like a dream ; marina

Une histoire atroce que celle qui s’est déroulée sur ce tournage. Et qui aurait pu facilement être évitée. D’accord, Marina comprend aisément qu’on préfère les vraies armes aux accessoires ou encore à l’ajout d’effets spéciaux en post-production, mais ces armes-là ne devraient jamais être chargées qu’à blanc. Le risque est trop grand. Alors bien sûr, on peut avancer l’argument que c’est le genre d’accidents qui n’arrive pas souvent, que ça n’était d’ailleurs arrivé depuis l’épisode The Crow mais selon Marina, en tout cas, ça ne devrait même jamais arriver. Jamais. La rouquine hoche la tête.
« C’est évident. Sa vie est gâchée pour une erreur qu’il n’a même pas commise. Mais c’est lui qui l’a tuée et il va lui falloir vivre avec ce poids sur la conscience pour le restant de ses jours. »
Sans compter que ce pauvre type doit en plus prouver qu’il ne simule pas sa dévastation sous le regard inquisiteur du FBI, rien que ça. Non vraiment, Marina éprouve beaucoup de peine pour l’acteur.
« Pour l’instant il est stoppé. Sûrement à cause de l’enquête en cours. Mais je ne doute pas qu’ils le reprennent et finisse par le sortir, ce film poissard. »
D’autant que cet incident en a beaucoup fait parler, ce qui n’aurait peut-être pas été le cas, sinon. Et une chose est sûre : s’il sort un jour, tous les gens au courant de cette sombre affaire, auront envie de le voir. Les humains sont ainsi, attirés par le macabre.

Mais mieux vaut parler de quelque chose de plus réjouissant. Comme le fait que Nina veuille retenter l’expérience si jamais l’occasion vient à se présenter. Puisque c’est son boulot, Marina se renseigne un peu afin de mieux savoir de quel côté chercher. Sa cliente n’est pas très exigeante : tout ce qu’elle veut, c’est ne pas avoir à se balader à poil sur le plateau toute la journée. Marina étire un sourire.
« Très bien, je devrais pas avoir trop de mal à vous trouver ça ! »
Tout ce qu’il faut pour devenir acteur de nos jours, c’est un physique qui plaît au plus grand nombre, un peu de chance et surtout un bon agent. Et le talent dans tout ça ? Vous demandez-vous sûrement. Ce n’est qu’un plus. S’il y en a, alors tant mieux, s’il y en a pas, alors tant pis. En ce qui concerne Nina, Marina ne peut pas encore bien juger de ça, notamment parce qu’on ne lui a pas encore demandé de faire quelque chose d’incroyable mais dans un cas comme dans l’autre, ça ne devrait pas poser problème.

Hé oui, malheureusement, ça s’est vu par le passé que des films durant lesquels s’étaient produits de terribles accidents sortent quand même. Pratiquement à chaque fois, d’ailleurs. Et le pire dans tout ça ? C’est que l’équipe de markéting s’en servait pour en faire la pub. Soit de manière totalement assumée, soit de façon plus subtile mais, dans un cas comme dans l’autre, ça restait du business. Ce qui débecte Marina même s’il est évident que les affaires sont les affaires. Une moue dégoûtée sur le visage, la rouquine hausse les épaules.
« Ils savent très bien que, peu importe que le film soit bon ou non, c’est ce qui fera leur chiffre d’affaires alors, d’un point de vue strictement commercial, ils auraient tort de se priver. D’un point de vue éthique, en revanche… »
Tout un débat.
« Mais ça, c’était avant. A une époque pas si lointaine où on pouvait faire et dire à peu près tout ce qu’on voulait sans que ça ait la moindre répercussion néfaste. Aujourd’hui, tout est très différent. Le moindre faux pas est épinglé partout sur les réseaux sociaux, avec une communauté importante qui s’insurge de tout et de rien. Pas sûre que ça passerait encore. »
Quant à savoir si c’est mieux pour la cause ? Marina dirait que non. Notamment parce que les puissants de ce monde se servent de cette technique pour nous monter les uns contre les autres alors que le commun des mortels devrait plutôt si liguer afin de se retourner contre eux. Mais qu’en sait-elle en vérité ? Les injustices, les inégalités, elle ne les voit que depuis le balcon de son magnifique appartement coûtant un rein au marché noir, surplombant l’un des quartiers les plus riches de la ville. Autant dire qu’elle n’est pas vraiment bien placée pour en parler. Bref, ce qui importe surtout, c’est que Nina soit contente de cette première expérience et qu’elle pense poursuivre sur sa lancée tout en continuant de faire appel à elle, évidemment.
« J’en suis enchantée. Et vous pouvez compter sur moi, je vous trouverai quelque chose incessamment sous peu. »
C’est son job après tout. Et elle le fait bien. Là-dessus, sa cliente lui demande si elle pense qu’on a encore besoin d’elle ou bien si elle peut y aller. Marina observe les environs, voit tout le monde affairé mais plutôt à ranger le plateau plutôt qu’à se préparer à tourner encore.
« Je crois que c’est bon. Je vais rappeler mon chauffeur. Voulez-vous que je vous dépose quelque part ? »

Mine de rien, Marina est très douée dans son métier. Enfin, mine de rien… Disons que c’est normal, puisqu’elle est clairement du genre à se tuer à la tâche. Ça fait pas moins de cinq ans – soit depuis le jour où elle a posé le pied en Nouvelle Zélande, à peu de choses près – qu’elle en fait sa top priorité. Au mépris de son propre couple, parfois. Entendons-nous bien, Marina adore son fiancé, elle ferait n’importe quoi pour lui et elle n’a qu’une hâte, c’est de l’épouser. Mais elle ne trouve pour ainsi dire jamais le temps de se lancer dans des préparatifs de mariage. C’est que c’est vraiment très chronophage comme activité. Tant et si bien que, si elle continue comme ça, ça fera sûrement d’elle la femme qui a été fiancée sur la plus longue période de temps. Qu’à cela ne tienne, ça lui permettrait d’entrer dans le Guinness Book. Tout ça pour dire que la rouquine aime bien son travail et encore, c’est un euphémisme étant donné qu’elle se donne presque corps et âme. Ce qui fait qu’elle est douée. A tel point qu’elle devrait carrément augmenter ses tarifs. Mais puisque l’argent n’a jamais été un souci pour elle, elle ne voit pas pourquoi elle le ferait. Autant rester abordable et venir en aide à des gens qui galéreraient énormément sans elle.
« Moi aussi ! »
Tant d’enthousiasme d’une part comme de l’autre ne peut pas mener droit dans un mur, c’est certain. Bref, il est donc temps de remballer et de rentrer chez soi. Rentrer chez soi ? Non, pas pour Marina qui a un autre rendez-vous plus tard dans la journée, en tout cas. Quand je vous dis qu’elle n’a pas le temps… D’ailleurs, elle peut tout à fait déposer Nina quelque part si c’est sur son chemin. Mais sa cliente lui fait savoir qu’elle se débrouillera par ses propres moyens. Très bien. Marina balaye le « c’est gentil » de Nina d’un geste de la main signifiant que c’est trois fois rien puis acquiesce d’un mouvement de tête.
« Je vous appelle dès que j’ai trouvé quelque chose qui serait susceptible de vous intéresser. »
Et contrairement à n’importe quel homme faisant cette promesse, la jeune femme peut compter sur cet appel. Petit signe de la main avant de se diriger vers la sortie.