I feel the need ... the need for speed

Dieu que ça ne lui a pas manqué les gens qui se croient au-dessus de tout le monde. Et c’est qu’elle en a fréquenté pas mal bien malgré elle. Bon, puisqu’il ne démord pas du fait que non, il ne peut pas tout se permettre dans son travail, elle va donc le laisser parler en haussant les épaules. Le mieux avec ce genre de personnes, c’est bien souvent de les laisser parler, Vesper a très bien retenu la leçon. En tout cas, c’est la réflexion qu’elle se fait jusqu’à ce qu’il lui confirme que sa mère ne lui a pas appris qu’il ne fallait pas inviter n’importe qui chez soi parce qu’elle est morte. Bien joué, Jamie. Et il lui annonce ça avec le sourire, ce qui prouve bien qu’il n’a pas mal pris la remarque et c’est déjà ça mais tout de même, elle se sent très bête sur le coup et ne peut s’empêcher de répondre :

« Je suis quand même désolée. »

De sa réflexion, surtout. Mais soit, elle n’a pas l’intention de s’appesantir là-dessus, elle s’est excusée, on peut passer à autre chose. Comme le fait qu’il invite apparemment pas mal d’autres inconnues chez lui et que ça ne l’avait jusqu’ici pas encore tué. Ah bon très bien, grand bien lui fasse, alors. Nouveau haussement d’épaules de sa part, agrémenté d’un petit sourire.

« Tu l’auras voulu. »

La course reprend donc pour déterminer le vainqueur. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est toujours aussi serré. Sauf au dernier moment où la texane prend clairement la tête. Cependant, elle a bien entendu le moteur de l’autre hors-bord et sans être une experte en mécanique, elle se doute quand même que c’est pas normal. Inutile de se justifier, Vesper est quelqu’un d’assez fair-play. Et pourtant, elle ne va pas nier qu’il y a quelque chose d’un brin jouissif dans le fait de voir que la défaite lui reste à ce point en travers de la gorge. Ce qui la fait bien évidemment sourire.

« Deux, rien que ça. J’vais finir par croire que tu ne veux plus qu'on se quitte. Mais okay, après tout en ce qui me concerne, j’ai tout mon temps. En revanche, si ton moteur cale à nouveau alors tant pis. »

C’est que son engin n’était pas à la hauteur et ils pourraient recommencer autant de fois qu’ils le voudraient, ça n’y changerait rien.

Oh ben tiens, ne serait-il pas en train de minimiser sa potentielle future victoire ? On dirait bien que c’est le cas ! Mais Vesper ne peut nier que oui, elle gagnerait mais elle serait bien forcée d’avoir le triomphe modeste étant donné qu’elle aurait gagné à cause d’un défaut technique. Toujours est-il que ce n’est qu’une possibilité et pas une certitude, ce qui lui fait donc lever une fois de plus les yeux au ciel avant d’esquisser un petit sourire et d’acquiescer d’un mouvement de tête : elle a compris. Ils se remettent donc en place et elle le laisse donner le top départ. Pour ne pas tarder à le voir à la traîne. Il faut croire que son moteur en a donc pris un coup. Pas de gloire, donc. C’est un peu triste. Mais la réaction de son concurrent la fait tout de même sourire. Ça se voit très clairement qu’il l’a mauvaise mais qu’il se maîtrise. Dommage, elle aurait sans doute bien aimé le voir faire un caprice tout ça parce que son jouet n’était pas aussi rapide que le sien, ç’aurait pu être drôle. Ça lui aurait aussi rappelé ses nièces. La blonde hausse les épaules.

« Ouais, on va faire comme ça. Dis-moi, t’aurais pas un peu de champagne sur ton bateau, qu’on fête ma petite victoire, des fois ? »

On sait jamais, ça collerait plutôt bien avec l’image qu’elle se faisait de ce phénomène. Et ils se feraient ça chacun sur leur hors-bord respectif car elle était pratiquement sûre qu’il ne la laisserait jamais monter sur le sien avec son ciré. Or, elle a quand même gagné ! D’ailleurs, il est peut-être temps d’en venir aux choses sérieuses.

« On dit quel jour pour ton gage ? »

C’est que monsieur a l’air extrêmement débordé avec un métier aussi sérieux que le sien. Tout de même, elle se demande dans quoi il peut bien travailler. Un taf qui brasse des tonnes de thunes, ça, elle a bien compris, sans quoi il pourrait tout à fait prendre le risque de venir bosser fringué en pêcheur et ne pourrait en revanche pas s’acheter un bateau comme celui-ci. Alors que de son côté… c’est beaucoup plus calme depuis qu’elle a fui Los Angeles, on ne va pas se le cacher. Ce qui fait qu’elle a fatalement plus de disponibilités que lui.

Mais comment ça ? Monsieur ne se balade pas partout avec une bouteille de champagne à portée de main ? Quelle déception, il faut bien l’admettre. Cependant, il ne manque pas de lui faire savoir qu’il pourrait. Oui bon, elle aussi techniquement elle pourrait. Enfin, peut-être pas tous les jours et probablement pas du Dom Perignon ou du Veuve Cliquot mais elle ne ferait pas comme si cascadeuse n’était pas un métier qui payait bien. Cela dit, lui n’a pas la moindre idée qu’elle peut bien être cascadeuse, évidemment. Peut-être même la croit-il vraiment pêcheuse, d’ailleurs. Ça serait drôle, elle qui provient de contrées pratiquement désertiques. Oui bon, certes, elle sait manœuvrer un bateau mais entre ça et l’art de pêcher, c’est qu’il y a tout un monde. Enfin, tout dépend ce qu’on veut pêcher, bien sûr… Bref.

« Quel dommage, mais tant pis, je ferai sans. »

Puis, la question de savoir quand est dispo qui se pose tout naturellement. C’est qu’elle a un peu hâte de le voir affublé de tout l’attirail, mine de rien. Si ça ne lui déplaisait pas tant, ça ne serait bien évidemment pas aussi drôle mais là, en l’occurrence, ça l’est. La semaine prochaine ? A vue de nez, ça devrait le faire ; heureusement pour elle, elle n’avait pas non plus des tournages prévus tous les jours, sans quoi, il aurait mieux valu retourner à Los Angeles si c’était pour bosser autant qu’avant. Elle opine donc du chef, grand sourire aux lèvres ; qu’il planifie donc la date qui lui chante, elle ne manquerait ça pour rien au monde, il peut en être sûr. C’est alors qu’il lui demande son numéro de téléphone. Ah oui, parce que monsieur a un emploi du temps de ministre, c’est vrai, il est donc dans l’incapacité de donner une date comme ça, il faut probablement qu’il checke d’abord son agenda. Ainsi que son nom, prétextant que « ciré jaune eurk » ça le fait moyen. Oh bof, pour ce que ça peut bien lui faire de toute façon… mais elle attend néanmoins qu’il sorte son téléphone portable pour le lui prendre des mains.

« Tu permets. »

Ce qui n’est en rien une question, vous l’aurez remarqué. De toute façon, no stress, elle n’a bien entendu pas la moindre intention de fouiller dedans, elle se contente juste d’entrer son numéro et son nom dans le répertoire avant de le lui rendre.

« Et voilà. »

Vesper émet un petit rire en entendant une remarque qu’on lui fait souvent : à savoir que son prénom est original. Oui si on veut. Du moins le nom de scène qu’elle s’est choisie en arrivant à Los Angeles peut l’être. En ce qui concerne son vrai prénom, en revanche… c’est une autre histoire. Mais plus personne ne l’appelle Jamie en dehors d’Abernathy ; c’est à peine si les gens sont au courant que Vesper Vane est un nom de scène, maintenant. Alors évidemment, il n’est pas question de le révéler au premier venu. Bref, il se présente à son tour : Jimmy. Ça lui va plutôt pas mal même si ce nom aurait plutôt tendance à lui évoquer un biker ou un cow-boy. Ce qui fait qu’elle se demande si c’est un diminutif de James comme c’est très souvent le cas mais elle n’ira pas jusqu’à poser la question. Au lieu de quoi, elle se contente de commenter :

« Ah, ça en revanche, j’ai déjà entendu. Enchantée. »

Non parce qu’il n’a pas l’air comme ça, mais à force de le vanner peut-être bien qu’il pourrait finir par se vexer. Les riches sont des gens susceptibles, non ? Son téléphone sonne alors au fond de sa poche et elle l’en sort pour enregistrer le contact avant qu’il ne lui demande si c’est bon pour elle. Ce à quoi la blonde répond par un hochement de tête. Plus qu’à se séparer, donc. Enfin, pas tout de suite : Jimmy a peur de tomber en rade en pleine mer, ce qu’elle peut comprendre alors il lui demande en quelque sorte de le raccompagner jusqu’à chez lui. Oh bah pourquoi pas ? C’est pas son genre de laisser les gens dans la mouise si elle peut aider. Et puis elle est un eu curieuse de voir si sa maison est à l’image du personnage. Ce dont elle ne doute même pas mais au moins elle en aura la confirmation.

« Ouais bien sûr. Passe devant, je te suis. »

Inutile de faire la course cette fois-ci. Pas sûr non plus que le hors-bord de Jimmy s’en sorte plus ou moins indemne, cette fois-ci. Mais le trajet se passe sans problème majeur et la maison, que dis-je, la villa se profile à l’horizon. Elle a beau en avoir vu des dizaines, ça l’impressionne toujours. Au moins un peu.

« Jolie baraque. »

Qu’elle lui lance une fois qu’ils sont arrivés, se faisant un peu l’effet du p’tit gars qui ramène sa cavalière à la maison après le bal de promo. Cette image la fait rire, d’ailleurs, avant qu’elle ne secoue la tête pour l’en chasser.

« Bon, on se revoit bientôt, t’façon. A plus ! »