flower power → dorian

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Noomi était ravie de voir que Dorian et elle étaient d’accord : un concert de rock, c’est bien mieux qu’un opéra. On en ne parlera même pas des opéras rock, par pitié, faisons comme si ça n’existait pas. D’autant que déjà dans le rock, il y a des tas de sous-genres, donc aucune crainte de finir par s’ennuyer ou se lasser. Bien sûr, ça ne voulait pas dire que tous les autres genres étaient nuls pour autant. Bien au contraire, la grecque faisait partie de ces gens qui n’ont pas réellement de style de musique préféré ; elle adorait le rock, oui, mais elle n’aimait pas moins le swing, l’electro, la pop, la soul, le funk, l’indie… bref, tout dépendait souvent de son humeur. Et elle apprenait à Sarah à faire de même, évidemment. Par chance, sa fille était comme elle : elle aimait la musique sans que ça soit quelque chose de forcé. Peut-être qu’un de ces jours, elle lui demanderait pour apprendre à jouer de tel ou tel instrument et Noomi en serait ravie. Et puis si elle ne voulait pas, alors ça ne serait pas grave. Ça valait toujours que de se le voir imposé comme ç’avait été son cas, à elle.

Bref, quoi qu’il en soit, il était temps de réfléchir à d’éventuelles questions qu’ils pourraient poser au groupe qui les rejoindrait d’ici quelques instants – Dorian avait l’air d’être bien plus au courant qu’elle, c’était un fait. Le hic, c’est que lui non plus n’avait pas de questions en tête mais qu’il estimait que ça serait tout de même mieux d’en trouver. Ah. Bon d’accord ; ils avaient eu la gentillesse de ne pas faire un esclandre en la voyant prendre leur place sur scène, alors elle pouvait bien flatter leur égo, l’espace de quelques secondes, pour faire bonne mesure. Si on lui avait dit à cet instant que ça ferait partie de son futur métier, la blonde n’y aurait pas cru une seule seconde. Enfin soit, c’est à ce moment-là qu’elle se rendit compte qu’à vouloir mettre leur plan à exécution, ils n’avaient pas beaucoup dansé alors autant profiter de la dernière chanson du groupe en question. En s’invitant entre les bras de Dorian puisque le groupe avait décidé de terminer sa prestation sur une ballade. Ce qui arrangeait pas mal Noomi, il faut bien l’admettre puisque tout le monde, même elle, sait danser le slow.

Une fois que cela fut fait, il n’y eut plus qu’à attendre leur arrivée. Qui prit tout de même un peu plus de temps que lorsqu’ils avaient eux-mêmes quittés les backstages, m’enfin bon, ils avaient du champagne et des petits fours pour patienter. Et puis enfin, ils arrivèrent. Leur premier réflexe, avant même de mettre la main eux aussi sur le champagne et les petits fours, fut d’avancer droit vers eux afin de les féliciter une nouvelle fois. La grecque les remercia une fois de plus et attendit que les effusions se calment un peu pour poser sa question, qui lui était venue en dansant :

« Ça fait longtemps que vous vous connaissez ? »

De son côté, elle n’avait jamais envisagé de rejoindre un groupe. Tout simplement parce qu’elle n’y avait jamais pensé mais elle aurait très sûrement pu et peut-être que percer dans le milieu aurait alors été plus facile. Ou pas. Tout dépendait du groupe, évidemment, de son entente et ainsi de suite.

A en croire le groupe, ils se connaissaient depuis toujours. Oui, il fallait au moins ça pour sortir quelque chose de valable, non ? Si Noomi était plutôt sociable et d’un naturel conciliant avec les gens en général – elle ne voulait pas croire que ses amis pouvaient ne pas oser la contrarier trop souvent étant donné qu’elle démarrait très souvent au quart de tour -, elle se doutait qu’elle se serait montrée plus difficile en ce qui concerne la musique. Parce qu’il s’agissait là d’un domaine qui lui tenait particulièrement à cœur alors elle devait plutôt être du genre intransigeant. Du moins lui semblait-il mais à voir la façon dont elle s’occupait de sa fille, il y avait fort à parier que ça serait le cas puisqu’un projet comme celui-là serait comme un autre bébé pour elle. Bref, la grecque écouta la réponse avec intérêt étant donné qu’elle ne le connaissait pour ainsi dire pas ou très peu, ce groupe avant que la batteuse ne s’amuse à la questionner à son tour. Il lui fallut retenir un petit ricanement qui aurait sonné bien amer et ce n’était certainement pas le moment.

« Oh, j’ai bien essayé. Pendant quelque chose comme dix ans. »

Un peu plus, un peu moins, disons que percer avait toujours été son but. Enfin, peut-être pas toujours puisque, comme beaucoup, elle avait commencé le piano très jeune, à un âge où on n’a encore aucun projet, aucun rêve autre que celui de posséder un poney – ou un alligator domestiqué, dans son cas - ou une connerie du genre mais dès qu’elle avait pu se projeter un peu plus loin, elle avait rêvé de gloire. Et avait donc poursuivi ce rêve de manière un peu obsessionnelle, en dépit des aléas de la vie ainsi que du fait que ça ne rapportait pas des masses mais ça leur convenait. Eux : Noomi et Frank car il aurait pu se montrer plus chiant à ce sujet mais ça n’avait pas été le cas. Ça, elle ne pouvait pas le lui reprocher, c’est un fait. Cependant, il s’était trouvé un aléa, un imprévu qu’elle n’avait pas pu ignorer ou mettre de côté comme le reste : Sarah.

« Et puis j’ai eu ma fille. »

Pour le coup, pas le moindre soupçon d’amertume dans sa voix ; Noomi ne regrettait pas son choix le moins du monde. Car il s’agissait bel et bien d’un choix et pas une obligation. Des stars qui ont délaissé leurs enfants au profit de leur carrière, il y en a des tas mais il n’en avait jamais été question en ce qui la concernait. Si elle avait décidé de devenir mère, ce n’était pas pour faire les choses à moitié. Chose que ses collègues musiciens avaient l’air de comprendre, voire même d’admirer. Et elle n’essayerait pas de faire dans la fausse modestie une fois de plus car c’était admirable, en effet. Bref, assez parlé d’elle, non seulement Dorian connaissait déjà pas mal l’histoire et ça devait le barber de l'entendre une fois de plus mais c’était à son tour de poser une question, de surcroit.

A la réaction de la batteuse, Noomi se doutait qu’elle comprenait sa décision mais pas tout à fait. Peut-être se disait-elle qu’il n’était pas impossible de faire les deux. Et peut-être que ce n’était techniquement pas impossible, non, mais une carrière médiatisée requiert forcément des sacrifices. Des sacrifices qu’elle n’avait pas envie d’imposer à sa fille qui n’avait strictement rien demandé, elle. Non, elle avait voulu le meilleur environnement possible pour elle, sachant que ça ne serait déjà pas simple étant donné qu’elle devait faire sans l’autre moitié du binôme parental. Voilà sans doute l’information qu’il manquait à la batteuse pour finir de comprendre son choix mais ce n’était pas son genre. Non, son genre c’était plutôt de prétendre que son ex-mari n’avait jamais existé. Ce qui s’avérait étonnamment très simple à faire maintenant qu’ils se retrouvaient séparés par des milliers de kilomètres. Elle n’en parlait jamais, pas même à Sarah qui jusqu’ici ne posait pas encore trop de questions. Un jour, peut-être bien qu’il le faudrait mais elle repousserait l’échéance autant que possible en tout cas. Bref, ce fut au tour de Dorian de poser sa question. Et comme de juste, elle divisa quelque peu le groupe, ce qui l’amusa pas mal car quand on aime vraiment la musique, on a toujours beaucoup de mal à répondre à ce genre questions. Pourtant, elle n’écrivait même pas ses propres chansons, elle ne faisait que reprendre celles des autres mais elle connaissait des gens qui le faisaient, évidemment. Et elle savait qu’ils seraient bien en peine de n’en choisir qu’une. Alors un groupe…

Quoi qu’il en soit, la réponse eut l’air de satisfaire Dorian alors qu’elle n’était même pas sûre de savoir à quoi elles pouvaient bien ressembler, ces chansons. Et sur ce, étant donné qu’ils avaient pris la peine de flatter leur égo, ils pouvaient rejoindre la plèbe. Bien que le groupe leur demandât s’ils ne voulaient pas rester le reste de la soirée avec eux dans le carré VIP. Mais Noomi se contenta d’attraper une coupe de champagne supplémentaire et de la siffler d’une traite avant de prendre congé. Et juste avant qu’ils ne se séparent, la batteuse lui fit savoir qu’elle pouvait réitérer son exploit s’ils faisaient encore partie de la programmation la prochaine fois, ce qui la toucha plus qu’elle ne l’aurait cru, à croire que ça leur avait vraiment plu.

« Wow, nous voilà de vraies stars ! Ils ne doivent pas se rendre compte qu’on pourrait les prendre au mot. »

Enfin, peut-être pas car si l’expérience était sympathique, la grecque préférait tout de même la vivre à la manière des gens simples, en ce qui la concernait.