(july 2020) lifestyle of the rich and famous /noomi

Ah, Noomi ne pourrait pas nier qu’elle avait toujours eu un côté plus littéraire. Plus philosophe aussi, ça serait une honte que non, sachant que la moitié de ses origines venaient du berceau même de la philosophie et connaissant l’importance que son père apportait à tout ce qu’il appelait les « valeurs » grecques… Non, ça ne déconnait pas avec lui en qui concernait l’héritage familial. Mais plus que tout autre chose, elle se considérait comme une mélomane. Cependant, comme elle était un peu tout ça à la fois, elle n’eut pas le cœur de le contredire. Au contraire, elle le gratifia même d’un sourire des plus fiers ; ça lui donnait l’impression d’être une véritable tête alors qu’elle avait longtemps craché sur les intellos. D’ailleurs, vous noterez que ce mot sonne toujours de manière péjorative alors qu’il n’y a pourtant aucun mal à en avoir dans le ciboulot. Bref, là où elle ne pouvait pas non plus contredire Jon, c’était quand il disait que les femmes avaient un réel désintérêt pour tout ce qui était bon pour la santé. La blonde en était très certainement l’un des meilleurs exemples : elle détestait le sport, les exercices sous quelque forme que ce soit, la nourriture saine, fumait et avait consommé pas mal d’autres substances illicites fut un temps, avait longtemps couru après le danger, avait fréquenté les mauvais hommes, les mauvaises femmes aussi. Bref, on pourrait continuer longtemps comme ça. Une chance que cette tendance à l’autodestruction s’était grandement calmée avec l’arrivée de Sarah… Et puisqu’elle ne pouvait pas nier, elle se contenta de pincer les lèvres.

Ce qui ne dura bien évidemment pas très longtemps puisque Jon enchaîna en lui demandant si elle avait déjà essayé, au moins. Ah oui, on en revenait donc toujours au fameux « comment tu peux dire que t’aimes pas si t’as jamais essayé ?? » comme quand ils étaient gosses, donc. Cette même phrase qu’elle sortait parfois à sa fille quand elle faisait sa tête de mule. Toujours est-il que dans ce cas précis, Noomi trouvait ça risible. Et elle ne se priva pas pour éclater de rire.

« T’es sérieux, Jon ? Évidemment que non, j’ai jamais joué à rien de tout ça. »

Le seul sport qu’elle était okay de pratiquer, c’était le sport en chambre le patin à roulettes. Presque tous les samedis soirs, sur piste ainsi que sur un bon son, sous une boule à facettes. Mais ça l’intéressait d’apprendre qu’elle avait une tête à manier une batte. Elle haussa les épaules avant de commenter :

« Si ça s’tape des fois dessus à coups de batte, pourquoi pas ? »

Pas du tout dans l’exagération. Mais ça au moins, c’est un sport qu’elle se voyait gagner sans aucune difficulté. Si tant est qu’on puisse appeler ça un sport. Peut-être qu’elle devrait essayer le roller-derby, maintenant qu’elle y pensait. Et quel dommage que le rollerball n’existait pas vraiment.

Quoi qu’il en soit, les voilà en train d’aborder un autre sujet tout aussi intéressant, à savoir son père. Flippant, oui. Pas pour elle, bien sûr, il lui faisait souvent l’effet d’un gros nounours mais elle avait remarqué que c’était souvent l’émotion qu’il suscitait chez les autres. L’ombre des Savalas planait toujours, merci oncle Telly ; on ne pouvait jamais être vraiment sûr qu’ils ne faisaient pas tous partie de la mafia grecque alors mieux valait y réfléchir à deux fois avant de provoquer la colère de l’un d’entre eux. Ça ne faisait donc pas de son ami un lâche à ses yeux mais plutôt quelqu’un de sensé.

« Ben tiens. Si mes oreilles sifflent à un moment donné, j’saurai pourquoi. »

Et de fil en aiguille, voilà qu’ils en vinrent à parler de Jimmy. Et surtout du manque de courage de Noomi pour annoncer à sa fille la nouvelle. Ça la confortait tout de même un peu de savoir que Jon était également de son avis. Pas qu’elle ait forcément besoin de se rassurer à ce sujet, elle savait très bien que Jimmy était quelqu’un de bien sinon elle n’aurait même pas pris la peine de lui faire perdre son temps mais ça faisait une bonne raison supplémentaire pour en parler à Sarah le plus rapidement possible.

« Hum, quelque chose comme deux ou trois mois. »

Non, pas besoin de se précipiter non plus mais elle n’aimait pas mentir à Sarah. De fait, elle n’aimait pas mentir tout court, elle n’avait jamais eu le moindre talent pour ça, bien trop impulsive pour sortir un bobard qui soit à la fois monté de toutes pièces et aussi cohérent.

Là-dessus, l’affaire fut entendue : ils trouveraient un bon hôtel à Jon. Et sa mini-blonde choisit ce moment précis pour réapparaître, serrant Junkie entre ses mains. C’est qu’elle n’en démordait pas : il était mignon. Noomi était d’avis qu’il avait un air un peu halluciné pour sa part, d’où son nom. Elle ne put s’empêcher de rire à la réflexion de Jon qui finit néanmoins par lui donner raison parce qu’on ne pouvait tout simplement pas être en désaccord avec cette petite bouille toute mignonne, elle ne connaissait que trop bien ce sentiment.

« Allons, j’vais quand même pas t’jeter dehors ou même sur le balcon par ce froid. La fenêtre ça suffira, j’vais en profiter pour m’en griller une aussi, d’ailleurs. »

Sarah lui balança alors un regard rempli de reproches. C’est que la grecque avait réussi à arrêter complètement à une époque, pour craquer une fois qu’on lui avait retiré la garde exclusive de sa fille. Depuis, c’était plus compliqué que la première fois mais un jour, peut-être, ce n’était pas exclu.

@noomi savalas

Il ne peut que lever les yeux au ciel, Jon, alors que Noomi répond sur un ton qui aurait presque pu être qualifié d’insolent – parce qu’il ne peut qu’insister sur la différence entre voir du sport à la télé et en pratiquer un ; parce qu’il y a trop de sports différents pour que tous soient rangés dans la même catégorie ; parce que si les joueurs de foot sont enfermés dans des armures de guerre, c’est pour leur santé, afin d’éviter un maximum de concussion, de leur éviter que la tête ne prenne plus que nécessaire quand les joueurs de rugby, well. Leur élocution suffit à comprendre qu’un casque n’aurait sûrement pas été de trop pour éviter quelques séquelles cérébrales irréversibles. Alors il lève les yeux au ciel, le sourire toujours perçant un peu sur ses lèvres toutefois. « Oui je suis sérieux, Nooms ! M’as-tu déjà connu à être autre chose que sérieux ? » Le sourcil droit qui s’arque, s’élève même, l’imitation parfaite (ou presque) du type scandalisé qu’elle puisse remettre son sérieux en doute avec cette question. La réflexion prise pendant quelques secondes afin de trouver un sport qui pourrait convenir à Noomi et le baseball tombe comme une évidence. Jusqu’à ce que ne le soit plus tellement, lui arrachant un soupir exagéré. « Quoi, tu crois que c’est Harry freaking Potter ? Si tu veux taper sur des gens, fais du catch. Jeez, Nooms, t’es beaucoup trop violente. » Mais c’est de sa faute parce qu’il aurait du deviner que ce serait la réaction de la grecque, que son esprit libre irait dans cette direction ; il est censé la connaître, après tout. Mais qui est-il pour critiquer, lui qui a le goût pour la même violence ; lui qui a pris l’habitude de cogner pour le compte d’autres mieux placés ; lui qui a tout plaqué justement par crainte de cette colère qui ne cesse plus de couler dans ses veines, qui semble même le rendre plus vivant à chaque fois qu’il est à deux doigt de céder à la tentation de répondre par les poings en premier. « Bon. Donc pas de baseball pour toi. » Mais il ne peut rien dissimuler de sa déception parce qu’il doit maintenant trouver un autre partenaire pour lancer quelques balles à l’occasion (et dans ce pays, il ne connait personne d’autres ce qui complique sensiblement la tâche, de son point de vue). « Tu devrais peut-être te mettre à la boxe, though. Tu tapes sur des gens, c’est quand même réglementé, tu te défoules bien et souvent, y a de la bonne musique en fond sonore. » Dernier argument de taille mais dépendant des goûts musicaux des coachs ou des salles de sport – Jon, il a vite compris que tous les coachs ne partagent pas le même amour pour la musique que lui, malheureusement.

Il ricane, persuadé que les oreilles de Nooms pourraient se mettre à siffler s’il venait, effectivement, à croiser la route de son père – tout comme il sait qu’il n’oserait pas beaucoup critiquer la grecque devant le géniteur de cette dernière. Il sait le lien qui les relie, il sait l’amour que le père porte à sa fille et Jon, il tient trop à chacune de ses extrémités pour se permettre de faire autre chose que de teaser la blonde sur ses talents (ou non-talents) culinaires. La discussion dérive, s’arrête sur Jimmy et Jon, il est tout à coup très intéressé, plus commère qu’il ne voudrait l’admettre sur le sujet, le sourire en coin et les questions se succédant. « Ooooh, ça va, trois mois c’est rien. » Il balaie les inquiétudes d’un geste de la main, se serait attendu à ce que ça fasse plutôt six mois ou un an – mais encore une fois, qui est-il pour juger, lui dont les rares relations ont été tenues secrètes le plus longtemps possible, parfois pour leur protection, parfois juste parce qu’il ne sait pas comment se comporter en public quand il est en couple. Mais c’est sûrement un peu différent quand il y a un enfant dans l’équation, Jon ne peut que l’imaginer. Encore un domaine où il est loin d’être un expert. « Tu sais déjà comment tu vas lui en parler ? » C’est qu’il n’a aucun doute quant au fait que Sarah doit adorer Jimmy (qui n’adorerait pas Jimmy ?) mais il se doute que ça n’a rien de forcément facile, malgré tout.

« Ah, merci de veiller à ce que la température de mon corps ne me transforme pas en glaçon. » La main portée au cœur, il ouvre une fenêtre – celle la plus éloignée de Sarah, parce qu’il n’a aucune intention d’intoxiquer la gosse, Jon – tirant deux cigarettes de son paquet avant d’en tendre une à Noomi. « Don’t worry, S., j’ai l’intention de profiter du bon air pur de ton joli pays pour arrêter et je pense que ta mère arrêtera avec moi. Right? » Il préfère passer sous silence ses nombreuses tentatives précédentes pour arrêter, ne compte plus les essais passés parfois sur de courtes ou longues durées – ne dépassant jamais le mois complet, toutefois. Et il sait qu’il n’est pas prêt à arrêter tout de suite, que les cauchemars cumulés au stress de son changement d’environnement sont propices pour qu’il double même sa consommation, mais l’intention est là, néanmoins. Latente, peut-être, mais présente. « Alors S., t’aimes pas les maths, mais est-ce qu’il y a une matière que t’aimes à l’école ? » La main par-dessus le rebord de la fenêtre, le corps tourné vers la gosse pour lui accorder son attention pendant qu’elle répond, il jette un coup d’œil à Noomi, déjà prêt à laisser leurs épaules se rencontrer sur la môme lui répond une matière typiquement littéraire. Le lavage de cerveau de ces derniers commence tôt. Il tire une taffe, le regard se portant de nouveau sur la peluche avant qu’il ne s’oblige à relever les yeux vers la gosse. « Vraiment, j’sais pas comment tu fais pour la laisser dormir avec ça. C’est flippant. Elle fait pas de cauchemars la nuit ? Parce que je suis quasi certain que je fais en faire, » qu’il souffle à son amie à voix basse pour ne pas s’attirer les foudres de l’enfant. La cigarette est à demi-consumée entre ses doigts lorsque le four sonne, prévenant que les cookies sont fin prêts. « Ouh, le goûter est prêt. » Il hésite un instant, s’aperçoit que Noomi n’a pas plus terminé sa clope que lui et il lui tend la sienne. « Bouge pas, I’m on it. » Accompagné de Sarah il se dirige vers la cuisine, ouvre le four qui exhale de chaleur aussitôt et, après avoir lancé un regard rapide, attrape un petit torchon pour sortir la plaque, la déposer précipitamment sur le plan de travail et referme le four avant que Sarah n’y laisse traîner une main. « Hm, they look good. » Un regard en direction de Noomi. « T’as des serviettes ? Que je t’apporte le fruit d’un dur travail collectif ? A moins que Sarah pense qu’on devrait se garder tous les cookies rien que pour nous deux ? » Un échange de regard et d’air complotistes se fait entre l’adulte et l’enfant avant qu’ils ne décident de partager avec Noomi. Récupérant de quoi déposer deux gâteaux, Jon fait l’aller-retour jusqu’à son amie. « Tu nous diras si c’est meilleur que les tiens ou non. » Mais il n’y a sans doute pas à délibérer là-dessus ; Jon, il est à peu près certain qu’on ne peut pas faire pire que les cookies cramés de Noomi.

A sa question, et surtout à son air outré, Noomi pouffa. C’est qu’il aimait bien se donner un genre, Jon, mais c’était précisément ce qui faisait son charme aux yeux de la blonde, notamment parce que ça la faisait toujours rire. Tout ça pour dire qu’il était sérieux, ce qui était d’autant plus drôle. Rien que s’imaginer, elle, faisant du sport – peu importe lequel – la faisait mourir de rire. Mais elle connaissait Jon, elle savait très bien que lorsqu’il avait une idée en tête, il ne l’avait pas ailleurs, ainsi lui chercha-t-il un sport parfait pour elle. Et contre toute attente, il ne mit pas longtemps à trouver : le baseball. Elle n’avait rien contre, à la condition de pouvoir taper sur les autres joueurs à coups de batte. Sauf que, selon son ami – et elle avait toutes les raisons de le croire puisqu’elle n’y connaissait rien, si ce n’est ce qu’on voulait bien vous en montrer parfois dans les films et séries -, ça n’était pas au programme. Mince alors, quel dommage ! Toujours selon Jon, on n’était pas dans Harry Potter. Aïe. Comme tout le monde – de sa génération en tout cas -, la grecque avait lu Harry Potter mais la popularité du machin lui tapait sur le système, au point qu’elle en arrivait parfois à détester tous les gens qui se proclamaient Potterhead. Ces gens-là se pensaient originaux alors qu’ils étaient tout simplement victimes d’un effet de mode très – trop ? - durable. De la mauvaise foi ? Peut-être bien. En tout cas, la seule chose qu’elle aimait à peu près bien, c’était la violence du Quidditch – bon d’accord, ainsi que l’excentricité de Luna Lovegood. Si ce sport existait bel et bien, pas de doute qu’elle y aurait joué étant plus jeune. Même qu’elle aurait pu avoir du talent car rien n’est plus satisfaisant que d’essayer de faire tomber quelqu’un de son balai. Hormis lui envoyer un cognard en pleine poire, oui. Soit, elle évita une quelconque remarque du genre « Harry qui ? » et hocha lentement la tête tout en se pinçant les lèvres quant au fait qu’elle soit trop violente. Certes. Ce n’était pas la première fois qu’on le lui disait mais que voulez-vous ? Noomi avait le sang des Savalas dans les veines, couplé à celui de sa mère, pure américaine qui lui avait appris à tirer pour son douzième anniversaire. Le but étant, je cite, de pouvoir se défendre face aux hommes. Et aussi chasser l’alligator alors forcément… Une chose est sûre, c’est qu’elle n’avait jamais rien eu en commun avec la fameuse jouvencelle en détresse dont les hommes rêvent tellement, à ce qu’il paraît – chose qu’elle avait lue dans un quelconque magazine féminin. Ce qui expliquerait bien des choses. Pas de baseball pour elle.

« Cela dit, tu peux essayer d’apprendre à Sarah, si tu veux. »

Sa fille, en dehors de ses petits moments de folie qui connaissent tous les enfants, étaient beaucoup plus calme et douce qu’elle ; il était donc bien plus simple de lui apprendre quelque chose. Et puis qui sait ? Peut-être aimerait-elle le sport, elle ? Pour l’instant, elle aimait surtout les princesses et les poneys mais les choses changent vite à cet âge. Pendant quelques secondes, Noomi considéra la question de la boxe. Taper sur des gens au rythme de la musique, elle adorait ça. Raison pour laquelle elle avait si souvent fréquenter les bars, il y a peu. Il y a toujours une bonne excuse pour frapper quelqu’un alors que Black Betty fait office de fond sonore dans ces endroits.

« Voilà qui me conviendrait mieux. Par contre, c’est pas le genre de truc qu’on fait quand on sait pas s’défendre ? »

Non parce qu’elle, elle savait déjà, sans vouloir offenser qui que ce soit. Quant à la question Jimmy, Jon balaya ses inquiétudes d’une seule réponse : trois mois, ce n’est rien. Noomi aurait aimé en être aussi sûre elle aussi. C’est à la fois beaucoup – mais alors vraiment beaucoup – plus long que la plupart de ses relations et rien du tout en comparaison de la plus longue à ce jour. Elle voudrait être objective mais c’est compliqué ; hors de question qu’elle minimise le problème alors elle lui donne trop d’importance. Trois mois c’est rien, c’est vrai mais trois mois à cacher la vérité à sa fille ça lui semblait vraiment très long, parce que ce n’était pas dans ses habitudes. Non bien sûr, elle ne partageait pas encore tout avec Sarah mais elle essayait tout de même de lui mentir et de lui cacher certaines choses le moins souvent possible, histoire que leur relation mère-fille soit la plus saine possible. Différente de celle qu’elle entretenait avec sa propre mère.

« Pas du tout. J’y pense souvent mais tu m’connais, j’vais sûrement finir par le lui annoncer de la façon la plus directe qui soit. »

En y mettant tout de même un peu les formes, bien entendu. Peut-être que ça serait mieux ainsi, ça soulèverait bien moins de questions que si elle tournait indéfiniment autour du pot. Sans perdre un instant, la blonde se hâta de rejoindre son ami à la fenêtre et de se saisir de la cigarette qu’il lui tendait sous le regard réprobateur de sa fille. Là-dessus, Jon annonça qu’il avait l’intention d’arrêter et que Noomi en profiterait pour faire de même, pas vrai ? Voilà qui la plaçait dans une situation délicate et tout ce qu’elle trouva à répondre fut :

« Oh oui, on verra bien à ce moment-là. »

C’était toujours mieux que de faire une promesse qu’elle ne pourrait peut-être pas tenir et Sarah parut s’en contenter, grand sourire aux lèvres.

« Moi j’aime bien la compréhension à la lecture, les dictées et quand on va à la piscine ! »

Et c’était dit avec tant d’enthousiasme que ça ne pouvait que les faire rire. Non seulement les chiens ne font pas des chats mais en plus, Noomi n’avait pas attendu que la lecture soit au programme pour apprendre à lire et à écrire à Sarah. Non, elle lui avait fait prendre un peu d’avance sur ses petits camarades. Pas dans le but d’en faire une intello que les autres s’amuseraient à tourner en ridicule à la récré mais juste parce que ça lui semblait important. Un nouveau sourire étira ses lèvres.

« Non, pas de cauchemars. Et pas d’ami imaginaire qui s’appelle Junkie non plus, t’imagines l’angoisse ? »

C’est alors que la minuterie du four retentit pour annoncer que les cookies étaient prêts. La grecque hocha la tête, laissant Jon s’en charger tandis qu’elle veillait sur sa clope entamée et fit la moue en entendant qu’il y avait une possibilité qu’elle ne touche pas aux biscuits si Sarah et lui décidaient de se les garder rien que pour eux.

« Dans le tiroir sous l’évier. »

Sarah, qui savait pertinemment – et peut-être même mieux que Noomi – où tout se trouvait dans cette cuisine sortit elle-même les serviettes en papier du tiroir et les tendit à Jon, qui lui tendit à son tour un cookie après qu’ils aient pris la décision de finalement partager avec elle. Elle souffla donc un peu dessus avant de mordre dedans. Croquant sur le dessus, moelleux à l’intérieur.

« Mmm. Ils sont super ! J’saurai qui appeler un urgence au moindre pépin culinaire, maintenant. »

En espérant que Jon soit aussi doué pour tout le reste.

@noomi savalas

La mine est dépitée, un peu triste peut-être. Jon, il aurait été plus que ravi de transmettre son amour pour le baseball à quelqu’un d’autre et, n’ayant pas de descendance et aucune intention d’en débuter une rapidement, Noomi a semblé la personne la mieux placée pour cette transmission de savoir. La grecque, toutefois, ne partage pas son opinion et l’américain ne peut que se renfrogné, la bouille boudeuse mais forcé de reconnaître que ce n’est sans doute (absolument) pas un sport qui convienne à son amie. Sauf peut-être pour mettre un peu davantage d’ambiance sur le terrain, mais il préfère encore ses matchs de baseball calmes et sans violence ; il préfère jeter l’éponge, alors et tant pis pour la déception qu’il ressent au plus profond de son âme (sans exagération – ou peut-être une minuscule car ce n’est pas son genre, à Jon, d’être over dramatique). La traitresse a toutefois la bonne idée de suggérer un remplacement et il soulève un sourcil, la tête penchée sur le côté, soudainement très intéressé. Un regard jeté en direction du couloir qui mène à la chambre de la mentionnée et un début de sourire étire ses lèvres. Y a plus d’espoir avec la mère mais peut-être il y en a-t-il encore un avec la fille ? Les yeux s’éclairent un instant, le sourire se fait plus franc, un doigt se lève. « Oooooh, mais c’est que c’est pas une mauvaise idée ! Je suis sûre qu’elle sera plus disciplinée en plus. Et elle m’adore, donc elle ne risque pas de vouloir me tabasser avec une batte. » Parce que même si Sarah ne semble pas encore posséder le caractère flamboyant de sa mère, il n’en n’oublie pas ses gênes pour autant. Peut-être que le monstre somnole juste en attendant une quelconque activation et il lui vaut mieux être prudent. Idée à méditer et à faire suivre à la principale intéressée, il la range dans un coin de son esprit, préfère plutôt en revenir à Nooms et sa violence comme réflexe social (pire que lui, vraiment) et qui lui fait soudainement envisager la boxe. Il hausse les épaules. « C’est pour ça que les gens en font ? Moi j’pensais que c’était juste pour se défouler en tapant sur un sac ou des gens selon. » La boxe comme moyen de défense ? Pourquoi pas, après tout, c’est pas vraiment ce qu’il aurait envisagé pour le self défense (même si c’est sûrement mieux perçu que les arts martiaux qui sont souvent enseignés dans ce cadre mais avec l’interdiction de s’en servir en dehors des cours pour des raisons qui lui ont toujours échappées). Pour lui, on se met à la boxe quand il y a un truc à évacuer (c’était son cas) ou quand on a trop maté Rocky (c’était aussi son cas).

Elle n’est pas l’air totalement convaincue, Nooms, et Jon ne trouve pas les mots pour achever de la rassurer. Il n’est pas certain qu’il puisse le faire, en réalité, tant ils savent tous deux qu’il est probablement le moins bien placé pour causer relationships – et donc, encore moins bien placé pour donner un quelconque conseil. Il ne peut que lui offrir un regard compatissant, encourageant même, un petit sourire en coin avant de revenir sur la question de Sarah, de cette relation cachée et de la grande révélation. Il retient un rire, Jonathan, gonfle sa joue avec sa langue. « Evite quand même d’être un peu trop directe, je suis pas sûre que ta fille ait directement besoin de savoir ce qu’il se trame dans la chambre, » qu’il tease, parfaitement conscient, pourtant, qu’elle saura trouver la bonne formule pour évoquer cette passion née entre les deux amis. « Pense peut-être à lui acheter son dessert favori, au cas où. » Et peut-être qu’il ne devrait pas inciter qui que ce soit à tenter d’acheter l’amour, l’acceptation ou tout ce que Noomi peut espérer recevoir en annonçant à sa fille son histoire avec Jimmy – les vieux réflexes, qu’il dira. Pas qu’il ait jamais été acheté par un quelconque argent sale sur toutes ses années de service, en réalité.
Posté à la fenêtre, la clope passant de ses doigts à ceux de Nooms sous le regard réprobateur de S et Jon, il se sent obligé de promettre qu’il arrête bientôt – damn, pire qu’un regard de sa mère. Il lui vendrait un rein avec un tel regard noir. Il essaie d’embarquer la grecque avec lui (parce qu’il sait bien, Jon, que Sarah désapprouve surtout l’habitude de sa mère plus que la sienne à lui, et c’est sans doute compréhensible) mais elle ne marche pas, pas complètement du moins, et il pince les lèvres. « Ne me laisse pas dans cette galère on my own, s’il-te-plaît, Nooms-kenobi. » Le ton suppliant exagéré, la voix tout de même un peu baissé pour ne pas trop inclure Sarah avant que les jeux soient faits. Parce qu’il est le premier à vouloir arrêter – tout comme il est le premier à recommencer.

« Oooh, un petit poisson dans l’eau, hein ? Faudra que tu me montres comment tu nages alors, à l’occasion. » Son amour pour la lecture, l’orthographe et tout ce qui pouvait toucher à la langue d’une façon plus globale n’étant guère une surprise quand on connait la mère. Pour sûre que la petite tête deviendrait une copie de sa génitrice d’ici quelques années – de quoi faire trembler les rues d’Island Bay, probablement. L’éclat de rire lui échappe, cette fois-ci et il secoue la tête. « J’imagine surtout la tête des enseignants si elle lui parlait à la récréation. » De quoi faire un peu plus de traumatisés de la peluche parce que Junkie ne semble pas être à une victime près. Le four coupe court à cette image mentale qui s’est imposée dans son esprit et il s’y rend en premier, laissant Noomi profiter de sa cigarette. Avec les indications lointaines de son amie, il finit par récupérer des cookies, lui en tendre un premier et il observe, la mimique reflétant celle qui s’est dessinée sur les traits de l’enfant, jusqu’à ce que la réaction ne soit verbalisée. Un large sourire s’empare de ses lèvres, il esquisse même un high five avec Sarah avant que celle-ci ne s’empoigne un cookie, rapidement imité par l’ancien flic. « Ahah, si tu veux, mais je ne sais pas tout cuisiner alors il va vite falloir que tu trouves un deuxième chef cuisto si tu ne veux pas te nourrir du même plat pour le restant de tes jours. » Divers combinaisons de sauces et de pâtes, un peu de riz, beaucoup de viande et son lexique culinaire s’arrête-là. « Mais si vous me demandez gentiment, peut-être que j’prendrai des cours pour ravir vos papilles de temps en temps. » Parce que c’est uniquement une question de faveur – et pas du tout parce qu’il se motivera un peu plus facilement à cuisiner si ce n’est pas que pour lui. Nope. Il n’est pas flemmard à ce point.

hj:

Non. Bien sûr que non, Noomi n’était pas en train de sacrifier sa fille uniquement parce qu’elle n’avait aucune envie de se traîner sur une pelouse bien entretenue histoire de taper la balle. Mais il fallait profiter du fait que Sarah n’était pas encore tout à fait contre toute pratique sportive comme elle. Peut-être ne le serait-elle d’ailleurs jamais mais puisqu’il s’agissait là d’une possibilité, oui, autant en profiter, moi je vous le dis. Puis la jeune femme s’interrogea quant à ce qui pouvait bien pousser les gens à faire de la boxe ? Question qu’elle ne s’était encore jamais posée jusqu’ici, se contentant des motivations qu’on leur servait dans les films. Qui ne parlaient de self-défense qu’en sous-texte, comme si tous les boxeurs étaient nés dans un coin extrêmement minable du Bronx, mais la motivation principale était souvent faire comme papa. Non clairement, les films de boxe n’étaient pas très originaux à l’instar de bien d’autres genres encore. A la question de son ami, la blonde se contenta d’hausser les épaules ; manifestement, aucun des deux ne connaissaient les vraies raisons qui poussaient les gens à faire de la boxe. Cela étant, taper sur d’autres personnes sans avoir forcément à terminer au poste de police lui semblait être la meilleure raison, à elle. A tel point que ça pourrait même la convaincre de s’y mettre. Enfin peut-être, on n’irait pas jusqu’à dire que c’était une certitude non plus.

Pour l’heure, son plus gros souci concernait sa relation avec Jimmy. Pas qu’elle soit un problème en soi, bien entendu mais il lui fallait encore l’annoncer à Sarah. Pas une partie de plaisir, non, et Noomi tournait et retournait la chose dans son esprit constamment. Ce qui ne servira probablement à rien puisqu’elle était quasiment sûre de finir par l’annoncer sans prendre de gants. Comme toujours. La réflexion de Jon à ce propos la fit sourire.

« T’en fais pas. J’ai pas l’intention d’la traumatiser à vie non plus. »

Mais elle veillerait à lui acheter son dessert favoris, oui, en voilà une remarque judicieuse qu’elle nota aussitôt sur un post-it pour être sûre de ne pas l’oublier. Vint ensuite le moment de la pause clope à la fenêtre. Pause que sa fille était loin d’approuver et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne s’en cachait pas. Alors bien sûr, Jon se sentit un peu obligé de promettre qu’il allait essayer d’arrêter. Et qu’il embarquerait Noomi dans cette histoire. Sarah avait l’air aux anges, la grecque un peu moins. Enfin, elle aimerait bien. Et elle était sûre d’y parvenir une deuxième fois, si tout rentrait dans l’ordre. Le hic c’est que tout était encore loin de rentrer dans l’ordre. Elle avait donc encore le temps de voir venir. Sauf que Jon insistait pour qu’elle ne le laisse pas seul dans cette galère. Comment pourrait-elle refuser, maintenant ?

« Bon okay. Un essai ça coûte pas grand-chose. »

S’ils échouaient, ils pourraient au moins dire qu’ils avaient essayé. En tout cas un peu. L’essentiel, c’était que ça suffise à Sarah pour l’instant. Puis la petite fille lui promit de lui montrer combien elle était douée avec les lettres, quand il le voudrait et Noomi l’imagina en train de lui lire l’histoire de Barbie hippie partant pour une journée à la plage avec Ken et les autres dont elle mélangeait toujours les prénoms. Ça ne pourrait que le fasciner, à l’évidence. Quant à la visualisation de la tête des profs de Sarah si jamais elle se mettait à parler avec un truc invisible portant le nom de Junkie, elle était tout simplement hilarante. Quoi qu’il en soit, la minuterie du four les rappelèrent alors tous à l’ordre et, restant à la fenêtre, la blonde laissa le soin à son ami de récupérer les cookies qu’il leur fit goûter et qui étaient bien meilleurs que les siens, soit dit en passant. Une fois de plus, Noomi haussa les épaules.

« - Y a plus dans trois têtes que dans deux. Et puis ça me dérangerait pas de passer le restant de ma vie à manger que des cookies, toi oui, bébé ?
- Non ! »

Attendrie, elle sourit. Tu m’étonnes, qui pourrait s’en plaindre ?