les routes sont bien sinueuses par ici → piotr

Un vrai pro ? Il sourit à cette idée, se demandant bien combien de temps ça allait prendre pour devenir aussi bon que pouvait l'être sa patronne, Livia. Il avait beaucoup d'estime pour elle, elle était dure, exigeante et parfois un peu tranchante, mais il aimait bien. Ca lui rappelait les femmes russes, celles qui ont une main de fer dans un gant de velours, et il était habitué à ces femmes là. Il les respectait même. Alors pour lui, c'était une véritable chance que Livia ait accepté de le prendre dans son garage. Surtout vu sa nationalité, son âge, son parcours... on ne pouvait pas dire qu'il avait quelque chose pour lui à l'un de ces trois niveaux. Il parlait avec un fort accent, il n'était pas encore à cent pour cent à l'aise avec l'anglais ; il était tout de même un peu plus vieux que les gens qui commencent normalement cette formation ; et puis son parcours... il avait eu son bac parce qu'il avait fallu l'avoir et qu'Imrân l'avait motivé. Il n'avait pas fait d'études, il avait toujours eu tout ce qu'il voulait -sauf une famille, jusqu'à aujourd'hui alors pourquoi chercher à se compliquer la vie ? Son père était blindé d'argent, il en avait autant qu'il avait de culpabilité avec ses enfants. Piotr le savait très bien, il savait que son père l'achetait à travers son argent, à travers cette liberté totale qu'il lui avait toujours laissé. Son père avait sûrement bien plus peur de le perdre lui aussi, et s'il y avait bien eu un avantage à être abandonné deux fois, par sa mère et puis, par sa sœur, c'était celui-là. Mais il était aussi devenu un piège, un système dans lequel il étouffait, ne trouvant ni son identité, ni son avenir. Désormais aux côtés de son âme-soeur, dans une relation d'amour saine et avec les problèmes laissés au passé ; il s'était senti prêt à se rapprocher de ce qu'il aimait. Et pour le coup, ce n'était pas de faire des cafés dans un bar avec sa sœur, mais bien d'apprendre un métier. De l'apprendre par cœur, dans les moindres détails, pour devenir l'un des meilleurs, pour pouvoir démonter tous les types de moteurs, pour pouvoir même créer des hybrides, pour s'amuser, pour tester sa résistance, sa détermination, son éveil. Il sourit alors, quand elle aborda le sujet de son travail et il lança alors « tu es originaire d'ici ? » est-ce qu'elle avait passé toute sa vie ici, ou bien venait-elle d'ailleurs, comme lui ?

En entamant la discussion un peu plus tôt dans la journée, Cove ne s’était pas attendue à ce qu’elle prenne une tournure agréable. Il faut dire que commencer une conversation par un « tu me suis ? » inquisiteur peut très mal passer. Mais Piotr ne s’en était pas offusqué. D’ailleurs, elle commence à le trouver sympathique. Bien qu’elle continue de rester sur ses gardes malgré tout. Et en parlant de ça, la question qui suit est un peu tricky. Parce qu’un peu personnelle. Mais après quelques secondes de réflexion, elle estime qu’elle ne craint rien à donner quelques informations véridiques. D’autant qu’il faut tout de même que ça colle avec le fait qu’elle connaisse si bien la ville.

« Oui. Enfin, je suis née et j’ai grandi à Auckland. Puis ma famille est venue s’installer par ici où j’ai terminé mes études. »

En soi, le dépaysement n’avait pas été trop brutal. Oui, certes, c’est pratiquement l’autre bout du pays mais ça reste le même pays. Et puis il n’y a rien qui ressemble plus à une grande ville qu’une autre grande ville, quand on y pense. Elle avait peut-être perdu quelques-uns de ses amis en route mais elle n’avait pas tardé à s’en faire des nouveaux. Sans compter que, suite au décès de ses parents, sa cousine était venue vivre avec eux. Et puis il y avait eu le fait de bosser pour les services secrets qui l’avait peu à peu coupée de ses proches. Aujourd’hui, on peut dire que moins elle a d’amis ou de famille, mieux c’est. Ce qui peut paraître triste, dit comme ça mais c’est dans leur intérêt.

Bref. Pour en revenir au dépaysement, Piotr avait dû en vivre un beaucoup plus brutal, en ce qui le concerne. La Nouvelle-Zélande c’est calme, vraiment paisible, les saisons sont inversées, les températures ne varient pas des masses. Tout le contraire de la Russie et de ses environs, en somme. Certes, la Russie, ce n’est pas que des gens bourrés non-stop à la vodka en train de tirer des coups de kalachnikov à la moindre occasion et tous les habitants ne sont pas forcément hackers et espions – bien qu’elle peut affirmer de source sûre qu’ils sont très souvent impliqués dans les sombres affaires qu’on lui refile -, mais ça existe ! Tout comme les hivers à moins trente en fonction des régions.

« Et toi ? Ça fait longtemps que t’es là ? Pas trop dur de s’acclimater ? »

Quand Zoë lui retourna la question, Piotr réfléchi une seconde. Levant les yeux vers la décoration aux murs, il commença à laisser son esprit rebondir sur le moindre objet présent dans ce café. « Beh... je crois que ça fait un an qu'j'suis là » avoua t-il en déposant sa tasse devant lui. « C'était pas du tout prévu que je m'arrête ici » en effet, à la base, il avait commencé par l'Australie et il s'était arrêté ici un peu par accident. Mais quelque chose l'avait retenu, quelque chose lui avait donné envie de rester quelques jours, puis finalement, quelques semaines. Est-ce qu'il s'agit de sa rencontre avec Maxyne ? Oui, probablement. Parce qu'ici, Maxyne est à la base de tout. Sans elle, il n'aurait pas connu Chance, Loreleï, et sûrement qu'il ne serait pas resté assez longtemps dans le coin pour y retrouver sa sœur. Il releva les yeux vers la jolie métisse face à lui et fini par sourire doucement « quand je raconte cette histoire les gens me prennent pour un fou » avoua t-il en rigolant. Et puis, ça le forçait à parler de sa vie privée, de la situation familiale des Tsvetkov, et tout ça... il ne voulait plus le continuer. Il ne voulait plus s'identifier à cette histoire, à ce passé, qui l'avait pendant longtemps régit. Mais là n'était pas la question de sa jolie interlocutrice originaire de l'île. Piotr s'installa mieux sur son fauteuil et puis fini par lui avouer « on peut difficilement trouver des points communs entre ici et la Russie » avant de rire. Il bu à nouveau de son café, voyant le niveau baisser dangereusement. En effet, on ne pouvait pas dire que ces deux pays avaient grand chose en commun et c'était d'ailleurs la raison de son départ de son pays natal. Le manque de liberté, le manque d'amour, la froideur de cette société. Il avait été chercher ailleurs, ce qu'il ne parvenait pas à trouver dans son propre pays, son identité première pour un garçon qui n'a qu'un nom de famille. Mais tout cela fait partie du passé, tout cela est bien compliqué à expliquer et il n'a pas envie spécialement de rentrer dans plus de détails. Néanmoins, son portable se mit à vibrer dans la poche de son pantalon. Il s'excusa alors auprès de la jolie métisse avant de voir qu'il s'agissait d'Imrân, son petit ami. Il lui demandait où est-ce qu'il était passé et Piotr ne se rendit compte qu'à ce moment-là qu'il aurait du déjà rentrer depuis une heure de la bibliothèque. « Je vais pas tarder j'crois que mon copain m'attend chez nous » sourit-il alors. Ca lui laissait bien sûr le temps de finir leur goûter et leur conversation aussi, bien évidemment.

HRP : Je me suis permise d'amorcer la fin d topic, si cela te convient aussi bien sûr?

Un an. C’est à la fois long comme ça peut ne pas l’être du tout. Si ç’avait été l’inverse, ça lui aurait sans doute paru interminable. Passer d’un pays où il fait plutôt bon vivre à un pays où c’est à peu près tout le contraire, nul doute qu’on doit avoir l’impression que le temps s’étire à l’infini. Alors qu’ici, il devait sembler passer plus vite. En tout cas, c’est l’impression que Cove a, à chaque fois qu’elle rentre de mission. Pas qu’elle soit si amoureuse de la Nouvelle-Zélande que ça, parfois, il lui arrive même de la détester ; il ne s’y passe jamais rien d’intéressant. Pas de serial killers qui font les gros titres, assez peu de gens vraiment irresponsables pour mettre un peu de piquant de tout ça. Dans ces moments-là, partir en mission contre des « méchants » ressemble à une vraie bouffée d’air frais. Mais le fait est que Cove aime bien se poser aussi, de temps-en-temps. Et surtout veiller au grain parce qu’il ne faudrait pas que ça change trop. Toujours est-il que Piotr lui apprend que c’était pas prévu qu’il s’arrête ici. Ce qui, bien sûr, éveille quelque peu sa curiosité. Mais presque aussitôt, il ajoute que c’est une histoire de fous. Ce qui coupe-court aux éventuelles questions qu’elle aurait pu poser ensuite : il ne souhaite pas s’épancher sur le sujet. Ce qu’elle comprend tout à fait ; ils viennent à peine de se rencontrer, un peu tôt pour échanger autre chose que des banalités. C’est par un sourire qu’elle répond à cette affirmation.

Avant de se mettre à rire plus franchement. Oui ça, elle ne doute pas qu’il y a un monde de différences entre la Nouvelle-Zélande et la Russie. D’ailleurs, elle a eu plus d’une fois l’occasion de s’en rendre compte par elle-même. Non, Cove n’a pas l’intention de lui demander quel endroit il préfère. Les deux sont plus ou moins incomparables et puis la Russie, c’est ses racines. En revanche, elle commente :

« Ouais, je veux bien le croire. L’essentiel, c’est que tu te sentes bien ici aussi, au fond. »

Ce dont elle ne doute pas, étant donné qu’il donne l’impression d’avoir assez bien pris ses marques et de s’être assuré une sorte de stabilité. Puis le petit jeune sort son téléphone de sa poche et s’excuse pour en regarder l’écran. Cove lui fait signe qu’il est inutile de s’excuser pour si peu et reprend une gorgée de café. Après quoi il lui annonce qu’il ne va plus trop s’éterniser. Nouveau sourire. Cove reconnaît là l’appel de l’autre moitié sans qu’il ait besoin de le préciser. Pourtant, c’est pas vraiment le genre de choses qui fait ou même a fait, fut un temps, partie de son quotidien.

« Pas de souci. De toute manière, je doute pas qu’on se recroisera un de ces quatre. »

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