l’épaule de Jackson une femme grande et blonde qui se permet de croiser mon regard. Elle a un de ces petits sourires qui ne peut vouloir dire qu’une chose. Je tente de demeurer naturel ce qui est un désastre, je peux vous l’assurer. « Jax, ne regarde pas derrière toi, mais je pense qu’une femme à un œil pour ton dos ou bien pour moi. Au choix. » C’est tellement inhabituel que je ne le crois pas moi-même. Est-ce que je dois cesser de la fixer ? J’ai oublié comment agir d’un coup.

Nous trinquons ensemble. C’est agréable de se retrouver entre amis et de ne pas penser au boulot ou aux tâches ménagères à faire une fois à l’appartement. Il va m’arriver quelques fois durant ces sorties de me mettre à réfléchir à ma journée de demain mais ça n’a rien d’aussi obsessif que mes nuits de presque insomnie lorsque je suis de garde et que je sais que j’ai des petits patients en très grande prématurité qui pourraient ne pas survivre jusqu’au matin. Sortir avec Jackson m’a toujours permis de mettre mon esprit à off et de songer à des choses un peu plus normales, comme à ce que je compte faire durant le temps des fêtes. Je souris à Jax alors qu’il propose d’au moins aller dans un restaurant pour souligner le tout. Je ne sais pas si Aubrey serait partante car elle affectionne particulièrement tout ce qui est livraison à domicile, sauf que je note tout de même la suggestion dans ma tête. « C’est pas une mauvaise idée. Et si on m’appelle, au moins je sais que ma coloc’ ne va pas m’en vouloir de partir en vitesse. » Ce ne sont malheureusement pas toutes les femmes qui comprennent qu’une urgence pour un médecin est généralement une question de vie ou de mort et qu’il est impossible de rester même si la femme en question nous menace de ne plus jamais nous revoir si on part. Il y a des choses qu’on ne peut pas contrôler dans ce métier et la vie sociale et amoureuse en prend forcément un sacré coup. Il faut un partenaire compréhensif sinon ça ne peut pas être possible. Est-ce qu’il y a une femme avec un tel caractère d’or dans ce bar ? Je n’en ai pas la moindre idée. Et celle-là pas très loin de nous qui me fixe moi, oui moi, est-elle comme ça ? Je croise le regarde de Jax alors qu’il m’affirme qu’il n’a qu’une envie à cause de moi et c’est de se retourner. « Je sais. Désolé. » Je tente pour me faire pardonner. Sauf que je ne sais pas plus quoi faire pour ne pas passer pour un débile mental. Surtout que Jackson est convaincu que c’est bel et bien moi qu’elle regarde. God, j’ai besoin de bière. Je prends une gorgée, me penchant comme pour me cacher de cette femme grâce à la présence de mon ami. Ce dernier me demande comment elle est. Je focus mon attention sur lui. « Oui elle est seule, enfin, je crois. Elle est grande, élancée, blonde, elle porte une robe bleue foncée, euh… » Je tente de songer à d’autres détails. Oui je suis un médecin, mais je n’ai pas une mémoire photographique. J’ai toutefois remarqué un truc médical la concernant. « Elle est tombée récemment puisqu’il y a une écorchure à son coude gauche. » Nerd. Pourquoi j’ai remarqué ça plutôt que la couleur de ses yeux ? Parce que c’est un réflexe de médecin. Nous faisons tous ça avec nos proches. C’est plus fort que nous. Et c’est chiant. Jackson veut que je regarde la femme par-dessus son épaule. Ok, je vais essayer. Je me recule et dès qu’elle me regarde à nouveau je suis incapable de partir de là. Elle m’a coincé encore une fois. Jax veut savoir ce qu’elle fait. « Elle… elle me regarde toujours. Elle boit une vodka martini. C’est moi ou c’est cliché ? » Je soupire et je viens me cacher à nouveau grâce à la présence de Jackson entre nous deux. « Cette femme n’est pas faite pour moi. On dirait un mannequin et moi je suis moi. » Et voilà, je savais que j’allais tout gâcher. Ma nervosité a prit le dessus sur moi. Sauf que je ne peux m’empêcher de chercher à la fixer. Jusqu’à bien sûr réaliser qu’elle n’est plus assise à sa place. Non, elle s’approche plutôt de moi avec un sourire tellement magnifique. « Elle vient vers nous. » Je dis à Jackson, figé sous la surprise.

J’observe Jackson, mitigé. Simuler un appel d’urgence. Je doute que je puisse y parvenir, même si je suis face à un rendez-vous catastrophe. Je me sentirais trop mal par la suite, je pense. Ou bien, je ne serais pas en mesure d’être assez convaincant. La dernière chose que je voudrais c’est de me faire griller alors que je tente de fuir. Plus j’y pense et plus je crois que ça serait du suicide plus qu’autre chose. « Je doute que ça marche avec moi, mon vieux. » Je dis, regrettant de devoir l’avouer. Je suis encore plus désolé de le mettre dans une fâcheuse position par la suite. Cette femme magnifique au loin qui m’observe moi, oui moi. J’en suis tellement déstabilisé que je ne sais même plus comment me comporter normalement. J’ai donc demandé instinctivement à mon ami de ne pas se retourner, ce qu’il fait bien que ça lui soit difficile. Il refuse que je m’excuse pour ça et je me retiens de lui demander pardon pour mes excuses. La nervosité me rend pathétique. Je ne me comporte plus du tout comme quelqu’un de normal. Il cherche à me faire parler, à ce que je lui décrive cette femme. Je donne des aspects généraux, sauf qu’il insiste pour que je lui parle spécifiquement du visage. Je réfléchis à toute vitesse. « Des traits doux. De grands yeux lumineux, curieux, on dirait. Un sourire ravageur. Des lèvres roses, qui donnent envie de les embrasser. » Bon sang, qu’est-ce qui m’arrive ? Ne me dite pas que je suis vraiment dans cette position ? Que j’ai craqué pour cette femme au point de… Mon cerveau de médecin reprend le dessus et Jackson le remarque bien évidemment. Je cligne des yeux alors qu’il me conseille de ne surtout pas user de cette approche pour cette femme. Je suis d’accord, je risque de tout faire rater en voulant jouer au docteur (même si je ne joue pas). Au final, Jax m’apprend que le verre entre les mains de cette beauté qui me regarde est signe qu’elle se recherche un homme. « Hum, alors, ça veut dire qu’elle veut… qu’elle me veut… moi ? Je veux dire, si elle me regarde comme ça ? » Je suis tellement confus que je ne sais plus quoi en penser. Je finis par contre par avouer qu’elle est trop bien pour moi. Ce que mon ami refuse catégoriquement de tolérer. Il trouve même que je ne suis pas moche. Ce qui me fait sourire bêtement. Oui, je sais que je suis « mignon », sauf que je ne veux pas l’être aujourd’hui. Pas pour cette femme. Jusqu’à ce qu’elle se lève et commence à se diriger vers nous. Je panique, je perds le contrôle. Je ne sais même plus comment respirer. Je suis toutefois le conseil de Jackson de ne la regarder que du coin de l’œil. C’est difficile, mais j’y arrive miraculeusement. Elle passe son chemin, me faisant soupirer comme si je retenais mon souffle depuis tout ce temps. Ce qui était probablement le cas, d’ailleurs. Je regarde Jax, encore un peu troublé. « Oui, elle me souriait. On aurait dit le genre de sourire joueur d’un enfant. » Je ne sais pas comment le décrire autrement. Je n’en reviens pas que je lui plais à ce point. C’est totalement improbable et pourtant vrai. Je n’invente rien. Je hoche ensuite la tête, convaincu que si j’écoute Jackson que tout va se poursuivre dans la bonne voie. Je fais donc signe au barman et je fais comme demandé. Il prépare le verre et attend comme nous deux le retour de la belle blonde. Elle finit par repasser derrière nous et retrouver sa place. Elle reçoit du barman le verre offert en cadeau et lorsque je l’observe pour voir sa réaction elle lève ce nouveau verre à mon intention et le porte à ses lèvres. Mon cœur manque un battement. « Euh… tu crois que je devrais aller lui parler ? » Je demande en fixant Jackson.

Je ne suis toujours pas sur que j’arriverais à planter une fille pour une fausse urgence à l’hôpital, mais je fais confiance à Jackson. Je n’ai pas assez d’expérience en rencard pour prétendre savoir comment faire si les choses ne vont pas comme elles devraient. Du coup, je lâche un ok résigné. Ça reste à voir si ce n’est pas plutôt la femme qui est en rendez-vous avec moi qui me fait le coup la première. Je ne pourrais pas lui en vouloir. La rancœur n’est pas vraiment dans mes habitudes. Ce qui l’est c’est d’être rêveur. De m’exprimer parfois comme si j’écrivais un poème, en effet. Cela me gêne presque de constater que j’ai justement appliqué ce comportement involontaire pour décrire la blonde qui m’observe au loin. C’est pire que je le pensais. Je craque totalement pour elle, c’est devenu une évidence à mes yeux. Jackson me conseille d’user de ces compliments une fois en conversation avec elle. Je me fige brièvement. Lui parler. L’idée me terrifie et me motive à la fois. J’ignore lequel des sentiments est le plus fort et va dominer l’autre. Pour le moment, je suis trop surpris par tellement d’attention féminine pour en faire la distinction. Je réalise qu’elle doit probablement être intéressée par moi. Je veux dire, par me vouloir moi. Jax est contraint de se répéter à ce sujet. Je sais qu’il m’a déjà parlé de ce genre de regard et de ce que ça signifie. Mais en être informé et le voir en vrai, sur soi, c’est deux choses totalement différentes. Je ne pensais même pas que ce genre de geste pouvait être aussi agréable à recevoir. Cette femme réalise-t-elle seulement qu’elle me donne des ailes en cet instant ? Au point que lorsqu’elle passe près de nous, je me sens suffisamment en confiance il faut croire pour obéir aux consignes de mon ami. Je ne sais pas trop pourquoi je décris son sourire comme celui d’un enfant. Évidemment que les petits ne pensent pas au sexe. Ce n’est pas ce que je voulais dire, enfin je crois. « Coquin, oui c’est le mot que je cherchais. » Je tente de me rattraper. Je passe beaucoup trop de temps avec des bébés, ça affecte définitivement ma perception des expressions adultes. Je ne sais même plus s’il est juste ou pas d’aller converser avec quelqu’un. Je demande donc à Jackson si c’est le bon moment pour y aller, alors qu’elle est de retour des toilettes avec mon verre offert à la main. C’est évident pour lui que ça l’est et il m’encourage au maximum. Je viens lui sourire, encore incertain. J’inspire un grand coup et je hoche la tête. « Ok. » Je me contente de dire. Je me lève de ma chaise. J’ai les jambes tremblantes. Je les Ignore. Je me tourne vers la blonde et je commence à m’avancer dans sa direction. Son sourire grandit alors qu’elle constate mon approche. Je m’arrête non loin, les mains sur la chaise juste à côté. Elle boit une gorgée de son verre en me regardant plus attentivement. Je déglutie. « Bonsoir. » Je finis par lui dire. « Bonsoir. » Elle me répond avant de déposer son verre. « Ça vous embête si je… » Je commence sans arriver à finir, pointant la chaise. « Pas du tout. » Elle me rassure. Ok. Je vais m’assoir à ses côtés, faisant attention de ne pas me casser la gueule. Je recommence à la fixer. Elle ne me quitte pas des yeux. Bon sang ce qu’elle est belle. « Vous êtes magnifique. » Je m’entends dire. Elle rit, gardant ensuite son immense sourire sur ses lèvres. « Vous n’êtes pas mal non plus. » Ah bon ? Elle vient se tourner complètement dans ma direction. « Rebecca. » Elle se présente en se saisissant à nouveau de son verre. Elle m’a dit son prénom. À mon tour. « Marty. » Apprendre le mien lui fait étirer un peu plus son sourire. « Comme Marty McFly ? » J’ai l’habitude de cette comparaison mais cette fois au lieu de faire une référence maladroite à Back to the future, je me contente de hocher la tête. « C’est mignon. » Merde. Je suis mignon. Qu’est-ce que je fais ? « Hum, ça vous embête si je vais dire un truc à mon ami, je… je reviens. Ne partez pas. » Elle sourit. « Je ne vais nulle part. » Ok. Je me lève et je retourne vers Jackson. Je vais m’assoir à ma place précédente et me cacher à nouveau en me penchant. « Elle me trouve mignon… Mignon c’est mauvais. Mignon ça veut dire ami. »

Paniqué d’avoir l’impression que ce ne sera encore une fois pas la bonne pour moi, qu’elle me voit plus comme un petit-frère qu’autre chose, je suis revenu vers Jackson. J’écarquille les yeux en voyant que j’ai fais une grosse bêtise en allant chercher auprès de lui des conseils supplémentaires. Je fixe Jax avec tellement d’étonnement face à ma nouvelle erreur que je reste bêtement là où il ne veut pas que je sois. Il a raison, qu’elle m’ait qualifié de mignon ne change rien au fait qu’elle me sourit depuis tout ce temps et qu’elle semble visiblement intéressée par moi. De plus, elle n’a pas usé de ce mot avec un ton… un ton de fille qui vous trouve mignon, quoi. Non, elle l’a fait avec sa voix de séductrice. Mais merde, je suis en effet en train de tout foutre en l’air en m’éloignant aussi stupidement. Jackson a raison d’être à ce point contre mon retour vers lui. Il veut impérativement que je me dépêche de reprendre ma conversation avec Rebecca et pendant ce temps lui il va finir sa bière et partir. Une minute. Partir. Mais et si… Courage, je sais que je peux y arriver. Jackson ne voudrait pas me laisser seul avec elle si je n’étais pas en bonne voie de réussir. Je ne sais pas comment j’arrive à retrouver ma volonté mais je me relève et je vais rejoindre la jeune femme qui me sourit toujours. Une fois de retour, je m’excuse pour cette brève absence. Elle n’en fait pas de cas en souriant un peu plus grand. « Ce n’est rien, Docteur Goodwin. » Cela me prend de nombreuses secondes avant de réaliser qu’elle ne devrait pas m’appeler comme ça. Je relève sur elle des prunelles surprises. Elle éclate de rire. Mais qu’est-ce qui se passe ? « Je vous ai reconnu mais visiblement pas vous. Ce n’est pas grave, ça fait quand même quatre ans. De plus, je suis devenu blonde depuis. » Quoi ? Elle me connait ? « Depuis quoi ? » Je demande, ne sachant vraiment plus quoi penser. « Depuis la naissance de ma fille. Elle est née avec une malformation de l’œsophage que personne n’avait vu sauf vous. » Son sourire. C’est parce que j’ai soigné son enfant. Pas parce qu’elle veut… « Rosie. » Je me souviens d’un coup. La mère hoche la tête. « Comment elle va ? » Qu’est-ce que je peux faire d’autre ? « Elle est toujours aussi agitée. Elle s’est mise à courir partout dans la maison hier justement. » Dit-elle en riant à nouveau. « Et vous êtes tombé en cherchant à la rattraper. » J’en déduis. Elle me montre son coude gauche. « Vous avez toujours autant l’œil. » Cela la fait sourire. Bon sang, je me suis énervé pour rien. Complètement pour rien. Je ne sais pas si je dois en être soulagé ou encore gêné. « Merci pour le verre. Mon amie fête ses trente ans à côté et j’avais besoin d’un peu petit remontant. Fêter une femme enceinte signifie fêter sobre. Et disons que mon amie supporte trop mal les hormones de grossesse pour ne pas pleurer à chaque nouveau cadeau. » Je ne sais pas quoi répondre à ça. « Je pense que je vais y retourner avant de la faire pleurer pour ça aussi. Ce fut un plaisir de vous revoir, Marty. » Je ne la repousse pas alors qu’elle m’embrasse la joue et me salue de la main. « Au revoir. » Elle fait également signe à Jackson avant de s’éloigner et de quitter le bar. Je fixe la porte de sortie plusieurs secondes. Je rejoins mon ami par la suite. Cette fois, je demeure silencieux, reprenant mon verre de bière pour en boire une grande gorgée.

Je ne peux cacher que je sois déçu. J’avais pensé que pour une fois les choses seraient différentes. Que les sourires de cette femme signifiaient quelque chose de positif. Non, ce n’est pas ce que je veux dire. C’était positif. Elle était contente de me revoir, c’est tout. Rebecca me souriait car j’avais sauvé la vie de sa fille à l’époque. Elle ne cherchait pas plus que ça. Elle a certes joué le jeu au début, enfin je crois. Sauf que visiblement c’était dans l’attente que soudainement je me souvienne de notre passé commun. Elle est aussi probablement d’humeur festive car son amie célèbre quelque chose juste à côté. Il est donc assez clair pour moi qu’elle ne pouvait pas être de mauvaise humeur en s’installant au bar. Bon sang, ce que j’ai été stupide de fondre aussi rapidement sans savoir véritablement pourquoi. Je deviens désespéré par l’amour, je crois. Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas eu de rencard que je m’imagine des trucs. Je fais perdre le temps de Jackson aussi. Je le regarde alors qu’il se demande d’où provient l’erreur. Évidemment qu’elle est de moi. Si je l’avais autorisé à observer la blonde assise au loin, peut-être qu’il aurait pu me prévenir qu’elle n’avait pas de regard amoureux sur moi. Je ne lui ai même pas laissé la chance de m’aider pleinement au fond. J’ai repoussé son opinion pourtant plus habituée et habille que moi à l’observation des femmes. J’ai envie de rentrer à l’appartement et je me rouler en petite boule sur mon lit avec mes deux chiens collés contre moi. Pathétique, oui je sais. « Oui, j’ai mal interprété, il faut croire. Elle me souriait parce que j’ai sauvé sa fille. Pas parce qu’elle cherchait à me plaire. » Je baisse à nouveau les yeux. Je soupire, réfléchissant à ma vie il y a quatre années de cela. J’étais encore un résident quand j’ai été appelé auprès d’un nouveau-né d’à peine seize minutes de vie. Il y avait visiblement un problème au niveau de la gorge de l’enfant. Après l’avoir examiné, je ne voyais rien de suspect dans la structure cartilagineuse de la trachée, ni dans les vertèbres cervicales. J’ai eu l’idée de pratiquer une échographie d’urgence pour observer tant bien que mal les structures molles du cou. Le défaut de l’œsophage était minuscule, mais je l’ai vu. J’ai ensuite discuté avec les parents de Rosie. Avec Rebecca, qui était alors brune et avec un homme. Le père. Après quatre ans, j’ignore s’ils sont toujours ensemble. Je ne saurais le dire désormais que la mère a quitté le bar. « À l’époque, elle était avec le père de sa fille. Aujourd’hui, je ne sais pas. » Mon ton est celui du découragement. Je soupire. « Écoute, c’est gentil de tenter de me convaincre qu’elle était malgré tout intéressée à moi. Sauf que je pense que je vais finir ma bière bien tranquillement et qu’en suite je vais aller me coucher. » Je sais, je suis ennuyant. Sauf que disons que mon estime vient d’en perdre un coup et que je n’ai pas envie d’avoir d’autres rejets de la sorte ce soir. Jax est un bon ami. Je sais qu’il fait son possible pour que je finisse par trouver le grand amour.  Sauf que j’y crois de moins en moins. « De toute façon, les coups de foudre ça n’existe pas, j’ai l’impression. » C’est la première fois que je l’admets. Bon sang, je suis vraiment déprimé.

J’en ai vraiment marre d’attendre que l’amour me tombe subitement dessus. Pourtant, c’est beaucoup plus facile de faire ça que de se mettre à le chercher. Je sens que je suis coincé dans un cercle vicieux et ce, malgré les occasions que me donnent mes sorties avec Jackson. Le truc c’est que j’ai vraiment envie que ça change mais que je ne fais rien pour provoquer ce changement. Ou plutôt, j’ai cessé d’y accorder autant d’importance. Plus jeune, j’avais une plus grande motivation à approcher les femmes et ce même si les échecs se perpétuaient. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que j’ai inconsciemment accepté qu’il n’existe pas de femme pour moi. Je ne parle pas là de l’âme sœur, de la femme parfaite qui me ressemble comme deux goûtes d’eau. Je veux dire une « femme » tout court. J’ai beau faire des efforts, pas assez j’imagine, ça ne mène jamais à ce que je veux. Le sexe à la rigueur je peux m’en passer. C’est l’amour qui me manque vraiment. La tendresse d’un corps féminin. C’est ça que je veux, pas un one night stand. Je fais probablement mal les choses. Je ne sais pas comment Jackson fait pour supporter un type comme moi dans ces conditions. Ce coup-ci, il aurait pu m’aider à détecter le pot aux roses plus tôt. À la place de me faire carrément dire par Rebecca que je ne l’avais pas reconnu et qu’au fond bah elle n’était pas là pour ça. J’ignore en bout de ligne si elle était célibataire ou non. Je ne lui ai pas demandé. À quoi bon courir dans la salle d’à côté et chercher à le savoir. Je ne voudrais pas me ridiculiser en plus devant toutes ses amies si elle est encore avec le père de sa fille ou même avec un autre homme. Non, je n’ai vraiment pas envie de ça en ce moment. Du coup, je fais quoi ? Je me morfonds sur moi-même, apparemment. Jackson n’aime pas du tout me voir dans cet état. Il vient poser les fameuses questions que je me pose sans arrêt. Je soupire à nouveau. « Oui, je suis déçu parce que je pensais que c’était gagné. Je croyais que pour une fois les choses allaient marcher et que tout allait changer. Faut croire que non. » Je garde les yeux baissés. « J’en suis venu à cette conclusion après des années à me faire catégoriser comme « un ami » et pas comme « le gars avec qui on est fière de sortir », tu vois ? J’ai déjà eu des copines qui ne me présentaient même pas comme leur amoureux aux autres. C’est frustrant à la fin. Du coup, je généralise parce que c’est apparemment comme ça que ça marche pour moi. Je ne suis pas fait pour être autrement qu’un ami. Et ça va, je l’ai accepté. À contrecœur mais qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ? » Mais qu’est-ce que je raconte ? Y’a des tas de trucs que je pourrais faire comme par exemple… euh… Je n’en sais rien en fait ! Fuck. Je suis déprimé à ce point. Ça c’est démoralisant plus que tout le reste. De voir que cette fois-ci ça m’affecte plus que les autres. Surtout de faire subir ça à Jackson qui tente encore et toujours de me prouver que tout ça en vaut la peine. Je veux bien le croire mais j’aimerais avoir les résultats qui vont avec. Au fond, je suis trop impatient et c’est ce qui me déçoit autant. Je voudrais avoir tout, tout de suite. Et la vie ça ne marche jamais comme ça. Au fond, il a raison pour les coups de foudre. « C’est vrai. Sauf que parfois j’ai l’impression que ce genre d’attirance instantanée est le déclic qui me manque, tu vois ? Que ça existe ou non, ça semble réussir à mettre des gens ensemble et à ce que ça conduise à une relation amoureuse quoi. Je pense que j’ai encore cette idée naïve de facilité qu’on les gamins en ce disant qu’ils vont rencontrer le grand amour et qu’ils vont savoir. Je sais, c’est un peu stupide. » Il faudra bien qu’un jour je me débarrasse de cette immaturité ou de ce que ça peut être. Forcément que ça ne m’aide pas ce truc. Jax finit par admettre que les rencontres dans les bars ne sont pas vraiment faites pour des relations comme je recherche. Il n’a pas tort là. Du coup, il faut que j’arrête de me prendre la tête avec Rebecca. « Visiblement non. Du coup, je pense qu’on va juste boire encore un peu et rentrer. » Je conclue en lui offrant un petit sourire. Ça va, mon moral remonte. Faut juste me laisser un peu de temps.