prisoners → hakon

Hakon hausse les épaules et glousse. « Peut-être bien. » Il n'est pas certain que les prisonniers aient droit à cela, mais qui sait, c'était sûrement une autre époque et les calendriers, les posters de ce genre étaient populaires, surtout auprès des garagistes. Bon, ça fait de mal à personne d'avoir ce type d'affiche, mais il en faudrait une très grande pour pouvoir camoufler ce type de trou. D'ailleurs, surprenant qu'il ne soit pas recouvert, certes l'endroit n'est sûrement plus utilisé, mais cela reste bizarre qu'il soit toujours aussi accessible. Évidemment, Hakon ne se pose pas la question, il est curieux, il se demande s'il y a une sortie au bout du tunnel, pas le pourquoi du comment et qui a fait cela. « Hum, prends au moins ça. » Il lui tend la lampe de poche qui était attachée à la ceinture qu'il trimbale autour de sa taille. Bien sûr, elle a son téléphone, mais elle en aura sûrement plus besoin que lui. Il n'est pas très rassuré de la laisser partir seule, après tout, ils ne savent même pas où mène le trou. Hakon prend son téléphone et allume la lumière, regardant à travers le passage, impossible de deviner s'il y a un chemin, c'est trop sombre, difficile à dire s'il y a une lumière au bout et s'ils vont pouvoir sortir de là. En attendant, il regarde dans la cellule, rien d'intéressant, pas de matelas, un lit rouillé, il n'y a plus les toilettes, puisque le trou a été creusé à partir de là, par contre, il y a un vieux magazine avec des pages déchirées, un vieux playboy. Il fronce les sourcils, c'était acceptable ça ? Enfin, encore une fois, c'était à une autre époque, il ne se pose pas plus de questions et il repose la vieille revue. Il tourne un peu en rond, car il ne veut pas s'éloigner, au cas où il y aurait du nouveau, d'ailleurs, il décide de s'approcher de l'ouverture. « Hé ho ? » Peut-être qu'ils auraient dû s'échanger leurs numéros pour pouvoir garder contact, il doit maintenant attendre un signe, un appel ou quoi que ce soit pour pouvoir la rejoindre ou au contraire, devoir trouver une autre sortie.

Prenant son courage à deux mains et la lampe torche que le jeune homme lui tend dans l’une d’elle, Marina se glisse par l’ouverture et se retrouve dans un tunnel où elle peut encore tenir debout pour le moment. Mais quelque chose lui dit que ça ne sera pas le cas très longtemps. Et elle ne peut réellement en vouloir à personne parce que si elle avait été à leur place, elle ne se serait même pas donné la peine de creuser un trou assez grand pour qu’un homme puisse y tenir debout dès le départ. Au lieu de prendre le risque d’abîmer son téléphone, la rouquine se sert donc de la lampe-torche et progresse dans ce boyau qui, comme prévu, s’étrécit à mesure qu’elle avance. Pas très envie de ramper là-dedans mais pas trop le choix non plus. Par chance, elle n’y a pas encore été forcée jusqu’ici et peut se permettre de continuer sur les genoux. Sûrement que l’évadé – en espérant qu’il ait pu aller jusqu’au bout parce que ça demande tellement détermination que le contraire serait un peu triste. Enfin ou pas, s’il avait tué quelqu’un qui n’avait rien demandé à personne – était plus grand et plus large d’épaules qu’elle. Bref, au bout d’un moment, elle se demande si ce tunnel a une fin. Une débouchant sur l’air libre serait une bonne nouvelle mais ça lui paraîtrait quand même étrange que personne n’ait pris le temps de reboucher tout ça. Quoi qu’il en soit, elle entend le gardien qui appelle pour avoir un point sur la situation, sans doute. Forçant sur sa voix pour être sûre de se faire entendre, elle explique :
« Je suis pas encore au bout mais on dirait que ça remonte vers la surface au fond. »
Marina poursuit donc sa route jusqu’à pouvoir se mettre de nouveau debout. Et miracle, c’est l’air frais du dehors qui vient lui caresser le visage. Comme quoi, personne n’avait pris la peine de reboucher ce passage, en fin de compte. Bon, mieux vaut ne pas trop se poser de questions et juste en profiter. Mais avant de se hisser hors de là, elle revient un peu sur ses pas à reculons et fait savoir :
« C’est bon, y a bien une sortie, tu peux venir. »
A ce stade, plus la peine de se vouvoyer. Et comme le tunnel ne s’embarrasse pas de zigzags, elle éclaire le chemin pour qu’il puisse la rejoindre plus facilement.

Hakon se sert de la lampe de son téléphone, heureusement, car à suivre le chemin, il a failli se prendre une barre sur le front ou encore marcher sur des débris qui auraient pu lui tordre la cheville, s'il n'avait pas fait attention. Il est content qu'il y ait finalement une sortie, vraiment, il a besoin de sentir l'air de l'extérieur, en plus, rester là, à ne rien faire et attendre, ce n'est pas vraiment cela qui va les faire avancer et sortir de cette prison. D'ailleurs, il n'a toujours pas de mise à jour sur la situation, quelques bribes à travers la radio, mais très peu, étant donné qu'ils se trouvent tout en bas, dans les profondeurs, c'est plus des grésillements qu'autre chose, aucun moyen de savoir ce qui se passe sur les étages d'au-dessus. Il range son téléphone, au bout du chemin, elle lui éclaire la route et il peut mieux se pencher à travers les points plus étroits pour lui, une vraie course à obstacles. Enfin, l'air frais de l'extérieur lui souffle au visage, il sourit alors, c'est le moment de quitter les lieux, ce qu'ils font enfin. Il y a encore des grilles à traverser, parce qu'apparemment, cela coûte sûrement moins cher que reboucher le trou, cela dit, plus ridicule quand on y pense, n'importe quel prisonnier pourrait se servir de cet endroit pour faire du trafic ou tout simplement sortir de prison. Trop américain ? Possible. Quoi qu'il en soit, il l'enlace soudainement. « Liberté ! » Il glousse avant de rapidement la relâcher, sans juger que ce n'est peut-être pas tellement approprié, mais rien non plus de très mal placé, c'est de bonne volonté. En tout cas, il reprend la lampe-torche pour la ranger et avoir tous les deux, les mains libres, pour pouvoir grimper la clôture. « Tu veux que je t'aide ? » Il lui propose de lui faire la courte échelle en premier et après, il pourra sûrement se débrouiller et la rejoindre de l'autre côté.

Marina n’aurait jamais cru ressentir cette sensation un jour, mais maintenant que l’air du dehors lui caresse le front soulevant ses cheveux roux par la même occasion, elle se sent bien. Libre, même. Ou aussi libre qu’on puisse l’être en ce bas monde en tout cas. C’est pourquoi quand son compagnon d’infortune la rejoint et la serre brièvement contre lui, elle répond à son étreinte, bien contente de se savoir enfin sortie de là. Enfin presque.
« Je veux bien, merci. »
Elle attend donc qu’il joigne ses mains pour lui faire la courte échelle et sortir définitivement de ce trou. Et parce qu’il a été plus que gentil avec elle, Marina consent même à s’agenouiller dans la boue pour lui tendre la main et l’aider à s’extirper de son mauvais pas à son tour. De toute manière, elle vient littéralement de ramper dans un boyau terreux alors un peu plus ou un peu moins sale, c’est du pareil au même pour elle. Puis, sans perdre une seconde, elle cherche le parking des yeux et, faisant signe au gardien de la suivre, prend cette direction. Pour s’apercevoir que son chauffeur n’est même plus là. Merde alors, elle lui avait pourtant demandé de l’attendre. Mais ne sachant pas pour combien de temps elle en aurait, il avait dû se trouver un bar dans le coin et décider d’aller étancher un peu sa soif jusqu’à ce qu’elle l’appelle.
« Mon chauffeur était supposé m’attendre ici mais j’ai comme l’impression que le temps lui a semblé long et qu’il a décidé d’aller faire un tour. Je vais l’appeler et si ça te dit d’en profiter, on pourra te déposer où tu le souhaites. »
Parce qu’il n’allait tout de même pas rester là, si ? Enfin, c’est à lui de voir après tout mais comme il n’est là qu’en remplacement… Dans tous les cas, il devrait se souvenir de la fois où il a accepté de bosser avec les vivants plutôt qu’avec les morts. Attrapant son téléphone, Marina compose le numéro de Salomon et, contre toute attente, ne lui hurle pas dessus pour ne pas avoir respecté sa demande. Non, c’est dans le plus grand calme qu’elle lui fait savoir qu’elle est sortie et qu’elle aimerait bien qu’il ramène ses fesses fissa. Bien que son personnel soit à son service, la rouquine ne passe pas son temps à le traiter en inférieur ni à lui donner des ordres. Chacune de ses consignes et toujours suivie d’un « s’il-te-plaît ».

Qui pourrait se vanter d'avoir été témoin de cette scène invraisemblable ? En tout cas, personne dans son entourage. Oui, parce que forcément, aucun d'eux travaille dans une prison ou dans les forces de l'ordre, tout simplement. Hakon non plus, d'ailleurs, ce n'était qu'un remplaçant parmi tant d'autres et il a fallu que cela tombe pile sur cette journée, incroyable, non ? Et puis, sans oublier le trou oublié dans le mur du sous-sol de l'établissement. Personne n'a expérimenté l'évasion aussi et il comprend un peu pourquoi, pas très accueillant comme lieu, il faut se faufiler par-ci, puis par là, se pencher et ramper. Bien évidemment, il ne se plaint pas, après tout, sa vie était potentiellement en danger, à vrai dire, il n'est pas certain que c'était le cas, mais cela aurait pu, avec les nombreux prisonniers en liberté, il ne sait toujours pas si la situation a été maîtrisée ou non. Dans tous les cas, il n'a pas voulu rester plus longtemps pour le découvrir, ni pour cramer, un début d'incendie s'était déclenché, d'où le fait qu'ils étaient trempés, au tout début de l'événement. Il n'est pas mécontent de pouvoir respirer l'air de l'extérieur et de quitter l'endroit. Ils traversent la clôture et les voilà, véritablement libre. Des voitures de police défilent sur le chemin, près des portes du pénitencier. Difficile de savoir s'ils sont en train de conclure l'opération ou si c'est toujours en cours. Bref, tout cela pour dire, que ça mérite bien un bonus pour cette journée de boulot. Hakon détourne le regard, pour le poser sur la rousse et il hoche la tête. Il n'y a pas de raison de rester là, manque plus qu'à attendre le chauffeur, supposant qu'il va bientôt arriver pour les sortir de là. « Merci, c'est sympa ! » Finit-il par répondre, plutôt que d'attendre le bus, il préfère accepter la proposition de le ramener chez lui, surtout qu'il n'est pas certain qu'un bus va arriver, sûrement pas avant la tombée de la nuit et encore, ce n'est pas l'endroit où il passe le plus souvent.

Avant d’embarquer qui que ce soit dans sa Rolls, Marina préfère demander. Sans quoi, ça pourrait ressembler un peu à un kidnapping. Que tout le monde se rassure, il n’est aucunement question de ça. Juste d’une sorte de remboursement de dette. Parce qu’après tout, sans ce jeune homme, elle serait toujours là-dedans à se faire piétiner par autant de personnes en panique. D’ailleurs, sont-elles parvenues à sortir ? Elle ne les voit pas mais elle imagine qu’étant donné que la plupart de ces gens sont des détenus, la procédure est différente ; on ne va pas les laisser attendre en liberté sur le parking. Peut-être ont-ils donc déjà été transféré vers les cellules les plus proches en attendant de pouvoir réintégrer les leurs. A moins qu’elle se goure complètement et qu’on les a fait sortir dans la cour, l’incendie n’étant finalement pas si difficile que ça à maîtriser. Dans tous les cas, elle ne les voit pas. Ce qu’elle voit en revanche, ce sont des camions de pompiers stationnés là où Salomon aurait dû l’attendre, c’est-à-dire devant l’entrée. Et tout le monde a l’air de s’activer. Raison pour laquelle la rouquine préfère rester un peu en retrait, bien consciente qu’elle ne ferait que traîner dans leurs pattes si elle allait vers eux. D’autant que tout va bien, elle n’a même pas de raison d’aller les trouver, finalement. Quand le gardien accepte sa proposition et la remercie, elle balaie cette politesse d’un geste de la main. Inutile de la remercier, c’est la moindre des choses. Son regard, attiré par toute cette agitation, finit par se poser sur la Rolls qui arrive. Tendant le bras dans cette direction, elle s’exclame :
« Ah, le voilà ! »
Et attend patiemment que son chauffeur se gare à son tour et sorte de la voiture en se répandant en excuses pour lui ouvrir la portière arrière. Un geste qu’il n’aurait pas fait en temps normal mais, ayant remarqué la présence des pompiers, il doit se sentir un peu coupable de l’avoir laissée là pour aller faire Dieu sait quoi de son côté. Marina les accepte sans faire de commentaires parce qu’encore une fois, ça lui semble être la moindre des choses. Et elle monte, laissant ensuite Salomon aller ouvrir l’autre portière au jeune homme qui l’accompagne. Ce n’est qu’ensuite qu’elle se tourne à nouveau vers lui.
« Où est-ce que je te dépose ? »
Puis elle ouvre le mini-bar qu’elle désigne d’un nouveau geste de la main.
« Si t’as besoin d’un remontant, n’hésite pas. »

Est-ce que dorénavant, il va réfléchir à deux fois avant d'accepter ce type de boulot ? Pas du tout. Ce n'est pas parce que cela arrive une fois, que ça va se répéter. En tout cas, pas question de chouiner pour cela, néanmoins, n'étant pas bête non plus, il va demander un bonus sur son unique chèque. On ne pourra pas reprocher à Hakon d'avoir fui en quelque sorte, il n'était qu'un remplaçant, de plus, il n'est pas le seul, il a vu des gardes qui ont paniqué à l'arme des portes. Enfin, tout cela pour dire, qu'il n'a rien à envier à son pote et aux autres gardiens de prison, mine de rien, dans le cimetière, c'est plus tranquille et c'est plutôt bien payé pour un travail sans action. Quoi qu'il en soit, il est plus ravi de pouvoir rentrer dans une voiture avec chauffeur qu'à pied, voire en autobus, mais là, encore, il aurait sûrement attendu très longtemps avant l'horaire du prochain bus et même s'il est patient, il a plus qu'hâte de pouvoir rentrer à la maison, enfin, plus précisément sa caravane airstream. Hakon n'est pas con, il n'est pas non plus né dans une famille sans argent, eux aussi, ils avaient un chauffeur, mais il n'a jamais vraiment apprécié ce côté prétentieux, d'avoir son propre personnel, mais il ne juge pas Marina pour cela, il parle surtout pour lui. « South Bay, c'est parfait, près de la plage. » Après tout, il n'a pas vraiment d'adresse précise quand on y pense bien. Il sourit et il se sert un petit verre d'Amaretto, histoire de bien terminer cette journée, même en sachant qu'elle ne va pas bien se finir pour tout le monde à la prison. Bref, au bout de 30 minutes environ, ils arrivent chez lui, il remercie Marina et le chauffeur, histoire de ne pas avoir l'air trop ingrat, leur chemin se sépare ici, près d'un poste observatoire de la plage.