flower power → dorian

Contrairement à ce qu’elle aurait pu penser, il faut croire que Noomi avait aussi un petit talent pour l’acting, en dépit de sa façon ô combien théâtrale de jouer la comédie, puisque le plan fonctionnait. Dans ce cas précis, tout était une question de nuances : il fallait que ça ressemble à un malaise comme il en arrive souvent dans les festivals, quelle que soit leur raison, quelque chose de passager, qu’elle puisse retourner faire la fête ensuite et qu’on ne lui demande pas de rentrer chez elle. Ce qui ne devrait pas être trop compliqué non plus étant donné qu’elle n’avait pas réellement tourné de l’œil. De son côté, Dorian ne s’en sort pas trop mal non plus, lui qui est censé avoir l’air inquiet, l’expression qu’il affichait passait crème et c’est donc bien vite qu’on les laissa tranquille pour retourner à la surveillance du reste de la foule. Hé ben, si c’était ça qu’on appelait une infiltration réussie alors c’était pas si compliqué. Qui sait, elle pourrait peut-être même devenir espionne ou détective un de ces quatre, c’étaient de sérieuses pistes à creuser s’il lui fallait se reconvertir à l’avenir. Quoi qu’il en soit, une fois qu’il n’y eut plus personne dans les parages, la blonde adressa un grand sourire triomphal à Dorian avant de se redresser.

« C’était moins compliqué que ce que j’aurais cru ! »

Et maintenant, le plus dur était fait. Parce que même si personne dans le staff ne les reconnaissait, ça n’avait pas d’importance, n’est-ce pas ? Personne ne connaissait tout le monde dans ce genre de festivals. Et puis dans le pire des cas, s’ils avaient vraiment l’air de ne rien avoir à faire là et que ça éveillait les soupçons – ce qui serait insultant puisque rappelons-le, c’est quand même une chanteuse, elle aussi -, alors Noomi n’aurait qu’à faire les yeux doux, dragouiller un brin, etc. des techniques qui s’étaient toujours avérées payantes. Et lui avaient évité un paquet de contraventions, soit dit en passant. Bref, la prochaine étape, c’était de trouver un micro, de s’équiper un peu si elle ne voulait pas avoir à hurler pour se faire entendre. La grecque se mit donc à la recherche dudit matériel, entraînant Dorian dans son sillage et faisant comme si de rien n’était chaque fois qu’elle croisait un membre du staff. Il faut croire qu’ils avaient l’air à leur place puisque personne ne leur demanda – poliment ou pas – de quitter les lieux. Puis elle arrêta Dorian d’une main sur le torse pour lui désigner les micros qu’elle cherchait, bien rangés sur une enceinte pour qu’on puisse se servir avant de monter sur scène, de l’index. Le hic c’est qu’il y avait un petit groupe posté juste devant à bavarder tranquillement. Elle aurait pu y aller au culot, passer devant eux et s’emparer d’un de ces trucs telle une diva à qui personne n’aurait osé faire la moindre réflexion mais c’était tout de même un peu risqué et ils étaient si près du but que ça serait dommage de tout faire capoter maintenant.

« Tu peux faire diversion, cette fois ? Leur faire croire que t’es des leurs le temps que je récupère ça ? Ils feront sûrement pas la différence. »

Sûrement.

Bon, un plan comportant autant de diversions ne peut que mal finir, non ? Non ! Noomi a décidé qu’il en irait en autrement. D’accord, il y avait souvent une énorme différence entre ce dont elle avait envie et ce qui se passait réellement mais parfois, rarement, les deux se synchronisaient : ce dont elle avait envie devenait la réalité. Aujourd’hui serait donc une de ces rares fois parce qu’elle en avait décidé ainsi. Et comme de juste, Dorian n’eut aucun mal à se faire passer pour un membre du staff. Il faut dire qu’elle avait un acolyte de choc dans cette entreprise. Si elle se découvrait un petit talent pour la comédie, on pouvait également dire que Dorian se débrouillait plutôt bien. Même mieux que ça. Les voilà donc parti dans ce qui ressemble de loin à un débat et la blonde en profita donc pour se rapprocher. Sans doute pas de la manière la plus discrète mais inutile, si elle faisait trop de manières, c’est seulement que leur présence ici semblerait suspecte. Sans réfléchir, elle prit le premier micro qui lui tomba sous la main et fit promptement demi-tour avant de capter le regard de Dorian et de lui adresser un hochement de tête pour lui faire comprendre que la mission était accomplie.

Bien, il ne leur restait plus qu’à attendre le moment propice. La grecque observait attentivement la scène, guettant ce fameux moment tandis qu’elle s’équipait. Ce fut finalement lorsque le piano fut placé au centre de la scène que la tension commença à monter un peu. Ce qu’elle n’avait pas encore songé à ce qu’elle pourrait bien interpréter. Oh c’est sûr qu’elle se faisait confiance, elle trouverait bien un truc dans l’urgence ; c’était souvent ainsi qu’elle fonctionnait le mieux mais, maintenant qu’ils étaient à deux doigts de réussir, le doute s’installait. Une fois que Dorian fut parvenu à se débarrasser des autres, elle se sentit un peu obligée de lui poser la question :

« T’es sûr que c’est vraiment une bonne idée ? »

Alors oui certes, il était possiblement un peu tard pour se poser cette question et ça ne lui ressemblait guère, elle qui donnait parfois l’impression d’avoir trop d’assurance, si tant est qu’une telle chose soit possible, mais, et bien qu’elle ne veuille pas vraiment se l’avouer à elle-même, peut-être bien qu’elle avait un peu la trouille d’avoir à essuyer un autre échec ; que sa reprise ne plaise pas et que la foule se mette à réclamer les groupes prévus au programme ou elle ne savait quoi d’autre. C’était possible après tout. Peut-être même que c’est ce qu’elle ferait à leur place. Elle n’en savait trop rien dans le fond, c’était bien le genre de choses qui ne lui était jamais arrivé auparavant.

Si Noomi était en pleine crise d’ « oh mon dieu est-ce vraiment une bonne idée de s’incruster sur la scène d’un festival aussi populaire uniquement pour prouver qu’elle aussi méritait bien une petite invitation l’année prochaine », Dorian, lui, pas du tout. Et pourquoi le serait-il ? C’était son idée et puis il avait l’air sûr et certain que c’était la chose à faire. Il planta donc son regarde dans le sien et lui assura que tout allait bien se passer comme on le ferait avec n’importe quelle personne en proie aux doutes. Quant à savoir si ça la rassurait vraiment, oui. Et non. La blonde se retint tout juste de le retenir par la main lorsqu’il s’avança vers un groupe, apparemment celui qui s’apprêtait à jouer, pour qu’il monte sur scène avec elle. Il fallait qu’elle se ressaisisse car elle n’était pas une jouvencelle en détresse, elle ne l’avait jamais été. Non, elle était une fonceuse et donc, elle allait foncer. Tête la première comme elle avait l’habitude de le faire. Noomi releva donc fièrement le menton, se répétant mentalement qu’elle ne ferait pas tache dans le décor, qu’elle le valait bien et ainsi de suite et monta enfin sur scène. En traînant un peu des pieds, certes, mais en s’interdisant formellement de faire machine arrière.

Elle s’assit au piano et, comme bien souvent, ses doutes s’envolèrent dès l’instant où elle posa les mains sur le clavier. Le choix de la chanson se fit d’ailleurs tout naturellement, la première chanson qui lui passa par la tête : Gimme Shelter des Stones. Je vous l’accorde, ce n’est peut-être pas le choix le plus intéressant en solo au piano, ça rendrait sûrement mieux en groupe et ce n’était pas non plus la plus fun des chansons mais vocalement, en revanche… et puis au moins, elle était sûre que tout le monde la connaissait. Sinon ça serait un véritable sacrilège. Noomi fit abstraction de tout ; elle se doutait bien que des gens, notamment les organisateurs devaient commencer à se poser des questions, si tant qu’ils sachent ce que les artistes qu’ils engageaient proposaient mais elle n’y pensa pas. Tout ce qui comptait, c’était le public, réduit à l’état de masse compacte. Pour une fois, il n’était pas question de chanter pour se faire plaisir mais bien pour prouver quelque chose, ce qui changeait la donne. Elle ne pouvait plus tellement se permettre d’ignorer la majorité des gens qui faisaient mine de l’écouter car ces gens-là l’écoutaient vraiment : ils étaient là pour ça. Elle tâcha donc de les impressionner mais pas trop non plus, le juste milieu. Et ça payait. Au lieu de lui balancer des tomates – ou plus vraisemblablement leurs bières étant donné que les gens ne se baladaient quand même pas avec des tomates à balancer à la moindre occasion -, ils en redemandaient ! Mais bien sûr, la grecque était consciente qu’elle avait déjà piqué la place de quelqu’un, aussi céda-t-elle la sienne, ravie de cette expérience. De retour en coulisses, elle se jeta dans les bras de Dorian histoire d’extérioriser sa joie.

« T’as trouvé ça comment ?? C’était pas trop mal, si ? »

Peut-être ne serait-il pas objectif cette fois non plus mais ce n’était pas grave, il était tout de même la personne la plus à même d’émettre un jugement quel qu’il soit étant donné que c’était loin d’être la première fois qu’il l’entendait.

Il est vrai que ça avait l’air de leur avoir plu. Evidemment, Noomi avait encore un peu de mal à y croire parce qu’elle ne recevait pratiquement jamais un tel accueil. Et si ce simple fait n’avait pourtant pas réussi à la convaincre qu’elle était dénuée de talent pour la musique, ça ne l’avait pourtant pas empêchée de se dire qu’elle ne s’adressait peut-être pas au bon public ou quelque chose dans ce goût-là. Voilà qui lui redonnait courage, un peu de confiance en elle, bien qu’elle ait pertinemment conscience que c’était un peu tard ; elle qui avait désespérément couru après la gloire à une époque, si elle venait même à lui tomber dessus du jour au lendemain, elle ne pourrait que poliment décliner son invitation. Et non, la blonde ne ferait pas comme un de ces stars qui rejettent la faute sur le dos de leurs enfants, c’était elle qui avait fait ce choix. Mais elle ne pouvait nier qu’il était agréable de pouvoir y goûter, ne serait-ce qu’un peu. Dorian confirma donc son ressenti avant de lui dire « qu’ils » avaient apprécié aussi. Noomi eut à peine le temps de se retourner pour regarder qui « ils » pouvaient bien être qu’une parfaite inconnue la prit dans ses bras. Comme tout le monde dans ce genre de situations, elle resta quelques secondes les bras ballants avant d’essayer de lui rendre son étreinte, un peu maladroitement, il est vrai. L’inconnue, qui faisait partie du groupe dont elle avait quelque peu retardé la performance, lui glissa à l’oreille d’attendre la fin du show. Puisque c’était si gentiment demandé, elle n’allait certainement pas refuser, d’autant que c’était ce qui était initialement prévu de toute façon.

« C’est top ! »

En ce qui concernait les pass VIP, tout du moins. Noomi regretta soudain un peu l’époque où elle aurait pu monter sa tente et passer le week-end là parce que c’était toujours une sacrée expérience mais bon, ce temps était révolu. Puis il lui demanda si elle avait entendu qu’on l’avait carrément annoncée avant qu’elle ne se mette à jouer et la vérité que non, ce détail lui était complètement passé au-dessus de la tête, elle était trop concentrée.

« Ah ouais ? Non, j’ai pas fait attention mais tout ça, c’est grâce à toi ! »

Peut-être que la grecque exagérait un rien mais sans Dorian, elle n’aurait jamais que l’idée de monter sur scène au même titre que les autres sans pour autant la mettre en pratique. Ou alors elle aurait fait demi-tour à la dernière seconde, ne se sentant finalement pas légitime d’agir ainsi. Noomi se déséquipa en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et l’entraîna en direction du coin VIP.

« J’crois qu’on a bien mérité une coupe de champagne pour fêter ça ! »

La vérité c’était qu’elle avait toujours trouvé ces fameuses zones VIP un peu tristes, à l’écart, sans personne pour monter sur les épaules de son voisin histoire de mieux voir mais une fois franchi le fameux cordon de velours, elle en apprécia la vue qu’ils avaient sur la scène et l’odeur, ce mélange de sueur, d’alcool pas cher et d’herbe qui continuait à flotter mais qui était tout de même beaucoup moins dominante qu’au cœur de la mêlée. Elle attrapa donc deux coupes de champagne qui passaient par-là, en tendit une à Dorian et trinqua avec lui.

Son premier réflexe, en entendant que la plus grande partie du mérite lui revenait, fut d’hausser les épaules en rougissant un brin. Toujours la même rengaine avec elle : Noomi ne doutait pratiquement jamais de ses capacités. Pratiquement. Et la musique était probablement un des très rares domaines où elle pouvait parfois avoir des doutes, voire carrément se sous-estimer. Ce qui en soi, n’était même pas un mal selon elle puisque ça la poussait à faire un peu mieux à chaque fois. Et non, ce n’était bien évidemment pas pour qu’on lui fasse des compliments, au contraire, ils avaient souvent tendance à la mettre un peu mal à l’aise, comme vous l’aurez remarqué. Ils n’avaient donc qu’à dire que c’était surtout grâce à leur association ; que l’un sans l’autre, ils n’en seraient jamais arrivés là, ce qui était de toute manière sûrement le cas, voilà tout. Raison de plus de couper court à tout ça pour aller boire une coupe de champagne. Oh bien sûr, n’allez surtout pas croire que ça faisait partie de ses habitudes. Elle avait beau provenir d’une famille connue, sa branche de l’arbre n’était pas le moins du monde habituée au luxe, voilà ce que c’est d’avoir un père garagiste plutôt qu’acteur comme l’oncle Telly. Cela dit, et bien qu’elle ait longtemps rêvé de gloire et de paillettes, la blonde avait tout de même un mal fou à s’imaginer vivre ce genre de vies. Sans doute préférait-elle vivre une vie simple où on se contente de se commander des pizzas au resto italien du coin au lieu d’un dîner gastronomique et où on ne parvenait même pas à distinguer le champagne du mousseux et un grand cru de la bouteille de vinasse la moins chère du supermarché.

Ce qui ne l’empêchait pourtant pas de trinquer. Tout en se faisant la réflexion que ça ou du Champomy, il n’y avait pas grande différence, dans le fond. Puis elle se mit à rire au toast de Dorian ; ils savaient très bien tous les deux qu’il ne serait sans doute jamais rien. Enfin, peut-être pas jamais mais pas avant que Sarah ait atteint la majorité au moins. Et bien sûr à ce moment-là, elle serait sûrement trop vieille pour ça. Quel monde cruel… voilà pourquoi elle préférait se dire que sa carrière était définitivement derrière elle, en fait.

« A la tienne, surtout ! »

C’est vrai, ça : si sa carrière était à présent derrière elle, ce n’était pas le cas de tout le monde et sûrement pas celui de Dorian. Et bien sûr elle lui souhaitait de réussir le mieux possible. Ce qu’il avait l’air de très bien faire, soit dit en passant. Si bien qu’elle s’interrogea un peu.

« Tu viens souvent dans les coins VIP ? »

Elle ne parlait pas que des festivals, évidemment, des autres concerts aussi, du théâtre, des avant-premières, de l’opéra, qui sait ? La grecque avait un peu de mal à l’imaginer à ce genre de soirées mais elle pourrait très bien être surprise. C’était presque sûr, même. Elle avait tendance à croire que ses fans étaient un peu comme elle, un peu rock sinon ils ne seraient pas fans, ça semblait logique mais elle savait également qu’on pouvait aimer plein de styles très différents les uns des autres puisque c’était également son cas.

« On va dire que ça a son charme. Mais à choisir, rien ne vaut la fosse, t’es pas d’accord ? »

Même quand ça se bousculait ou que ça vomissait partout ou encore quand ça partait en bad trip. Noomi avait l’impression d’avoir connu chacune de ces situations, de près ou de loin mais ça ne changeait rien à l’affaire.

C’est fou comme dans la tête de Noomi, VIP rimait avec « petit con prétentieux ». Elle ne saurait dire pourquoi exactement ; peut-être parce que selon, on ne pouvait qu’en devenir un – ou une, bien sûr -, à force de s’entendre appeler very important. Ce qui explique qu’elle ne pouvait décemment prendre Dorian au sérieux lorsqu’il lui disait être un VIP partout où il passait. Alors oui, bien sûr, il l’était au sens littéral du terme mais il était loin d’être un petit con prétentieux. Elle rit donc à sa vanne et écouta sa réponse avec attention. Sans grande surprise, elle apprit que ça lui arrivait, notamment à cause de – ou grâce à, c’est selon – son travail mais qu’en dehors de ça, c’était un choix qu’il faisait rarement de lui-même. La blonde sourit en apprenant que c’était la première fois qu’il y entrait de cette façon. Ça non plus, ça ne la surprenait : ç’avait beau ne pas être son idée, c’était le genre de situations qu’elle donnait clairement l’impression d’attirer comme un aimant. Ce dont elle ne se plaindrait pas ; non seulement elle trouvait ça très cool mais en plus, ça faisait de supers histoires à raconter pour épater la galerie. Puis Noomi ne put se retenir de faire la grimace lorsqu’il lui parla d’opéra et elle lui tapota le bras, une expression compatissante peinte sur le visage. Alors, ce n’était pas qu’elle y était complètement allergique mais elle ne pouvait apprécier qu’à très petites doses. Et malheureusement, ça durait toujours des heures, ces trucs.

« Quel enfer, j’espère que tu t’es pas trop ennuyé. En revanche, je doute pas que le smoking devait très bien t’aller. »

Et là c’était pareil, elle pouvait apprécier mais toujours à petites doses. Cela dit, ça n’a vraiment aucune espèce d’importance. Ce qui en avait en revanche, c’était qu’ils étaient d’accord quant au fait qu’en fosse, l’ambiance est totalement différente. La grecque acquiesça d’un mouvement de tête songeant que l’énorme différence, c’était qu’en fosse, au cœur de la mêlée, là où les gens se poussent, dansent et chantent ensemble, parfois se bagarrent et tout ce qui s’ensuit, elle avait l’impression de pleinement vivre l’évènement. Alors qu’ici, c’était chouette et détente, carrément fancy mais ça se rapprochait quand même plus du matage d’un live sur Youtube. La seule différence, c’est qu’ils pourraient ensuite discuter avec les autres artistes. Une perspective qui mettait en joie, surtout après qu’elle leur ait un peu piqué leur place. Le temps d’une chanson seulement et ils n’avaient clairement pas l’air de lui en vouloir pour autant, ça semblait même être tout le contraire.

« T’as raison, rien de mieux qu’un bon vieux pogo ! »

Ce qui était clairement exagéré car même si elle avait fait des concerts de punk rock et qu’il s’agissait là d’une danse qui ne demandait pas la moindre grâce, elle avait tout de même fait de meilleurs concerts. Puis, aucun risque que ça arrive dans un festival comme celui-ci où tout le monde a l’air un peu peace and love sur les bords. Ce qui n’a pas que des mauvais côtés. D'ailleurs, ça ne pouvait lui être que bénéfique.

Ah, certes, s’il avait passé ces trois ou quatre heures en bonne compagnie, alors elle pouvait comprendre que ça lui ait paru moins long et indigeste. En ce qui la concernait, elle faisait une croix sur cette option, tout simplement parce que depuis son divorce, elle en était arrivée qu’il n’existait pas vraiment de bonne compagnie de ce genre, qu’il valait mieux s’en tenir aussi éloignée que possible. Et puis elle pourrait toujours y emmener Sarah, c’était la meilleure compagnie dont elle puisse rêver mais c’était à peine si elle pouvait rester concentrée le temps d’un film alors un opéra… Mais soit, peut-être plus tard. Sinon, elle se contenterait de suivre les traces de son propre père et l’emmènerait à des concerts de rock, c’était tout aussi bon pour sa culture musicale. Là-dessus, Dorian répliqua qu’évidemment, le smoking lui allait bien, de la même façon qu’une panoplie complète de viking lui irait bien. C’est vrai que Noomi n’y avait pas songé jusqu’ici mais sa blondeur et ses yeux clairs feraient effectivement de lui un très bon viking. Elle esquissa donc un sourire avant de répondre :

« J’en doute pas une seule seconde. »

Pas de doute là-dessus, Dorian devait très certainement en faire tourner, des têtes, ne serait-ce qu’avec sa carrure. Et puis il avait l’air gentil. Dit comme ça, ça n’a clairement pas l’air d’être quelque chose mais il s’avère que c’est une qualité que beaucoup de gens recherchent chez les autres. Parfois sans se l’avouer, parfois sans le savoir tout court, même ; la blonde était bien placée après avoir couru les bad boys pendant un temps, elle avait fini par se lasser. Enfin bref, autant en revenir à l’ambiance de quelque chose de moins fancy, comme l’ambiance en fosse d’un concert de punk rock ; l’exact opposé d’un opéra, ça. D’ailleurs, il agrémenta son opinion d’un gentil petit coup d’épaule – qui ne la fit même pas broncher - prouvant qu’il connaissait bien aussi. En fait, c’était un brin complexe, il fallait que la foule soit assez dense pour qu’on ait réellement l’impression d’assister à un concert digne de ce nom sans pour autant se sentir noyé dans la masse. Oui, complexe c’est le mot. Noomi était donc en train de réfléchir très sérieusement à ça lorsque Dorian lui demanda si elle avait pensé à des questions à poser au groupe dont elle avait éhontément pris la place quelques instants plus tôt.

« Non. T’en as, toi ? »

Non parce qu’elle le voyait comme ses pairs et non pas comme des stars, ils avaient juste eu un peu plus de chance qu’elle d’être invités, voilà tout. Mais s’il en avait pour eux, alors pourquoi pas ?