épave navale

Nour Berger

mer intérieure

les informations en vrac

penser à toi ○ la petite fille unique dans une maison de campagne. une belle vie qui s'annonce, rien qui gronde au-dessus de la tête de papa, rien qui tonne au-dessus de la tête de maman. pas même les orages d'été. ils lui ont raconté que c'était une partie de bowling entre les anges, rien d'autre. nour les imagine porter des baskets et aller à l'école en autobus. les anges, ils sont comme elle, mais ils habitent un étage plus haut. ils ont pris l'ascenseur quand ils étaient très petits. il faut pas leur en vouloir s'ils font tomber la pluie. ils sont maladroits, c'est tout. melon d'eau ○ la tête comme une grosse bibliothèque et le corps recouvert par les piles de livres. nour mange les mots et les mots la mangent. les pages lui filent entre les doigts, elle les tourne trop vite, on lui dit de ralentir la cadence. on lui dit de se réveiller, que vivre le nez plongé dans les bouquins, c'est pas possible. mais elle s'en moque. nour, elle en fait qu’à sa tête. elle peut même manger des pastèques et les utiliser comme marque-page si elle veut. tête bien faite ○ elle a des manies incontrôlables. nour, la rongeuse d'ongles, la bouffeuse de peaux mortes. parfois jusqu’au sang, toujours plein de pansements dans son sac à dos et sur ses mains. nour, elle gère mal son stress, elle est vite submergée toute entière et dévorée de l’intérieur par des vagues de tempêtes. avant, elle avait peiche, le gros terre neuve qui fait trois fois sa taille. il venait la voir à gros pas de lourdaud et posait son énorme tête sur ses jambes pour la réconforter. mais peiche est resté à la maison, il pouvait pas rentrer dans l’avion. peiche, elle l’a juste en photo dans son téléphone, plus petit qu’en vrai et moins doux aussi. touché-coulé ○ la grande championne de bataille navale. une fois, elle a fait couler tous les cygnes gonflables de la piscine municipale, et leurs navigateurs avec. le requin et ses cheveux en forme de nageoire dorsale. nour, quand elle veut, elle redevient la petite fille qu’elle était. elle oublie tout pendant un moment et elle va faire de la balançoire en lisant. elle apporte des craies de toutes les couleurs et elle va gribouiller des slogans féministes sur les trottoirs. elle se fait des tresses dans les cheveux et elle y attache les milliers de poèmes qu’elle a mémorisés. femme-enfant, la tête entre les craques d’un banc en bois pour y lire les gravures, les noms dans les cœurs reliés par un signe. en d é c a l a g e ○ figée au beau milieu d'un monde méconnu, elle tente tant bien que mal de garder la tête haute et les épaules droites. elle parle un anglais approximatif, à l'accent bien trop prononcé à son goût. la bouche hachurée, les mots mélangés dans les deux langues. les phrases bafouillées quand elle est nerveuse, les blancs de mémoire fréquents, les trucs qu'elle invente aussi. sur le bout des doigts ○ ses jambes sont mal rasées. ses aisselles aussi. comme les poils sur ses bras qui blondissent au soleil. nour, c’est celle qui se coupe les cheveux elle-même, même si elle ne sait pas trop comment faire. nour, c’est les yeux nus et les boutons qu’on ne prend pas la peine de camoufler. c’est le vernis écaillé à force de ronger ses ongles, les cheveux attachés vite fait pour pencher la tête sur un carnet. parfois, c’est le verre en plastique rouge à la main et le sourire grand qui fait plisser ses yeux. à la fois le chaos et la simplicité du geste, le moment pour respirer entre deux noyades. mer intérieure ○ nour, elle a le cœur gros comme tout un monde. un monde tellement grand qu’elle a du mal à en voir l’exacte ampleur. elle aime de tout son corps, de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa tête, même si sa tête, parfois, s’emmêle les pinceaux et déraille. elle en a de la place, elle en a même trop, assez pour plusieurs personnes en entier. nour, elle est peut-être polyamoureuse, elle ne le sait pas encore, mais elle a les mots au bord des lèvres. elle arrive presque à mettre le doigt sur ce qu’elle est capable d’offrir. un cœur assez gros pour accueillir non pas une, mais plusieurs âmes en même temps. les mains bleues ○ parfois, quand ni ses cours ni son travail l'en empêche, nour peint comme une enfant. elle met les deux mains dans la peinture et les colle sur une feuille, assise en tailleur dans sa chambre. elle s'occupe du petit garçon des voisins pendant qu'ils sont au travail. elle va le chercher à l'école, elle le fait goûter, elle fait des peintures avec lui et elle le ramène chez lui. une fois, il lui a dit qu'il était amoureux d'elle. nour lui a expliqué que l'amour, ça s'apprenait, qu'il avait encore tout son temps, que mettre les mains dans la peinture bleue, ça ne voulait rien dire.

les indiscrétions sur le joueur

 

Code:

<pris>○ natalia dyer</pris> nour berger

navale

et dehors c'est le déluge

Dans l'aéroport, tout semblait être fait de voyages, même les porte-bagages et les petits caddies. Nour s'élançait entre les autres passagers, à travers la foule. Devant elle, sa grosse valise. Sur son dos, son sac. Jamais un sourire aussi grand dans sa face. Elle avait posé les pieds en Nouvelle-Zélande pour la première fois, sans personne, comme une grande. Elle avait eu peur, au début, mais en voyant la mer, elle s'était vite rendue compte que ça en valait la peine. Papa et maman, ils étaient pas trop contents. Mais papa et maman s'étaient fait à l'idée. Nour avait les idées claires. Nour avait les idées vives. Et personne ne pouvait empêcher Nour de rêver comme elle voulait. Un message envoyé à la va-vite en entrant dans le taxi. Papa, maman, Nour est bien arrivée. Nour vous fait des bisous. Nous va s'en sortir toute seule, parce que Nour sait à peu près ce qu'elle fait. Nour a joué à la bataille navale dans l'avion sur les petits écrans accrochés aux sièges. Et Nour a toujours gagné.


Sur le chemin, elle tomba sur un escargot. Il traversait la rue sur le passage piéton et Nour eut peur qu'il se fasse écraser. C'était un petit garçon sans parents avec un saladier dans les mains. Nour ne savait pas que les escargot mangeaient des salades. Alors elle l'aida à rejoindre l'autre trottoir et se rendit compte que le petit garçon était en fait un vieil homme. Elle ne savait pas distinguer tous les âges de la vie. « Nour! How are you? » C'était le voisin, elle l'avait croisé en emménageant quelques jours plus tôt. « Well, I just met an escargot. And he just said hello! » Il eut les yeux errants de ceux qui ne comprenaient pas. « Escargot? » Nour lui offrit son bras pour marcher. « Oh! Sorry, uh– a snail! » Le voisin escargot lui prêtait des livres qu'elle amenait chez elle le dimanche et qu'elle lui rendait le dimanche suivant. La femme de l'escargot lui faisait des salades à elle aussi sans même lui demander. Nour avait l'impression de revoir ses grands-parents, mais ses grands-parents habitaient à l'autre bout du monde. Quelque part dans l'espace, des âmes ont été échangées. Nour ne savait pas pourquoi, mais elle en était très reconnaissante. Elle aidait chaque escargot à traverser, maintenant. Les vrais comme les faux, les grands comme les petits, les filles comme les garçons. Elle attrapait leurs carapaces-maisons et les déposait dans l'herbe au bord des jardins.


Elle essayait d'y comprendre quelque chose. Entre le bruit de la musique et des conversations autour des corps qui dansaient, elle avait cependant vite abandonné. La fille d'en face lui parlait directement dans l'oreille et lui tenait fermement le poignet. Vu le nombre de bouteilles qui l'habitait, c'était plutôt étonnant qu'elle puisse la retenir aussi fort. Elle s'appelait apparement Val. « There's no fucking way Rex is gonna see my tits tonight! I swear to god, if he ever comes back, he's gonna be so fucking dead, i tell ya'– » Nour fronça les sourcils, tentant tant bien que mal de trouver une issue de secours. N'importe quoi. « Right, okay... » Un mec très grand passa par là. Nour lui attrapa le bras et l'attira vers elle. « Hey, my friend here wanted to talk to you. Have fun! Salut! » La fille lâcha son bras, s'empara de celui du mec et Nour put enfin tenter l'escampette. Une heure qu'elle avait passé à écouter cette inconnue lui raconter sa vie. Nour pouvait être sûre de la connaître par cœur, maintenant. De sa date de naissance à la pointure de chaussures que faisait Rex. Nour ne voulait plus rien entendre concernant Rex. Qu'il aille se faire voir. Connard. Connasse. « Pretty girls don't swear. » Elle avait parlé tout haut. « Fuck you! » Passer outre ce mec et ses sourcils haussés, passer outre ces filles aux jolis rires, passer outre la foule et passer les yeux sur eux. Ces deux-là, aux regards pétés. Ces deux-là, à l'allure badine. Nour s'arrêta, ils s'arrêtèrent aussi et elle ne su pas sur lequel ses yeux tombèrent en premier. Elle avait déjà oublié. Elle ne remarqua pas le coup de coude, elle ne remarqua pas grand chose, elle avait déjà quatre bières dans le cœur et comme un drôle de lion qui venait de son ventre et qui lui arracha un sourire. Au diable tout le reste. Et que la mer nous mange le corps.