what.. am i going crazy ? (laurel)

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Certaines personnes pourraient penser que c'est un métier un peu bizarre, de vouloir sauter dans les flammes pour aider quelqu'un qu'on ne connaît même pas, mais c'est ce qui passionne Roman. Jeune, on lui a souvent répété qu'il n'arriverait à rien, à cause des notes qu'il avait à l'école. Être assis derrière une table, à écouter des cours inutiles selon lui, ça ne l'a jamais intéressé, c'est bien pour ça qu'il n'a jamais cherché à briller. Mais maintenant, après plus de douze ans à la caserne, c'est un homme studieux, comme il ne l'a jamais été. Un pompier qui écoute, un pompier qui réfléchit avant de s'engager dans une maison en feu et surtout, un pompier qui ne changerait jamais son métier pour un autre dans un bureau. La sirène retentit dans la caserne et tous les combattants du feu s'activent jusqu'aux camions. Ils commencent à enfiler leurs combinaisons et montent à bord. Ils finiront de les mettre durant le trajet. Dans de tels moments, il faut aller vite et chaque possibilité de gagner quelques minutes est prise. En arrivant sur les lieux de l'appel, le pompier jette un rapide coup d'œil au bâtiment, à sa structure et à son architecture. Étant maintenant lieutenant, c'est à lui de donner les ordres et il est hors de question que l'un de ses hommes perdent la vie parce qu'il a été trop vite pour analyser la situation. Alors que certains de ses coéquipiers commencent à dérouler les tuyaux pour plus tard, le jeune homme remarque un attroupement non loin de la porte d'entrée. « Mesdames, messieurs, ce n'est pas un spectacle. Veuillez reculer s'il vous plaît. » Rester calme, c'est quelque chose que Roman a appris à faire, notamment à la formation qu'il a suivie pour devenir lieutenant. Quand on est en charge d'une équipe il faut savoir gérer ses émotions, peu importe ce qui arrive. « La police va arriver. Facilitez-leur la vie et rester derrière la.. » Le jeune homme est incapable de terminer sa phrase. Il croise le regard d'une femme, d'une blonde pour être plus précis et il perd le contrôle de ses émotions. Malheureusement. Il a de la chance, à ce moment précis, aucune vie n'est en jeu. Face à lui, Roman voit un fantôme. Un visage qu'il n'a plus vu depuis plusieurs années. Un visage qui est enterré six pieds sous terre dans le cimetière de la ville. Alors naturellement, il bloque. Immobile et sans mot. Le seul mot qui parvint à sortir de ses lèvres est un prénom. « Laurel ? » Il sait que ce n'est pas possible, que ce n'est pas elle, mais cette femme lui ressemble tellement. Tiré de ses pensées par l'un de ses collègues, Roman doit reprendre ses esprits et guider ses hommes dans cet immeuble en feu.

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Ça ne fait que quelques jours que je suis revenue à Island Bay, mais j’ai déjà l’impression de n’être jamais partie. C’est à la fois le charme, et la malédiction de cette ville. Rien ne bouge jamais vraiment. Je n’ai donc pas trop de mal à retrouver mes repères, et retrouver mes habitudes. Sirotant un café à une terrasse, je profite du beau temps, non sans me cacher derrière de grosses lunettes de soleil. A part pour quelques personnes, je suis encore incognito pour le moment, et j’aimerais le rester. Au moins d’ici à ce que je puisse annoncer la nouvelle de mon retour aux personnes qui comptent vraiment. Mais comme ce n’est pas le courage qui m’étouffe en ce moment, je me contente de repousser l’échéance, en prenant mes repères autrement. Un café, une terrasse, un bloc-notes sur lequel je griffonne quelques idées, c’est déjà un bon début. Je suis interrompue dans mes pensées par des cris, et une certaine agitation venant de l’autre côté de la rue. Relevant la tête, je vois plusieurs personnes sortir d’un bâtiment, et de la fumée s’en dégager. Un feu ? Vraiment ? Cette journée pourrait-elle être moins monotone que les précédentes ? Je commence à ranger mes affaires, n’ayant aucune intention de m’approcher du danger - plusieurs années à côtoyer un pompier m’ont appris à ne pas leur rester dans les pattes -, mais je repère une petite fille qui a l’air seule, perdue au milieu de la foule, et dont personne n’a l’air de se soucier. Mon regard croise le sien, et la détresse que je lis dans celui-ci suffit à me convaincre. Je traverse la place qui nous sépare, passant devant une petite fontaine pour aller la rejoindre - la protéger, la sortir de cet enfer, je n’ai pas la moindre idée de ce que je vais faire d’elle - mais avant que ma main ne touche la sienne, une autre jeune femme vient l’attraper, et l’enlacer. Stoppée net, j’observe la réunion entre cette mère et sa fille, et suis de nouveau frappée par l’émotion, qui me laisse sans voix. Toujours sonnée, je ne réagis pas vraiment à l’arrivée des pompiers, et je suis vaguement tirée de ma torpeur par une voix. Que je connais beaucoup trop bien, mais qui me rappelle à un souvenir beaucoup trop lointain. Lui... Je suis tétanisée, sans voix, et ne réagis même pas lorsque son regard se pose sur moi, et qu’il prononce mon prénom. Mais lorsqu’il se retourne, appelé par un de ses collègues, j’en profite pour faire la seule chose qui me semble raisonnable sur le moment : disparaître. Lunettes et chapeau enfilés, je m’éclipse, bien loin de cette foule, de ce bâtiment. Et bien loin de lui, surtout.

Plusieurs heures après, mes larmes ont eu le temps de sécher. Et j’ai eu le temps de proférer une bonne dizaine d’insultes, toutes dirigées contre moi-même. Moi qui me targue d’être devenue cette jeune femme du monde, aventurière et courageuse, je ne vois que ma lâcheté dans le miroir d’eau de cette fontaine... Et oui, je suis revenue sur place, comme la coupable revient sur sa scène de crime. Assise sur le rebord, la capuche de ma veste relevée, j’observe mon reflet sans grande conviction, et sans même savoir ce que je fais là... Quoique si, je sais ce que je fais là. Le revoir m’a rappelé à un souvenir que j’avais oublié. Cette fontaine, nous y sommes déjà venus, nous y avons passé un moment. Et un peu comme tout le reste, j’essaie de me souvenir. De la sensation de sa présence, de sa voix, de la façon particulière qu’il a de prononcer mon prénom... De lui.

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Il croit rêver. C'est peut-être d'ailleurs ce qui est en train de se passer, c'est bien la seule raison valable pour avoir l'impression de voir quelqu'un qui n'est plus de ce monde. Pourtant, tout cela semble bien réel. Trop réel, au point que s'en est déstabilisant. Le jeune homme perd la notion du temps et de ce qui est en train de se passer autour de lui. Au plein milieu d'un incendie, c'est quand même dommage. Mais il est rapidement ramené à la réalité grâce à l'un de ses collègues. Il se retourne lorsqu'il entend son nom, puis refait volte-face pour jeter un dernier regard à la blonde dans la foule, mais celle-ci a disparu : son esprit lui a visiblement joué un mauvais tour. Ce n'est peut-être pas si mal, qu'elle ne soit plus là, il aurait été difficile pour lui de se remettre dedans, plus que ça ne l'est déjà. Heureusement, l'incendie de ce bâtiment n'est pas compliqué à gérer. Roman dirige ses hommes à travers les flammes et après de longues minutes, tous les habitants sont évacués.

Toute la journée, le pompier n'a pu se retirer cette image de la tête : Laurel. Alors maintenant que sa garde est terminée, c'est plus fort que lui, il doit retourner là-bas et comprendre. Avant de prendre la direction du quartier Nord de la ville, il envoie un message à Jody, la prévenant qu'il aura un peu de retard. Il ne rentre pas dans les détails, ne voulant pas lui faire peur, lui faire penser qu'il devient fou. Son téléphone glissé dans sa poche, il se lance à toute vitesse sur son vélo pour arriver là-bas le plus vite possible. Il ne sait même pas ce qu’il espère trouver ou bien même, ce qu’il va chercher. Se promener avec une photographie de Laurel, des mois après son accident, ce serait un peu dingue. Heureusement pour lui, il n’a pas besoin d’en arriver là, puisqu’à peine revenu sur les lieux, il retrouve cette chevelure blonde qu’il connaît bien. Doucement, il s’avance à pied, son vélo à côté de lui. « Bonsoir. » Lâche-t-il, signalant ainsi sa présence auprès d’elle. « C’était bien vous un peu plus tôt, lors de l’incendie ? » Cette phrase s’échappe naturellement de ses lèvres, pour ne pas effrayer la femme qui se tient face à lui sûrement. Mais Roman a déjà sa réponse, il l’a depuis qu’il a vu sa silhouette au loin. La ressemblance de la blonde avec Laurel est frappante, tellement que son cœur souffre de la revoir face à lui, sans que ce soit vraiment elle. « Je suis désolé. Je n’aurais pas dû vous appeler comme cela. C’est juste que vous m’avez fait penser à quelqu’un. » Et sur le moment, le pompier n’a pas pu s’en empêcher. Ce prénom, ça fait si longtemps qu’il ne l’a pas prononcé. Au début, ça lui arrivait souvent de faire une erreur, de l’appeler par réflexe, mais petit à petit, il a appris à vivre avec son absence. Il ne pouvait pas faire autrement. Suite au décès de sa meilleure amie, Roman est tombé bien bas et s’il voulait vivre de nouveau, il devait accepter le fait qu’il ne la reverrait plus jamais. « Quelqu’un qui comptait beaucoup pour moi et que je ne peux malheureusement plus voir. » Il ne cherche pas ce que la jeune femme ressente de la pitié ou quoique ce soit dans le genre, il veut juste la rassurer un peu, à sa façon, qu’elle ne le prenne pas pour un fou. Quoique finalement, il y a peut-être un peu de ça. Est-ce qu’une personne censée serait vraiment venue ici ce soir ?

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Perdue dans mes pensées, je n’entends pas les pas qui se rapprochent de moi. Ce n’est que lorsque j’entends une voix - sa voix - que je sursaute, relevant légèrement la tête vers le nouvel arrivant. Bien sûr qu’il est revenu, lui aussi... Comment pourrait-il en être autrement ? Son attitude est détachée, et il me vouvoie. Il ne m’en faut pas plus pour comprendre qu’il ne m’a pas reconnue. Enfin, pas vraiment. A ses yeux, je ne suis qu’une vision, le souvenir d’un visage qu’il a enterré il y a trois ans. Et je ne peux même pas lui en vouloir, je ne sais pas comment j’aurais réagi à sa place. Il doit peut-être, sûrement même, se demander s’il a perdu la tête. Et il s’excuse, se justifie de sa réaction. Si seulement il savait... Et finalement, il parle de moi. Ou de celle que j’étais, du moins. Le simple fait qu’il ne se rende pas compte que je me tiens là, juste devant lui, est assez surréaliste. Mais on peut mettre ça sur le compte de la faible luminosité, ou du fait que je ne lui ai pas fait face directement. Il y a aussi, sûrement, une dose de déni de sa part. Mais alors qu’il s’arrête de parler, je sens qu’il attend une réaction, au moins un mot de ma part. Sauf qu’à moins de m’enfuir et disparaître de nouveau, il n’y a pas un seul scénario que j’imagine et dans lequel je ne finirais pas par éclater sa bulle. Donc, autant y aller franchement.
Sans vraiment savoir si je suis prête à en assumer les conséquences, je me lève, me redresse face à lui, et je fais tomber ma capuche. « C’est moi, Roman. » Le regard accroché au sien, je reste plantée là, lui laissant le temps d’encaisser. Une émotion toute particulière m’envahit, alors que ma gorge se serre sous la pression des larmes que je retiens. Non, il est hors de question de pleurer. Pas maintenant. « Tu n’es pas fou. Et ce n’est pas un rêve. Ce n’est pas la façon dont je pensais te l’annoncer, mais... » Ma voix est coupée par un nouveau sursaut d’émotion, alors que je baisse finalement le regard. Celui-ci va se perdre dans le décor - son vélo, la fontaine, le sol entre nous, n’importe quoi qui puisse m’aider à rester sur pieds. Quant à ma phrase, elle se finit dans un souffle. « Je ne sais pas comment je pensais te l’annoncer. » Je ne suis même pas sûre qu’il existe une bonne façon de le faire.

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Les choses s'enchaînent dans la tête de Roman, plus rien n'a vraiment de sens pour lui. Il lui a fallu du temps pour faire son deuil, pour se faire à l'idée qu'il ne pourrait plus voir sa meilleure amie au quotidien. Qu'il ne pourrait plus jamais la voir tout court. Alors apercevoir, ou le croire, son visage dans la journée, deux fois, ça lui fait bizarre. Il n'y a pas d'explication logique à tout cela, le jeune homme suppose que quelque chose l'a rattaché à elle avant son intervention et que c'est ce qui a créé ses hallucinations. Il n'aurait sûrement pas dû venir ici, ne pas chercher à se faire plus de mal que nécessaire et pourtant.. maintenant qu'il est ici, il doit bien des excuses à cette femme qu'il a confondue avec Laurel. Elle était là par hasard et s'est faite accoster par un pompier, sans aucune raison. Il y a forcément pire dans la vie, c'est vrai, mais ce n'est pas non plus la situation la plus agréable. Néanmoins, ses excuses n'ont pas l'effet escompté, puisque sans un mot, la blonde se lève. Pendant un instant, il pense l'avoir vexé ou quelque chose comme cela. Il pense qu'elle va s'enfuir, encore, mais à la place de cela, elle ne bouge pas et reste debout face à lui. Tout ceci devient un peu trop étrange et pourtant, le pompier n'est pas encore arrivé au bout de ses surprises. Elle retire la capuche qui était posée sur ses cheveux et affirme au jeune homme que c'est bien elle. « C’est moi ? » Tout ceci n’a pas de sens. Naturellement, il fronce légèrement les sourcils, tout en écoutant ce que la femme lui dit. Elle parle, alors autant en profité, surtout que maintenant Roman n’a plus grand-chose à lui dire. Au fur et à mesure, la blonde qui se tient face à lui devient de plus en plus familière, et pourtant, de moins en moins logique pour le pompier. Elle lui parle comme s’ils se connaissaient, alors que ce n’est pas le cas. « Si, je crois bien que je suis fou. » Peut-être même que cette femme n’existe pas, qu’il est en train de parler à une image que son imagination produit face à lui. « Les personnes saines d’esprit ne parlent pas avec des morts. » Il a beau essayé de lui trouver des différences, des traits qui n’étaient pas chez Laurel, Roman n’y arrive pas. Mais plus rien n’a de sens pour lui, même s’il n’y en a jamais vraiment eu. « Je ne comprends pas. » Sa meilleure amie est enterrée dans le cimetière de la ville, à moins d’un sosie, il n’y a pas d’explication logique. « Qui êtes-vous ? » Si le pompier ne peut pas répondre à ses propres questions, peut-être que cette femme le pourra. Néanmoins, il faudra qu’elle soit convaincante. Car après une garde de plusieurs jours, le jeune homme commence à douter de ses facultés mentales.

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Je savais que revoir Roman ne serait pas facile, mais si je dois être honnête, je ne m’attendais pas à ça. Submergée par l’émotion, j’essaie tant bien que mal de lui faire comprendre la situation, mais mes mots ne semblent pas l’atteindre, et il continue de me regarder comme une étrangère. Je ne pensais pas que ce regard, le sien, serait si douloureux. En même temps, je ne peux pas lui en vouloir ; ce n’est pas tous les jours qu’on tombe nez-à-nez avec un fantôme. Et justement, plutôt que d’accepter la vérité, il reste terré dans son déni, plaidant la folie. Les personnes saines d’esprit ne parlent pas avec des morts ? Un rictus amer vient se former sur mes lèvres, bluffée par l’ironie de la situation. « Les personnes saines d’esprit ne font pas semblant de l’être. » Je l’ai dit à voix basse, il ne l’a peut-être pas entendu. Mais tant pis, c’était plus pour moi que pour lui de toute façon. Mais ça me donne une nouvelle idée d’approche à tenter... Ce qui est sûr, c’est qu’il faut que je tente quelque chose, parce qu’apparemment, il ne comprend toujours pas. Il ne veut pas comprendre, et je sens que je vais devoir me répéter. Encore et encore, jusqu’à ce que l’information lui entre dans le crâne. « C’est moi... Laurel. » Un frisson me traverse la nuque, je ne me suis toujours pas réhabituée à ce prénom, qui est pourtant le mien. Brièvement, je ferme les yeux, à la recherche de mes mots. Prenant une longue inspiration, j’essaie de rassembler suffisamment de courage pour me lancer. Peut-être que si je commence à lui expliquer, il consentira à voir que ce n’est pas un mirage ? Les yeux de nouveau ouvert, je vais directement chercher à me plonger dans son regard. « Je sais que tu penses m’avoir enterrée il y a trois ans. Et crois moi, une partie de moi est sans doute morte ce jour-là, le jour où j’ai dû vous abandonner. Je n’ai jamais voulu vous faire de mal, Roman... C’était la décision la plus difficile de toute ma vie. » Mes yeux commencent à s’embuer, mais je continue malgré tout, maintenant que je suis lancée. « C’était un enfer, chaque jour sans toi, sans Lexa... Et surtout, ne pas pouvoir vous l’expliquer... C’était insupportable, mais je n’ai pas eu le choix. » Avec le recul, il y avait sûrement d’autres façon de gérer ma situation, mais sur le coup, je me suis sentie prise au piège. Et j’ai trouvé ma solution dans un scénario de film... Tu m’étonnes qu’il n’y comprenne rien. « Je suis désolée... Je n’ose même pas imaginer tout ce que tu as dû traverser... » Timidement, je fais un pas dans sa direction, et je tends la main. Acceptera-t-il cette approche ?

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Tout semble réel et en même temps, tout semble bien trop loin de la réalité pour l'être. Plus cette femme parle et plus Roman a l'impression d'être face à sa meilleure amie. Pourtant, il lutte. Il sait que s'il va sur cette pente-là, il ne pourra plus faire demi-tour. Il a besoin de vérité, il a besoin que cette femme le remette à sa place en lui imposant la triste réalité. Et pour cela, quoi de mieux que de l'interroger sur qui elle est vraiment ? « Laurel ? » Ce prénom sorti de sa bouche, il faut plusieurs minutes à Roman pour comprendre ce qui est vraiment en train de se passer. C'est assez surréaliste pour son cerveau, au point qu'il a du mal à joindre les deux bouts de cette histoire. Naturellement, de nombreuses questions commencent à prendre place dans son esprit. La première, si c'est bien sa meilleure amie qui se trouve face à lui, alors qui est enterré à sa place ? C'est peut-être bête. Pourtant, il ne peut s'empêcher de se dire qu'une famille se retrouve sans corps à l'heure qu'il est. Alors qu'il revient doucement à la réalité, le pompier prend conscience de ce que la blonde lui a dit pour justifier son geste. Là aussi, c'est un peu flou et il va avoir besoin d'un peu plus que ça comme explications. « Tu n'as pas eu le choix ? » C'est facile à dire, non ? Roman n'a rien vu venir, il se sent soudainement bête. Si Laurel a dû en arriver là, c'est qu'il se tramait quelque chose depuis plusieurs temps déjà. Pourtant, pour lui, tout était normal. Quel genre d'ami cela fait-il de lui ? Sûrement pas le meilleur. « Je pense que dans ce genre de situation, on a toujours le choix. » La blonde ne s’est visiblement pas sentie suffisamment en confiance avec lui pour aborder tout ça, sinon, il se serait démené pour trouver une alternative, quelque chose qui n’impliquait aucun décès ou disparition pendant près de trois ans. « Tu étais morte Laurel. Putain ! Morte.. tu te rends compte de cela ? » C’est encore compliqué pour lui de se dire que tout cela est vrai. Il faut dire que cette histoire semble tirée d’une télénovela. Roman est sûrement un peu naïf, il ignorait que simuler sa mort était possible de nos jours. C’est vrai qu’il est possible de faire beaucoup de choses maintenant, mais à quel point faut-il être désespéré pour en arriver là ? Pour l’instant, même s’il connaît la vérité, le pompier n’a pas suffisamment d’informations pour réunir les différentes pièces du puzzle. Pour y parvenir, une seule personne peut l’aider : Laurel. « Qu’est-ce qui peut pousser quelqu’un à en arriver là ? » Même si cette décision semblait difficile, la jeune femme n’a pas eu à s’y prendre à deux fois pour la prendre. Un jour elle était et le lendemain elle laissait sa famille et ses amis croire qu’elle avait succombé à un accident de voiture. Pendant de longs mois, Roman s’est reproché de ne pas avoir réussi à faire quelque chose pour la sauver, mais finalement, même en y mettant toutes ses forces, il n’aurait pas réussi. « Lexa le sait ? » Il ne peut s’empêcher de penser à elle, son amie, la sœur de sa meilleure amie. S’il en a souffert, elle aussi. C’est ensemble qu’ils ont surmonté cette perte et il n’ose imaginer la réaction qu’elle aura en découvrant la vérité.

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Au fil de mes explications, je constate que l’attitude de Roman change, peu à peu. Dans son regard, je peux sentir qu’il me voit moins comme une étrangère, et plus comme cette jeune femme que j’ai abandonnée il y a trois ans. Et alors que son visage s’éclaire, je suis enfin rassurée d’avoir passé cette étape-là, celle du déni. Mais ce n’est que la première, et très vite, il m’assène de questions. Des questions qui sont normales, raisonnables dans sa position, mais que je reçois comme des coups de massue, toujours plus forts les uns après les autres. Je n’ai pas eu le choix... Bien sûr que si, je l’ai eu, le choix. Avec du recul, et un peu plus de sang-froid qu’à l’époque, j’ai fini par le comprendre. Mais sur le coup, c’était loin d’être aussi évident. Mais peu importe, j’encaisse. Sa colère, ses coups, ses mots. Je baisse les yeux, l’air penaud, les dents serrées. Ça ne sert à rien de discuter quand, de toute façon, je suis d’accord avec lui. Ça ne m’avancerait à rien, et il a besoin de se défouler. La fameuse étape de la colère, qui arrive juste après le déni. D’ailleurs, moi aussi, j’ai un peu vécu dans le déni. Avec ce changement de vie, ce changement d’identité qui m’a fait oublier, pendant un temps, celle que j’étais. Je ne crois même pas que je m’en rende vraiment compte, de ma « mort », comme il le dit... « C’est compliqué... Je crois que j’ai perdu le contact de la réalité... Et j’ai perdu pieds. » Je me suis enfermée dans cette réalité alternative, cette identité alternative, bien plus facile à accepter, et à vivre. Ce n’était pas ce que j’avais prévu, mais il n’y avait pas grand-chose de prévu dans mes décisions de ces dernières années. Même pour revenir, je ne sais pas si on peut vraiment considérer que ma décision ait été mûrement réfléchie. La voix du jeune homme me ramène à la réalité avec une nouvelle question. Ce qui peut pousser quelqu’un à en arriver là ? En silence, je soupire, et je réfléchis à ma réponse. Je pourrais lui raconter toute l’histoire, mais je ne crois pas que ce soit ce qu’il me demande. Pas tout de suite, en tout cas. Alors je vais directement à l’essentiel. « La peur. La sensation d’être coincée, au pied du mur. » Lentement, je relève les yeux pour aller croiser son regard. « Tout s’est passé tellement vite... Je n’ai pas saisi la gravité de ce qui me tombait dessus, et il était déjà trop tard quand je l’ai compris. Je ne pouvais plus t’en parler sans risquer de te mettre en danger. » J’essaie de faire bonne figure, et de formuler des phrases cohérentes malgré mon émotion. Il ne faut pas être devin pour savoir que Roman doit se poser des questions sur son rôle, dans tout ça. Nous étions si proches, lui et moi... Cela doit être dur à encaisser, pour lui, de savoir que je lui ai menti sans qu’il ne remarque rien, alors que nous vivions sous le même toit. Et en toute logique, il aborde un autre sujet délicat : ma sœur. Comme pour me protéger de la rafale qui va suivre, je croise les bras en secouant légèrement la tête, le regard de nouveau baissé. « Non. Il n’y a que Neela, et.. maintenant, toi. » Mon ex-collègue, et amie, qui a eu la bonté de m’héberger sans poser de questions. Il faut croire que je suis devenue très douée dans l’art de passer inaperçu. « Cela ne fait que quelques jours que je suis rentrée, et je cherchais le courage d’affronter... ça. » Ses questions. Son regard. Et ma gorge qui se serre au gré de notre conversation. « Mais je vais lui dire. » Il ne l’a pas demandé, mais je m’y engage. Parce que Lexa mérite de le savoir, et parce que je ne peux pas demander à mon meilleur ami de garder ce secret. Ce ne serait pas juste pour lui, ni pour elle.

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La vérité se dessine doucement sous les yeux de Roman, pourtant, ça reste encore surréaliste pour lui. Comment quelqu'un peut mentir à ce point ? Le pompier n'arrive pas à comprendre, c'est beaucoup trop pour lui. Finalement, il n'y a que Laurel qui peut lui donner de plus amples informations, alors rapidement dans la conversation, maintenant qu'il sait que c'est elle, il lui demande des explications. Malheureusement, des réponses, il n'en aura pas vraiment. Même si la jeune femme lui avoue avoir perdu pied et le contrôle sur tout cela, elle ne rentre pas dans les détails. Roman n'est pas plus avancé qu'avant. En réalité, c'est même pire, puisqu'il pensait savoir où elle se trouvait et il s'est bien trompé. Peut-être bien qu'il n'aura jamais les explications qu'il espère. Quoi qu'il en soit, il la laisse parler, jusqu'au moment où elle parle de lui, où elle évoque sa sécurité. D'après ses propos, elle risquait de le mettre en danger. « Pourquoi ? Je ne suis pas assez grand pour me défendre tout seul ? » Roman s'emporte peut-être un peu, mais ignore encore à quoi sa meilleure amie devait faire face. En plus de la colère liée à cette découverte, il y a sûrement un peu d'égo. À l'époque, les deux jeunes partageaient tout et tout d'un coup, elle a décidé de le mettre de côté. « À aucun moment, tu t'es dit que te perdre serait finalement pire que de te voir rester ? » Sur le moment, le pompier ne peut s'empêcher de voir sa meilleure amie comme une égoïste. Elle aurait simplement pu quitter la ville, en les prévenant plutôt qu'en simulant sa mort, mais à la place de cela, elle a choisi la pire option possible. Roman a pleuré Laurel, pendant plusieurs mois, il a perdu pieds aussi. Il a commencé à boire, de plus en plus au fil des jours. Qui sait, il aurait très bien pu se faire renverser un soir en rentrant chez lui. Tout ça pour quoi ? Pour rien. Même s'il pense à lui pour l'instant, il n'oublie pas qu'il n'était pas seul à ses funérailles et les jours qui ont suivi. Lexa l'était aussi et il ne peut imaginer l'état dans lequel elle doit être, ou plutôt, dans lequel elle sera, puisque Laurel ne lui a pas encore parlé. « Ça ? » Lâche-t-il, un peu plus touché dans son égo. Visiblement, la blonde n'était pas préparée pour le voir et doucement, les neurones du pompier se connectent. « Ta présence ce matin était liée au destin. Je me trompe ? » Cet incendie aurait eu lieu ailleurs, jamais Roman ne l'aurait croisé et il ignorerait encore son mensonge. « Tu ne prévoyais pas de venir me voir aujourd'hui. » À bien y réfléchir, s'il est retombé sur elle ce soir, c'est uniquement parce qu'il a fait le choix de revenir. Elle, elle n'a juste pas bougé. Et s'il n'y avait pas eu tout cela, quand est-ce qu'il aurait appris la vérité ? Est-ce qu'il l'aurait appris ? Peut-être qu'en revenant ici, Laurel aurait finalement changé d'avis.

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what.. am i going crazy ?⊱ roman & laurel ⊰ roman

Tout doucement, je commence à lui expliquer, lui donnant les informations au compte-gouttes, sans entrer dans les détails. Détails que je ne manquerais pas de lui fournir quand il sera prêt à les entendre, mais je fais le choix de le préserver pour l’instant. Toute cette histoire est une pure folie, je ne suis moi-même pas complètement sûre que tout ce que j’ai vécu était bien réel, alors comment pourrait-il y croire ? Mais plutôt que d’essayer de comprendre, il se vexe, blessé dans son égo. Je ne lui réponds que par un long soupir un peu las... Il ne se rend manifestement pas compte du niveau de danger dont je lui parle. Je sais qu’il est grand et fort, Roman. Je sais qu’il est pompier, qu’il a l’habitude de braver les éléments pour secourir les autres. Une bonne âme, et généreuse, sans aucun doute. Le meilleur homme que je connaisse. Mais tout ça, aussi parfait soit-il, n’aurait pas suffi. « À aucun moment, tu t'es dit que te perdre serait finalement pire que de te voir rester ? » Je relève les yeux pour rencontrer les siens, et dans ceux-ci, je peux voir toute la douleur des épreuves qu’il a dû traverser par ma faute... Je n’ai aucune idée de ce par quoi il est passé, c’est vrai. Et il a toutes les raisons de m’en vouloir pour ça. « Ce n’était peut-être pas la meilleure des solutions, je sais. Mais je n’ai pensé à rien d’autre que votre sécurité sur le moment... Et non, Roman. Tu n’aurais pas pu te défendre seul. » Mon regard s’est endurci. Je n’ai vraiment aucune envie de repenser à ces gens-là, à la peur que j’ai ressentie, aux menaces que j’ai reçues... J’étais terrorisée. Même lui n’aurait pas su y faire face. Ce n’est pas que je doute de lui, mais il n’a jamais fait de mal à qui que ce soit. Il était hors de question que cela change à cause de moi.
Notre conversation revient au présent, et à ces quelques jours que j’ai pris pour trouver le courage nécessaire avant de me confronter à lui. Oui, ‘ça’. Je serre la mâchoire, alors qu’il commence à voir clair dans mon jeu. Il l’a toujours fait, je n’ai jamais pu lui cacher grand-chose. A part ma ‘mort’ imminente, quelques années plus tôt, mais c’est un détail. Très vite, il comprend que notre rencontre est totalement fortuite, et que ce n’est pas moi qui ai cherché à la déclencher. Le regard baissé, je crois que mon silence suffit à confirmer ses doutes. Mais j’ai l’impression qu’il commence à aller à des conclusions, des reproches que je ne mérite pas. Alors je relève la tête, et je me redresse pour lui faire face. « Je suis revenue dès que j’ai su que le danger était passé. » C’est faux. J’ai hésité, un peu. « Avant ça, je ne savais même pas qu’il était envisageable de revenir. Mais dès que j’ai su... Je ne pensais plus qu’à ça. Je voulais vous revoir, vous retrouver. » De nouveau, je vais planter mon regard dans le sien. J’essaie de le convaincre de ma bonne foi, du mieux que je peux. « J’allais venir te voir, Roman. Lexa aussi. Mais je savais que je devrais faire face à ce regard inquisiteur. De ta part, et de la sienne aussi... » De nouveau, je baisse les yeux, trouvant un intérêt soudain à mes mains qui se tordent mutuellement de nervosité. « Tu as tous les droits de m’en vouloir. Mais s’il te plaît, laisse-moi une chance. » Ma voix s’étouffe, alors que j’en viens finalement au fait. Ce par quoi j’aurais dû commencer, sûrement. « Je veux juste vous retrouver. » Dans un souffle, je me répète, peut-être pour accentuer mon propos. Mais sous mes airs de grande personne, et sous ma fierté mal placée, je suis toujours la petite fille qui a décidé de faire de son voisin son meilleur ami, pour la vie.

**○ inscrit le** : 24/10/2016

what.. am i going crazy ?
crédit/ tumblr ✶ w/laurel

Même si la jeune femme face à lui est bien réel et que ses propos ont du sens, Roman ne peut s'empêcher de se demander si tout ceci n'est pas le fruit de son imagination. Finalement, ça serait la chose la plus logique. Comment l'idée d'en arriver là a-t-elle pu traverser l'esprit de Laurel ? Il n'arrive pas à comprendre et malgré sa tentative pour avoir des explications, la jeune femme reste très évasive sur le sujet. Elle n'a pas voulu le mettre dans la confidence avant son départ et maintenant elle cherche encore à l'infantiliser en gardant les détails pour elle. Si elle n'est pas là pour cela aujourd'hui, alors pourquoi ? C'est encore trop flou pour que le pompier puisse comprendre quoique ce soit. C'est bien pour cela que Laurel doit s'y prendre à plusieurs reprises pour lui faire comprendre que son geste a été fait dans le but de les garder, Lexa et lui, en sécurité. Seul, il n'aurait pas pu faire grand-chose. Cependant, dire cela à un homme, c'est toujours un peu compliqué et même si la jeune femme semble sûre d'elle, tant qu'il n'aura pas eu les bonnes explications, il continuera de douter. Mais il commence doucement à se rendre compte que les choses tournent en rond. Il ne veut pas comprendre et la blonde ne semble pas décidé à s'étaler plus sur le sujet. Il ne reste qu'une chose à faire : attendre que le temps fasse s'atténuer naturellement les choses. En espérant qu'il le fera. Il est difficile pour Roman d'ouvrir les yeux, car pour lui tout semble compliqué, alors que pour son amie, les choses paraissent beaucoup plus simples. Très vite, Roman comprend que ce moment n'est lié qu'au hasard – sans son intervention ce matin, il ne serait pas tombé sur elle et elle n'aurait pas cherché à le voir. Cette révélation le blesse et Laurel doit une nouvelle fois se justifier. Même si ça ne saute pas aux yeux comme ça, elle est revenue quand elle a pu. Dans le fond, c’est déjà une bonne chose, car elle aurait pu ne jamais revenir et rester cachée là où elle était depuis tout ce temps. C’est peut-être beaucoup lui demander, mais la blonde essaye quand même. Elle a besoin de savoir que le pompier lui laissera une chance et qu’elle aura la possibilité de pouvoir les retrouver. « Nous retrouver ? » Dit-il, froidement. Il n’est pas idiot, il sait très bien à qui elle fait référence. Lors de son "décès", ils étaient deux. Lors des premières années, ils étaient deux. De trois, ils sont passés à deux et il a fallu réapprendre à vivre comme ça. En réalité, ce qui énerve un peu Roman, c’est l’idée de faire comme si de rien était arrivé. « Est-ce que tu as conscience que des choses se sont passées durant ton absence ? » Et c’est le moins que l’on puisse dire, surtout pour le jeune homme. De coureur de jupons, il est passé à romantique dans l’âme. Il est maintenant lieutenant à la caserne de pompiers et il vit avec deux enfants – et l’envie d’en avoir un troisième. « Nous ne sommes plus les mêmes, comment veux-tu pouvoir nous retrouver ? » La jeune femme doit comprendre que les choses ne seront plus vraiment comme avant, mais peut-être qu’elle le sait déjà. Il faudrait juste qu’ils arrivent tous à faire des efforts pour que leur lien se rapproche au maximum de ce qu’ils avaient avant. « Je ne sais pas si les choses pourront redevenir comme avant. » À ce moment précis, la colère parle sûrement pour lui. Il pensait que la perte de sa meilleure amie avait été causée par un accident, mais voilà qu’il comprend maintenant que c’était un choix de sa part. Il aurait donné sa vie pour elle, alors qu’elle, elle l’a abandonné à la première occasion. « On devrait s’en tenir à ça pour l’instant. » Une telle nouvelle, ça ne peut pas se digérer en un claquement de doigts, surtout pas après une garde de plusieurs jours. Roman a besoin de temps et sûrement que Laurel aussi : elle ne s’attendait pas à le voir aujourd’hui, ça fait peut-être beaucoup à encaisser.

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Je ne sais pas comment on en est venus là, comment la conversation a pu dériver sur ce reproche-là. Mon retour, et la façon dont j’ai choisi de le faire... Ou plutôt, la façon dont je n’ai pas choisi, et que le destin m’a imposé. D’une certaine façon, à en voir sa réaction, je me dis que j’ai eu raison d’hésiter : je ne me suis jamais attendue à ce qu’il se jette dans mes bras, mais je ne pensais pas non plus qu’il m’accueillerait par une telle froideur. J’essaie, pourtant. De me livrer, me faire violence pour montrer un peu de ma vulnérabilité. J’essaie de retrouver la Laurel qu’il a perdue, même si je l’ai sans doute perdue en même temps que lui. Mais ces efforts sont reçus par un mur, froid et impitoyable, ce qui a tendance à un peu m’agacer, je l’admets. « Nous retrouver ? Est-ce que tu as conscience que des choses se sont passées durant ton absence ? » Je l’observe en silence, les sourcils légèrement froncés. C’est ce qu’il croit ? Que je suis assez naïve pour penser qu’ils sont sagement restés à m’attendre ? Il a changé, bien sûr qu’il a changé. Et moi aussi, j’ai changé. C’est plutôt lui qui n’en a pas conscience, de ça. « Nous ne sommes plus les mêmes, comment veux-tu pouvoir nous retrouver ? » De nouveau, je baisse les yeux, accablée par l’impuissance. A ce niveau là, ce n’est plus tant une question de ‘pouvoir’, mais plutôt de ‘vouloir’. Et j’ai l’impression qu’il ne veut pas trop, pour l’instant. Je commence même à me demander s’il est encore capable d’être ce roc sur lequel je m’appuyais, il n’y a pourtant pas si longtemps. « Moi non plus, je ne suis plus la même. Et oui, j’ai conscience de tout ça. J’ai conscience que ça va prendre du temps. » Je lui demande juste une chance, mais il n’a pas l’air ouvert à la discussion. Pas pour le moment, en tout cas. Puis-je le blâmer ? Pas vraiment. « Je ne sais pas si les choses pourront redevenir comme avant. » Je me pince les lèvres, retenant un soupir de frustration. Je refuse de croire que le lien si fort qui nous unissait ait pu succomber au temps. Je refuse, et surtout, j’ai besoin de croire que je n’ai pas fait tout ça pour rien. Que je ne suis pas revenue pour rien... « On devrait s’en tenir à ça pour l’instant. » Et voilà, sur cette dernière phrase, il sonne le glas de cette conversation. Impuissante, je me contente d’acquiescer lentement, détournant le regard pour ne plus avoir à affronter le sien. « Je suppose que tu as raison... » Je ne sais pas ce qu’il attendait de moi. Mais en même temps, je ne sais pas non plus ce que j’attendais de lui. De toute évidence, je n’étais pas prête pour cette conversation, et il n’était pas prêt non plus. « Juste... Ne dis rien à Lexa, s’il te plaît. J’irais la voir. Demain. » Je lui en fais la promesse, autant qu’à moi. Avec de la chance, ça se passera mieux qu’aujourd’hui. Et je n’ai plus vraiment le choix de toute façon.
Il accepte, vaguement. Je crois ? Cette sensation de ne plus savoir lire en lui est insoutenable, insupportable. Et pourtant, c’est entièrement de ma faute, je ne peux en vouloir à personne d’autre... Sauf à Isaac, peut-être. Mais cet idiot ne mérite même plus cette place-là dans ma vie. En silence, je regarde Roman qui me tourne le dos, et qui s’éloigne en repartant comme il est arrivé. Discrètement, sur son vélo. Moi, je reste plantée là encore quelques minutes, profitant encore un peu du calme de la fontaine pour essayer de trouver une forme d’apaisement. Demain, ce sera au tour de Lexa. Et la connaissant, ce ne sera pas non plus de tout repos.

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