les routes sont bien sinueuses par ici → piotr

Cove fait partie de ces gens qui, même une fois en dehors du cadre scolaire, continue de fréquenter les bibliothèques. C’est que les bouquins coûtent cher. Non, elle n’est pas dans le besoin et ne l’a jamais vraiment été, de plus, elle se sert du net comme personne, ce qui fait que ça ne rend même pas la chose nécessaire pour elle mais disons qu’elle aime bien ça. Le calme qui y règne, l’odeur de poussière sous celle du dépoussiérant, le poids du livre dans ses mains, ainsi de suite. Ce explique que c’est l’endroit où elle se trouve cet après-midi-là, un gobelet de thé glacé à la main. Entouré d’une serviette en papier histoire de n’abîmer ni les livres, ni le mobilier avec la condensation. C’est alors qu’au détour d’un rayon, voilà qu’elle tombe sur lui. Cove ne sait pas qui est ce « lui », toujours est-il qu’elle n’arrête pas de tomber dessus. Déjà deux fois cette semaine ; pour n’importe qui d’autre, il ne s’agirait jamais que d’une coïncidence, voire même d’un signe du destin. Pour elle, c’est suspect. D’autant qu’elle l’a entendu parler russe à plusieurs reprises. Toujours des conversations banales mais s’il la suivait, alors il devait se douter qu’elle faisait attention à ce qui se disait.

En toute discrétion, voilà que c’est elle qui le suivit de rayon en rayon. Jusqu’à ce qu’il attrape un volume sur une étagère et aille s’asseoir à une table. Curieuse, elle l’imite, sous la surveillance de la bibliothécaire qui veille à ce que personne ne fasse trop de bruit, histoire de ne pas déranger les autres lecteurs. Cove baisse enfin les yeux sur la couverture du bouquin qu’elle a attrapé au hasard pour s’apercevoir qu’il s’agit d’un bouquin de développement personnel. Ben tiens, il ne manquait plus que ça. Soit, elle fait donc mine de le feuilleter en jetant des coups d’œil de temps à autre à ce fameux lui. Lui aussi a l’air plongé dans son propre bouquin. Son boulot la rend quelque peu parano, on dirait bien. Cela dit, autant en profiter pour connaître le fin mot de l’histoire. Elle se saisit donc d’un stylo et d’une feuille sur laquelle elle écrit une question : « vous êtes qui ? ». Un peu direct ? Certes, mais elle n’est pas vraiment du genre à y aller par quatre chemins hors mission.

« Psst. »

Sa façon à elle d’attirer son attention avant de faire glisser le bout de papier dans sa direction.

Le retour à la vie « normale » depuis qu'il était rentré de son escapade était quand même vachement étrange. Il y avait l'accident de Reira, qui l'avait précipité à rentrer plus tôt que prévu -bien qu'il n'ait justement pas réellement prévu de rentrer à ce moment précis. Il avait du passer ses journées et ses nuits le plus possible près de sa sœur, pour la soutenir, pour la rassurer, pour être tout simplement là. Piotr avait l'impression de revivre des scènes d'une vie qu'il avait déjà connu, il avait l'impression qu'à nouveau, sa sœur allait s'échapper, s'enfuir, disparaître. Pourtant, elle faisait réellement mine que tout allait bien, qu'elle était plus forte et qu'elle allait se remettre mais c'était inexplicable comme sensation. Piotr ressentait juste toutes ses peurs les plus enfantines prêtes à frapper contre la porte pour sortir, s'échappant à leur tour. Il n'était qu'une porte pour elles, un passage, un moyen d'expression ou de transport. Mais parfois, il avait vraiment l'impression que sa sœur encaissait bien le coup tandis qu'à d'autres moments, il sentait qu'elle ne réalisait juste pas encore tout ce qu'il se passait. Chance n'était jamais vraiment trop loin, ce qui était rassurant pour le plus jeune des Tsvetkov. Il y avait une personne de confiance, rassurante, qui était avec sa sœur et lui. Et puis le plus jeune voyait bien qu'il y avait quelque chose encore entre sa sœur et Chance, mais pour le moment, il n'avait pas le temps de plus approfondir cela. Dès que sa sœur s'était senti un peu mieux, il l'avait de plus en plus confié à Chance pour se dégager du temps pour Imrân. Ils avaient discuté de leur passé, de leur agression, de ce qui avait tout déclenché pour eux. Ils avaient vidé leurs sacs, ils avaient vraiment posé carte sur table. Aujourd'hui, Piotr savait qu'il faudrait du travail, de l'implication et du soutien pour se sortir de cette histoire traumatisante, mais il était prêt. Ils étaient prêts. Les deux jeunes gens étaient même en train de se chercher, enfin, un cocon d'amour. Un endroit à eux, où ils poseraient vraiment leurs valises, où ils essayeraient enfin de construire quelque chose ensemble, du solide. Mais avec sa main bandée, son abandon chez Allan et toutes les choses qu'ils avaient à régler, Piotr menait tout de même une vie bien remplie. Pourtant ce jour-là, il avait décidé de remplir une mission orchestrée par son petit ami Imrân. Ce dernier avait enfin reçu la liste des bouquins qu'il devrait lire tout au long de son année d'architecture et n'ayant pas le temps avec ses cours à rattraper pour aller les chercher, Piotr lui avait proposé son aide. Maximoff avait bien noté les références, les titres, les auteurs sur un bout de papier, au propre, en russe et en anglais, histoire d'être bien sûrs. Le petit Tsvetkov s'était donc rendu dans la bibliothèque la plus proche de son lieu de vie, à savoir en ce moment chez sa sœur. Il avait écumé les rayons de plusieurs librairies avant cela, et il n'avait réussi à trouver qu'un livre, souvent le même un peu partout. Mais ici, c'était clairement plus grand, donc, il y avait plus de chance pour trouver ce qu'il lui fallait. Il resta un long moment à l'accueil, à discuter avec la bibliothécaire pour savoir s'il allait vraiment trouver quelques uns des livres de son petit ami. Oui, il y en avait quelques uns et pour le reste, elle était ok pour les commander, ce qui était parfait. Le russe accepta, avec son gros accent, tandis qu'il s'apprêtait à longer les allées de la bibliothèque dans l'espoir de trouver les livres manquants. Le voilà donc en train de marcher sur le sol en bois, doucement, essayant d'être le plus discret possible. Son regard balaya l'endroit des yeux, jusqu'à tomber sur elle.
Une silhouette longue, fine, un corps relativement maigre, brut. Les cheveux formant des dreadlocks fines, relâchées et tombant dans son dos. Cette peau ambrée, colorée, chaude, tatouée. Il la reconnu, il détourna les yeux, il entra dans une allée. Cette fille, il n'arrêtait pas de tomber sur elle : dans la rue, à la sortie de l'hôtel en ville, quand il allait faire ses courses pour chez sa sœur : tout le temps. Il la voyait de loin, au détour d'une rue ou d'une allée, dans le bus, il croisait parfois son regard. Un regard froid, mystérieux, comme si elle cherchait à lire en lui. Piotr était gay, et si on a bien comprit quelque chose au cours de cette dernière année : c'est qu'il est fou de son petit ami. Mais cette fille, là, elle a un truc spécial. Il ne remet pas sa sexualité en question, il la trouve juste... belle. Incroyable. Mystérieuse. Il a envie d'en savoir plus. Il sourit, trouvant cela amusant de la croiser partout, quand il sent son portable vibrer dans sa poche. Il le sort, déverrouille l'écran et y lit un message de Max, en russe. Il reste appuyé sur un bouton le temps d'envoyer une note vocale en russe et puis continue sa quête dans le rayon. Il cherche, il regarde presque chacun des bouquins ici présents et puis, après en avoir prit un ou deux, il va s'installer à une table pour les feuilleter. C'est bientôt la Saint-Valentin, il se dit que pour un cadeau pour Max, des livres d'archi ça serait bien, non ? Alors il veut regarder un peu si des ouvrages sont cités dans ces bouquins pour cela. Piotr remarque tout de même que la jolie femme aux dreads vient s'installer à sa table à lui. Il sent son rythme cardiaque s'accélérer, alors qu'il essaye de rester concentré sur son livre. Mais là, il entend un petit bruit venant d'elle. Elle l'appelle par un bruit. Il a relevé la tête, il croise son regard, il voit un papier venir à lui. Il sourit, il rigole, il trouve cette approche amusante. Il prend le papier et l'ouvre. Sa mine est interrogative, il ne se serait pas attendu à cette question en particulier, surtout la tournure qui est spéciale. Mais pour le petit russe qu'il est, et qui n'est pas à l'aise encore avec la construction grammaticale anglaise, il répond simplement et jette le papier à son tour vers la jeune femme, après y avoir inscrit « je m'appelle Piotr et toi ? »

@Cove Jäger

Plus elle y pense – et surtout maintenant qu’elle l’a sous les yeux, qu’elle ne l’entr’aperçoit plus seulement en passant -, ça lui semble évident que ce petit gars ne la suit pas. Pourquoi ? Sa jeunesse peut-être. Pourtant, Cove a été formée pour savoir que dans son milieu, ça ne veut strictement rien dire ; il a déjà été question d’enfants espions et parfois pas qu’espions, même. Non vraiment, de tout temps, il aurait fallu être le dernier des couillons pour croire qu’enfance rime avec innocence. Puis Cove songe à ce qu’elle répondrait si les rôles étaient inversés, si quelqu’un qu’elle ne connaissait pas le moins du monde venait à lui demander du but en blanc qui elle était. Elle commencerait par mentir, ne donnant pas sa véritable identité, allant sans doute même jusqu’à s’improviser une autre vie. Rien de trop alambiqué parce qu’elle n’aurait pas la possibilité de faire en sorte que ça tienne la route si on voulait vérifier que c’était le cas. C’est donc à prendre en compte. Une bonne petite dizaine de scenarii se jouent dans sa tête alors que le mieux qu’elle ait à faire est d’attendre la réponse. Réponse qui ne tarde pas à arriver puisque sa note lui revient. Piotr. Jusque-là, ça paraît cohérent, notamment parce qu’elle sait qu’il parle russe. Qu’il l’est sûrement au vu de son accent. Un peu décevant parce qu’elle ne s’attendait à n’obtenir qu’un prénom en retour mais elle ferait avec. Le plus important étant au fond que la discussion soit engagée puisqu’il lui retourne la question. Sans trop réfléchir, Cove marque le premier prénom qui lui passe par la tête. Car évidemment, il n’est pas question qu’elle révèle sa véritable identité dans ce cas de figure non plus. S’il la suit réellement alors il doit probablement savoir que c’est faux et si non, ça n’est jamais qu’un petit mensonge sans grandes conséquences. Puis elle cherche quelques secondes comment formuler sa prochaine question. De manière un peu moins agressive, peut-être. Bien que ça non plus n’ait pas porté à conséquence, semble-t-il. Moins agressive, certes, mais toujours très directe puisqu’elle écrit : « Zoë. Je sais pas si t’a remarqué mais j’ai l’impression qu’on se croise souvent. Est-ce que tu me suis ? » et pour que ça ne fasse pas trop stricte non plus, elle dessine un petit smiley qui tire la langue à côté avant de la refaire passer. Bien sûr, il y a toujours le risque de ne pas paraître assez sérieuse du coup mais puisqu’elle a décidé de lui laisser le bénéfice du doute à ce petit gars.

Piotr ne tourne pas la tête en direction de la jolie métisse lorsque celle-ci réceptionne son petit mot de retour. Non, ses doigts à lui se pincent sur la couverture solide du premier livre, afin d'en tourner les premières pages, tandis que son corps a légèrement basculé au dessus de ce dernier. Il se plonge dans la lecture de quelques petites notes de bas de page, ainsi qu'à la bibliographie se situant à la fin de l'ouvrage, comme Imrân le lui avait apprit. Alors qu'il est en train de noter un ouvrage de référence qui lui semble important, et qui est cité dans ce livre-ci, le papier vent sursauter entre son visage et le livre. Il est surprit, ne s'en cache pas et directement, son visage amusé se tourne vers sa jolie voisine. Lui, ce petit jeu l'amuse, mis à part au lycée, il n'a plus fait cela depuis un moment. Ca lui rappelle qu'il n'est qu'un gosse finalement. Ses doigts laissent le livre ouvert devant lui, ses doigts décortiquent le petit morceau de papier plié. Les différentes écritures commenceront bientôt à se lier les unes aux autres, forçant les deux écrivains à composer avec le peu d'espace qu'il leur restera sur ce papier. Zoë. Il hoche la tête, continuant de lire. Il ne peut s'empêcher de retenir un léger rire, qui ne devra pas se faire entendre des autres occupants de cette bibliothèque. Il croise le regard de sa voisine, et passe sa langue sur ses lèvres, amusé. Il ne tarde pas à lui répondre, s'obligeant à longer les trois coins sur quatre du papier froissé. « J'étais en train de me poser la même question, je t'ai déjà croisé plein de fois avant oui ». Ses doigts forment une boule de papier, avant de se voir jeté par dessus la table. Un peu trop fort cependant, parce que la boulette continue de voler, dépassant la jolie Zoë pour finir sa course en bas de l'une des étagères qui entouraient leur table. Il grimace, comme pour s'excuser. Pourtant normalement, il est plutôt fort pour viser ! Il allait falloir reprendre les entraînements de hockey avec plus d'assiduité. Il s'en fit la promesse.

S’échanger des notes de la sorte, pour Cove ça remonte à loin. Sans doute bien moins en ce qui concerne ce jeune homme. A première vue, elle lui donnerait la vingtaine. Toute fraîche. Autrement dit, il viendrait à peine de les quitter, lui, les bancs de l’école. Ce qui n’est rien de plus qu’une façon de parler car elle sait que l’école, c’est pas fait pour tout le monde et qu’elle ne juge pas les gens qui ont décidé de prendre une autre voie. Quoi qu’il en soit, maintenant qu’elle y pense, s’il ne la suit pas vraiment, c’est peut-être parce qu’il est toujours aux études qu’il se trouve là. Ça paraît tout à fait logique. Ce qui l’est moins c’est qu’une nana de son âge l’aborde de cette façon, en revanche. Manquerait plus qu’on appelle les flics pour harcèlement tel le pervers à imper à la sortie des écoles, tiens. Mais ça n’a pas l’air de le déranger outre mesure en tout cas puisqu’il la gratifie d’un sourire en recevant son message. Et qu’il y répond. Visant tout à fait à côté cette fois-ci. Cove pouffe, secoue la tête pour faire comprendre que c’est rien, en réponse à sa grimace d’excuse et se lève pour aller ramasser le bout de papier un peu plus loin sous le regard noir de la bibliothécaire qui se racle ostensiblement la gorge. Pas de bol pour eux, ils se sont fait remarquer, elle va les avoir à l’œil dorénavant. La jeune femme défroisse le papier pour lire ce qui y est écrit. Aucune remarque quant à son accusation. Par contre, il semble avoir noté lui aussi qu’ils n’arrêtent pas de se croiser. Tu m’étonnes… A son tour de répondre. « Ravie de faire ta connaissance alors. Ça te dirait qu’on aille prendre un café histoire de pas de pas se faire gronder si jamais tu lances une fois de plus à côté ? »
La jeune femme se rend compte que ça peut prêter à confusion bien que ça ne soit pas le but mais elle a tout de même envie de creuser un peu plus cette histoire. En espérant que ça ne soit pas juste son imagination qui lui joue des tours parce que sa vie normale en dehors du travail l’ennuie. Elle hésite une demi-seconde avant de lancer le projectile qui atterrit pile sur le bureau et coule un regard en direction de la bibliothécaire. Celle-ci les épie toujours.

Piotr doit se retenir de rire aussi, quand il voit la boule de papier dépasser Zoë. Celle-ci pouffe un peu et Piotr lève les yeux vers la bibliothécaire qui semble les avoir à l'oeil depuis. La jeune femme se lève de sa chaise pour récupérer le papier et le lire. Piotr lui, continue de regarder un peu les livres de son petit ami, mais clairement, il se dit que c'est déjà pas mal ce qu'il lui a prit là, non ? Il sera content et puis si jamais ça ne convient pas, il reviendra. Par contre, il ne peut s'empêcher de se dire que Zoë a l'air un peu plus âgée que la plupart des étudiants ici présents. Peut-être qu'elle est professeur ? Ou bien qu'elle est une étudiante mais en doctorat ? Finalement, la jolie métisse lui renvoie la boule de papier et Piotr ne perd pas un instant pour l'ouvrir. Il est un peu surprit, il se dit que de rencontrer des gens dans la vraie vie devient de plus en plus rare, que c'est presque étrange même pour un gosse de vingt ans, mais que cette fille est vraiment cool. Il la trouve très jolie et elle dégage un truc mystérieux, un truc attirant. Bon, il est gay et fou d'Imrân, mais il doit bien reconnaître que cette Zoë a un truc un peu mystique en elle. Alors en guise de réponse, il se contente d'hocher la tête à la positive, avec un petit sourire amusé en coin. Est-ce que son petit ami allait approuver ? Bien sûr que oui, puisqu'il n'avait aucun doute sur l'amour que Piotr pouvait lui porter désormais. Mais il ne fallait pas non plus oublier que le plus jeune des russes était aussi celui qui avait fait croire à tout le monde qu'il avait une meuf, pour cacher son homosexualité. Fermant les gros livres d'architecture, le petit russe se leva de sa chaise pour ranger les ouvrages dans son sac. La bibliothécaire les observa, comme s'ils étaient de vrais petits démons, ce qui le fit rire. Ensemble, ils se dirigèrent vers la sortie du bâtiment et une fois en dehors, Piotr prit une grande respiration et lança à la demoiselle « enfin libres » avant de remettre la lanière de son sac sur son épaule. Son accent russe était tout de même encore bien audible, il parlait souvent encore dans sa langue maternelle avec Imrân et Reira. « Tu as une idée de l'endroit où tu veux aller boire un truc ? » demanda t-il alors.

Y a pas à dire, Cove est vraiment contente de ne plus être étudiante, de ne plus avoir à fréquenter les bibliothèques de manière régulière et surtout de ne plus avoir à bûcher durant des heures. Une chose lui manque : les fêtes étudiantes. Notamment le bière-pong, on ne va pas se le cacher. Mais de manière générale, la plupart des étudiants ont tellement la pression toute l’année qu’ils font la fête comme personne. Alors que, passé un certain âge, c’est plutôt mal vu. Et en plus, se mettre minable pour aller bosser le lendemain aux petites heures, c’est bien quand on a vingt ans. Beaucoup moins une fois qu’on a atteint la trentaine et qu’on galère déjà à se remettre d’une nuit blanche toute simple. Bref, tout ça pour dire qu’elle est aussi contente de ne plus avoir affaire à ces dragonnes de bibliothécaires. Raison pour laquelle elle propose au jeune homme d’aller prendre un café. Piotr aurait pu réagir de n’importe quelle façon ; il aurait pu prendre peur, laisser s’exprimer un brin de parano ou alors s’offusquer parce que ça ressemble quand même beaucoup à la façon de draguer des gros lourds qu’on croise dans la rue. Mais non, au lieu de ça, il accepte.

Bien élevée malgré tout, la jeune femme attrape son livre de développement personnel sur lequel elle ne s’est pas du tout penchée pour le ranger sur la première étagère venue et attend qu’il rassemble ses affaires pour sortir de là. Enfin libres, oui, ce sont les bons mots et elle ne peut qu’acquiescer avec un large sourire.

« Ouais, je connais un coin sympa un peu plus loin, suis-moi. »

On peut compter sur Cove pour connaître les coins sympas, les coins branchés, les coins craignos – bien qu’ils ne soient pas si nombreux que ça parce qu’on est tout de même en Nouvelle-Zélande, tout le monde marche au pas, ou presque -, en résumé, elle connaît très bien toute la ville pour y avoir grandi et vécu toute sa vie. En dehors de ses missions à l’étranger, s’entend. Quelques rues plus loin se trouve un petit café sans prétention qui ne fera jamais le poids face au géant qu’est Starbucks mais qui se veut plus convivial, voire peut-être même plus intimiste. Elle en pousse la porte et est aussitôt assaillie par de la musique new-age ainsi qu’une agréable odeur de café. Ça ne se bouscule pas vraiment au portillon à cette heure alors elle peut carrément squatter une des banquettes qui fait le coin près de la fenêtre. Ce qu’elle n’hésite pas à faire, repliant les jambes sous elle comme si elle était à la maison plutôt que dans un lieu public. Elle attend que Piotr prenne ses aises lui aussi.

« Alors, t’étudies quoi de beau ? »

Ou de laid, hein, il est peut-être étudiant en criminologie par exemple. Ou pire, en psychologie.

Ils rangèrent leurs affaires, Piotr passe tout de même au comptoir de la bibliothécaire pour emprunter les ouvrages qu'il était venu chercher pour Imrân. Les enfonçant dans son sac à dos, il le jeta par dessus son épaule et suivi la jeune femme d'un pas décidé à l'extérieur du bâtiment. Le soleil est haut, il est doux. Piotr n'arrive pas encore à se faire à l'idée qu'ici la période hivernale se passe sous des températures incroyables pour le russe qu'il est. Mais c'est tellement agréable, un pays où il fait tout le temps beau et chaud. Ca fait aussi du bien au moral, il n'y a pas à chier. La jolie métisse semble connaître l'endroit comme sa poche, elle l'entraîne au dédale de petites ruelles, où les habitations fleuries et colorées croisent des petites boutiques cachées entre deux immeubles. Piotr aime ce cachet, ce truc convivial et authentique qui n'existe pas non plus dans son pays d'origine. Il la suit, alors que le bruit des mouettes les entraîne jusqu'à un petit endroit. Quand la porte s'ouvre, au passage de l'inconnue Zoë, et qu'il entend de la musique, il reconnaît presque instantanément le groupe REM qu'il apprécie particulièrement en temps que batteur dans un groupe, et même au delà. Il se souvient avoir fait plusieurs soirées en russie, dans des endroits improbables, avec ce genre de musique, drogué comme pas possible. Il sourit alors en suivant la jolie métisse qui s'avance presque assez rapidement sur une banquette. Près d'une immense fenêtre donnant sur une petite jardinière remplie de fleurs, avec vue sur mer. Piotr observe cet endroit, il n'y a pas beaucoup de monde, mais il observe surtout la décoration aux murs. Il y a des illustrations, des pochettes de vinyles, des posters d'affiches de festivals. Il se sent bien, il se reconnaît dans cet endroit, c'est sûr qu'il reviendra ici avec son petit ami, il s'en fait la promesse.
Piotr fait tomber son sac le long de son épaule, avant de prendre place face à la banquette sur laquelle Zoë s'est installée. Il s'agit d'un vieux fauteuil en cuir, un peu abîmé, mais hyper stylé et confortable. D'ailleurs, alors qu'il laisse son cul tomber sur le siège, Piotr pousse un soupir de soulagement en souriant. « Il est génial cet endroit » dit-il en continuant d'observer la décoration. Il y avait des plantes suspendues au plafond, des couleurs, des odeurs, une ambiance particulière. Le petit russe, fini par ranger son sac près de lui, tandis que la métisse lui demande ce qu'il étudie. Il grimace d'abord, se demandant bien pourquoi elle croit qu'il est encore dans les études. Mais il fini par faire le rapprochement. Il sourit alors et explique « c'est mon copain qui étudie l'architecture » et c'est bien la première fois de toute sa vie qu'il sort une phrase pareil. Ouais, il a un mec. Il n'avait jamais osé dire ça auparavant et désormais, c'était comme si c'était naturel. « Et toi ? Qu'est-ce que tu cherchais à la bibliothèque ? » demanda t-il curieux. Parce qu'après tout, elle est plus âgée que lui, peut-être que sa réponse sera inattendue ?

Ce petit café fait indéniablement partie des endroits qu’elle préfère dans cette ville. Et aucun risque qu’il vienne à fermer du jour au lendemain puisqu’elle l’a pratiquement toujours connu. Il tient bon face à l’envahisseur. Une chance pour elle, sinon Cove se demande bien où elle pourrait aller squatter en période de cafard. Hé oui, ça lui arrive à elle aussi. Bref, Cove sourit et acquiesce en entendant qu’il est génial, cet endroit. Elle est bien de cet avis elle aussi. En dépit de son côté un peu rétro parce qu’au fond, c’est très sûrement ce qui fait son charme.

« Puis tu verras, leur café est pas dégueu non plus. »

Bien que ça soit pas super compliqué de faire du café, on ne lui ôterait pas de l’idée que ça demande quand même un certain talent, sinon pourquoi le café de toutes les machines à café qui existent sur Terre est aussi imbuvable ? Sans compter que leurs pâtisseries se laissent tout à fait manger aussi. D’ailleurs elle a bien l’intention d’en prendre une parce qu’elle commence à avoir un petit creux. Mais pour l’instant, elle se questionne au sujet de Piotr. Qui lui apprend que ce n’est pas lui qui fait des études – en tout cas, c’est ce qu’elle en déduit de sa réponse –, mais son copain.

« C’est gentil, ça. Faut dire qu’il en faut du courage pour s’attaquer à l’architecture. »

En tout cas le suppose-t-elle parce qu’elle n’y connaît pas grand-chose mais elle a quand même toujours trouvé que ça avait l’air compliqué. Et que pas mal de responsabilités en découlent, qui plus est.

« Moi j’ai juste commencé les cours de Pilates récemment, je voulais voir si un quelconque médecin avait pas de bons conseils à donner à ce propos. »

Ce qui n’est un mensonge qu’à moitié puisqu’elle suit réellement des cours de Pilates. Ça colle avec le rayon bien-être dans lequel elle se trouvait un peu plus tôt et même avec le bouquin de développement personnel qu’elle avait pris au hasard sur une étagère si on pousse un tout petit peu la réflexion. Non, Cove n’est pas peu fière de sa trouvaille. Un sourire étire ses lèvres alors qu’elle ajoute ensuite :

« Ce que j’aurais plus vite fait de trouver sur internet mais parfois se décoller de son écran, ça fait pas de mal. »

Là-dessus, la serveuse déboule et Cove demande un grand latte ainsi qu’une part de brownie avant de laisser le jeune homme passer commande à son tour.

Piotr sourit doucement, tandis que de son œil, il observe à la fois l'ambiance, l'atmosphère de ce lieu et aussi les autres visages autour d'eux. Durant une seconde, il s'est demandé comment il avait pu arriver ici, alors qu'il était à la base part à la bibliothèque pour aider son copain. La vie était un peu surprenante, non ? Piotr n'avait plus rencontré de gens dans la vraie vie, comme ça, depuis ceux qui forment aujourd'hui sa famille, ici. Le minet de vingt ans sourit alors quand elle évoque l'architecture. « Ouais j'suis assez d'accord » rigola t-il en prenant une position plus confortable sur le siège en cuir. Lui, les études, ça n'avait pas été fait pour lui. Ou bien peut-être que si ? Si sa mère, puis sa nounou et enfin sa grande-soeur ne l'avaient pas abandonné au moment où il était censé se construire personnellement parlant, ainsi que de construire son avenir ? Et si sa mère et sa sœur n'étaient jamais parties, comment aurait-il été ? Que serait-il devenu ? Cette question vertigineuse manqua de lui tourner la tête. La jolie Zoë évoqua alors le pilate, et l’accoutumance des gens pour la technologie moderne. Piotr ne pouvait être que de son avis à ce sujet-là. « Alors je t'avoue que je pratique plutôt le hockey sur glace que le pilate, mais ouais j'suis bien d'accord avec toi » avant qu'ils ne se fassent interrompre par un serveur. Piotr ne savait pas trop quoi prendre, il jeta un coup d'oeil à l'heure de l'horloge. S'il prenait un café maintenant, il allait sûrement être incapable de dormir plus tard, mais il avait comme un petit coup de barre, alors il opta pour un double espresso et un cookie avec des m&ms. « C'est ce que j'étais en train de me dire, ça fait un moment que j'avais pas rencontré quelqu'un dans la vraie vie, avec une vraie rencontre, tu vois ce que je veux dire ? » sourit-il amusé. Puis, alors que la machine à café sifflait, il demanda « alors dis-moi Zoë, tu fais quoi dans la vie ? » curieux d'en connaître davantage à son sujet.

Ça alors, s’il ne le lui avait pas dit, Cove n’aurait sans doute jamais deviné que Piotr faisait du hockey sur glace. Notamment parce qu’elle imagine les hockeyeurs plus larges d’épaules, sans la moindre dent et limite sanguinaires. A tort sûrement mais que ferait-on sans les clichés ? Je vous le demande. La jeune femme ne cache pas son étonnement car elle doit probablement avoir plus la tête à faire du Pilate que Piot du hockey et s’enquiert aussitôt.

« Ah ouais ? Ça doit être vraiment cool aussi, ça. T’es à quel poste ? »

Sans aller jusqu’à dire qu’elle est fan, Cove a toujours bien aimé regarder des matchs de hockey sur glace à la télé. Un peu le seul sport qui vaut le détour si on n’est pas sur place, selon elle. Le sang qui gicle, les dents qui volent… pas besoin de le sentir ou d’en être éclaboussé, un paquet de pop-corn à la main dans les tribunes. Non, assis dans son canapé – mais toujours avec du pop-corn ou des chips -, ça fait largement l’affaire. La serveuse vient alors prendre leur commande et ils peuvent ensuite reprendre leur petite discussion.

« Je suis informaticienne de formation. Je donne des cours particuliers là-dessus parfois. »

Lorsqu’il a été question de se trouver un métier façade, Cove n’est pas allée chercher bien loin. Avant d’entrer dans les services secrets, elle était déjà une crack en informatique. Elle pouvait pirater tout et n’importe quoi, c’est même grâce à ça qu’elle a pu les intégrer, les services secrets. Donc autant rester dans un domaine qu’elle connaît comme sa poche. Ça évite les impairs et il n’y a aucun risque qu’elle vienne à griller sa couverture.

« Et toi ? »

Si elle se prête à l’exercice et essaye de deviner, elle dirait qu’il a une tête à faire de la musique. De la guitare, de la basse, peut-être même de la batterie. Un truc plus rock que classique. A moins qu’il ne soit chanteur. Ou streamer. Un gamer, peut-être ? Qui enchaîne les top 1 sur sa chaîne Twitch ? Bref, elle le voit bien dans l’un de ces milieux mais sûrement parce qu’il est jeune. Et qu’elle a l’impression que tous les jeunes se lancent là-dedans. Ou ne rêvent plus que de ça en tout cas. C’est vrai ça, existent-ils encore des jeunes qui rêvent de devenir acteurs ? On se le demande.

La jolie métisse avait l'air de s'y connaître un peu en sport, puisque le poste tenu par Piotr l'intéressait. Immédiatement, Piotr étira ses lèvres en un gigantesque sourire. Le hockey, il avait commencé à en faire quand il était gosse, en Russie. C'est un sport national là-bas, alors physique ou pas le physique qui va avec, Piotr est un bon élément. Il est rapide, agile et précis. Mais encore une fois, c'est sa rapidité qui surprend tout le monde en général. « Je suis ailier » sourit-il enfin. « J'dois jouer depuis que j'ai... » il essaya de compter en anglais, mais tout d'un coup, eu la flemme. Alors il montra sa main, avec les cinq doigts bien étirés comme une étoile. Ouais, il devait avoir commencé ce sport à l'âge de cinq ans, mais vraiment en version plus tranquille. Les coups, la violence, le sang et les blessures, il n'y a goûté que plus tard. C'est un sport de combat, de présence, d'acharnement aussi. Il faut tenir la douleur, il faut continuer, ne pas laisser son équipe. Et ça lui plaît justement, de savoir que ses coéquipiers seront là jusqu'à la fin du match. Match après match. « Et toi, tu fais du sport ? » demanda t-il curieux.
Evoquant ainsi un petit peu plus leur vie privée, il apprit qu'elle travaillait dans l'informatique. Personnellement, Piotr n'avait jamais vraiment su ce que ça voulait dire, c'était bien trop large. On peut à la fois donner des cours comme développer des jeux, des applications ou alors travailler dans la cyber sécurité aussi. « J'suis en train de devenir mécano » répondit-il enfin. Et c'était la première fois qu'il pouvait le dire, comme ça, en se présentant. Pendant longtemps, Piotr avait dit bosser dans un bar, celui d'Allan. Il avait été barista à partir du moment où il avait retrouvé sa sœur, il y a bientôt un an. Mais désormais, il était fier de pouvoir dire tout haut, qu'il avait un métier qu'il aimait. Alors ouais, tout le monde avait été surprit par son choix. Lui qui vient de Russie, qui est riche et qui peut tout avoir... il avait choisi un truc simple, qui ne rapporte pas énormément, qui sali, qui est fatiguant et qui s'obtient en quelques années d'apprentissage seulement. Dans deux ans maximum, Piotr aura son diplôme officiel, il pourra même ouvrir son propre garage un jour. Donc, il pourrait devenir patron à son tour, et tendre la main à un p'tit jeune perdu, comme Livia l'avait fait pour lui. C'est à ce moment-là que la serveuse refit son apparition à sa droite, déposant alors leur goûter devant eux, sur la table. Piotr la remercia chaleureusement, tandis qu'il cherchait déjà son porte feuille pour déposer un billet de vingt dollars néo-zélandais sur la table.

HRP : Je suis tellement désolé ma belle, je pensais avoir répondu et depuis loooooongtemps. Quand c'est comme ça, n'hésites pas à m'envoyer un MP si jamais je ne m'en rends pas compte >< Je suis vraiment désolé en tous cas

Sacrée responsabilité que celle qui incombe aux ailiers. Mais une fois passée la surprise d’apprendre que Piotr pratique le hockey, elle ne peut l’imaginer à un autre poste. En plus de ça, c’est qu’il doit être très bon puisqu’il lui avoue ensuite y jouer depuis l’âge de cinq ans. C’est vrai que quand on dit « hockey sur glace », on a tout de suite tendance à penser Canada – en tout cas, elle oui -, mais en y réfléchissant un peu plus, ça paraît tout aussi approprié qu’on y joue également en Russie. Et s’ils sont aussi strictes et durs que ça semble être le cas dans les autres disciplines où ils sont très forts, alors voir un de leur match devrait être des plus intéressants. Même si là, en l’occurrence, Cove est surtout en train de s’imaginer quelque chose qui s’apparenterait plus à un match de Rollerball. Et y a pas à dire, un match de Rollerball, ça serait vraiment cool même si un peu borderline. Elle étire un sourire avant de répondre :

« C’est génial. »

Puis il lui demande si elle aussi fait du sport. Ce qui laisse supposer qu’il ne voit pas le Pilates comme un vrai sport. C’est pas Cove qui va lui jeter la pierre à ce sujet ; il faut dire qu’elle n’est pas sûre de s’il faut ranger ça, au même titre que le yoga ou encore le tai chi d’ailleurs, dans cette catégorie. Quoi qu’il en soit, pour le coup elle brode un peu.

« Oh oui, je fais du taekwondo, de l’aïkido, de la boxe et du kung-fu. Mais seulement sur PC. »

Le tout accompagné d’un clin d’œil. Il faut bien que la jeune femme colle à l’image de geekette qu’elle veut donner. Et qu’elle est au moins en partie. Parce qu’en vrai, elle se débrouille pas si mal dans les sports de combat. Mais si son métier ne l’avait pas exigé, elle ne se serait jamais tournée vers tout ça. En fait, il y a même fort à parier qu’elle serait telle qu’elle venait de se décrire si elle avait seulement choisi une autre carrière.

Et en parlant de carrière, voilà que le petit jeune lui apprend travailler comme mécanicien. Information qu’elle garde précieusement dans un coin de sa tête parce que vérifiable.

« Cool. Peut-être qu’on s’y recroisera alors parce que les voitures ont une fâcheuse tendance à tomber en panne quand je les conduis. Peut-être que j’agis sur elle comme un aimant sur une boussole, va savoir. »

Inutile de broder cette fois, c’est la stricte vérité. Enfin, pas toujours non plus mais avec son mari, ils ont décidé de s’acheter une nouvelle voiture dernièrement et pendant qu’ils en testaient une chacun de leur côté, elles sont toutes les deux tombées en panne. Enorme manque de pot. Dans tous les cas, Cove reporte son attention sur sa commande tout en participant à l’addition.

Spoiler:

Zoë avait l'air très réceptive à la notion de sport, ou même à cette façon de vivre, ce qui mis Piotr bien à l'aise. Depuis qu'il avait quitté la Russie, il y a plus d'an un de cela, il avait perdu de son hygiène de vie sportive. Avant, il avait des entraînements trois à quatre fis par semaine, sans compter les matchs, les trails d'entraînement en montagne ou les stages sportifs. Mais ici, il avait mis du temps avant de s'inscrire, ne sachant pas s'il souhaitait rester, à la base, ce n'était pas prévu. Il sourit à ce souvenir, et dire que tout aurait pu ne jamais être.
Amusé, il releva les yeux vers la jeune femme et ne cacha pas sa surprise à l'évocation de tous les sports qu'elle énonçait pratiquer. Instinctivement, il regarda ses bras, pour y voir le dessin de ses muscles, mais la jeune femme lui avoua alors la vérité. Il ne pu cacher encore une fois sa frustration, puis son amusement d'être tombé bien vite dans le panneau. « Bien joué » rigola t-il alors. Mais pour le coup, il n'avait pas fait le rapprochement avec le travail qu'elle lui avait dit faire, et il ne comprit pas toute la subtilité de cette petite blague.
Le plus jeune rigola alors quand elle lui parla de voiture. Il prit sa tasse, l'apportant à ses lèvres pour en boire quelques gorgées. « A vrai dire je vais commencer ma formation là » préféra t-il être honnête. Si elle lui donnait quelque chose à réparer là tout de suite, il n'était pas sûr de faire un excellent travail. Il se débrouillerait, il ferait de son mieux, mais ça ne serait pas le travail d'un professionnel. Ca serait fragile, instable, peut-être même dangereux. C'était bien pour ça qu'il s'était lancé dans cette voie, c'était le seul domaine qui l'attirait, qui lui donnait envie d'apprendre, de grandir. Il en avait mis du temps à trouver sa voie, ça avait été long, compliqué et il avait douté d'y parvenir un jour. Et puis c'était arrivé, comme ça, un beau jour, comme un rayon de soleil pénétrant la chambre au réveil. « Mais par contre quand j'aurai fait mes armes, ça sera un plaisir » sourit-il en buvant à nouveau de sa boisson, avant de la reposer sur la table.

Très sympa de sa part de lui faire savoir qu’il débute. Sinon, saboter les freins de sa voiture aurait pu ne même pas être intentionnel. Pour ce que son mari et elle faisaient de cette voiture, de toute manière… Ils ne sont pratiquement jamais chez eux et quand il y est, Tom préfère largement piloter son avion plutôt que de conduire une voiture. Elle le comprend, conduire peut s’avérer frustrant, surtout en pleine ville. Longer la côte en revanche, c’est tout le contraire. Mais c’est bien le problème, on ne peut pas toujours la longer, la côte. Bref, ça explique pourquoi ils n’ont pas hésité à acheter leur Audi chez un concessionnaire dont les modèles d’exposition tombaient en panne et allaient même jusqu’à prendre feu. Sachant cela, leur voiture aurait quand même sûrement bien besoin d’un entretien, il faudrait qu’ils y songent. Mais pas chez Piotr, du coup. Enfin, peut-être au garage où il fait ses premiers pas en tant que mécano ? Les Jäger n’ont pas de garagiste attitré, ils peuvent donc aller où bon leur semble. Ce que Cove avait l’intention de faire, c’était taper les mots-clés « garagiste » et « island bay » voire même « wellington » pour élargir les possibilités et prendre le nom qui figurerait en haut de la liste.

« Noté. Puis qui sait, avant qu’on se décide, tu seras peut-être devenu un vrai pro. »

Qu’ils se décident et qu’ils aient le temps, évidemment, c’est encore autre chose mais ça vous force à repousser indéfiniment des choses toutes bêtes comme un entretien, un rendez-vous médical ou encore l’achat d’un cadeau d’anniversaire. Alors certes, pour ce qui est du cadeau, Cove pourrait très bien profiter de ses nombreux voyages à l’étranger pour ramener des souvenirs d’une boutique pour touristes mais, et bien que ses proches se doutent très certainement qu’elle ne bosse pas – ou plus – vraiment dans l’informatique, ça serait quand même très con. En théorie, faut être riche pour pouvoir se permettre de voyager autant que Cove et Tom le font. Pas agréable mais quand on fait ce métier, il est parfois bien plus simple de se séparer de tous ses proches pour des raisons comme celle-ci. Mais pas que, évidemment.

« Et inversement, si un jour t’as un pépin avec ton ordinateur, peut-être que j’apparaîtrai comme par magie, une fois de plus. »

Comme ces derniers temps. Cove sourit avant de prendre une gorgée de café.