prisoners → hakon

Si la voiture de Marina, conduite par son chauffeur se dirige vers la prison de la ville, c’est uniquement parce qu’un de ses clients a fait une énorme connerie. Dont elle n’est pas responsable - au contraire, c’est pas faute de l’avoir averti que ça risquait d’arriver -, et avec qui elle n’a plus aucune envie de travailler. Manquerait plus que son nom soit associé au sien et c’en est terminé de sa carrière. Si elle se déplace donc jusqu’à ce bâtiment des plus austères, c’est uniquement pour mettre un terme à leur collaboration et certainement pas pour lui apporter des oranges. La prison se découpe sur un ciel lourd de pluie, provoquant quelques frissons à la rouquine qui soupire tandis que les premières gouttes s’abattent sur le pare-brise. Juste avant de descendre de voiture, elle dit à Salomon, son chauffeur, qu’elle ne devrait pas en avoir pour longtemps. Pour lui faire signer les papiers, non, c’est un fait. Mais pour le voir, en revanche… Car, croyez-le ou non, mais c’est la première fois que Marina se rend en prison. Sur le sol néo-zélandais en tout cas, car il est possible qu’elle ait passé quelques heures dans l’un ou l’autre postes de la Havane en revanche. Et croyez bien que c’est carrément différent.

Poussant la porte du bâtiment, elle remarque d’emblée l’accueil. Où ronfle un gardien. Ça bosse dur, dis donc. Marina s’avance, pianote de ses ongles contre le bois et, voyant que ça n’y fait rien, finit par se racler bruyamment la gorge. Le gardien finit par ouvrir les yeux et elle lui adresse un sourire pas du tout d’excuse avant de se présenter :
« Je suis Marina Monthawk et je viens voir monsieur Lewis pour lui faire signer un document. »
Le gardien n’acquiesce même pas, se contente de lui demander une pièce d’identité qu’il va garder en dépôt le temps de la visite, lui remet un badge et lui demande de lui remettre le document. Peut-être a-t-il peur que Lewis récupère l’agrafe en haut des feuillets et tente d’égorger un gardien ? Peut-être même lui ? Dans tous les cas, elle obtempère et attrape le badge de visiteuse qu’on lui remet, ainsi que son document. Puis on la dirige vers un autre gardien. Celui-ci est donc censé la débarrasser de ses affaires, la faire passer au détecteur de métaux et même se faire prendre une photo pour elle ne sait trop quelle raison, cette fois. Le genre de choses qui ne rassure pas le moins du monde. Histoire de se détendre un peu, elle tente de discuter avec le gardien qui s’occupe de son cas.
« Je me serais jamais doutée qu’il fallait faire tout ça pour une simple visite. J’ai un peu l’impression que vous allez me fournir une combinaison orange et me désigner une cellule une fois que ça sera fini. »

Hakon n'est pas quelqu'un à l'argent, pourtant, il avait quand même accepté de jouer le remplaçant lors d'un jour de congé. La vérité est qu'il préfère être actif, plutôt que rester à la maison alias sa airstream, bien qu'il aime ce confort, ce qu'il en a fait. Il aime toucher à tout et bosser dans une prison, ce n'est pas sa première fois, l'ambiance n'est pas la même que sur un terrain presque désert, pas de prison à proximité, que du vent et de la mauvaise herbe et il le fait surtout la nuit. C'est presque plus palpitant que sortir les poubelles dans un musée, même si on se fait chier et dans les deux situations. Quelqu'un balance un papier au pied de la corbeille ? Tant pis, il ramasse que les sacs et hop, le tour est joué, ce qui pourrait être signe de paresse, est surtout signe que ce n'est pas de sa faute si les gens sont trop cons pour mettre les ordures là où ils doivent être, c'est-à-dire pas sur le sol. Tout cela pour dire qu'une fois au cimetière de la prison, il se fait chier, lui qui croyait qu'il allait avoir droit à l'animation, une dispute entre deux familles, des rivaux, même voir des motards tabasser des détenus, rien de tout cela. Bon, certes, il est surtout à l'extérieur, n'empêche que cette pause improvisée est l'occasion de sortir le maïs soufflé et d'observer le spectacle, s'il a lieu ou peut-être une évasion. « Allez, Bobby, c'est l'heure de la pause. » Il se dirige vers l'intérieur, on pouvait entendre au loin la frustration de l'autre gardien: « Ça fait quatre fois que je te le répète, ce n'est pas Bobby mon prénom, c'est Roberto. Et tu n'as pas le droit à la pause. » Trop tard, Hakon est déjà bien loin dans l'établissement, à la recherche de la cantine, mais il s'y perd un peu, au point qu'il a failli se retrouver dans la pire aile des prisonniers, ce n'est pas celle où les hommes sont enfermés, je vous laisse deviner.

Quoi qu'il en soit, il approche du point de contrôle, le chemin pour se rendre à l'accueil. C'est bien à ce moment qu'une rousse l'interpelle. « Ça peut sûrement s'arranger ça. » Il comprend qu'il doit jouer l'agent de sécurité, comme ceux du palais de justice ou encore à l'aéroport. Hak se racle la gorge et il sait que son rôle n'est pas de la fouiller physiquement puisque c'est un homme, donc, il lui fait signe de mettre ses affaires dans le petit bac gris pour le passer au scanner. « Alors, c'est pour une visite conjugale ? Comment ça se passe ? »

Une visite conjugale ? Elle réfléchit deux secondes et se rend compte que ce qu’elle a expliqué quelques minutes plus tôt pourrait le laisser croire. Ça la fait rire de s’imaginer mariée à un repris de justice. Ses parents en feraient une véritable jaunisse, bien qu’ils soient très loin et que Marina est une grande fille, elle n’a plus besoin de leur accord pour sortir avec qui elle veut. Même si jusqu’à présent, elle s’est efforcée de ne fréquenter que des hommes qui collent plus ou moins à leurs critères. C’est-à-dire riches, mais pas que, car le nombre de zéro sur le compte en banque ne suffit pas pour sa famille, il y a aussi le travail ainsi que le statut hiérarchique qui l’accompagne, l’ancienneté et la puissance de la famille et tout ce qui s’ensuit. C’est trop, on est d’accord. C’est bien pour ça qu’elle se contente de fréquenter des gens riches. Largement suffisant, selon elle. Bref, elle s’exécute, met ses objets dans le bac pour qu’ils soient scannés tout en riant.
« C’est ça, je viens réclamer une pension alimentaire à mon ex-mari pour nos six gosses. »
La bêtise de sa réponse la fait rire davantage et, avant que le gardien puisse en croire un traitre mot, elle ajoute :
« Je plaisante. Monsieur Lewis est mon client. Je suis agent artistique. »
Quant à Lewis, peut-être est-il connu. A son âge, ça fait un moment qu’il ne court plus les castings, les propositions viennent directement à lui, bien que ça soit souvent pour jouer dans des pubs ou des téléfilms et rarement dans de vrais longs-métrages. Quant à savoir s’il est bon, en revanche, Marina est bien incapable de le dire ; elle n’a probablement jamais regardé un seul de ses spots ou téléfilms. Mais inutile d’avoir du talent quand on l’a elle. Et donc bon courage à lui pour retrouver des contrats intéressants si un jour il vient à sortir du trou qu’il a lui-même creusé.
« Et comme je le vois mal tourner un spot publicitaire pour le pénitencier, je mets fin à notre collaboration. »
D’ailleurs, ça fait partie de ses conditions ; ses clients peuvent bien enfreindre toutes les règles qu’ils veulent, se coker jusqu’à ne plus savoir leurs noms, enchaîner les excès de vitesse et tout le reste mais à partir du moment où ceux-ci doivent passer par la case prison, c’en est terminé.

Ce n'était pas une pause qu'il pouvait s'accorder selon Bill, Paul ou Bob, il a déjà oublié, mais le fait est qu'il ne travaille pas réellement ici. Enfin, pas vraiment, il remplace un autre gardien, il était curieux de voir les prisonniers, mais jusqu'à maintenant, il n'a pas été au centre de l'action, ni encore à la cantine, c'est un peu là, qu'il se rendait quand une jolie rousse l'interrompu pour une fouille, pas une vraie fouille, enfin, pas corporel, pour passer la sécurité. Quoi qu'il en soit, il se demande si elle est là pour une visite conjugale, même si elle est plus vêtue pour se rendre au palais de justice que dans une prison, remarque qu'il ne juge pas du tout, chacun fait ce qu'il veut. Hakon lève les yeux vers elle, l'air d'y croire, car c'est presque le cas, il allait y croire, mais elle annonce finalement qu'elle plaisante, c'est presque une déception, car il trouve cela plutôt marrant, tout le monde ne vit pas dans un mariage heureux, enfin, il en sait quelque chose, même s'il a toujours tout pris à la légère. Bref, tout cela pour dire, qu'à son tour, il se met à rire et il pose le bac sur le tapis roulant de la machine pour qu'il roule jusqu'au scanner automatique. « Oh, je vois.. quelle tragédie que ça doit être. » S'il doit assister à un spectacle avec des détenus, il va attendre toute la journée, rien que pour cela, mais il doute que cela soit le cas, bien que cela arrive, ils ne sont pas représentés par quelqu'un, enfin, à ce qu'il sache. « Donc, vous allez pouvoir récupérer vos objets à votre retour, il faut signer ici et là. » Il remplit une feuille et il lui tend ensuite le bout de papier, avec le stylo. Il connaît quand même la procédure, de plus, un accident est si vite arrivé, bien qu'en regardant à l'intérieur du bac, rien ne semble très menaçant, cela dit, les gens peuvent bien se montrer créatif quand on s'y attend le moins et cela reviendrait à tout mettre sur sa faute si quelque chose arrivait. « Et monsieur Lewis, il a fait quoi pour se retrouver ici ? » Il suppose qu'il n'est pas en isolement, car d'autres gardiens ne présentent pas pour l'accompagner, mais soudainement, ils se font interrompre. « Au feu! Au feu! » S'écrit une dame, probablement une secrétaire, jugeant selon l'habit, qui ne ressemble pas à celui d'un gardien. « Cool ! » Qu'il lance tout bonnement.

Quelle tragédie ça doit être ? L’espace d’une seconde, Marina se demande si c’est du sarcasme. Possiblement mais ça ne la dérange pas ; ce n’est pas si tragique que ça pour elle mais il lui faut tout de même assurer ses arrières rapidement. En revanche, ça l’est bien plus pour Lewis qui ne sait pas quand il sortira de là. Enfin, sans doute pas dans très longtemps non plus étant donné que l’argent aide énormément dans ce genre de situations délicates. Mais il devrait se traîner une sale réputation même une fois dehors. La rouquine écoute religieusement les instructions que lui donne ce charmant jeune homme et fait ce qui lui est demandé, le tout en hochant la tête afin de signaler qu’elle a compris, avant de pouvoir le suivre de l’autre côté. Là-dessus, le gardien lui demande ce qu’a fait ce monsieur Lewis pour atterrir ici et elle lève les mains en signe d’impuissance.
« Vous savez comment sont les gosses de riches, toujours à faire les pires conneries tout en pensant que papa va arranger tout ça à coups de billets. Eh bien Lewis est comme un de ces gosses de riches qui n’aurait pas grandi. »
Ce qui est drôle, c’est que c’est elle qui dit ça alors qu’elle a tendance à faire pareil. Mais disons que dans son cas, elle ne fait pas les pires crasses ; au contraire, elle essaye d’en faire le moins souvent possible. Mais en cas de pépin… Disons qu’il en existe pas un seul qui ne puisse se régler par un chèque, voilà tout.
« Mais c’est pour détournement de mineure qu’il est tombé. »
Très certainement saupoudré d’un peu d’agression sexuelle car il semblerait que ça soit le seul délit encore puni par la loi de nos jours. Soit, à peine a-t-elle le temps de finir sa phrase que quelqu’un se met à crier au feu. Comme tout le monde dans un cas pareil, Marina est soudain prise de panique. Enfin, comme tout le monde sauf le jeune homme qui l’accompagne. Lui trouve ça cool. Inutile de préciser que c’est elle que ça intrigue.
« Euh… Est-ce qu’on ne devrait pas se ruer sur l’issue de secours la plus proche ? »
Une odeur de fumée se fait alors sentir et monte de plus en plus haut jusqu’à déclencher les détecteurs qui se mettent à cracher de l’eau. Un autre bruit bien plus inquiétant se fait alors entendre : celui de plusieurs dizaines de portes de cellules qui s’ouvrent en même temps.

À vrai dire, il ne comprend pas du tout les gosses de riches, mais il n'a jamais été dans cette situation, certes, il a toujours bien vécu, mais il ne s'est jamais considéré comme riche et surtout, Hakon est un peu le type de personne à être déconnecté de tout ça, ça lui fait ni chaud ni froid, mais en même temps, il voit bien ce qu'elle veut dire, tout le monde a déjà connu un gosse de riches qui adorait étaler l'argent de maman et de papa devant la gueule des autres. Il hoche la tête en écoutant la courte histoire du détenu, puisqu'il voulait connaître la raison de sa présence derrière les barreaux, jusqu'à ce qu'elle annonce qu'il est surtout là pour détournement de mineure, ce qui est selon lui inacceptable, même s'il n'est pas là pour juger, reste qu'il ne peut pas être neutre face à cela. Quoi qu'il en soit, pas le temps de faire part de son dégoût qu'une personne hurle qu'il y a le feu et même s'il ne travaille pas officiellement ici et à temps plein, il y a quelque chose qui lui fait dire que ce n'est pas inhabituel et que c'est peut-être qu'un feu dans une poubelle. C'est peut-être pour cela qu'Hakon ne semble pas si paniqué face à la situation, qui pourrait vite dégénéré. « C'est peut-être rien. » Il regarde au loin, des gardiens commencent à courir dans tous les sens, les employés aussi, ceux qui n'ont rien demandé, c'est-à-dire les visiteurs et les autres. Puis il y a une annonce dans l'interphone on peut entendre le directeur qui demande aux personnes de ne pas paniquer, de se diriger vers la sortie, que la situation est sous contrôle, puis plus rien. Le problème c'est qu'il y a un bouchon de circulation vers la sortie et qu'il est impossible de passer, sauf attendre et attendre, ça veut dire s'exposer aux criminels qui sont sortis de leur cellule. « Je crois toujours que c'est un test, mais en tout cas, ce n'est pas par là qu'on va pouvoir sortir. Suivez-moi ou vous pouvez attendre ici. » L'avantage d'avoir fait des pauses, c'est d'avoir un exploré et il a pu repérer la cage d'escalier qui mène vers les réserves et peut-être à des lieux secrets, qui sait.

Peut-être rien ? Ah, c’est vrai que dans des établissements de ce genre, ils doivent avoir l’habitude de faire des exercices d’évacuation. Plus sûrs vu qu’ils sont nombreux à y loger et que dans ces moments-là, mieux vaut éviter les mouvements de panique. Et le meilleur moyen d’éviter tout mouvement de panique, c’est d’être préparé à cette éventualité. Marina hoche la tête, toujours pas trop effrayée non plus pour le moment. L’interphone crachote ensuite puis une voix s’en élève pour leur demander de garder leur calme : la situation est sous contrôle. Hm hm, la rouquine tâche de ne pas penser que c’est toujours ce qu’on demande de dire aux hôtesses de l’air lorsqu’au contraire, rien n’est sous contrôle et d’un pas nonchalant suit le gardien qui l’accompagne. Jusqu’à un bouchon. Ouais… C’est toujours quand on demande aux gens de ne pas paniquer qu’ils le font aussi… Sagement, elle se place dans la file et attend son tour. Trempée pour trempée de toute façon. Son maquillage doit déjà dégouliner sur son visage qu’elle essuie du revers de la main. Peine perdue, celui-ci reste toujours aussi mouillé mais au moins a-t-elle réussi à enlever l’excédant de mascara qui devait lui faire une vraie tête de panda.

Quand le jeune homme reprend la parole. Il croit toujours que ce n’est rien d’autre qu’un test et Marina aimerait se montrer aussi positive, mais si ce n’était qu’un test, auraient-ils fait sortir tous les détenus de leur cellule ? D’ailleurs, elle reste un peu sur ses gardes en ce qui les concerne. Question stupide dans tous les cas puisque ce n’est pas parce qu’ils sont des criminels qu’on va les laisser rôtir là, évidemment qu’eux aussi ont droit à cet exercice. D’accord, mais le doute subsiste quand même.
« Vous pensez que c’est un test, avec ces trucs qui nous pleuvent dessus ? »
Du doigt, elle pointe les détecteurs de fumée. En ce qui la concerne elle ne sait pas, elle ne se rappelle même pas d’à quand remonte son dernier exercice incendie. Quoi qu’il en soit, le jeune homme connaît apparemment une autre sortie et lui propose alors de le suivre ou de rester là à attendre, comme elle veut. La rouquine jette un coup d’œil alentours et son choix est vite fait.
« Je viens avec vous ! »
Aucune envie de rester là alors que qui sait ce qui pourrait passer par la tête d’un des détenus ? Elle ne connaît même pas la raison pour laquelle chacun est incarcéré. Peut-être pour vol ou peut-être pour beaucoup plus grave que ça.

Il y a quand même plus d'action dans une prison que dans un cimetière, il ne va pas le nier. Il n'a pas encore eu affaire à une personne décédée qui se relève de son cercueil, uniquement des familles endeuillées, des veuves qui errent parfois la nuit ou encore des gamins qui se croient drôles de venir briser des pierres tombales, rien de palpitant selon lui, c'est même déprimant. Mais il le fait de nuit, c'est plutôt tranquille et puis, il arrive à faire des remplacements, comme aujourd'hui, il fallait que cela tombe pile le jour où il bosse ailleurs que sur un vaste terrain. Bref, forcément tout le monde court vers la sortie, enfin, plus précisément vers la porte d'entrée et cela arrive à créer une sorte de bouchon, comme dans le trafic, il paraît, car il utilise rarement la voiture, mais il a pu le constater à Rome. Honnêtement, il ignore si c'est un test, mais Hakon n'est pas le genre à paniquer très facilement, même n'ayant pas le gabarit d'un catcheur ou la force d'un boxeur, il n'arrive pas à avoir cette attitude de personne inquiète, du moins, pas pour le moment et il préfère garder son sang-froid pour pouvoir sortir de cette situation, autrement dit de la prison. Il possède un passe, ce qui lui permet de pouvoir sortir par la sortie de secours des escaliers, même s'il n'a pas accès à chacune des pièces, ils peuvent peut-être trouver refuge dans la cage ou dans une pièce où les criminels ne pourront pas entrer, sauf s'ils tuent un employé de l'établissement pour obtenir la carte magnétique, mais évidons de penser à cela, ce que l'italien fait. D'ailleurs, dommage, qu'il n'y a pas l'hélicoptère, paraît-il qu'il est dans un hangar pour entretien. D'toute façon, même si cela serait son genre de voler l'engin, il ne sait pas le piloter, au risque de crasher et d'y laisser la vie, autant trouver une solution avec les deux pieds sur terre avec un peu plus de chance de survie que dans les airs. Il ferme la porte derrière la rousse et il commence à descendre les marches. « C'est votre première visite en prison ? Et j'imagine la dernière, surtout si votre client s'échappe ou meurt à cause d'un autre détenu. » Peut-être pas pour lui, enfin, tout dépend comment la journée va se terminer, il ne peut rien prédire.

Pour elle ne sait quelle raison, Marina décide de placer toute sa confiance dans ce gardien. Enfin si, elle connaît les raisons : il sait où il va et il a accès à des endroits où les détenus ne peuvent pas le suivre. En théorie. Ce qui fait que, bien qu’il n’ait pas grand-chose d’une armoire à glace, ça fait quand même de lui la personne la plus sûre de ce bâtiment. Ou en tout cas l’une d’elles mais comme c’est lui qui a hérité d’elle. Bref. Tout ça pour dire que la rouquine le suit aveuglément. Et pour l’instant, c’est assez efficace ; en dépit de la panique ambiante, Marina ne s’est pas encore fait piétiner ni poignarder. Un miracle ! Donc autant continuer sur cette lancée. Si elle ne regarde pas vraiment où elle va, elle fait attention en revanche à ne surtout pas perdre le jeune homme des yeux. Jeune homme qui malgré tout, trouve le moyen de lui faire la discussion puisqu’il lui demande si c’est sa première fois dans une prison, supposant que ça sera aussi sa dernière vu qu’il y a de grandes chances que son futur ex-client se fasse dégommer en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Cette fois, elle ne sait vraiment pas pour quelle raison ça la fait rire mais toujours est-il que c’est le cas.
« Vous croyez vraiment ? Moi qui pensais qu’il y avait moins de criminels en Nouvelle-Zélande que partout ailleurs… »
Alors peut-être, c’est du moins ce dont le pays aime bien se vanter, mais ça ne signifie pas pour autant que les plus rares criminels sont des agneaux innocents qui n’ont volé que du pain pour nourrir leurs femmes et leurs cinq enfants. Et inutile de faire la comparaison entre une prison néo-zélandaise et une prison de chez elle. Cela étant, puisqu’elle n’a pas répondu à sa question, elle reprend :
« Vous savez, je vous parlais des gosses de riches qui se croient tout permis parce que papa est là pour raquer en cas de pépin ? Ça a longtemps été mon cas, puis j’ai fini par m’assagir un peu. »
Et elle n’a jamais rendu visite à personne d’autre, de mémoire. Dans le fond, c’était peut-être ça qu’il voulait savoir et pas si elle avait un passé de délinquante. Soit.
« Et vous, qu’est-ce qui vous a poussé à faire ça, malgré les risques qui en découlent ? Vous avez une prime d’ailleurs, j’espère ? »

La Nouvelle-Zélande semble être si différente des autres pays, enfin, à la première vue bien sûr, il n'y a aucun animal dangereux qui se promène, les villes ont l'air si paisible. Néanmoins, on oublie rapidement que le plus grand danger n'est pas un ours ou un requin, c'est tout simplement l'homme, le sauvage, le chasseur, la proie, la victime tout cela en même temps. C'est véritablement cette espèce qui est la menace de tous. Tout cela pour dire, qu'il est évident que même dans un endroit comme celui-ci, des meurtres, des agressions, il y en aura toujours, personne n'est vraiment sain d'esprit ou à la limite, peut-être, mais tout le monde n'arrive pas à se contenir. Bref, finalement rien n'est surprenant et donc, ne sera pas étonnant si un détenu décide de jouer au boucher et de massacrer quelqu'un ou plus. Évidemment, les prisonniers les plus violents sont habituellement au trou, dans un autre département, mais qui sait ce dont les gens sont vraiment capables. « Si un pays existe sans violence, sans criminel, j'aimerais bien connaître le nom de ce lieu. » Peut-être sur sa propre île privée ? À condition de ne pas être comme ceux que l'on enferme entre ces murs. Cela dit, Hakon risquerait sûrement de s'ennuyer sur une petite île, on aurait vite fait le tour des activités entre apprendre à pêcher, construire un abri ou mourir à cause d'une plante toxique ou d'un sanglier enragé, comme dans Stranded Deep. Hakon pouffe de rire. Il n'est pas vraiment un fils à papa, loin de là, quand on sait qu'ils ont une relation plus ou moins tendue. « Ah oui, je vois. Le mien préférait plutôt que je me démerde. » Pas question de foutre la honte à la famille et pourtant, Hakon a réussi cela à plusieurs reprises. En tout cas, chacun à son histoire. Ils arrivent tout en bas, dans un sous-sol où il fait beaucoup plus frais. « Une prime oui, après, je dépanne surtout un autre collègue, car habituellement, je bosse dans les cimetières en fait et de nuit. » Parce que oui, il n'est pas vraiment gardien de prison, mais comme il a une formation de gardien et que ce n'est que pour remplacer quelqu'un. Il ouvre la porte à l'aide du badge et ils vont devoir traverser un couloir, une ancienne aile, un cachot, qui mène forcément à un stationnement, d'autres escaliers, ça va être un peu aléatoire maintenant, puisqu'il ne connaît pas les lieux.

Ah oui, ce n’est pas vraiment ce qu’elle a voulu dire par-là. Elle se doute bien que la Nouvelle Zélande n’est pas ce paradis sans le moindre crime que certains essayent de leur vendre ; notamment parce que les personnes coupables de méfaits plus graves ont souvent un dysfonctionnement quelconque. Ou alors c’est pour l’argent ou le pouvoir et malheureusement, des gens de cette trempe, y en a partout. Ce qu’on lui a vendu à Marina, c’est que la police néo-zélandaise fait mieux régner l’ordre que dans beaucoup d’autres pays. Peut-être moins corrompue ? Elle n’en sait rien. D’autant que ça, c’est ce qu’on dit, pour ce qui est, en revanche, elle n’en sait rien. Peut-être ont-ils un meilleur service carcéral aussi. Et ça, elle aurait éventuellement pu en juger s’il n’y avait pas eu ce début d’incendie. Mais là, tout ce qu’elle voit, c’est le chaos. Et c’est bien normal, c’est partout pareil de ce côté-là. La rouquine acquiesce puis se permet un petit sourire.
« Oui, c’est certain mais disons qu’en comparaison de là d’où je viens, c’est quand même plus calme. »
Après, Cuba n’est pas non plus le pays coupe-gorge qu’on aime prétendre. Tant qu’on est du coin en tout cas. Les touristes avaient tendance à se faire harceler, eux, en revanche. Plus par des vendeurs que des agresseurs, d’ailleurs. Bien qu’il y ait quand même des agressions aussi ; le soleil tapant sur le ciboulot de tout le monde. Bref, c’est ensuite qu’elle apprend que de son côté, le père du jeune homme était plutôt du genre à le laisser se démerder. Et Marina médite quelques secondes la question avant d’en déduire :
« C’est sans doute pas plus mal, au moins vous n’avez besoin de personne pour vous en sortir. »
Comme le prouve le fait qu’il ait réussi à les faire parvenir au sous-sol sans heurts. Là, ils peuvent de nouveau respirer. Et frissonner car l’eau continue de leur tomber dessus, crachée depuis le plafond. Et heureusement, il ne s’agit pas d’un sous-sol où l’on garde les prisonniers les plus dangereux comme dans Shutter Island. Personne en vue. A croire que personne d’autre n’y a pensé. Mais en même temps, c’est normal, encore faut-il qu’il y ait une issue de ce côté-là. Ce dont elle commence tout doucement à douter en entendant que le jeune homme n’est là qu’en remplacement et que, d’habitude, il travaille de nuit dans un cimetière. Ah. Autre ambiance, tout de suite.
« Et ça va ? Vous voyez pas de trucs trop glauques, la nuit ? »
Non parce qu’entre les vols, les dégradations et les nécrophiles… Voire peut-être même des gens un rien plus spirituels ? Venus invoquer allez savoir qui ou quoi ? Voilà que sa curiosité est piquée au vif.

Hakon hausse un peu les épaules. Il sait très bien pourquoi son père préfère le regarder se démerder ou plus poliment, se débrouiller, c'est surtout pour éviter de dépendre de l'argent familial, d'être un gosse de riche, mais même en ayant tout eu à la maison, il n'a jamais été ainsi. L'Italien a toujours été indépendant et puis, aussi, il faut dire que cela n'a pas toujours été rose entre eux, que la relation père-fils n'est pas celle dépeinte dans les séries américaines, où le papa lance la balle à son fiston pour lui apprendre à jouer au baseball ou bien au football américain, néanmoins, oui, ils ont toujours eu le sens de la famille, parce que ce sont des Italiens, mais à leur façon quoi. Bref, qu'importe, ils ne sont pas là pour parler de sa famille, le moment est très mal choisi pour se taper ce genre de discussion. Malgré la douche froide qu'ils sont en train de se prendre, ils se réfugient au sous-sol de la prison, qui, au final, n'est pas un stationnement, ayant descendu un étage plus bas, voire deux, il ne saurait le dire. Bon, là, honnêtement, il ne sait pas s'il y a une sortie dans les parages, ce n'est pas comme s'il traînait dans le coin, mais ils trouveront peut-être un panneau exit, écrit en rouge ou bien une carte avec l'issue de secours. Oui, puis, il faut dire qu'il n'est pas vraiment un employé ici, enfin, temporairement, d'ailleurs, il l'avoue, puisqu'au fond, le cacher n'a jamais été son intention. Et de toute manière, il doute que tous les employés connaissent ce lieu et surtout par cœur. Donc, ils vont devoir se débrouiller, dans l'espoir qu'aucun prisonnier ne connaisse l'endroit dans lequel ils se trouvent. « En tout cas, pas encore de mort-vivant ! Sinon ça va, c'est tranquille, en général. » Il lui arrive d'entendre des bruits bizarres, des grognements, sauf qu'il ne cherche pas plus loin, se disant que ce n'est rien. Enfin, sa grand-mère aurait sûrement été d'un autre avis, mais passons. Ils commencent à marcher dans le couloir. « Vous avez peur ? » Une question qui peut paraître stupide, contenu de la situation, mais peut-être qu'elle ressent le besoin d'en parler, ou pas d'ailleurs.

En temps normal, c’est-à-dire de jour, Marina n’aurait sans doute rien eu contre l’idée de travailler dans un cimetière. Après tout, les fossoyeurs ne manipulent aucun cadavre, ils ne font que mettre des boîtes en terre. Mais de nuit… La rouquine a un jour entendu dire que les cadavres relâchent des gaz qu’on appelle parfois des feux follets. Mais elle imagine facilement que c’est la moins moche des choses dont on peut être témoin dans un cimetière, après la fermeture. Toutefois, ce jeune homme la rassure en lui disant qu’au moins, il n’y a pas encore de morts-vivants. A la bonne heure ! Ça la fait rire avant de subitement se souvenir de l’endroit où elle se trouve en ce moment. Bon, et ici, y en a des morts-vivants ? Elle tend l’oreille mais n’entend rien d’autre que le bruit étouffé de l’alarme incendie. Heureusement que cet endroit est vide parce que sinon, pas dit qu’ils l’auraient entendue et qu’ils aient pu sortir de là vivants. Puis elle hausse vaguement les épaules à la question du gardien.
« J’ai déjà été plus à l’aise, pour tout dire, mais je n’ai pas peur non plus, on dirait que c’est vide ici. En fait, ce qui m’inquiète le plus, c’est que toute cette eau finisse par nous inonder. Et vous ? »
Ah ben oui, si des détenus étaient logés dans ce sous-sol, ils n’entendraient peut-être pas l’alarme, mais ils seraient mouillés eux aussi. Bizarre que ça ne se calme pas, d’ailleurs. Non parce que depuis le temps, quelle qu’ait pu être la taille de cet incendie, il devrait avoir été éteint maintenant, non ? Marina s’y connaît trop peu pour pouvoir en jurer – et elle n’ira pas demander au seul conducteur de camion de pompiers qu’elle connaît -, mais il lui semble. C’est alors que plus d’eau.
« Suffisait de le dire pour que ça s’arrête. »
Et c’est tant mieux parce qu’elle n’a pas non plus envie de choper une pneumonie. Bon, que ça se soit arrêté ou non, elle est quand même trempée et si elle doit choper une pneumonie, le mal est fait, mais quand même. Là, elle peut sortir son téléphone et se servir de la lampe pour y voir ne serait-ce qu’un peu plus clair.
« Oh… Y a quand même des cellules alors. Je suis contente qu’elles ne soient pas occupées pour le moment. Ou que tout le monde ait eu le temps de les déserter. »
C’est qu’elle aurait détesté entendre une respiration quelconque dans la pénombre d’une de ces cellules. Ça, ça lui aurait fait peur.

Ce qu'on pourra dire à la fin de cette journée, c'est qu'elle ne fut pas ennuyeuse. Ce n'est pas à tous les jours que cela arrive, devoir fuir des prisonniers, tentant de trouver une sortie pour pouvoir se mettre en toute sécurité. Et pourtant, c'est ce qui est en train de se passer, seulement, plutôt que de se rendre sur le toit et de voler l'hélicoptère, car de toute manière, Hakon ne sait pas conduire, ils descendent tout en bas, dans une ancienne aile, qui est aujourd'hui inoccupée. Il rit légèrement, ce n'est pas vraiment une question à laquelle il pensait devoir répondre. Ce n'est pas qu'il n'a pas peur de rien, bien sûr, au fond, son cœur s'agite à l'intérieur de sa poitrine, après tout, cela peut vite dégénérer et peut-être que d'ici deux minutes, l'endroit dans lequel ils se trouvent, sera envahi par des criminels, qui sait. Néanmoins, il n'est pas le genre de personne qui panique facilement et parfois, cela peut en quelque sorte soit apaiser la personne avec qui il se trouve ou au contraire, la rendre encore plus nerveuse, chacun réagit à sa façon. « Non, ça va, en vrai. » Malgré la situation, ce n'est pas vraiment le moment de s'affoler, n'est-ce pas ? Enfin, peut-être un peu, puis il vaut mieux se concentrer sur une porte de sortie que commencer à se faire des scénarios qui n'arriveront sûrement pas. C'est plutôt chiant d'être trempé, les vêtements, la peau, les cheveux, c'est dérangeant, mais pas au point de devoir se retourner tout là-haut et se changer de vêtements. Quoi qu'il en soit, les cellules sont ouvertes, elles l'étaient sûrement bien avant leur arrivée et heureusement, personne ne se trouve à l'intérieur. « Oui, je crois que cela fait plusieurs années que l'endroit a été abandonné. » Rien qu'à juger l'état des murs, du sol et tout le reste, personne n'a été enfermé ici depuis longtemps. Il pointe soudainement un énorme trou dans un mur, un trou assez gros pour qu'une personne taille moyenne puisse passer. Il se demande bien si c'est une sortie, qu'un prisonnier a réussie à voir la lumière du jour ou si c'est une déception et que ce n'est qu'un trou sans intérêt.

Si ce jeune homme ne panique pas, Marina n’a aucune raison de le faire non plus. Ça la rassure donc de le voir aussi stoïque, aussi serein. Maintenant que les alarmes se sont tues et que l’eau n’est plus crachée des plafonds, elle ose sortir son téléphone pour se servir de la lampe. Les murs sont décrépis mais pour tout dire, la rouquine ne s’attend pas à mieux dans une prison ; ces gens-là sont déjà nourris et logés alors que certains commettent des crimes graves alors faudrait pas non plus que ça ressemble trop à un palace. Raisonnement à la fois intelligent et un peu con. C’est qu’il faut bien entretenir les murs d’une prison sans quoi il serait facile de s’en évader à coups de cuiller comme dans tout bon western qui se respecte. Ou autres films d’évasion de ce genre. Rassurée de voir qu’il n'y a personne, Marina se balade, ne pensant même pas à essayer de trouver une sortie. Non parce qu’ils se trouvent au sous-sol et que la logique voudrait qu’il n’y ait pas d’issue de ce côté-là et qu’il leur faille donc remonter pour sortir. En d’autres termes, ils sont piégés. Mais mieux vaut l’être là que de se retrouver piétinés par toute la populace à l’étage, pas vrai ?

En tout cas, ça, c’est ce que Marina croit jusqu’à ce que le gardien lui montre un trou dans le mur. Ah oui, quand même. Suffisamment grand pour qu’une personne de taille adulte puisse s’y glisser. Avec un petit sourire, elle se retourne vers lui et lui demande :
« Vous croyez que c’est un poster de Rita Hayworth qui le camouflait autrefois ? »
Référence à The Shawshank Redemption, un film qui a eu beaucoup de succès et, on a tendance à l’oublier, qui est tiré d’une nouvelle de Stephen King. D’ailleurs, peut-être que le poster ne vient que de la nouvelle et n’a pas été intégré au film, elle ne se rappelle plus. Dans tous les cas, dans le film comme dans le livre, il s’agit là d’une porte de sortie alors peut-être que dans la vraie vie aussi. A moins que le prisonnier, pour une raison ou pour une autre, n’ait pas pu aller au bout de son entreprise. Ce qui est tout à fait possible aussi, suppose-t-elle. Mais le seul moyen de le savoir, c’est d’aller vérifier.
« Je vais passer devant. Vous, restez-là, si jamais si ça termine en cul de sac, ça vaut mieux que de devoir aller et venir là-dedans. »
De toute manière, les vêtements qu’elle porte sont foutus, alors autant ramper.