(july 2020) lifestyle of the rich and famous /noomi

@noomi savalas

Le froid est sa première constatation alors qu’il passe les portes automatiques de l’aéroport. Sweet Jesus, pour un peu, il se croirait en Décembre – un fait qui n’aurait rien de dérangerait, si ce n’était pas déjà la mi-juillet et qu’il n’avait pas tout juste quitté la chaleur estivale de Chicago. Un grognement suivi d’un soupir, les prémices d’un regret venant titiller la décision prise quelques trois semaines plus tôt et Jonathan, il n’a plus qu’à se forcer à se rendre vers la file des taxis pour s’empêcher de prendre le prochain vol retour pour la windy city. Pas sûr qu’Em apprécierait de le voir après qu’il ait quitté leur appartement à la manière d’un voleur.
Non pas qu’il puisse le lui reprocher.
Son départ n’a pas été son moment le plus glorieux – la lâcheté dont il a fait preuve venant plutôt démentir tout ce qu’il s’est toujours efforcé d’être. Sans doute qu’il serait difficile de croire qu’il ait été flic, y a encore pas si longtemps, et qu’il avait pour habitude de ne pas avoir froid aux yeux.
Ça semble avoir été il y a une éternité.
Une autre vie, presque.
Il jette son sac sur la banquette arrière avant d’y prendre place, a besoin de faire répéter le chauffeur à trois reprises avant de comprendre la question qui lui est posée. Where to? Boy, il n’aurait pas envisagé que l’accent des locaux soit si prononcé, imaginant probablement celui de Noomi auquel il s’est habitué avec les années mais il est bien obligé de constater qu’il y a un ravin entre les deux. Et c’est loin de le ravir. Jon, il s’enfonce dans le siège, les lèvres pincées pour ne pas faire le moindre small talks (parce qu’il pigerait pas un mot de ce que le chauffeur pourrait bien vouloir lui baratiner et il se sent pas d’humeur à passer pour un idiot d’américain), les yeux grands ouverts et portés sur un paysage qu’il n’observe pas réellement.
Il a dormi dans l’avion, il n’a pas sommeil et le décalage horaire ne va sûrement pas l’aider à lui donner envie de se coucher quand bien même le soleil est en train de décliner dans le ciel.

Le véhicule ralentit et s’arrête totalement, le chauffeur lui adresse un regard, une main posée sur le repose-tête du siège passager et Jon, il jette un œil à travers la vitre. Noomes semble s’en être pas trop mal sorti. De l’extérieur, en tout cas, la façade de l’immeuble semblant entretenue, pas trop vieille. Les billets glissent d’une main à l’autre, la portière se referme peu de temps après et le taxi s’éloigne lentement, laissant Jon, sac à la main et yeux levés en direction des balcons et fenêtres qu’il peut apercevoir. Il sait même pas à quel étage elle vit, ni si l’une des fenêtres éclairées est l’une des siennes.
Inspiration.
Quelques pas.
Il trouve son nom sur l’interphone, sonne, patiente. « Oh, hello mate. » Un bras contre le mur tandis que la voix de Noomi retentit, grésillante, l’accent irlandais mal imité mais qui aura au moins le bon goût de rendre sa voix un peu plus aiguë. « Petite vérification d’ordre parentale, je suis là pour m’assurer que Sarah s’amuse autant qu’une enfant de son âge le devrait. » Et peut-être que mentionner sa fille n’est pas son idée la plus ingénieuse – la mère peut devenir une lionne quand il est question de sa progéniture. « Nous prescrivons au moins un rire toutes les deux à trois minutes. Faut faire travailler ces foutues zygomatiques ! » Il garde une main sur la porte, prêt à la pousser à l’instant où il l’entendra se déverrouiller.

Assise en tailleur sur son plan de travail, Noomi attendait que ses cookies ait terminé de cuire et pendant ce temps-là, elle essayait tant bien que mal de faire réviser à Sarah ses tables de multiplication. Il n’y avait pas à dire Sarah ressemblait pas mal à sa mère pour le coup : elle était plutôt nulle en math. Bien sûr, la tendance pourrait encore s’inverser mais Noomi était la preuve vivante qu’on pouvait très bien s’en tirer en restant nulle en math toute sa vie. Quant à cette histoire de cookies, non, la grecque n’était pas soudainement devenue une cuisinière hors-pair dont c’est la nouvelle passion, c’est juste que le lendemain, il y avait une espèce de réunion tupperware avec les autres mères de fillettes qui font de la danse et qu’elle n’avait pas envie d’être la seule – ou l’une des seules, les temps ont tout de même un peu changé – qui n’a pas prévu le coup. Cependant, quand on connaît un peu le talent dont elle fait preuve derrière les fourneaux, il y a de quoi avoir un peu peur. Au pire, elle trouverait bien un plan B, c’est qu’elle était pleine de ressources.

« Allez bébé, encore une fois. 7x8 ? »

Heureusement qu’elle avait la feuille de réponses sous les yeux car elle serait bien en peine de donner elle-même la bonne. A moins de prendre elle-même le temps de la calculer. Beaucoup de temps. Ou encore d’utiliser la calculatrice de son téléphone portable. Pendant ce temps, sa fille faisait mine de réfléchir à la question, sa tête reposant lourdement dans sa main, léchant la cuiller qui avait servi à faire la pâte à cookies de l’autre. Noomi voyait bien que ça l’ennuyait et, à vrai dire, elle aussi aurait préféré se poser dans le salon pour regarder Frozen 2 pour la énième fois. Malheureusement, certaines choses devaient être faites. C’est alors qu’elle rêvassait que la minuterie la rappela à l’ordre. Elle sortit donc les biscuits du four et ç’avait l’air d’être une réussite, pour une fois. Sarah et Hades vinrent tous deux admirer le travail. La sonnette de l’interphone émit alors son cri le plus strident, faisant aboyer le labrador, comme à son habitude et la blonde s’éloigna alors des cookies en lançant un avertissement à sa fille :

« N’essaye même pas d’y toucher, c’est brûlant. »

D’un simple regard, elle fit taire le chien et décrocha le parlophone, s’attendant clairement à ce qu’il s’agisse de Jimmy. Certes, elle lui avait donné la clef mais il pouvait très bien l’avoir oubliée, ce genre de choses n’arrivait heureusement pas qu’à elle. C’est donc peut-être avec un peu trop d’entrain qu’elle répondit avant d’entendre un étrange accent irlandais Noomi se demanda tout d’abord si elle connaissait des irlandais dans le coin ou s’ils s’amusaient juste à appuyer sur toutes les sonnettes. Mais à la phrase suivante, elle eut la certitude qu’il ne pouvait s’agir que de Jon. Lui seul aurait l’idée de s’annoncer de cette façon sachant qu’elle pouvait très bien balancer un seau d’eau glacée sur un quelconque vérificateur ayant l’outrecuidance de venir déranger le peu de temps qu’elle avait avec sa fille depuis son balcon. La grecque gloussa à sa dernière remarque.

« Viens voir par toi-même. »

Et elle ouvrit la porte d’entrée tout en lui donnant l’étage et le numéro de son appartement. Elle l’attendit, porte grande ouverte, retenant Hades par le collier afin qu’il n’aille pas faire les quatre-cents coups dans le couloir en prévenant Sarah qui déboula à son tour sur le pas de la porte. Noomi accueillit Jon avec un sourire radieux et un :

« Salut étranger, t’es venu te perdre chez les kiwis, finalement ? »

Tandis que Sarah lui sautait bien évidemment au cou et qu’Hades essayait d’en faire de même. La blonde fit rentrer toute la troupe, pria Jon de faire comme chez lui et :

« Tu veux un cookie ? Ils viennent juste de sortir du four. »

Y a pas à dire, ça faisait très Desperate Housewives comme ambiance… toujours est-il qu’accordant le geste à la parole, elle les distribue avant d’en prendre un pour elle et de manquer se casser une dent en voulant mordre dedans. Mince… bon, ça, ça n’avait pas changé.

« Laissez tomber, on pourrait assommer un canard avec ce truc. Peut-être même s’en servir comme d’une arme pour arrêter les méchants. »

Ce qui fit beaucoup rire Sarah, bien évidemment.

@noomi savalas

Il y a un bref silence avant que la réponse de Noomi ne lui parvienne et Jon, il doit ravaler sa petite déception de ne pas l’avoir totalement bernée – non pas qu’il y ait cru une seconde, en réalité, l’accent irlandais n’étant pas dans la liste de ceux qu’il maîtrise le mieux (for now), et la jeune femme le connaissant sans doute trop bien depuis le temps. Alors, quand elle le tutoie malgré sa mise en scène, il ne peut que lever les yeux au ciel et pousser la porte de l’immeuble, optant pour les escaliers plutôt que l’ascenseur afin de rejoindre l’étage annoncé. La porte est déjà ouverte et laisse apparaître une Noomi souriante, un Hadès visiblement content et une Sarah qui ne manque pas la première occasion pour venir se jeter dans ses bras. « Dis donc, mon accent irlandais est si mauvais que tu as directement su que c’était moi ? » Il réceptionne la gosse avec un éclat de rire, l’emportant malgré son âge pour lui jeter un coup d’œil. « Que veux-tu que je te dise, j’ai fini par me laisser convaincre, faut croire. » Petit haussement d’épaule tandis qu’il évite le chien qui essaie de bondir sur ses pattes arrières. « Je suis pas sûr de pouvoir me faire au fait qu’il fasse aussi froid à cette période, toutefois. C’est la première fois que j’en viens à regretter la canicule de Chicago. » Prétendant vouloir redéposer Sarah à même le sol, il l’attrape en réalité au niveau de la taille pour la chatouiller, déclenchant le rire de l’enfant (lui-même déclenchant un sourire satisfait sur les lèvres de Jon, bien heureux de ne pas avoir perdu la main pour faire rire la petite) qui se tord dans tous les sens pour tenter de lui échapper. Il la laisse finalement filer, attrape un cookie à la proposition, s’apprête à croquer devant. « Comme quoi, j’ai bien fait d’arriver, comment tu fais pour rater des cookies ? » Sourcils froncés, grimace démesurée et moqueuse, son regard observe le gâteau avant qu’il ne secoue la tête. « Remarque, on peut en faire des étoiles de ninja du coup. » Joignant le geste à la parole, il glisse le cookie entre son indexe et son majeur, fait mine de viser Sarah qui trouve refuge derrière un meuble. « Le département des enfants heureux estime que Sarah n’est pas à plaindre, » conclut-il avec hochement de tête, l’accent de retour pour l’occasion. « Il te reste de quoi faire des cookies ? Que je t’apprenne la vraie méthode ? » Il a déjà retroussé ses manches, prêt à se mettre au travail – parce que maintenant que l’idée de grignoter quelques gâteaux lui a été soufflé, c’est qu’il en veut, Jon.
« Les kiwi, c’est pas en Australie ? » relève-t-il tout à coup, mélangeant probablement tout ce qui se trouve dans l’hémisphère sud du monde parce que (de toute façon), ils ont cette fâcheuse tendance à tout inverser dans ce côté-là de la planète. Et lui, il a peut-être cette fâcheuse habitude à tous les inverser (il sait juste qu’il y a des araignées sauteuses, des wallaby ou des kangourous, des fruits exotiques et que les saisons y sont détraquées, comme il a déjà pu le constater).

hj:

La remarque de Jon provoqua un petit sourire en coin chez Noomi ; à peine arrivé qu’il commence déjà à râler. Mais Jon ne serait pas Jon s’il ne passait pas son temps à râler, voilà la conclusion à laquelle elle était arrivée au fil des années. Et bien entendu, la blonde ne pouvait que rarement s’empêcher d’en rajouter une couche. C’est qu’elle avait toujours bien aimé le taquiner et que ce n’était pas près de changer. Elle finit donc hausser les épaules, sans grande conviction toutefois.

« J’ai connu mieux, tu devrais encore le bosser un peu. »

Alors qu’au fond, ce qu’elle avait surtout reconnu, c’était sa voix, bien évidemment, malgré l’interphone. Puis elle ricana en l’entendant se questionner sur s’il pourrait se faire à leurs saisons inversées. La vérité c’est que Noomi ne pouvait que compatir étant donné qu’il y a dix-huit ans de ça, elle avait débarqué de sa Louisiane natale en se posant exactement la même question. C’est qu’en Louisiane, on se fichait un peu de la période de l’année, il y a faisait toujours chaud et humide, même en plein mois de février, tout le monde passait le carnaval en short et t-shirt alors ça faisait un peu un choc lorsqu’on débarquait en Nouvelle Zélande, en plein mois de juillet et qu’on était accueilli par un vent glacial et beaucoup de pluie.

« Oh t’en fais pas trop pour ça, c’est pas le plus simple mais si j’ai pu m’y faire alors tu le pourras aussi. »

Et pourtant, les Dieux savent qu’elle avait détesté son pays d’adoption durant de longs mois. Jusqu’à ce qu’elle fasse la rencontre de Frank évidemment, qui avait fini par lui rendre le pays des kiwis beaucoup plus doux. Et puis, une fois que ça n’avait plus été le cas, elle avait fini par s’y habituer. Elle les regarda avec attendrissement s’amuser avec Sarah avant de reporter son attention sur ses cookies ratés. Comment faisait-elle pour rater des cookies ? Mais ça, Noomi aimerait bien le savoir, justement.

« Franchement, tu m’poses une colle. Sûrement de la même façon que je fais mourir toutes mes plantes. »

La grecque était douée pour des tas de choses, la musique en premier lieu, bien entendu mais elle était également douée pour la mécanique, survivre en pleine nature, le bricolage parfois même la plomberie mais la cuisine et les plantes ? Absolument pas. Bon après, c’est sûr que les plantes, quand on oublie de les arroser, elles ont tendance à mourir, c’est un fait. Toujours est-il que Jon lui proposa alors de lui montrer comment faire. C’est sûr que ça serait plus efficace que de suivre une recette quelconque sur son téléphone. Elle opina donc du chef en réponse à sa question.

« Ça m’sauverait, mon plan B c’était d’aller en acheter quelque part et de prétendre ensuite les avoir faits. »

Sarah se mit alors à pouffer avant de balancer à Jon :

« Elle fait ça tout le temps. »

Ah ben bravo, vive la solidarité mère-fille ! Puis elle vint tourner autour d’eux.

« Je veux apprendre aussi ! »

Noomi se hâta donc de ressortir tous ses ingrédients tandis que Jon lui demandait si les kiwis, ce n’était pas en Australie qu’on les trouvait. Oui, comme si elle ne savait pas très exactement ce qu’elle disait. Elle lui répondit tout d’abord par une petite grimace.

« Si tu veux éviter de te faire massacrer, j’te conseille de ne pas dire à un néo-zélandais que son pays n’est pas celui des kiwis, ils sont presque aussi sacrés que les vaches le sont en Inde, ici. »

Peut-être bien qu’elle exagérait un brin. Mais un peu seulement.

Spoiler:

@noomi savalas

La bouche tordue, il mime une grimace, fait mine de prendre la mouche à la critique de son accent irlandais quand il n’a que trop conscience de ne pas le maîtriser. « J’ai pourtant binge watch tout Peaky Blinder pour le parfaire ! » Et si même la talentueuse Helen McCrory s’est révélée insuffisante pour lui insuffler ce petit quelque chose typiquement irlandais, il a bien peur que personne n’y parviendra, peu importe le nombre d’heures qu’il passera à s’y essayer. Le sourcil se soulève, la gosse maintenant dans ses bras pour les salutations d’usage (et il l’adore, cette môme, alors il ne va certainement pas s’en plaindre) même si elle se fait presque trop grande pour qu’il puisse l’enlacer de cette façon sans que son dos n’en souffre un peu plus tard. « Peut-être que tu es juste plus facilement accommodable que moi ? Tu sais, avec l’âge, tu deviens vite grognon au moindre changement. » Et celui-ci est huge. Changer de vie, repartir à zéro dans un autre pays – choisi un peu par dépit qui plus est parce qu’en dehors de Nooms, il n’y connait rien, Jon, à la Nouvelle-Zélande – où les saisons sont inversées, les températures trop extrêmes et le monde totalement à l’envers, c’est peut-être trop lui en demander. Il ne doute pourtant pas totalement de la conviction de son amie, conscient que s’il y met un peu du sien peut-être parviendra-t-il à se faire à l’idée de fêter Noël sans neige, en tenue d’été. Un regard en direction de la fenêtre la plus proche et le doute revient aussitôt. Ou pas. Il laisse le sac glissé de son épaule à peine a-t-il pénétré dans l’appartement, le laissant proche de l’entrée pour ne pas l’oublier lorsqu’il repartira à la recherche de son hôtel (et, maintenant qu’il y pense, peut-être que ça aurait été plus simple s’il avait été directement à l’hôtel pour y déposer ses affaires avant de venir chez Noomi ; Jon, il n’a jamais vraiment eu l’esprit pratique). Sans lâcher Sarah tout de suite, il suit la jeune femme dans son appartement, le regard survolant tout ce qu’il trouve sur son passage, sans pour autant commenter la décoration (pas tout de suite) jusqu’à ce qu’elle attire son attention sur les cookies. Main tendue pour en attraper un avant de se raviser, il roule des yeux exagérément pour amuser la petite, le sourire moqueur venant étirer ses lèvres sans qu’il ne puisse faire semblant de le dissimuler. « Rappelle-moi de t’offrir des fleurs en plastique à ton anniversaire. » Pas qu’il puisse vraiment la charrier sur ce sujet parce qu’il n’a jamais essayé de s’occuper de la moindre plante – parce qu’il n’a jamais compris comment donner trop d’eau pouvait être négatif et faire quand même mourir une plante, ni même comment reconnaître ses dernières. « Et te donner quelques cours de cuisine, aussi. Comment vous vous nourrissez toutes les deux quand je suis pas là, hein ? » Un sourire entendu avant qu’il ne se remonte les manches, n’attrape le premier torchon aperçu pour le balancer par-dessus son épaule et ainsi se donner de vrais airs de chef cuisinier. « Pourquoi ça ne m’étonne pas ? T’inquiète, S, uncle Jon est là pour te donner les notions basiques en cuisine. Je crois que votre alimentation dépend de toi. » Adulte et enfant partagent un rire avant qu’il ne se redresse, ne récupère un saladier, un bol et les ustensiles utiles. « Sarah, tu m’aides et Nooms, tu mélanges, alright ? » Il a pris un ton faussement directif, repères les premiers ingrédients. « Tout ça pour des kiwis ? Est-ce que c’est mignon au moins comme animal ? » Et question plus importante encore mais qu’il préfère taire : est-ce que ça peut devenir un animal de compagnie ? Il n’a, en réalité, aucune idée de ce à quoi ça peut bien ressembler, un kiwi, et n’est pas certain de bien vouloir le découvrir. « Tiens, on va casser les œufs. Nooms, prépare-toi à bien mélanger. » Un œuf tendu à Sarah, l’autre dans sa propre main, il montre l’exemple, bientôt suivi par la gosse (qui n’y parvient pas du premier coup mais il est prompt à l’encourager), vérifie qu’aucun mini-bout de coquille ne s’est glissé dans le mélange avant de laisser Noomi à son œuvre. « Et à part rater des cookies, qu’est-ce que vous faisiez avant que je n’arrive ? » Il a noté, la présence du cahier sur un coin de la table, matériel de l’enfant sage qui fait ses devoirs (assume-t-il, en tout cas, parce qu’il n’a jamais rien eu d’un enfant sage lui-même).

Encore cette série ? C’est fou, ça, tout le monde en parlait tout le temps. Ce qui aurait pu tout aussi bien vouloir dire que c’était très cool à regarder ou alors extrêmement surcoté. C’est ça le problème avec la majorité, c’est qu’on ne peut pas lui faire confiance. Peut-être qu’elle regarderait un jour ou alors peut-être qu’elle camperait sur ses positions à tout jamais. Si encore le casting lui semblait un peu plus attrayant… mais même pas. Enfin bref, toujours est-il que si ça n’avait pas aidé Jon a maîtriser l’accent irlandais, c’était très certainement parce qu’une bonne partie du casting le forçait également ? Mais elle avait confiance en lui, un jour il y arriverait. Sa remarque quant au fait qu’elle serait plus accommodable que lui parce que plus jeune la fit rire.

« J’imagine même pas c’que ça doit être une fois qu’on atteint ton âge vénérable, alors. Même si j’suis pas sûre que ça compte parce que dans ton cas, il y avait déjà une bonne base ! »

Puis les voilà en train de discuter de son absence totale de talent en ce qui concerne la cuisine et les plantes. Disons qu’elle est juste plus douée pour la plomberie et l’électricité, chacun son truc. Avec un petit sourire, elle acquiesça d’un mouvement de tête lorsqu’il lui demanda de lui rappeler de lui offrir des fleurs en plastique pour son prochain anniversaire. Ça serait vraiment très dommage qu’il lui offre quelque chose qu’elle laisse mourir en quelques jours parce qu’elle aurait oublié de leur donner à boire. Bien qu’un bouquet ne soit jamais voué qu’à vivre quelques jours, le temps qu’il se fane, étant donné qu’il est coupé.

Bref, à la question « comment faisaient-elles pour se nourrir lorsque Jon n’était pas là ? », la réponse était simple : le père de Noomi ne se débrouillait pas si mal, en ce qui le concernait. Et il avait bien tenté de lui apprendre les bases, comme il lui avait appris tant d’autres choses mais ça n’avait pas vraiment fonctionné. Résultat des courses : la blonde était très douée pour faire des omelettes et des pâtes – de plus, ce n’était pas bien compliqué d’impressionner Sarah puisque ses préférées étaient celles au ketchup – et c’était à peu près tout. S’il fallait absolument faire quelque chose de plus compliqué, alors elle s’invitait aussi sec à la table de son père.

« Oh ça, tu sais, mon père habite un peu plus loin. C’est bien pratique. »

Tout qui connaissait Noomi, connaissait également l’admiration qu’elle vouait à son père alors ça ne surprendrait personne. Quoi qu’il en soit, il fut donc rapidement décidé que Jon et Sarah mèneraient la danse pour cette fournée de cookies tandis qu’elle jouerait les commis. Elle s’empara donc d’un plat et de son fouet et hocha donc une fois de plus la tête pour signaler qu’elle était prête.

« Oui, c’est mignon ! J’ai une peluche dans ma chambre, je te la montrerai après, oncle Jon ! »

Bon, on a vu plus ressemblant que la peluche kiwi de sa fille mais ça pourrait lui donner une idée d’à quoi ressemblent ces bestioles. La grecque commença donc à battre les œufs une fois que Sarah eut réussi à casser le sien.

« Cette demoiselle était en train de réviser ses tables de multiplication. »

Sarah détourna aussitôt le regard, préférant se concentrer sur la recette en cours, plutôt. Noomi n’eut aucun mal à se reconnaître dans ce geste, elle aussi avait autrefois détesté les maths avec passion. Elle aurait d’ailleurs pu argumenter que ça ne lui avait pas servi à grand-chose tout au long de sa vie mais elle savait que ça reviendrait à ne pas donner le bon exemple, donc elle s’abstint de tout autre commentaire à ce sujet.

@noomi savalas

Offusqué, au moins semblant, par les propos de Noomi, il ouvre la bouche, fait mine de prendre la mouche. Il le sait, pourtant, qu’elle n’a pas tout à fait tort. Qu’il a toujours eu ce côté un peu bourru, un peu grognon, cette habitude de râler au moindre petit changement parce qu’il ne s’accommode pas facilement, Jonathan. Les habitudes, il les adopte rapidement, n’aime guère devoir en changer, n’apprécie pas davantage l’imprévisibilité. Et sans doute que s’il n’avait pas Sarah si proche de lui il aurait levé le majeur dans la direction de sa vieille amie, geste ô combien immature pour (tenter de) oublier qu’il est proche d’entamer la quatrième décennie de sa vie. « Hey, je ne te permets pas, je suis un vrai rayon de soleil. » Le sourire est exagéré, l’air un peu narquois de celui qui veut faire croire être agréable que lorsqu’il l’a décidé, qu’avec de rares personnes dont Nooms ne ferait pas partie – et pourtant, il sait bien qu’il la connait depuis trop longtemps pour que la ruse ne fonctionne, qu’au contraire, s’il y a bien quelqu’un qui l’a vu sous son meilleur jour, c’est encore elle. Parce qu’elle a eu la chance de le connaître avant. Avant le gang, avant que la noirceur ne vienne le gangréner, avant les sales habitudes, avant la paranoïa. Avant qu’il ne change complètement, traumatisé par ce syndrome post-traumatique diagnostiqué quasiment tout de suite après l’infiltration. Il chasse les pensées, repousse les souvenirs qui voudraient se glisser sournoisement dans son esprit pour se concentrer sur l’instant présent. Noomi et ses cookies ratés, Noomi et sa main de toutes les couleurs sauf verte. Le sourire retrouvé devant la solution de facilité, un brun moqueur peut-être. « Oh je vois, tu as ton propre chef cuisto à portée de main. » Sans doute qu’il ne peut pas vraiment critiquer lui qui a tout appris de sa mère, qui n’hésite pas à l’appeler, même maintenant, quand il a des doutes sur un temps de cuisson ou un assaisonnement. Il serait mal placé, donc, pour se moquer ouvertement, pour faire la moindre remarque supplémentaire. Et puis il sait, que Noomi adore son père, qu’elle est proche de lui, qu’elle est venue sans doute même pour se rapprocher de son père et ça, Jon, il ne peut que l’admirer. Lui qui a vu trop de foyers être brisés au cours de sa carrière, lui qui a passé quatre ans à côtoyé des âmes esseulées, abandonnées par des parents, rejetés par la société pour une partie d’entre eux. La famille, ça devrait être sacrée.
« Des peluches carrément ? Ah ouais, ils font pas semblant ici en fait. » Le regard qui passe de Sarah à Noomi, la surprise sincère parce qu’il n’aurait jamais imaginé faire des peluches ou des jouets à l’effigie d’un kiwi – à croire que les néo-zélandais sont encore plus étranges qu’il ne l’a d’abord pensé. Mais après tout, pourquoi pas. Ils ont bien des produits dérivés de tout ce qui existe, là-bas aux Etats-Unis, que ce soit en série ou même en équipe de sport (bien que le sport, ce soit sacré et donc naturel d’avoir des produits dérivés). « Avec plaisir, S. Comme ça je pourrai enfin dire à tout le monde que je sais à quoi ressemble un kiwi ! » Une main passe dans les cheveux de la gosse, vient les décoiffer avec un air amusé avant qu’il ne reprenne les directives pour la préparation des cookies. « Ouch, je compatis à ta douleur. J’ai eu beaucoup de mal à retenir les miennes. Si t’es sage, je te donnerai une ou deux de mes astuces. » Peut-être qu’il est un peu trop confiant, Jonathan, parce qu’il n’avait rien du bon élève – des notes dans la moyenne, des révisions ponctuelles pour les matières qu’il appréciait (et les maths, clairement, n’en faisaient pas partie) et il n’est pas aussi certain qu’il veuille bien le faire croire. Est-ce qu’il serait encore capable de réciter la table de sept par cœur ? Pas sûr. Il se doit pourtant de garder l’illusion devant Sarah, hors de question de perdre la face alors que la gamine l’adore – et qu’il l’adore tout autant. « Tiens, on va rajouter du sucre. Mais doucement, on voudrait pas trop en mettre. Et, d’ailleurs, on les fait tout chocolat ou juste avec des pépites de chocolat ? » La question adressée aux deux filles, le sourcil soulevé comme pour appuyer sa question. Peut-être qu’il aurait pu le demander avant de sortir tous les ingrédients mais Jon et le sens de l’organisation, ce n’est pas encore trop ça.

Bien qu’il ait pourtant un soupçon de vérité là-dedans, Noomi ne disait jamais ça que pour taquiner Jon. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça marchait du tonnerre. Si Sarah n’était pas là, sa mère se doutait qu’il ne se contenterait pas de ce petit air narquois pour lui répondre. Mais Sarah était là – pour une fois depuis qu’elle était obligée d’en partager la garde avec son ex-mari – alors elle comptait bien en profiter un peu. Pourtant, la grecque n’était pas du genre à faire tellement attention à ce genre de choses. A quoi bon ? Elle était capable de faire toute une phrase uniquement composée de jurons ; ça lui arrivait même assez souvent alors pourquoi prétendrait-elle qu’il ne faut surtout pas dire de gros mots ? D’autant que si sa fille ne les apprenait pas d’elle, elle les trouverait quand même ailleurs alors bon, il n’était pas question de policer qui que ce soit et surtout pas elle. Tant que Sarah ne crachait pas des chapelets d’insultes aux visages des parents de ses copains d’école, tout serait okay. Bref, tout ça pour dire qu’elle lui répondit par un sourire radieux ; qu’il continue donc de prétendre qu’il était toujours joyeux avec d’autres qu’elle, elle connaissait la vérité.

Suite au désastre culinaire de Noomi, qui était loin d’être le premier et qui ne serait sûrement pas le dernier non plus, voilà qu’elle partage son secret avec Jon : son chef cuisto perso, oui, peut tout à fait dire ça comme ça. Quelle chance qu’il n’habite qu’à quelques rues et que ça soit donc très facile de faire un détour par chez lui pour dîner avant de rentrer. La blonde avait fait ça durant les cinq premières années de la vie de Sarah : celles où il fallait qu’elle se débrouille seule en tant que mère célibataire puisque Frank avait préféré ne pas du tout entendre parler de sa fille et fuir le plus loin possible, à cette époque. Sauf qu’elle n’était pas vraiment plus préparée que lui à l’arrivée d’un bébé dans sa vie alors il avait fallu jongler. Ce qu’elle avait fait d’une main de maître, avec le recul. Elle opina de la tête, un petit sourire aux lèvres avant qu’ils n’en viennent à parler peluches. De peluches de kiwis, plus précisément. Car évidemment qu’on pouvait trouver ça ici. Et dans n’importe quelle boutique pour touristes, même. Sarah voulait donc éduquer un peu son oncle Jon, puisqu’elle en avait l’occasion mais d’abord les cookies.

« J’te l’dis, une véritable mascotte. »

D’où le fait qu’il valait mieux ne pas les confondre avec les mascottes australiennes sous peine de se voir vertement reprendre de volée. Non parce que les néo-zélandais tenaient tout de même beaucoup à leur image de gens sympas, posés, amicaux et tout ce qu’on veut alors pas d’effusions de sang en prévision. Enfin bref, problème autrement plus épineux que les kiwis et la nature plutôt cool des néo-zélandais : les tables de multiplication. C’était un fait, Noomi avait toujours été nulle en maths et Sarah semblait tenir de sa mère pour ça comme pour beaucoup d’autres choses. D’ailleurs, le sujet ne semblait guère lui plaire au vu de la tête qu’elle était en train de faire mais son petit visage s’éclaira en entendant que Jon avait des astuces à lui donner.

« Merci, oncle Jon ! Parce que maman elle est nulle en maths aussi… »

Hé ben, prends-toi ça en pleine figure, Nooms. Cela dit, ce n’était que la stricte vérité mais si on écoutait Sarah ce soir alors on pourrait aisément croire que sa mère n’était bonne à rien. Heureusement que la petite vantait de la même façon ses qualités sinon il y aurait de quoi se vexer. Soit, pendant ce temps-là, elle continuait de fouetter et lorsque Jon leur posa la question concernant les cookies, mère et fille se regardèrent avec le même petit sourire avant de répondre en chœur :

« Les deux ! »

@noomi savalas

Il secoue la tête, encore incrédule quant au fait qu’il existe des peluches à l’effigie de l’animal phare du pays. Sans doute qu’il ne devrait pas être tant surpris que ça – ils font bien pire aux Etats-Unis parfois – mais tout de même. Sa vision de la Nouvelle-Zélande nécessite d’être revue de fond en comble, lui qui le prenait presque pour un pays pauvre et arriéré, arrêté au dix-huit ou dix-neuvième siècle maximum. Mais, quand même. Il n’est pas certain que son propre pays, pourtant bien plus grand que cette île où le monde est upside down, ait un animal fétiche plus qu’un autre, ce favoritisme pour un animal qu’il n’est pas certain de trouver mignon le dépasse. « C’est ce que je constate, » laisse-t-il finalement tomber, les yeux un peu écarquiller. « Wait, rassure-moi, l’équipe de football ici n’est pas les Kiwi-quelque chose, hein ? » Y a quand même une limite au ridicule, il a déjà du mal avec certains noms d’équipe de Chicago, mais s’ils poussent le bouchon ici, il est à peu près certain de s’envoler pour faire demi-tour. Ou aller se terrer en Europe, où ils ont l’air un peu plus sains d’esprits.
Puis son esprit imagine véritablement une mascotte Kiwi pour motiver les troupes sportives différentes et il a beau ne pas savoir à quoi l’animal ressemble, il se doute que ce doit être ridicule. Alors il commence à rire. Seul. Poussé par cette imagination un peu trop débordante par moment, poussé par cette idée folle et l’image très floue du Kiwi – qu’il imagine en réalité être un fruit avec des pattes pour ce qu’il en sait jusqu’à présent. Remarquant finalement les regards que lui lancent les filles il s’efforce de reprendre un peu son calme. « Désolé, j’imaginais un kiwi soutenir une banderole pour l’équipe de basket du coin, » se justifie-t-il sans être certain que ça sens ni pour Nooms et encore moins pour Sarah. Tant pis, il peut bien passer pour un fou auprès d’elles, après tout, ce n’est pas comme si elles le connaissaient pas déjà.

Le visage de l’enfant se défait alors que la question des mathématiques est abordée et il est prompt à jouer les savants, Jon. Non pas qu’il ait été un véritable génie en la matière à l’école, mais il pense qu’il peut gérer le niveau d’étude de Sarah (pour l’instant) – ça se compliquera quand elle entrera au secondaire et qu’il y a des y et z de partout. Le sourire moqueur revient, accompagné d’un coup d’œil lancé en direction de Noomi qui n’essaie même pas de se défendre. « No worries, S, c’est à ça que je sers. Et puis maman est peut-être pas bonne en math mais elle sait sans doute faire plein d’autres trucs chouette, t’es pas d’accord ? » C’est qu’il voudrait pas que Noomi fasse une dépression en l’instant ou lui reproche de souligner tous ses défauts devant sa propre fille – Jonathan, il le sait bien, que Nooms n’a rien d’une femme au foyer et c’est sans doute sa force de caractère (ou sale caractère, selon les jours) qui leur a permis de construire cette amitié depuis si longtemps. Et comme pour confirmer ses dires, la gosse ne met pas longtemps à lister les qualités de sa mère. Il en profite pour se redresser, un petit sourire sur les lèvres avant de reprendre le plus important : les cookies. Mère et fille échangent un regard qui le rend suspicieux avant qu’elles ne répondent d’une même voix et il lève les yeux au ciel, faussement épuisé par leur gourmandise. « Je sais même pas pourquoi j’ai posé la question, hein. » Il attrape donc le cacao et les pépites de chocolat, aidé de Sarah pour les verser dans la pâte que continue de mélanger Nooms avant qu’il ne décrète que c’est bon. « Ok, maintenant on en prend chacun une partie qu’on roule comme ça et après on applatie sur la plaque de cuisson. » Il joint le geste à la parole, ralentissement le mouvement pour que l’enfant puisse bien voir son mouvement avant de profiter du papier cuisson pour aplatir un premier cookie, puis un deuxième, demandant aux filles de les espacer suffisamment pour qu’ils ne s’agglutinent pas tous les uns aux autres lors de la cuisson. Une fois la plaque pleine, il lève la main, prend un air solennel. « Et maintenant, on peut mettre cette première fournée au four. Alooors, voyons voir ces réglages… » Il ne lui faut pas quatre secondes pour comprendre d’où vient le problème des cookies de Nooms. « Non mais Nooms, t’as mis ton four beaucoup trop chaud, forcément ça devient du béton après. » Il tourne les boutons, enfourne la plaque et se retourne vers les filles. « Et maintenant, y a plus qu’à attendre qu’ils cuisent. Tu me montres cette peluche, S ? » L’enfant ne se le fait pas dire deux fois, Jon en profite pour se laver les mains à l’évier de la cuisine. « Au fait Noomi, tu connaitrais pas un bon hôtel dans le coin ? J’avoue que j’ai été too lazy pour faire une réservation au préalable… » Ca et peut-être aussi parce qu’il est parti un peu sur un coup de tête, sans prendre la peine de réfléchir réellement.

Sans crier gare, voilà que Jon se mit à parler sport. C’est que Noomi est loin d’être une connaisseuse : voilà bien un sujet qui l’a toujours profondément ennuyée et, bien que son père passe ses dimanches à en regarder à la télé, elle n’a jamais compris comment on pouvait littéralement passer des heures assis dans son salon à regarder ce genre de trucs. C’est qu’il n’y a même pas la moindre ambiance, pas comme dans un stade où tout le monde est à peu près là pour ça. Ce qu’elle sait en revanche, c’est qu’ici, point d’équipe de foot au sens où il l’entend et cette annonce risquait de piquer un peu. Elle prit donc des gants pour ce faire.

« J’suis pas sûre qu’on ait une équipe de foot, ici. Tu sais, notre truc c’est plutôt le rugby. Les All Blacks, ça t’dit un truc ? »

Ça devait forcément lui dire un truc parce que ce nom était tout de même mythique et il n’était pas possible de ne pas penser au fameux aka qui va avec à chaque fois qu’on le prononce. Cela dit, ils avaient également une équipe de soccer - que la grecque s’amuser à appeler « sucker » fut un temps histoire de bien démontrer que ça ne lui plaisait pas comme sport – dont le surnom était possiblement les kiwis, lui semblait-il. Et puis, influence coloniale obligeait, le cricket était pas mal resté à la mode par ici. C’est alors qu’il se mit à rire tout seul, ce qui bien sûr, fit se poser des questions aux filles. Auxquelles elles eurent bien vite une réponse ; imaginer deux kiwis en train de tenir une banderole était effectivement hilarant et ça ne manqua pas de les faire rire toutes les deux.

Après quoi, Jon dut remarquer le coup dur que Noomi venait de se prendre en pleine face – en même temps, elle n’avait rien fait pour le cacher – car il poussa habilement Sarah à vanter les qualités de sa mère. Parmi celles-ci, elle retint qu’elle était la meilleure chanteuse ainsi que la meilleure pianiste aussi, sans compter la plus jolie maman que la terre ait porté, apparemment. Oh, et puis elle avait une voiture qui faisait rêver les papas de tous ses copains à l’école. Voilà qui sut lui redonner le sourire bien que le dernier point ne soit pas véritablement une qualité mais plutôt une chance : celle d’avoir un père garagiste qui, de temps en temps, tombe sur des perles abandonnées et parvient à leur rendre leur charme d’antan. Bref, il était grand temps d’en terminer avec ces foutus cookies alors les filles firent savoir d’une seule et même voix qu’elles en voulaient au chocolat ET aux pépites de chocolat, bien évidemment. Et le commentaire que ça arracha à Jon était tout aussi priceless. La blonde continua donc de s’appliquer à mélanger jusqu’à ce qu’on lui fasse signe que c’était bon et il n’y eut plus qu’à disposer tout ça sur la plaque de cuisson. Pendant que Jon vérifiait les réglages de son four, lui faisant comprendre que le problème venait de là. Noomi hocha la tête, c’est qu’elle s’en était un peu doutée.

« Ouais, ça m’étonne pas, j’laisse toujours les mêmes pour tout. »

Et ça faisait très bien l’affaire pour les lasagnes ou les pizzas surgelées. Mais les cookies semblaient être un tantinet plus exigeants, eux. Elle attrapa un bloc de post-it qui traînait toujours tout près et nota les réglages que Jon venait de faire – ainsi, elle n’aurait même pas cette bonne excuse qui était celle d’avoir oublié – et alla le colla avec les autres sur son mur à post-it. Toujours est-il que c’est à ce moment-là qu’il lui demanda si elle connaissait un hôtel décent dans les environs.

« Bien sûr mais sinon t’embêtes pas avec ça, tu peux tout à fait squatter mon canapé. Faudra juste pas t’étonner de voir Jimmy passer de temps à autre. »

Elle faisait bien évidemment référence à James que Jon connaissait comme un de ses potes d’adolescence. Cela dit, peut-être que ça le surprendrait d’apprendre que lui aussi était ici, à Island Bay puisqu’aux dernières nouvelles, il vivait toujours à la Nouvelle-Orléans. D’ailleurs, elle avait un peu baissé le ton en disant ça car Sarah n’était encore qu’à moitié au courant pour eux deux. Elle prenait son temps pour ne pas brusquer sa fille.

@noomi savalas

Le visage se décompose et sûr que s’il était meilleur comédien, Jon aurait forcé une larme ou deux pour venir parfaire la dégringolade d’émotions. Mais il n’est pas un acteur né, pas pour ça en tout cas et pas quand sa vie n’est pas en danger, donc il garde les yeux secs. S’il aime le sport en général, il a toujours ses préférences – foot et basket en tête de classement suivi par le baseball parce que come on, il reste un américain après tout – mais tout ce qui est soccer ou cricket ou autre pseudo-sport inventé outre océan, il doit reconnaître n’y prêter aucun intérêt. Pas même à la télévision. Il secoue la tête avec un soupir, peut-être légèrement dans l’exagération (mais vraiment pas grand-chose, de son avis). « Et dire que tu m’as entraîné dans ce pays alors qu’il n’y a pas de sport digne de ce nom, » en rajoute-t-il une couche. « Au final, le rugby, c’est juste une copie ratée de notre football, tu sais. » Il prend un air savant, son air de je-sais-tout alors qu’il n’en sait rien du tout, lance un regard à Sarah pour s’assurer qu’il y a au moins une personne dans son audience qui le croit. « Mais oui, les All Black, ça me parle. C’est eux qui font un truc qui semble t’annoncer qu’ils vont te pendre la pied et t’égorger vif avant de lancer un match, right ? » La voix est moqueuse, parce qu’il ne peut pas s’en empêcher, Jon, que c’est plus fort que lui. Il n’a rien contre l’équipe de sport, pourtant, mais c’est le principe qui le pousse à agir de la sorte, à jouer les puritains, les patriotes quand il n’est pas complètement certain de se souvenir de la signification de ce mot-là. Après tout, il est parti, il n’est plus flic, il ne représente plus son pays. La (fausse) mauvaise humeur bientôt passée, il reprend, Jon, l’imagination flamboyante tandis qu’il essaie de s’imaginer des kiwis en tant que supporters ou bien mascottes d’une équipe locale. Ça a tout d’hilarant, d’un peu ridicule aussi et il ne tarde pas à laisser son rire fendre l’air, bientôt accompagné par les deux filles. C’est pour ça qu’il les adore : elles le suivent toujours quand il balance une vanne, qu’elle soit drôle ou non.

L’attention de nouveau attirée par les cookies en pleine préparation, il est accroupi devant le four de son amie – objet du ratage en herbe de la tournée précédente, il n’en fait aucune doute. L’opinion exprimée à voix haute, Nooms ne tarde pas à venir confirmer ses soupçons et il ne peut que rouler des yeux, Jonathan. « J’sais pas qui t’as appris à cuisiner mais j’ose même pas voir les dégâts. » Tout laisser à même température, mais quelle connerie – si c’était aussi simple, je pense qu’aucun constructeur de four ne se serait amusé à mettre différentes cuissons sur leurs machines. Ça ferait gagner un temps fou mais tout comme l’eau et le lait n’entrent pas à ébullition à la même température, tous les ingrédients n’ont pas la même sensibilité de cuisson. « Si tu veux ne garder qu’un seul réglage pour tout, ce qui est compréhensible au passage mais pas vraiment adapté, mets pas au max. Comme ça, tout ce qui a besoin de moins de chaleur pourra quand même cuire et le reste, tu les fais juste cuir plus longtemps. » Mais elle a déjà attrapé un post-it pour noter les réglages et il affiche un air satisfait, Jon. C’est mieux qu’elle fasse ainsi plutôt qu’elle tente – il a déjà essayé de faire cuir des pommes de terre sur le temps de cuisson de pizza surgelées et le résultat n’était pas délicieux. Il se relève, à temps pour la voir accrocher son post-it parmi tant d’autres (beaucoup trop d’autres, de son point de vue) et s’il a envie de la taquiner sur le sujet, il se retient. Une conversation un peu moins fun déjà sur le bout des lèvres. « Ooooh, Jimmy passe à l’improviste chez toi, uh ? » Il a un sourire au coin des lèvres, un regard entendu – et il ignore sciemment l’invitation de squatter le canapé de Nooms, parce que c’est quand même moins urgent que les derniers potins de ce qu’il peut y avoir entre Noomi et James. « Lui aussi s’est laissé avoir ? Moi qui le pensais plus intelligent que moi, je suis déçu. Tu le lui diras. Jon est très déçu. » Il essaie d’avoir l’air convaincant, les bras allant se croiser sur la poitrine pour donner le change. « Pourquoi on a baissé le ton, au fait ? » Parce que si Noomi a été la première à parler plus bas, il l’a naturellement suivi sans trop comprendre pourquoi. Et ça l’intrigue, maintenant, alors qu’il se penche légèrement en avant. « Et merci pour le canapé, mais vraiment, je vais pas squatter chez toi alors que t’as la gosse et, apparemment, de la compagnie régulièrement. » Il peut être un tape l’incruste, Jon, mais il a encore de bonnes manières (sa mère serait fière).

Spoiler:

Si Jon venait à répondre qu’il ne connaissait pas les All Blacks, Noomi serait peut-être un peu surprise mais elle ne lui en tiendrait pas rigueur pour autant. Elle se fichait bien de tous les sports, quel que soit le pays, c’est juste qu’il lui semblait que l’équipe de rugby nationale était mondialement connue. Et de fait, Jon connaissait lui aussi. Puis si elle trouvait ça vraiment cool que leur haka donne cette impression qu’on va vous pendre par les pieds puis vous égorger, il semblerait qu’il ne soit pas particulièrement de cet avis puisqu’il lui avait fait remarquer juste avant que le rugby n’était jamais qu’une copie ratée de leur football. C’est une façon de voir les choses. La blonde hocha la tête en signe d’assentiment à sa question. Celle qui demandait confirmation en ce qui concernait les All Blacks, en tout cas.

« T’as sans doute pas tort même si, de mon point de vue, on dirait parfois que nos joueurs de foot ont bien plus peur de se faire un peu mal que les rugbymen. »

Serait-elle en train de les traiter de chochottes ? Non, vous ne rêvez pas c’est bel et bien ce qui était en train de se passer. Mais il suffisait de voir les tenues des uns et des autres ; les footballeurs étaient harnachés dans ce qui ressemblait un peu à des armures tandis que les rugbymen… Non. Mais loin d’elle l’idée de critiquer sérieusement étant donné qu’elle n’y connaissait absolument rien, dans un cas comme dans l’autre.

Mais là n’est pas la question. La question, c’était les réglages de son four. Encore un truc où elle n’y connaissait absolument rien. Et comme elle cuisinait très peu – encore moins depuis qu’elle devait partager la garde de Sarah, forcément -, ça lui convenait très bien. Ainsi qu’à Sarah, ce qui était bien le principal. La grecque pouffa en entendant la remarque de son ami tout en prenant note.

« C’est mon père. T’oserais aller le lui répéter en face ? »

Rares étaient les gens qui osaient jouer avec les nerfs des Savalas. Ceux-ci pouvaient être de véritables crèmes mais il fallait toujours veiller à ne pas franchir la limite. Son père, tout nounours qu’il pouvait se montrer, ne dérogeait pourtant pas à la règle. D’autant que, dans ce cas précis, ce n’était pas faute d’avoir essayé de lui apprendre mais si vous connaissez un tant soit peu Noomi, alors vous devinez qui ce qui entre par une oreille ressort immédiatement par l’autre si elle n’en a pas décidé autrement.

Vint ensuite la question du logement. Si elle le pouvait, Noomi ne laisserait pas Jon aller dormir dans un hôtel minable quand son canapé était probablement plus confortable que leurs lits. Mais dans ce cas, il valait mieux le prévenir d’une ou deux choses au préalable. Comme le fait que Jimmy pouvait passer de temps en temps. Et bien sûr, ça ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd. Sa réflexion la fit sourire à son tour.

« J’lui dirai. Mais en même temps, tu connais beaucoup de gens capables de me résister, toi ? »

Franchement, oui. Mais Noomi ne serait pas Noomi si elle ne se la pétait pas par moment.

« Pour Sarah. J’prends mon temps pour lui expliquer que « nous deux » est en train de se transformer en « nous trois ». »

Autant profiter du fait que sa fille mette un peu plus de temps que prévu pour retrouver son kiwi en peluche pour en discuter mais la blonde préférait tout de même prendre ses précautions. Le temps que les cookies cuisent, elle se réinstalla d’un bond sur le plan de travail. Puis elle balaya les inquiétudes de Jon d’un geste de la main.

« T’en fais pas pour ça. J’ai Sarah qu’un week-end sur deux et tous les mercredis. Puis pour c’qui est de Jimmy, si jamais ça nous pose problème, y a son appart’. »

Ce fut à ce moment-là que sa blondinette revint, sa peluche à la main qu’elle brandit fièrement sous le nez d’oncle Jon.

Spoiler:

@noomi savalas

Ouch, elle attaque le sport, Noomi et Jon, il ne peut pas la laisser faire – même si elle n’a pas entièrement tort, il est encore capable de le reconnaître – parce qu’il est beaucoup trop patriotique pour ça, qu’il aime beaucoup trop le sport américain, aussi. Sans doute ce qui lui manquera le plus dans son changement de pays ; voir les match en live ou bien aller en gradins, boire de la bière et se laisser conquérir par l’ambiance générale. Il ne doute pas que les matchs de ces fameux All Blacks soient passionnants, mais ça ne vaudra jamais un bon match de baseball ou de basket. Il hausse les épaules, du coup, parce qu’il ne veut pas lui donner tort, à Nooms. « Excuse-moi, les pires, ça reste les joueurs de soccer d’Europe, okay ? Je sais même pas comment ils peuvent se faire appeler des sportifs tellement ils passent de temps allongés sur le gazon. » Un match vu à la télévision lors d’un championnat mondial. C’est tout ce qu’il a vu de ce pseudo-sport et ça lui a largement suffit. S’il se souvient bien, c’était France contre Italie et aucune des deux équipes ne venait rattraper le niveau – c’est donc très loin de ce qu’il peut considérer comme du sport. Il a peut-être les idées arrêtées sur la question, Jon, parce qu’il suit l’éducation qui lui a été inculquée, l’image un peu conservatrice de certaines idéologies, dont le sport, justement. Peut-être qu’il finirait par travailler dessus, un de ces jours – ou peut-être pas, plus certainement. Jon, il se connait suffisamment pour savoir qu’il aura toujours cette tendance à juger certains sports au détriment d’autres, avec ou sans argument valables. Il a, toutefois, plus urgent à faire pour l’heure car rattraper des cookies, c’est toujours une priorité (les cookies, d’une façon générale, sont toujours des priorités de son point de vue). Il met les bons réglages pour le four, ne retient pas une petite pique avant de laisser une grimace dans le dos de Noomi quand elle évoque la personne à l’origine de son (manque de) talent culinaire. « Mais tout à fait que j’irai lui dire en face. » Et il essaie d’avoir l’air convaincu, Jonathan, alors qu’il sait et sans doute qu’elle aussi, qu’il n’en fera rien. Pas qu’il ne soit lâche, loin de là, mais le père de son amie, il le connaît et il sait qu’il est préférable de le prendre avec des pincettes. « De toute façon, je suis sûr que ce n’est pas de sa faute mais plus un manque de volonté de ta part, » reprend-il plutôt, pour sauver l’honneur de Monsieur Savalas bien que ce dernier ne soit pas ici et n’ait rien pu entendre (on sait jamais, au cas où il aurait installé des mouchards chez sa fille). Sarah se défile ensuite pour aller récupérer la fameuse peluche Kiwi qui l’intéresse et Jon, il en découvre toujours davantage sur Nooms. Le sourire au coin des lèvres, le regard qui accompagne son air de conspirateur, il ne peut toutefois pas s’empêcher de rouler des yeux. « Oui, moi je te résiste, » souligne-t-il en levant un doigt mais s’ils savent tous deux que ça n’a pas toujours été le cas – il l’a approché, il y a bien longtemps, avec l’espoir fou de pouvoir la séduire et ce n’est que parce qu’elle était alors mineure à l’époque qu’il a fait marche arrière. Une méprise à cause de leur différence d’âge, de la maturité des traits de Noomi et le temps qu’elle ait l’âge requis, ils étaient devenus amis et ça convenait. Son crush était passé depuis quelques temps, ils n’en ont plus vraiment reparlé – sauf pour se taquiner, parfois, playfull as always. « Oh. T’attends que ce soit sérieux sérieux ? » Il arque un sourcil, pourtant certain que la relation entre ses deux potes doit être suffisamment sérieuse les connaissant. Il revient néanmoins à la proposition faite, peu désireux de squatter ainsi – elle assure pourtant que ça ne pose pas de problème mais il n’en est pas aussi certain. Et surtout, il sait comment sont ses nuits ; agitées, brisées par des cauchemars-souvenirs de son infiltration. S’il n’a jamais vraiment été du genre à crier, il sait qu’il lui arrive de parler dans son sommeil, de grincer des dents et même en étant sur le canapé, il craint que ça puisse gêner, que ça réveille la gosse quand elle est là ou que ça empêche Noomi de dormir correctement. « C’est vraiment sympa, Nooms, mais vraiment, l’hôtel, ça me va. » C’est mieux, préférable, voudrait-il lui assurer mais il ne souhaite pas entrer dans les détails, il ne veut pas en parler (il l’a déjà trop fait avec son psy et ça n’a pas tellement changé, il sait le traumatisme encore présent dans ses veines même s’il a officiellement été déclaré apte à reprendre une vie normale). Et la petite gosse revient à cet instant et, la peluche lui glissée sous le nez alors il baisse les yeux, l’attrape pour la scruter de plus près. « Hmmm, c’est donc à ça que ressemble un kiwi ? » Il grimace parce que c’est pas aussi mignon qu’il aurait pu l’imaginer – loin de là, même. « J’aurai vu ça… Je sais pas. Différent, » avoue-t-il finalement. « Et tu lui as donné un nom, j’espère ? Il faut toujours nommer les animaux, même ceux en peluche ! » Il approche le museau de la peluche de la joue de l’enfant, le fait picorer des bisous pour arracher un rire à la gamine, l’un de ceux qui le fait glousser de joie. « Vous avez quand même vraiment des goûts bizarres dans ce pays. » Parce que franchement, entre un Kiwi et une marmotte, il a sa préférence.

Noomi savait pertinemment que sa remarque ferait mouche. Elle ne l’avait pas faite dans ce but précis mais elle savait pourtant que Jon n’y resterait pas insensible. Ça la fit sourire d’entendre sa défense. Ah, même pour quelqu’un qui s’y connaissait aussi peu que la grecque, force était de reconnaître que le soccer était le pire de tous les sports. En tout cas à regarder ; elle avait essayé une fois et c’était ennuyée tout du long. Aucun plaquage, aucun coup autre qu’un coup de boule parce qu’un européen avait insulté la mère de l’autre, ça ne faisait même pas partie des règles du jeu. Ou alors peut-être officieusement. Normal donc que son ami prenne la défense de leurs footballeurs en s’attaquant à ces « sportifs ». Elle hocha la tête en signe d’assentiment.

« J’en conviens. Et tu sais à quel point ça m’intéresse tout ça... »

C’est-à-dire pas du tout. D’ailleurs, c’était toujours une véritable plaie pour elle de devoir regarder un match, un tournoi ou tout ce que vous voudrez, à la télé et elle l’évitait autant que faire se peut. En live aussi soit dit en passant, même si elle comprenait tout de même un peu mieux l’attrait que ça pouvait avoir. L’ambiance, la bière, les hot dogs ou encore le popcorn, les t-shirts et casquettes de supporters, ainsi de suite.

Parfois même cookies, comme ceux qu’elle venait de faire brûler. Ou pas tout à fait mais qui étaient bien trop durs pour qu’on ne s’y casse pas les dents. Selon Jon, il aurait le cran d’aller faire une remontrance à celui qui lui avait appris à cuisiner, à savoir son père. Mouais, la blonde ne demandait qu’à voir et elle ne dissimula pas son amusement en entendant que le problème ne venait pas de la personne qui lui avait appris mais bien de la sienne. Un manque de volonté, selon lui. Ben tiens. Voilà qui était très juste cependant alors elle ne prit pas la peine de relever. C’est qu’elle savait aussi reconnaître ses erreurs. Enfin, parfois. En revanche, elle ne put s’empêcher de prendre un air outré lorsqu’il énonça à mi-voix et en roulant des yeux par-dessus le marché, que lui pouvait lui résister. Quel éhonté mensonge ! Enfin, maintenant, ça n’en était plus un mais fut un temps…

« Ouais, ouais, tu dis ça maintenant. »

Inutile d’en dire plus, cela dit, ils avaient tout deux très bien compris. Puis il s’enquit de s’ils attendaient que ça soit plus sérieux que ça ne l’était déjà entre eux, avec Jimmy. Ou plutôt si elle l’attendait puisque Jimmy la laissait choisir quel serait le bon moment pour annoncer à sa fille qu’une nouvelle personne entrait dans leur équation. Ça ne lui prit qu’une minute de réfléchir à la question parce qu’elle en connaissait déjà la réponse.

« Non. J’sais pas c’que j’attends exactement, pour tout te dire. Surtout que j’suis à peu près sûre que la nouvelle passera très bien. »

Mais à peu près, ce n’était pas tout à fait. Tout ça pour se convaincre qu’elle n’était pas en train de reculer pour mieux sauter. Pathétique, un peu. Quoi qu’il en soit, Jon ne voulait pas déranger. Et bien qu’elle lui ait certifié que ça n’en serait pas un, il persistait tout de même. Noomi opina du chef en lui tapotant l'épaule.

« C’est toi qui vois. On va te trouver un hôtel qui soit pas trop miteux, alors. »

C’était la moindre des choses. Là-dessus, Sarah revint alors, tenant fièrement sa peluche kiwi entre les mains.

« Dis qu’il est mignon, oncle Jon ! Il s’appelle Junkie. C’est maman qui lui a donné ce nom. »

Avec un très léger air coupable, Noomi haussa les épaules ; ce n’était tout de même pas de sa faute si cet oiseau avait l’air complètement halluciné. Et pour surtout, c’était toujours mieux que Kiki le kiwi… sûrement.

@noomi savalas

Le rire n’est pas étouffé, à peine dissimulé. Et s’il s’est douté que la pique avait été envoyée pour le faire réagir – il connait Noomi, depuis le temps – il n’en dit rien. Sûrement parce qu’elle le connait tout aussi bien ; mais il capte le petit sourire qu’elle arbore pendant quelques secondes et ne peut que lever un poing victorieux dans les airs alors qu’elle abdique finalement. Ah ! Score pour Jon, compte-t-il silencieusement, maintenant pris dans une métaphore sportive dont il n’est (sans doute) pas prêt de sortir de si tôt. Il roule pourtant des yeux, un petit geste de la tête pour venir parfaire l’exagération de l’air qu’il expose sur ses traits, presqu’autant pour amuser Sarah que pour continuer le jeu dans lequel il s’est lui-même lancé. « I do know, madame la littéraire ou whatev’s. » Il en soupirerait presque, Jon, avec une mine pataude et le regard qui cherche soutien auprès de la gosse mais elle semble à peu près aussi hermétique au sport que sa mère et il ne peut qu’essayer de faire trembler sa lèvre inférieure, Jonathan. « Rah, ces femmes et leur désintérêt pour ce qui est bon pour la santé. » Mais le sourire est déjà présent au coin de ses lèvres, la réplique misogyne (voulue comme telle, en tout cas) on ne peut plus fausse dans sa bouche. Il tend soudainement un doigt en direction de Nooms, une véritable question s’étant emparé de ses traits. « Est-ce que t’y as déjà joué au moins ? Parce que je peux comprendre que regarder soit… Boring af, » petit regard en direction de la gosse au moment d’utiliser l’acronyme, la grimace brève sur son visage, « mais jouer ? C’est totalement différent. Qui sait ? Tu pourrais même te mettre à adorer ! » Et même s’il ne niera pas que Noomi peut être particulièrement féminine quand elle l’a décidé, il la connait trop pour ne pas l’imaginer avec aisance dans un sport réputé typiquement masculin. Après tout, elle peut mordre, Nooms, elle serait parfaite en attaquante. « Et please, ne me dis pas que tu as testé le rugby plutôt que le football. Ou même que le baseball. Je t’imagine vraiment bien manier une batte, for some reason. » Peut-être parce qu’il connait la tigresse qui subsiste en elle – du moins aime-t-il le penser.

La main se porte à son cœur mais il n’a pas besoin d’une réflexion pour cesser la comédie. « Je nierai bien, mais on sait tous les deux que ce serait un mensonge. Ton père est terrifiant. » Haussement d’épaule pour se dédouaner de sa lâcheté (oserait-elle le traiter de lâche quand elle sait qu’il a été flic pendant des années ?). « Mais je lui en toucherai un petit mot quand même, à l’occasion. Davantage pour le plaindre de t’avoir eu comme mauvaise élève en cuisine, bien sûr. » Parce que, comme il vient si justement de le rappeler : le père de la grecque est terrifiant. Pas qu’il l’ait déjà affronté – juste croisé à plusieurs reprises mais il a suffi de quelques conversations un peu houleuses pour qu’il comprenne, Jon, qu’il y a des comportements à ne pas avoir devant le père Savalas quand on tient, comme lui, à ses deux mains, ses oreilles et n’importe quelle autre extrémité. Profitant de l’absence momentanée de la petite, la conversation dérive et Jon ne peut s’empêcher d’avoir un sourire qui s’affiche, heureux pour les deux amis. « J’en doute pas non plus, Jimmy est un chouette type. » Il est sincère, l’ancien flic, parce qu’il sait combien elle en a bavé, Noomi, combien la relation avec son ex a été compliquée et s’il a conscience de ne pas avoir été aussi présent qu’il aurait pu (dû) l’être à l’époque à cause de sa mission, il n’a aucun doute quant au fait que Jimmy ne peut que lui faire du bien. « Ça fait combien de temps, au juste ? » Il ne juge pas, Jon, jamais – pas quand il est question d’amour, lui qui n’y connait presque rien dans le domaine, lui qui a largué celle avec qui il avait une relation stable depuis des années à cause de certains traumatismes, de certaines images, qui ne quittent plus son crâne – raison pour laquelle il décline l’offre de la blonde, préférant lui éviter les réveils en sursaut s’il se met à hurler ou à vouloir cogner ce qu’il trouve dans une énième crise de PTSD. Parce que s’il arrive à les garder en lui-même une grande partie du temps, il n’a que trop conscience qu’il suffirait d’une fois, d’une inquiétude un peu trop présente pour que tout dérape ; et il est hors de question que ça arrive. Pas ici, pas alors qu’il commence une nouvelle vie et surtout pas en présence de Noomi, qu’il veut tenir le plus éloignée possible de tous les démons qui hantent maintenant son crâne.

« Ah, merci, j’en attendais pas moi venant de ta part. » Un peu trop railleur, peut-être, mais Sarah revient avec sa peluche et il est sauvé par le gong – ou presque. Par un kiwi. Et elle est intransigeante, la gosse, sur le côté mignon de la chose quand Jon n’en est lui-même pas aussi certain. Il observe, approche, éloigne, exagère sans doute un peu (très certainement) chaque geste pour arracher un sourire ou une réaction chez la gosse et il finit par approuver d’un hochement de tête vigoureux. « Alright, you win munchkin, il est mignon. » Le choix du nom en revanche… Un regard en direction de la mère et il ne peut pas retenir un rire, Jon, devant l’air coupable qu’elle lui offre. « Junkie a sans doute besoin d’une bonne dose de sommeil pour redevenir Cutie. » Même s’il n’est pas certain que ce soit suffisant. « Nooms ? Ça te dérange si je me poste à la fenêtre pour en griller une ou tu préfères me foutre sur le balcon ou dehors ? » La connexion faite avec l’air un peu trop déjanté de la peluche mais aussi parce qu’il est un homme d’habitude, Jon, et que c’est l’heure de sa clope de fin de journée – avec un peu de chance, la dernière mais il est quasiment certain qu’il s’en allumera une autre avant de se coucher, par réflexe. « Juste le temps que les cookies terminent de cuire. » Parce qu’il peut fumer plus vite que Speedy ne peut courir, Jon. C’est un super pouvoir, vraiment.