Vous avez un nouveau message. | Murphy

«  Coucou Miss !

Comment vas-tu ?

J’espère que je ne te dérange pas. Car si jamais tu as changé d’avis que tu ne veux plus qu’on se voit, tu peux me le dire. Ou alors ne pas me répondre tout simplement. Je comprenais.

Ton ami qui te veut que du bien, Spencer.

Bisous. »

Murphy était allongée sur son lit, face au plafond de sa chambre. La musique « woman » de Neneh Cherry envahissait l'espace vide de sa chambre, essayant de recouvrir le bruit de la pluie qui tombait dehors. La lumière était tamisée, seules les guirlandes lumineuses contre son mur derrière son lit éclairaient la pièce d'une lumière chaude. Sa main froide glissait sur la peau de son ventre. Ses doigts s'enfoncèrent dans sa chair, dessinant les contours de ses côtes qui ressortaient de plus en plus. Ses lèvres étaient sèches, si bien que même si elle les humidifiait de sa langue, elles ne semblaient pas s'hydrater. Le corps de Murphy était épuisée, elle avait faim, terriblement faim. Elle ferma les yeux et très vite, les images de sa dernière rencontre avec Spencer lui revinrent en tête. Elle pesta contre elle-même, remuant sur son lit. Elle avait honte de s'être comportée ainsi avec le jeune artiste. Elle avait eu un comportement agressif, un comportement violent, un comportement irrationnel et incompréhensible et ce, même pour elle. Murphy en avait parlé à la séance chez son psy qui avait suivi. Son médecin lui avait dit qu'elle adoptait exactement le même comportement qu'avec son père, probablement parce qu'elle savait qu'elle pouvait peut-être s'attacher à Spencer. Il la faisait rire, il était beau garçon, il avait une âme d'artiste, une expérience, une douceur, une patience qui semblait lui plaire particulièrement. Et depuis que sa psy lui avait dit ça, Murphy se sentait honteuse. Parce que Spencer ne voudrait probablement jamais la revoir, même s'il lui avait demandé son adresse mail : leur seul contact possible pour le moment. L'étudiante avait merdé et la honte l'empêchait d'écrire au garçon. C'était un blocage con, mais n'oublions pas qu'elle est malade. La jeune femme se torturait elle-même, ressassant sans arrêt les images de cette rencontre pluvieuse et se maudissant d'avoir réagit ainsi. Sa psy avait pourtant relevé les améliorations à son comportement. Le fait qu'elle se soit ouverte à un inconnu, qu'elle ait engagée le dialogue, qu'elle se soit laissée approcher. Ce n'était pas rien, c'était même déjà beaucoup. La jeune femme soupirait lourdement, balançant ses jambes pour essayer d'oublier ce sentiment de faim qui torturait son corps et son esprit. Avalant sa salive, Murphy lui sentit qu'il lui faudrait plus que ça. Elle se contorsionna pour attraper sa bouteille d'eau et ne tarda pas à en boire plus de la moitié d'un coup. Ca lui couperait la faim pendant quelques temps. Peut-être assez longtemps pour qu'elle s'endorme ? A ce moment-là, l'ordinateur posé sur son bureau émit un son. C'était la sonnerie d'un nouvel e-mail, elle connaissait parfaitement cette sonnerie car autant elle n'était pas adepte des nouvelles technologies, autant sa boîte mail était quelque chose qu'elle affectionnait particulièrement. Murphy se redressa sur son lit pour plisser les yeux et chercher à y voir son interlocuteur nocturne. Ses yeux s'ouvrirent en grand lorsqu'elle vit le nom de Spencer dans l'adresse mail. Son cœur s'emballa et très vite, elle se jeta sur son bureau pour ouvrir le document, lisant les quelques mots avec un fin sourire aux lèvres. Elle ne tarda pas à lui répondre.

« Hey l'artiste,

Comment ça va ?

Est-ce que j'ai le droit à un pass à cette question, jusqu'à ce que j'aille vraiment mieux ? On va juste dire que chez moi... c'est un peu étrange en ce moment et puis j'ai faim aussi.

J'étais en train d'écouter de la musique et particulièrement « woman » de Neneh Cherry qui tourne en boucle depuis tout à l'heure et toi ?

Je ne pensais pas que tu allais m'écrire en fait et sincèrement, j'avais beaucoup trop honte pour le faire...

Murphy »

La gamine relu le message plusieurs fois, se croquant les lèvres, hésitante. Finalement, elle cliqua sur envoyé et retourna sur son lit en sautant presque comme une enfant excitée.

« Ca va comme la fin d’un week-end. La veille de la reprise au boulot. Enfin tu vois…

Maintenant ta punition doit être terminée non ? Si c’est le cas, est-ce que ça te dit qu’on aille manger une salade quelque part ? C’est léger et peu calorique, tu pourrais tenter de goûter quelques feuilles ? Enfin si ça te dit. Je ne veux pas te forcer à faire un truc que tu ne veux pas. Je te rassure. Et si tu refuses de le faire avec moi, essaye de le faire chez toi. Il faut essayer de te nourrir un peu à la fois. Sinon tu vas t’affaiblir encore. Je n’ai pas très envie de te revoir dans un lit d’hôpital la prochaine fois. Promets-moi que tu vas grignoter un petit truc. Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour toi.

J’étais entrain de dessiner pour passer le temps. Et ne me demande pas ce que je faisais, je ne te le dirais pas. Lol. ;-)

Tu n’as pas à avoir honte de ce qu’il s’est passé entre nous la dernière fois. Jamais.

Au fait, excellent choix de musique. Pour t’accompagner, je l’ai mis aussi du coup. ^^ »

Quand son e-mail s'envoya, la jeune femme sentit une appréhension l'envahir, ainsi qu'un sentiment d'excitation. Elle alla s'affaler sur son lit, un sourire béat naissant sur ses lèvres. La musique résonnait encore dans sa chambre, mais pas trop forte pour ne pas déranger son père ou Keny. La gamine essayait d'imaginer comment était Spencer en cet instant, ce qu'il était en train de faire, comment est-ce qu'il pouvait être habillé et ça laissait entrevoir chez elle une curiosité croustillante. Les minutes passèrent et aucun mail ne vint sonner a sa boite mail pourtant encore ouverte. Murphy actualisait sa page du bout de son lit, dans une position presque acrobatique. Rien. Avait-elle dit quelque chose ? Peut-être qu'il s'était rendu compte de la réalité de sa condition ? Du fait qu'elle soit malade, tous les jours? Elle se mordillait la lèvre, inquiète et puis retourna sur son lit, les mains sur son visage. Au bout de longues minutes, la sonnerie d'un nouveau message résonna, éveillant la gamine d'un bond curieux. Elle se précipita sur ce nouveau message et le lu avec attention. Différentes émotions passèrent en elle a la lecture de ce message, notamment lors du passage sur son état. Elle ne voulait pas qu'il la voit comme une malade et pourtant, elle lui repprochait lorsqu'il ne le faisait pas. Murphy respira profondément avant d'entamer sa réponse. Elle ne voulait pas que ce qu'il s'était passé la derniere fois sous la pluie, ne recommence.

<< Tu as passé un bon week-end? Qu'est-ce que tu as fait?

Pour ma punition, elle s'achève bientôt, je vais devoir en reparler avec mon père, je verrai bien ce qu'il me dit. Eh oui, n'oublions pas que je ne suis qu'un petit bébé...

Pour ce qui est de la nourriture... je ne veux pas te blesser, mais c'est bien plus compliqué que ça. Mes troubles alimentaires ont commencés il y a plusieurs années et je pensais que c'était fini... mais des événements récents m'ont totalement chamboulée. C'est une façon pour moi de me punir et même si personne ne peut le comprendre, j'en ai besoin. Et je sais que c'est très étrange dit comme ça... j'ai vraiment l'air d'une folle.

Oh bé si, dis-moi ! Je te fais des confidences moi !
Tu dessines souvent ? Tu ne veux pas me montrer quelques uns de tes dessins, ça m'intéresse...

Et si j'ai vraiment très honte et je m'excuse encore une fois... c'est pas une période évidente... a un autre moment tu aurai aimé ma compagnie, j'espère?

Oh je suis contente qu'elle te plaise ! Tu es un pro de la musique en plus haha. Tu écoutes quel genre toi? >>

Elle envoya le mail sans le relire, trop impatiente qu'il réponde et surtout, en ayant peur qu'il se soit déconnecté pour aller dormir.

« Il aurait pu être meilleur. Mais ce n’est pas grave. Pour une fois que je ne travaille pas le samedi, je ne vais pas me plaindre. Et toi, ça était ton we ? Tu as fait quoi de beau ?

Tu es bien loin d’être un petit bébé. Petite, je suis d’accord car c’est vrai que tu n’es pas très grande. Mais bébé non. Jeune oui. Une jeune femme ravissante, mais pas un bébé.

Pourquoi est-ce que tu te punis de la sorte ? Qu’est-ce que tu as fait pour en arriver là ?

Je dessinais beaucoup quand je vivais aux Etats Unis. Après le décès de ma mère, j’ai arrêté. Pour seulement reprendre récemment. Je tente de reproduire principalement des portraits. Mais rien de bien extravagant. Si tu veux, un de ces quatre, je te les montrerais. Si tu n’as pas peur de voir la galerie des horreurs. Lol.

Pourquoi est-ce que tu crois que je n’apprécie pas ta compagnie ? Je me dis que c’est plutôt le contraire… »

La voix de son père avait résonné d'en bas. Murphy avait froncé les sourcils et ouvert sa porte pour être attentive à ce qu'il se passait. Son père semblait aller bien depuis leur retour de la montagne et depuis l'emménagement de Keny, ça voulait aussi dire, depuis que Murphy avait prit ses distances. Peut-être qu'elle l'étouffait et que depuis leur retour, il se sentait enfin libéré d'elle ? Elle referma la porte et se concentra sur la musique qui passait en boucle, encore et encore. La jeune femme alla fermer ses rideaux et puis retourna sur son lit. Fixant le plafond comme elle le faisait depuis des heures, elle essayait de faire le tri dans sa vie. Cela faisait environ trois semaines qu'ils étaient rentrés. Elle avait commencé ses séances de psychanalyse, à aller à des réunions de soutien anonymes ainsi qu'à arrêté de manger. Elle avait pratiqué des exercices que sa psy lui avait conseillé, elle avait son petit job à la boutique et elle avait réussi ses examens. Elle n'était presque pas sortie de tout l'été, hormis pour ces quelques jours à la montagne avec son père. En trois semaines, il s'était passé beaucoup de choses et son corps s'était affaibli. Il y avait aussi eu la boxe avec Keny, qui lui avait fait beaucoup de bien. Sa rencontre avec Spencer elle aussi était bénéfique. D'ailleurs, il venait tout juste de lui répondre, enfin. Elle se redressa et se leva finalement de son lit pour aller consulter son nouvel e-mail. Il disait ne pas avoir passé un super week-end tout particulièrement, elle se demanda donc pourquoi. Elle sourit lorsqu'il lui expliqua qu'elle n'était pas un bébé mais une jeune femme de petite taille et continua sa lecture. Il lui demanda brutalement la raison de son auto-punition et les causes qui avaient entraîné cela. Murphy continua alors sa lecture. Spencer parlait des Etats-Unis et puis de sa mère. A ces quelques mots, quelque chose se brisa chez Murphy, autant que quelque chose se construisit. Il avait lui aussi perdu sa mère. C'était peut-être étrange, mais tout de suite, elle se sentit plus proche de lui que jamais. Simplement parce qu'il était apte à comprendre ce qui se passait dans sa vie et ce qui l'avait poussé sur cette pente descendante. Seulement lui, il n'avait pas coulé comme elle. Elle termina sa lecture et se mit à la réponse presque tout de suite après.

<< Je n'ai rien fait de mon week-end, je ne suis pas quelqu'un qui fasse de grandes choses dans tous les cas.

Qu'est-ce qui a fait que j'en suis arrivée là ? Si je suis réellement honnête avec toi et après la lecture de ton mail, je vais te dire que j'ai réalisé il y a environ trois semaines que je n'avais pas fait le deuil de ma mère et de mes frères qui sont morts il y a trois et deux ans. Je te le dis parce que tu viens de m'avouer avoir vécu ça toi aussi. Ma situation est compliquée, je vais essayer de te résumer ça. J'ai vécu avec ma maman et mes deux frères toute ma vie. Il y a trois ans, ma maman est décédée d'un cancer fulgurant, en seulement quelques jours. Mon père est revenu réellement dans ma vie à ce moment-là, après m'avoir abandonné avant la naissance. Il a voulu ma garde et mes frères ne voulaient pas la lui céder (et moi non plus pour être honnête). Et puis mes frères ont eu un accident de voiture ensemble et je n'ai pas eu le choix que de tout quitter pour venir vivre chez mon père. Il est trader et irlandais... ça te donne une idée du personnage. Bref, on s'est jamais entendu... Y'a trois semaines on est partit à la montagne, à la base c'était pour nous rapprocher et puis c'est partit en couille. J'ai tendance à m'en prendre à lui pour tout et n'importe quoi, à ne pas respecter ses règles, à toujours demander sans jamais rien lui céder. Une petite gosse capricieuse. Quand on était à la montagne, mon père est partit dormir dehors et... je crois que j'ai eu un déclic à ce moment-là. J'ai toujours eu la haine contre lui, de m'avoir abandonné avec ma mère ou de vouloir jouer au papa modèle avec moi ; mais j'ai aussi très peur qu'il meurt lui aussi. On en avait déjà parlé mais quand je ne l'ai pas vu dans le chalet... j'ai eu cette sensation d'abandon, encore. J'crois que ça a réveillé en moi des trucs du passé... bref, j'ai pété un plomb. J'ai eu l'impression de tout voir en couleur, de tout voir en vrai. J'me voyais avec lui, je voyais comment j'étais, comment je lui parlais, comment j'agissais avec lui et j'ai compris ce que je faisais réellement. Je lui fait tout payer, depuis trois ans, tous les jours. J'ai... j'ai pas du tout accepté la mort de ma mère et celles de mes frères, et j'lui fait tout payer. Alors j'me punie moi-même pour tout ça. Parce que je suis incapable de tourner la page, de pardonner, je suis incapable de croire en la vie et avoir de l'espoir. Pour moi, je le rends malheureux, je le fais souffrir et... et c'est le seul truc que j'ai trouvé. J'ai arrêté de manger à la mort de ma mère et j'en étais sortie, mais là ça recommence et mon père ne s'en est pas encore rendu compte, personne ne voit rien. Je... je cesse de parler, de sortir (ma punition m'arrange bien et c'est aussi pour ça que je me punis en plus), de m'imposer. Tout ce que je fais, j'ai la sensation que je le fais mal. Je ne sais pas qui je suis. J'peux pas en parler avec lui car quand on s'est disputé, il m'a dit qu'il ne voulait plus que je me confie à lui. Je veux m'en sortir seule, personne ne sait que je vois un psy, que j'essaie de régler mes problèmes... parce que je ne veux pas agir comme une enfant qui a sans arrêt besoin de protection. Mon père me manque, mais je l'aime trop pour le laisser supporter qui je suis. Je ne me supporte pas moi-même. Je sais très bien qu'on peut se sortir de tout ça, qu'il faut faire les bons choix, qu'il faut s'ouvrir aux autres, mais je refuse. Parce que tous mes proches finissent par mourir, par m'abandonner et moi j'peux pas imaginer que mon père s'en aille encore, ça me fait terriblement peur. La psy m'a dit que je souffrais de plusieurs troubles, mais que c'était surtout la haine de moi qui semblait prédominante. Et je suis désolé pour ce pavé, surtout qu'il est tard et... et je sais que tout le monde a des problèmes, t'es le seul à savoir.

Je veux voir ce que tu fais.

Et comment je pourrai imaginer que quelqu'un aime ma compagnie alors que je ne la supporte pas moi-même ? >>

Elle termina, soupira et envoya ce nouveau message.

« Avant, quand j’étais jeune, je vivais à New York. En fait je suis né là-bas. J’étais un enfant vivant dans un quartier défavorisé. Maman faisait tout ce qu’elle pouvait pour qu’elle et moi avions de quoi manger. Mais il arrivait que certains jours, nous n’avions rien. Elle a cherché du travail partout où elle pouvait. Du poste de femme de ménage à celui de serveuse. Mais personne ne voulait d’elle. Alors elle s’est mise à faire le trottoir. Pour le loyer de notre studio insalubre, elle le payait en nature. Et cela jusqu’à ce qu’elle réussisse à se faire une clientèle régulière. On commençait à s’en sortir financièrement. Mais notre proprio en voulait toujours plus. Sa gâterie quotidienne n’étant plus suffisante, il obligeait ma mère a payé quand même le loyer et les charges. En échange, il promettait de faire des travaux. On avait des champignons sur les murs. Ils étaient si noirs et humides qu’on n’a jamais su exactement comment était la tapisserie à la base. Les fenêtres étaient en simple vitrage. Toutes étaient fissurées quand il ne manquait pas des morceaux de verre. Pour empêcher la pluie d’entrer et se protéger au maximum du froid l’hiver, on mettait des morceaux de cartons ou du papier journal sur les carreaux. C’était très sombre. L’éclairage n’était pas aux normes. En fait rien n’était dans les normes. C’était tout simplement une très vieille bâtisse dont certains logements étaient déjà condamnés. Elle attendait que plus personne n’y vive pour être abattue. Les animaux qui nous tenaient compagnie n’étaient ni chien, ni chat. C’étaient les termites et les rats. Sans parler des araignées et autres specimens que l’on pouvait croiser. C’était sale. Ça puait la moisissure à plein nez. J’en faisais de l’asthme et maman des bronchites à répétition. A l’école, je n’étais pas un élève que l’on aimait fréquenter. J’étais toujours dans mon coin. Quand les autres ont appris qui était ma mère, je suis devenu la tête de turc. On me brutalisait quand on ne se moquait pas de mes origines inconnues. Je n’ai jamais su qui était mon père. Celui qui a mis en cloque ma mère était peut-être un de ses clients. Je n’en sais rien.

Un jour, alors que je venais chercher ma mère au travail pour rentrer à la maison avec elle après le lycée, je l’ai trouvé en pleine dispute avec son mac. Elle m’a fait signe de partir. Je n’ai eu que le temps de me cacher derrière un conteneur de poubelle afin qu’il ne me voie pas. J’ai entendu un cri et quelqu’un tomber à terre. Je me suis levé aussitôt pour regarder ce qu’il se passait. Je n’ai pas vu qu’il la menaçait avec un poignard. Maman était allongée sur le trottoir. L’autre avait disparu. J’ai couru vers elle dans la prendre dans mes bras. Il lui avait planté ce fichu couteau dans le cœur. Elle a eu son dernier soupir dans mes bras. Je m’en suis toujours voulu de m’avoir pas su la réanimer. Elle était ma seule famille. Les flics n’ont pas tardé à arriver sur les lieux. J’avais du sang de maman sur moi, sur mes vêtements. Ils m’ont gardé plusieurs jours en prison. Je peux t’assurer dans la garde à vue n’est pas de tout repos dans mon pays natal. Ils ne m’ont jamais cru quand j’ai dit qui était l’assassin. C’était un protégé de la police newyorkaise. Ils ont fini par me relâcher en classant l’affaire. L’affaire d’une pute tuée dans une impasse n’était pas assez glorieux pour eux. C’était sans intérêt. Maman m’avait beaucoup parlé d’Island Bay. Alors, écœuré des Etats Unis, je suis venu m’installer ici avec les cendres de ma maman. Elle m’avait toujours fait promettre de la faire enterrer sur cette terre. En visitant le cimetière, j’ai découvert qu’elle était originaire d’ici. Il y a une sépulture familiale. Enfin c’est ce que j’en ai conclus. Il faut que je demande à une amie d’enquêter. Car je me trompe peut-être. Mais je ne crois pas. Et si c’est le cas, je crois que j’ai un frère, mort à la naissance 4 ans avant ma venue au monde. Un frère ou un oncle en fait j’en sais rien. Si c’est un frère, maman l’aurait eu à quinze ans. Je ne sais pas si c’est possible. Enfin bref.

Après le décès de maman, j’ai vécu durant des mois dans la rue. Car en sortant de prison, le proprio avait jeté toutes nos affaires dehors. Il louait déjà à une autre famille. Je n’ai quasiment rien récupéré. Tout avait été volé ou souillé. Il ne me reste que ma guitare et un médaillon de ma mère. J’ai connu des moments très durs. Crois-moi, la dépression je sais ce que c’est.

En emménageant ici j’ai décidé de changer de vie. De faire de la musique mon métier. Depuis tout petit, j’ai toujours voulu être un artiste. Enfant je croyais que je dessinerais pour les autres enfants. Mais la perte de ma mère m’a bloqué. Je n’ai su que reprendre un crayon à papier il n’y a pas très longtemps. Peut-être parce que j’en ai marre d’être dj. Enfin… Ce n’est pas vraiment en avoir marre. Disons que… Animer des soirées de mariage, voir tout le temps des couples heureux alors que… Je n’en peux plus.

En te rencontrant, j’ai tout de suite su que tu étais une fille spéciale. Et en apprenant à te connaître, via les échanges de nos mails, cela confirme mes premières pensées. Je ne cherche pas à te séduire. Loin de moi. Je suis trop vieux pour toi. Je n’ai rien d’attirant. Je veux juste t’aider et être ton ami. Alors oui j’aime ta compagnie. Même si tu préfères que cela se fasse uniquement derrière un écran d’ordinateur pour le moment, alors je le respecte. Je te respecte. Tu m’as fait découvrir qui tu étais. Là je viens faire la même chose. Si maintenant tu refuses de garder le contact avec moi, je ne t’en voudrais pas. Je le comprendrais. Je ne te demanderais qu’une seule chose : apprends à t’aimer. Tu n’y es pour rien pour la perte de ta mère et de tes frères.


Désolé de ne pas t’avoir répondu hier soir. Je m’étais endormi.

A un jour peut-être.

Bisou.

Spencer. »

Murphy attendait. Assise sur le fauteuil blanc de son bureau, elle se faisait tourner par le rythme de ses pieds. Mais au bout d'un nombre incalculable de tours, il n'y avait toujours aucune réponse. La gamine prit son ordinateur jusqu'à son lit et commença alors à chercher un film à se regarder en attendant la réponse de Spencer. Le film commença, allongée dans son lit avec la couverture remontée, elle ne se rendit même pas compte qu'elle commençait à s'endormir. Lorsqu'elle se réveilla, Murphy était allongée sur le ventre, les bras sous son coussin. Elle mit du temps à émerger et se sentie déjà fatiguée. Très vite pourtant, elle vit son ordinateur ouvert, l'écran noir, près d'elle dans son lit. Elle se rappela des échanges avec Spencer de la veille et très vite, alluma son ordinateur portable pour voir si elle avait une réponse. Lorsqu'elle vit que oui, elle regarda l'heure, il y avait plus d'une heure qu'il lui avait envoyé le message. Murphy s'installa de façon assise et posa l'ordinateur sur ses genoux croisés, au dessus de sa couverture qui la recouvrait toujours. Elle commença sa lecture. Elle ne se serait pas attendue à une telle histoire, ni à autant de sincérité. Qui aurait pu croire que Spencer avait eu cette vie ? Il lui paraissait si... normal. Si bien dans sa peau, si sûr de lui parfois... mais très vite, elle comprit le pourquoi du comment il avait parfois été d'une telle, ou bien d'une autre façon. Elle se sentie profondément triste de voir qu'elle n'était pas la seule à avoir eu une vie de merde, pour ne pas dire autre chose. Spencer avait vu sa mère mourir et elle était morte dans ses bras... n'était-ce pas horrible ? Comment avait-il pu faire pour s'en sortir ? Il parlait de dépression, mais il semblait mieux dans sa peau à présent. Comment avait-il fait ? Pouvait-elle lui poser cette question ? Murphy se mordillait la lèvre, nerveusement. Elle ne savait pas quoi lui répondre, elle avait peur d'être maladroite, ou bien d'être trop curieuse. Finalement, elle rédigea tout de même sa réponse.

<< Je n'aurai jamais pu imaginer qu'une telle histoire était la tienne. Tu sembles équilibré et normal et sincèrement... j'ai beaucoup d'estime pour toi, parce que je sais à quel point ça peut être dur de se relever d'un tel drame... Tu dois être quelqu'un de très fort et tu es surtout très courageux. Tu n'as pas abandonné, malgré tout ce qu'il s'est passé... et sincèrement, tu as de quoi être réellement fier de toi. Tu as quitté ton pays pour tenter quelque chose de nouveau et je t'admire pour tout ça, sincèrement. >>

En écrivant ce début d'e-mail, Murphy commença à ressentir quelque chose en elle. Un désir, une envie, quelque chose qui la poussa à écrire la suite, presque impulsivement après avoir lu la fin du message de Spencer.

<< J'ai envie de te voir, genre... maintenant. Est-ce que c'est possible ? Je vais demander à mon père, mais si tu es dispo, j'aimerai te rejoindre, tu es où? >>

Murphy tourna la tête pour voir l'heure à son radio-réveil. Il était dix heures du matin. Mais elle avait cette envie de le voir, là, maintenant, tout de suite. Elle ne pouvait pas expliquer le comment du pourquoi, c'était en elle, c'était physique. La jeune Gallagher envoya son message et puis quitta son lit en trombe. Elle descendit les escaliers presque essouflée pour atterrir au rez-de-chaussée. Son père devait déjà être partit au travail, mais Keny était là. Elle demanda alors au brun « Coucou @Keny Braxton hum... est-ce que je peux envoyer un message à papa avec ton téléphone s'il te plait ? J'ai besoin de lui demander quelque chose de très urgent » sa voix était rapide et son visage sûrement légèrement inquiet de la réponse du brun et puis finalement aussi, celle de son père. Faîtes qu'il accepte, pitié.

« Là dans l’immédiat ça va être un peu compliqué. On a eu des ennuis au travail. Une tentative de cambriolage je pense. Il faut qu’on finisse de remettre en ordre. Et qu’on fasse l’inventaire du coup pour vérifier s’il manque des choses ou non. Mais on peut se voir à ma pause de ce midi si tu veux. Si tu es d’accord, rejoins-moi devant le Magic Event. C’est dans le centre-ville. Si tu ne sais pas où c’est, je te donnerai l’adresse exacte.

J’espère qu’il n’est rien arrivé de grave car je t’avoue que tu m’inquiètes un peu là.

Bisous, à tout à l’heure. »

Murphy patienta jusqu'à ce que son père lui réponde enfin. Elle avait peur, peur qu'il lui dise non et qu'elle doive envoyer un nouveau message à Spencer en lui disant que finalement, ça ne serait pas possible. Qu'est-ce qu'il lui avait prit de réagir aussi impulsivement ? Murphy se mordillait l'intérieur de la joue, impatiente. Lorsque le portable du meilleur ami de son père sonna, elle sentit que son cœur allait vraiment beaucoup trop vite. La jeune femme ouvrit le message et lu les quelques mots de son père. Un grand sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'elle pianotait déjà la réponse au trader. Elle posa ensuite le téléphone sur le plan de travail près de Keny et s'exclama « il a dit ouiiiii » avant de sourire et de sautiller sur place, toute contente d'avoir enfin un peu de liberté. La jeune adolescente s'approcha du grand blond pour lui faire un calin furtif et puis se précipita dans sa chambre pour voir si elle avait une réponse du brun. Se jetant sur son ordinateur, elle ne tarda pas à voir le nouvel e-mail de l'artiste. Sa réponse ne fut pas celle à laquelle elle se serait attendue. Elle aurait aimé qu'il lui dise oui d'accord, rejoins-moi tout de suite. Mais ce cambriolage n'était pas le premier dont la jeune fille avait entendu parler. En ce moment il semblait y en avoir pas mal à Island Bay et ça n'était pas franchement rassurant. La gamine répondit simplement à son artiste « je serai là à midi, ne t'inquiète pas » et puis ferma son ordinateur. Elle enclencha sa chaîne hifi pour lancer une musique, juste parce qu'elle était de bonne humeur, allez donc savoir pourquoi. Peut-être que Spencer ne réalisait pas du tout ce qu'il venait de se passer. Caïn avait dit oui. HEHO PUTAIN GALLAGHER AVAIT DIT OUI ! Ce n'était pas juste un père qui disait d'accord, c'était le putain de Caïn Gallagher qui avait accepté. Bref, Murphy s'était préparé à ce qu'il lui dise non, elle savait bien que lorsqu'il punissait, ce n'était pas pour rien. La gamine commença à regarder dans son armoire ce qu'elle allait bien pouvoir mettre. Putain, elle n'avait rien. Pestant tout en s'asseyant sur son fauteuil en fixant son armoire, elle commença à imaginer des tenues dans sa tête. Elle voulait se faire jolie. Ne demandez pas pourquoi encore une fois, elle en avait envie. Sauf que garçon manqué comme elle était... c'était compliqué. Quoi que... il y avait bien cette robe que Lily lui avait acheté... une robe noire, simple, un peu évasée sur la taille. Murphy la sortit et se dit que ça serait sûrement too much, non ? Non. Spencer était classe lorsqu'il bossait, elle l'avait vu d'elle-même. La jeune étudiante posa la robe sur son lit et alla à la salle de bain prendre une bonne douche. Epilation, shampoing, gommage, la totale. Elle enroula ses cheveux dans une serviette, s'enroula également dans l'une d'elle et alla s'habiller. Elle se regarda dans le miroir, elle avait maigrit et ça se voyait. Elle pinça ses lèvres, est-ce que tout cela était une bonne idée ? Elle n'en savait rien, elle se laissait porter par ses envies... mais est-ce que c'était une sage décision ? Murphy hésita, longtemps. Finalement, elle se mit un peu de mascara et puis un peu de blush pour lutter contre son teint trop pâle et opta pour une paire de chaussure à talons pas vraiment épais. Là c'était too much non ? Elle ne portait jamais de talons, elle allait se faire griller en deux-deux. La gamine s'enroula dans un imper' gris qu'elle ferma à la taille et puis souffla un grand coup. Elle prit son sac et quitta sa chambre. Keny était de dos, toujours dans la cuisine. Elle profita de cet instant pour dire « j'y vais à tout à l'heure bonne journée » et quitter les lieux presque en courant. Finalement, la jolie blonde marcha jusqu'à l'arrêt d'autobus avant de finalement grimper dedans. Le travail de Spencer était dans le centre ville, elle finirait bien par trouver, non ? Elle demanda au chauffeur de bus -incroyable- et puis descendit au bon arrêt. Elle marcha seulement quelques minutes avant de tomber devant. Là, elle sentit que son cœur était en train de s'emballer, clairement. Pourquoi ? Elle n'en savait rien, depuis ce matin c'était très étrange tout ce qu'il se passait, non ? Devait-elle entrer ou bien l'attendre devant ? Elle ne le savait pas, elle ne savait pas quoi faire, elle avait peur, elle avait l'impression qu'à chaque instant, elle allait tomber de ses talons et se vautrer par terre. Elle se mordillait la lèvre quand finalement, après quelques minutes, la porte du Magic s'ouvrit. Une femme quitta l'endroit, un homme et finalement, Spencer. Il ne la vit pas tout de suite, elle n'osa pas s'avancer. Et puis leurs regards se croisèrent, enfin. Elle lui sourit timidement avant de le laisser s'approcher d'elle.

Il avait l'air content de la voir, du moins c'était l'impression que Murphy eu en voyant son sourire se dessiner sur ses lèvres tandis qu'il la saluait. Il arriva vers elle et doucement, déposa un vrai bisou sur sa joue, la saluant. Il y avait quelque chose de différent ce midi. Elle ne savait pas d'où ça venait, si ça venait d'elle, de lui, ou de leur relation maintenant qu'ils s'étaient confiés, mais elle appréciait encore plus cet instant. Lorsqu'il avait déposé ses lèvres sur sa joue, elle avait fermé les yeux, juste une seconde et elle avait rougit, comme une adolescente. Elle aimait cette façon qu'il avait de la saluer, de lui faire comprendre qu'il était content de la voir. Parce qu'elle était plus que contente de le voir aussi. « ça va très bien et toi ? » demanda t-elle avec un regard presque malicieux. Le regard de Murphy se détourna vers la porte par laquelle il était sortit un peu plus tôt et elle demanda « rien de grave j'espère ? » à propos bien évidemment du cambriolage dont ils avaient été les victimes. « J'ai l'impression que tout le monde y a le droit depuis quelques temps... ça fout un peu les boules » lança t-elle à propos de tous ces vols et agressions en ce moment à Island Bay. Spencer ne tarda pas à la complimenter sur le fait qu'elle ne porte pas de pantalon, elle ne pu que rougir et détourner le regard, légèrement gênée. Son propre père ne l'avait pas beaucoup vu en robe. Spencer était un privilégier, s'en rendait-il compte ? « Merci » souffla t-elle simplement. Lorsque Spencer évoqua le fait qu'elle ne soit plus punie, Murphy ne pu s'empêcher de rire légèrement avant de lui répondre en faisant certains gestes de ses mains « non non, j'suis pas encore libre, j'ai juste... demandé une autorisation particulière » lança t-elle. Bon, normalement sa punition allait bientôt se finir, mais Murphy savait que si elle brusquait son père, il ne la lui retirerait pas. C'était à lui de juger ce qui était le mieux pour elle et puis s'il fallait qu'il rajoute une journée pour compenser ce quartier libre aujourd'hui, elle accepterait sa décision. « Mais ça ne devrait plus être très long » sourit-elle alors. L'ambiance était décontractée, légère et très agréable. Murphy aimait la présence de Spencer et puis ils étaient très loin de cette ambiance pesante de la dernière fois. L'eau avait coulée sous les ponts et surtout, il s'était confié à elle. Elle savait qu'ils avaient ça en commun, cette douleur, ce passé lourd, ces souffrances. Et lui, il s'en était sortit. Elle voulait faire de même, elle voulait s'enivrer de sa force personnelle pour pouvoir se tirer vers le haut à son tour. Lorsqu'il passa son bras contre le sien pour se mettre en marche, Murphy sentit son cœur dérailler légèrement mais surtout, elle s'appuyait vraiment contre lui. L'idée de mettre des talons s'était bien, mais c'était compliqué de marcher avec sur des pavés encore humides surtout lorsqu'on n'a pas l'habitude. De plus, elle était très faible car elle ne mangeait toujours pas. Lorsqu'il lui demanda si elle était plus grande, elle ne pu s'empêcher de rire, faisant valser ses cheveux blonds devant son visage, elle ne tarda pas à s'arrêter, forçant l'artiste à faire de même. Elle laissa tout de même sa main posée sur son avant-bras et vint presque se coller contre lui, face à lui. Effectivement, avec ses talons, elle arrivait presque à sa taille. Leurs deux visages très proches, l'un en face de l'autre, elle lui sourit et fini par dire en rougissant « c'est vrai, j'suis presque à ta taille » avant de se décaler. Les deux jeunes amis marchaient tranquillement dans le centre-ville, Murphy avait toujours aussi faim. Elle savait en plus que c'était la pause déjeuner de Spencer, il fallait qu'il prenne des forces pour son après-midi. La jeune femme bascula une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille et lança « je sais que tu dois trouver mon comportement bizarre et très différent de la dernière fois... » commença t-elle alors. « Je préfère pas qu'on essaie de se psychanalyser, je... j'ai ma psy pour ça » lança t-elle alors « mais... si je te dis que je veux essayer de manger quelque chose, là maintenant... tu me proposes quoi ? » demanda t-elle en rougissant et en cherchant son regard. Il avait ce regard, ce truc brillant en lui dans les yeux, et puis ce sourire... il était à la fois naïf et sincère. Il y avait quelque chose chez Spencer qui semblait l'attirer, comme le jour de leur rencontre dans le bus. Il n'y avait plus de « personne à problème », ni de « jeune » ou de « vieux ». Il ne s'agissait que de lui, et d'elle et d'une situation. Point. Ils ne cherchaient rien d'autre et de ce fait, quelque chose l'attirait. Elle avait ressenti le besoin d'être en sa compagnie, de le voir, d'être à ses côtés. Parce que c'était comme s'ils étaient unis par un passé douloureux. Et puis il y avait cet espoir qu'il dégageait et qui semblait enivrer la petite blondinette...

Il lui demanda si elle avait une idée de quand allait finir sa punition, Murphy soupira et lança « quand mon père l'aura décidé... et moins j'évoque le sujet, plus j'ai de chance que ça se termine bientôt » conclu-t-elle à ce propos. Il était désormais temps de se trouver quelque chose à manger, la jeune femme n'avait rien avalé de concret depuis plus de trois semaines, autant vous dire : une éternité. Elle avait décidé ce matin qu'elle mangerait, du moins qu'elle essayerait. Peut-être qu'elle se ferait vomir dès qu'elle rentrerait chez elle, peut-être qu'elle irait le faire dans les toilettes publiques parce que son esprit ne parviendrait pas à penser à autre chose que ça, peut-être que ça passerait... elle n'en savait rien. Elle ne savait pas comment est-ce que ça allait se passer et elle avait peur, mais elle était déterminée. Spencer lui demanda ce qu'elle avait envie de manger. Murphy n'en savait rien, elle avait tellement faim qu'elle était capable de tout manger. Son regard glissa sur les devantures de restaurants du centre-ville, il y avait des restaurants de crustacés, d'autres de viandes rouges, un mexicain, un libanais, un français, un italien... il y avait un peu de tout ici, c'était ça qui était chouette à Wellington. Murphy ne savait pas du tout quoi choisir et après autant de temps à ne pas penser à de la nourriture, elle se sentit vite submergée. Son bras se serra davantage contre celui de Spencer et elle se raidit légèrement. Son regard se bloqua et puis très vite, elle tourna son visage vers Spencer pour croiser son regard et lui dire « est-ce que tu peux choisir s'il te plait ? » Evacuer les sources de stress. C'était ce que son psy lui avait conseillé de faire pour éviter que son pétage de plomb ne recommence. Laisser aux autres la place de gérer également une partie du stress, ne plus tout prendre sur soi et penser tout régler soi-même. Elle comptait sur Spencer cette fois-ci. Spencer ne perdit pas de temps à lui demander si elle avait quelque chose de prévu cet après-midi. Murphy sourit doucement et puis lui lança suite à ses propositions « j'ai la permission de vingt et une heure trente » souffla t-elle. En réalité, c'était vingt-deux heures, mais la jeune femme avait dit qu'elle ne rentrerait pas tard et elle ne voulait pas mentir à son père. Spencer venait de choisir le restaurant, si bien qu'ils avancèrent vers ce dernier en marchant l'un contre l'autre ce qui plaisait beaucoup à Murphy. Et puis finalement, elle réfléchit légèrement à l'activité qu'ils pourraient faire « un cinéma c'est bien, non ? » proposa t-elle. Elle se voyait mal sur la piste de bowling dans cette tenue, surtout qu'elle devrait changer de chaussures, non. Trop galère. La cinéma... c'était son terrain de jeu. Elle serait plus en confiance, ça serait bien. « Mais va falloir se mettre d'accord pour le film, hors de question de regarder un truc gnan gnan » rigola t-elle alors qu'ils entrèrent dans le restaurant. On prit leurs vestes et Murphy se retrouva donc en robe et en talons, pas très loin de Spencer. Est-ce que c'était too-much ? Oui... probablement. Mais Murphy ne savait pas doser, elle n'avait jamais fait tout ça... elle ne savait pas vraiment ce que tout cela était. Est-ce que c'était un rendez vous amical ? Est-ce que c'était plus ? Elle n'en savait rien. Mais elle aimait le voir, elle aimait l'observer vivre, réagir, parler, penser, ne rien faire aussi. Elle aimait les traits de son visage, elle aimait son rire, ses blagues, sa maladresse. Mais elle avait peur, parce qu'il avait l'âge de son père, parce que la dernière fois tout s'était mal passée... Il fallait qu'ils prennent leur temps, réellement et c'était important pour elle. Pour ne pas faire d'erreur. Même si l'envie de lui sauter au cou pour l'embrasser la dévorait depuis qu'elle l'avait vu devant le Magic.