vague s'en va, vague revient | charlotte

il s'en tiendrait là, avec le client. Il n'irait pas plus loin, c'était son métier. Le professionnalisme. Ne pas s'énerver. Mais quelqu'un a-t-il déjà vu Andria s'énerver ? Encore moins contre un homme qu'il ne connaît pas et pour qui il est censé être seulement un membre du personnel ? Le client est roi. C'est ce que le métisse avait toujours entendu. Et celui-ci en particulier l'avait bien comprit. Et puis il avait finit. C'était la fin de sa journée. Il était minuit passé. Il n'avait qu'à rendre les clés à celui qui le prenait pour un moins que rien et le laisser partir, pour qu'il puisse lui-même s'en aller. Andria bouillonnait. Pourtant, il ne fera rien de tout ce qu'il pouvait penser faire.  « Bonne soirée monsieur, à bientôt avec la Compagnie Thompson. » il finit par dire de son air le plus aimable qui puisse être vu la situation actuelle. Une phrase qui fut sans réponse de la part du client, sûrement bien trop pressé de récupérer sa voiture. Andria souffla et quitta l'entrée de l’hôtel pour retrouver une porte réservée aux employés, descendre des escaliers et rejoindre les vestiaires. Il se changea, enfila son sweat et son manteau, mit ses gants et récupéra les clés de son vélo. Il faisait frais dehors, mais c'était agréable. Agréable d'entendre les vagues par cette nuit noire et hivernale sur les plages d'Island Bay. Agréable de sentir l'air frais sur son visage, parcourir son cou et se faufiler dans ses vêtements. Andria aimait longer la baie à vélo pour retrouver son appartement, fraîchement trouvé grâce à son patron; il avait eu de la chance de tomber sur l'héritier Thompson. Il savait que sa situation d'ancien détenu ne lui aurait pas permis un aussi bon emploi si simplement. Et Andria avait dû faire ses preuves pour montrer qu'il voulait ce poste. Les roues de son vélo crissaient de temps en temps contre le sol quelque peu glissant. Il descendit, estimant que continuer à pied serait peut-être plus judicieux, sur cette partie, souvent humide. Il approchait de la plage, qui apparemment, en été, était bondée de touristes et d'habitants profitant du soleil et de l'océan. Un lampadaire plus loin, éclairait la descente vers la plage, quelques escaliers, et surtout, un banc sur lequel était assis une silhouette qu'Andria ne pouvait pour l'instant pas reconnaître. Il avançait vers ce lampadaire, continuant sa route, jetant quelques coups d'oeil vers cette silhouette qui, plus il se rapprochait, semblait féminine. Les cliquetis de la chaîne qui tournait dans le vide résonnaient entre la plage et les bâtiments de la rue déserte. Pourtant ça à suffit à intéresser cette fille, sur le banc en bas des escaliers, qui s'est retournée pour croiser le regard d'Andria. Un regard qu'il connaissais. Il s'arrête, fronce les sourcils et toise un peu plus le visage qui peu à peu semble s'éclairer. « Charlotte ? »  

C'était fou de la revoir, elle, ici. Presque impensable. Une pure coïncidence, ou le tour de passe-passe d'un petit bonhomme, là-haut, à supposer qu'il en existe un. Andria avait les yeux grands ouverts de surprise, et on pouvait voir ses prunelles sombres pétiller. Il était content. On pourrait même presque dire heureux. Charlotte ? C'était une amie. Une bonne amie même, qu'il avait rencontré, avant la prison. C'était un soir, en boîte, il s'était approché du bar, préférant la boisson aux danses charnelles et provocantes dans lesquelles se laissaient entraîner ses anciens compagnons, et il avait rencontré Charlotte. Il était encore jeune, à l'époque. Aucun de ses tatouages n'avaient vus le jour. Il devait encore avoir cette tête d'enfant, qu'il a gardé longtemps. Il n'aurait pas été surpris, que la blonde ne le reconnaisse pas. Pourtant, c'était bien le cas. Il se souvient de cette soirée, dans laquelle il à trinqué, de nombreuses fois, peut-être trop nombreuses, avec Charlotte. Ils riaient. Elle était plus vieille que lui, et pourtant son rire cristallin sonnait comme celui d'une jeune fille. Andria aurait pu s'intéresser à elle, plus que ce n'était déjà le cas, si il n'y avait pas eu celle qui faisait se refermer l'étau sur le cœur du métis. Andria revient dans le présent, fait glisser cette partie de son passé dans un coin de sa mémoire, la reprendra un peu plus tard, surement... Il voit le sourire se dessiner sur le visage de Charlotte. Un sourire étincelant, qui pourtant refermait quelque chose qu'Andria n'avait pas encore cerné, trop content de revoir cette jeune femme. « Tu es vraiment ici ? » il éloigne ses mains de son corps et tourne sur lui-même, comme pour se présenter, se représenter. Oui, il était bien là, devant elle, et cette ironie bienveillante dans la manière qu'avait le métis pour lui répondre sans parler sembla rassurer la blonde. Il la vit courir vers lui, et avant qu'il ne réagisse, se jeter dans ses bras. Ses bras entourèrent la jeune femme pour la serrer. Charlotte, c'était son trésor, à Andria. Il ne l'avait jamais présentée à ses anciens compagnons. Pourtant, il l'avait vue, plusieurs fois, après cette soirée en boîte. Pour passer un après-midi dans un parc, à manger une gaufre. Pour boire un café dans un petit bistrot, un matin. Pour regarder un film, un soir, en partageant une boîte de pop-corn. Charlotte, c'était une boîte à merveille. Il ne voulait pas qu'elle soit ruinée par ceux qu'il croyait être ses amis, il y a quelques années. Charlotte, il l'avait serrée dans ses bras, lorsqu'elle est partie. Lui promettant qu'il lui écrirait. C'était tellement mieux, d'écrire, de recevoir une enveloppe, plutôt qu'un message numérique, où il n'y avait aucun suspens; mais il ne l'avait jamais fait. Il avait oublié son adresse, sur un post-it, dans sa chambre. Il ne l'avait pas prit, en détention, et il l'avait perdu, avant de venir s'installer. Il aurait dû se souvenir, qu'il avait déjà vu écrit le nom d'Island Bay quelque part. Mais Andria n'a jamais eu une bonne mémoire concernant les noms, les dates et les chiffres. Il l'écarte de lui pour la regarder dans les yeux, et lui sourire. Mais son sourire se perd dans la découverte des yeux rougis et des joues humides de son amie. Elle avait fait l'effort d'essayer que ça ne se remarque pas, mais ça n'était pas suffisant, probablement. Pourtant, Andria récupéra son sourire. Il ne voulait pas s’immiscer dans la vie de cette amie, qu'il ne conaissait pas tant que ça mais qu'il retrouvait à peine. « J'ai quitté Palmerston North, je me suis installé ici. Je me disais bien que je devais connaître quelqu'un d'ici... J'aurais jamais cru que c'était toi.» Dit-il en la suivant jusqu'au banc où elle était assise quelques instants plus tôt.  « Mais c'est pas comme si ça me plaisait pas, de te retrouver ici. » Il lui sourit encore. Gêné malgré tout de découvrir son amie dans cet état. Il n'aurait peut-être pas dû la déranger, ce n'était probablement pas le bon moment.  « Après, si tu demandes ce que je fais ici aussi tard dans la nuit noire, je rentre du taff. Mais moi je peux te demander la même chose. » Il regarde l'océan et les vagues. Une étendue noire, aux quelques teintes blanches éclairées par les lampadaires grésillants de la rue. « Je te dérange sûrement, je ne vais pas tarder. » Il esquisse un énième sourire, plus compatissant cette fois. Il devait probablement y avoir de meilleurs moments pour se retrouver, mais Andria n'était pas connu pour avoir du tact. Volontairement ou involontairement.