oops, i did it again ⚝ marlan #2

Je suis en train de m’endormir, pitié, aidez-moi ! Elliot est mort de rire, installé là dans le canapé près de moi, alors que je pique du nez. En général, je n’aime pas mettre les enfants devant les dessins animés, mais là, il a eu ma peau. Je pense que ma meilleure amie ne m’en voudra pas, l’épisode de la Pat Patrouille ne dure pas longtemps, j’ai accepté un, mais pas deux. Il sait qu’il arrive toujours à me faire du charme, après tout, je suis sa marraine, mais sur les dessins animés, j’arrive à tenir le coup.
Celeste ne tarde pas à rentrer de son rendez-vous médical, et je ne m’attarde pas. Pas que je n’en ai pas envie, mais surtout parce que je sens la fatigue me gagner. Il n’est pas si tard, je crois que j’ai juste le contre-coup du week end passé à Sydney. « J’ai bien failli m’endormir devant la Pat Patrouille. C’est l’enfer ce truc ! » lui dis-je en riant, avant de déposer un baiser sur sa joue. « Je file, je crois que ma baignoire aura ma peau ce soir. Bonne soirée ! » Je serre mon filleul dans mes bras avant de quitter la maison de ma meilleure amie, et regagner ma voiture, puis ma maison.
La lumière de la chambre de Tegan est allumée, elle est visiblement rentrée de cours. Si elle a juste oublié d’éteindre, elle va entendre de mes nouvelles. Je ne pensais pas qu’une maison coûtait si cher, et même si on est deux à payer certaines choses, je lui fais grâce de certaines autres.
Lorsque je passe la porte de la maison, je sens une odeur pour le moins… étrange. Je file dans la cuisine pour vérifier que Tegan n’ait pas refait une boulette niveau alimentaire. Visiblement, rien, ce qui est plutôt rassurant. Mais impossible de savoir ce qu’est cette odeur. Je grimpe à l’étage en direction de la salle de bain, et vois Tegan sortir de sa chambre en refermant la porte derrière elle de manière suspicieuse. « Hey ! T’arrives tôt aujourd’hui ! » Quelque chose cloche. Je ne la connais pas encore parfaitement, mais je sais reconnaître quand elle tente de me cacher quelque chose. Et là, c’est le cas. « Je pensais que tu rentrais plus tard, j’ai... invité quelqu’un. Et elle est pas très habillée, là, donc... » Je plisse un peu les yeux en essayant de sonder son âme à travers son regard. Est-ce que je sens une petite pointe étrange dans mon coeur en entendant ses mots, malgré tout ? Je ne comprends pas bien pourquoi, après tout, elle a bien le droit d’inviter quelqu’un ici, c’est aussi chez elle, désormais. « Pas de soucis. Tu fais ce que tu veux. » Je ne pensais pas que cette phrase sortirait de cette manière, comme si je ne le pensais pas, mais pourtant si. Quoi qu’au fond, il y a quelque chose qui cloche en moi mais je ne sais pas quoi. Pendant un court instant, je ne suis plus focalisée sur l’odeur étrange, et on dirait qu’elle est plus forte maintenant que je recommence à y faire attention. Un bruit provient de l’intérieur de sa chambre, et Tegan me sort l’excuse de son ‘amie’ qui est maladroite. Bien sûr. Je hoche un peu la tête tout en lui faisant comprendre d’un regard que je ne suis pas née de la dernière pluie. Cette fois, c’est un aboiement, ou plutôt un jappement que j’entends. Ok. « Et elle... aboie ? » « Qu’est-ce que ..? » Je la pousse un peu et ouvre la porte de sa chambre, découvrant la boule de poils au milieu de sa chambre. « Tegan ! » Je repose mon regard sur elle et la questionne sans avoir besoin de prononcer un seul mot. Le chien vient dans ma direction, il n’a pas l’air méchant, en même temps, je n’ai jamais vu de golden agressif. Il est mignon, comme à peu près tous les chiens, mais mon dieu qu’est-ce qu’il pue ! « D’où il sort ? J’allais te demander si tu n’avais pas ramassé ton invitée dans la rue vu l’odeur… » Je soupire un peu, attendant des explications.

J’ignore pourquoi je ressens ce petit noeud dans mon estomac quand elle me fait comprendre qu’elle a ramené une fille. Je savais, pourtant, qu’elle n’avait aucune difficulté dans sa vie ‘amoureuse’. Tegan est une très jolie jeune femme, elle est intelligente, et drôle en plus de ça. Elle coche toutes les cases pour faire tomber les hommes comme les femmes. Elle a choisi les femmes, c’est son droit. Toujours est-il que je me sens étrange, quand je sais qu’avant que je rentre, elle était très probablement en train de coucher avec une femme, sous mon toit. C'est aussi le sin désormais, je ne peux rien dire, et puis, elle a fait ça en mon absence, et ne se doutait pas de mon retour, alors… Pourquoi la blâmer ? Mais à mesure que les secondes s’égrainent, je comprends qu’il ne s’agit pas d’une femme, mais d’un… chien ! J’hallucine. Elle va toutes me les faire ? Mais étrangement, je suis moins dérangée qu’il s’agisse d’un canidé, plutôt que d’une jeune femme en tenue d’Eve. Allez savoir pourquoi. Je lui fais part de ma réflexion quant à l’odeur qui régnait dans le couloir. Je ne me serai jamais permise s’il s’agissait vraiment d’une personne, mais ce n’a plus lieu d’être. « C’est pas très sympa, ça. » Je la regarde en arquant un sourcil. Vraiment ? « Je l’ai trouvé, il était abandonné. J’allais quand même pas le laisser tout seul dehors ! Et... » Je garde mes yeux posés sur le chien, et l’observe un instant, alors que ce dernier, remuant la queue, n’ose même pas approcher. Je fais si peur que ça ? « Bon, okay. Il était dans la rue. » Cette fois, je lève les yeux au ciel. Je vois que je ne suis pas au bout de mes surprises avec elle. « Mais regarde-le, avec sa bouille trop mignonne ! On lui donnerait le bon dieu sans confession. » Et comme s’il avait l’accord de Tegan, la boule de poils s’approche pour venir chercher des câlins. Mais… il pue trop. « On peut le prendre ? Enfin, après lui avoir donné un bain, bien sûr. Je m’en occuperais, promis ! » Je vrille mon regard sans le sien alors qu’elle m’offre son fameux regard de chien battu. « Quoi ? Mais non ! En plus, il est peut-être perdu. Il a sans doute des propriétaires, il n’a pas l’air vieux, et que je sache, ce n’est pas une race de chiens qui est souvent abandonnée. » Il faut dire que ces chiens là ne sont pas des chiens à problème. Tegan continue de me livrer sa plus belle bouille de manipulatrice, et je secoue la tête. « Arrête de me manipuler ! » Je ne dis pas ça sur le ton de l’engueulade, c’est même presque en riant que je lui dis ça. « On l’amène chez le veto pour vérifier qu’il n’ait pas une puce, et un propriétaire. S’il est vraiment tout seul, on y réfléchira. » Tu parles. On y réfléchira. Je vois bien dans le regard de la brune qu’elle ne rêve que de pouvoir dormir avec ce chien - une fois qu’il sera propre. Je suis en train de me faire avoir comme une bleue.
Une fois dans le cabinet du vétérinaire, ce dernier s’occupe de chercher une appartenance, et après avoir fait biper la puce électronique de l’animal, il regarde sur son ordinateur et déclare. « Ah. Alors il est né au refuge, à Wellington. Visiblement, ce n’est pas la première fois qu’il part se promener, il a un passif de fugueur ce petit bonhomme. Et il a tout juste un an. C’est encore un bébé. » Je soupire un peu avant qu’il n’ajoute « Si vous voulez l’adopter, je pense que le refuge sera ravi de s’en débarrasser ! » Ne pas regarder Tegan, ne pas regarder Tegan. Trop tard. Merde. Je préfère ne rien dire, et me contente de payer la consultation. Le chien est en bonne santé, aucun problème en vue. Une fois à l’extérieur du cabinet et en direction de ma voiture, je jette un oeil à la jeune femme qui est restée plutôt silencieuse. « Je te préviens, il est pas question que je m’en occupe. Et s’il fugue, c’est toi qui ira le chercher. » Est-ce que j’ai cédé ? J’en ai bien peur…

« Il n’a pas de collier. S’il avait des propriétaires, il en aurait un, non ? En plus, il était tout seul, perdu, affamé, sur un bout de carton. Imagine si tu m’avais trouvée, toute seule, perdue et affamée sur un bout de carton. T’aurais fait quoi ? » Elle essaie de me manipuler, je la vois faire, et je ne rentrerai pas dans le panneau. Je connais le manège, j’ai fait le même cirque à ma soeur pendant des années, et ça m’arrive même encore aujourd’hui. Alors son petit air de chien battu, ça ne prend pas avec moi. Ou en tout cas, je fais en sorte que ça ne fonctionne pas. En attendant, on est quand même en route pour aller chez le veto. Elle aura ma peau. Une fois sorties du cabinet du vétérinaire, je marche près de Tegan, alors qu’elle tient le jeune chien au bout d’une laisse de fortune, faite avec une corde qu’elle a trouvée quelque part dans un coin du jardin. Evidemment, je ne vais pas laisser cette pauvre bête livrée à elle-même. Mais il n’est pas question que je m’en occupe, et je suis claire avec Tegan. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle se jette à mon cou pour traduire son contentement, et je suis un peu prise de cours sur l’instant. Il me faut une bonne seconde pour l’entourer à mon tour de mes bras, jusqu’à ce qu’elle s’éloigne. J’ignore pourquoi j’ai les jambes un peu cotonneuses, peut-être parce que prendre la décision d’adopter un chien, c’est un peu comme faire un gosse. En moins pire, certes, mais c’est une sacré responsabilité, et j’espère que la jeune femme ne finira pas par partir en me laissant le canidé.
Sur le chemin, nous passons devant l’animalerie, mais manque de chance, elle est fermée. Tee propose de revenir une autre fois, et passer chercher de quoi laver l’animal et le nourrir, au moins pour cette fois, avec les moyens du bord. Elle me laisse donc seul avec le chien, et je jette un coup d’oeil à sa langue pendante, dans le rétroviseur de la voiture. « Me fais pas regretter ma décision hein ? » Il est mignon quand même…
Une fois de retour à la maison, Tegan prend son rôle à coeur et emmène le chien dans le jardin pour lui donner sa première douche. Il me semble que c’est une race de chien qui aime l’eau, ça ne devrait pas trop le déranger. « Tu peux me prendre le shampooing s’il te plaît ? Merci ! » me demande ma jeune colocataire. Ni une ni deux, je me saisis de la bouteille en plastique et la rejoins sur la terrasse, où elle est littéralement en train de se déshabiller. J’ai un petit moment d’absence, sans analyser quoi que ce soit. Comment fait-elle pour avoir un ventre si musclé ? Le mien n’est pas si mal, mais je l’entretiens ! Elle, je ne la vois pas faire de sport… Bref, je secoue un peu la tête pour moi même, histoire de me reconnecter avec la réalité. Je dépose le shampoing près de la bassine qu’elle commence à remplir d’eau, et m’éloigne sans tarder. « Je participe de loin hein! » Participation : zéro. Ah si, je prends quand même le temps de les filmer, parce que j’imagine qu’elle sera heureuse d’avoir un souvenir. Et puis, voilà qu’ils commencent à chahuter, à jouer, et je ris bêtement de voir Tegan aussi épanouie. Pas qu’elle ne l’était pas en arrivant, mais le simple fait de la voir heureuse me remplit moi aussi de joie. Je m’éclipse un instant pour aller chercher une vieille serviette de plage qui ne sert plus à personne, et qui sera parfaite pour le gros poilu. J’en prends une plus neuve pour Tegan, et les rejoins sans tarder, juste au moment où le jeune chien se secoue pour éliminer une partie de l’eau sur son pelage. « Ok, je suis baptisée c’est bon ! » Je ris un peu, et tends à la jeune femme les deux serviettes. « Par contre, il ne rentre pas avant d’être sec. Merci l’odeur de chien mouillé sinon… » J’adore les animaux, mais j’aime aussi avoir une maison à peu près propre et qui ne sent pas le chien mouillé. Je ne sais toujours pas si j’ai pris la bonne décision en acceptant qu’elle garde ce chien, ici, mais à la voir aussi heureuse, c’est au moins ma plus belle récompense.  « Et puis… il va falloir lui trouver un nom. » Je crois que ça donne un côté un peu officiel, non ?

Leur complicité est évidente, je ne sais pas comment j’aurai pu lui dire de le ramener au refuge. C’est juste impensable. Elle a quand même de la chance que je ne sois pas allergique, ou que je n’aime simplement pas les animaux. Pour marquer le coup, je récupère mon téléphone - que je trouve assez vite c’est une chance quand on sait que lui et moi ne sommes pas les meilleurs amis du monde - et lance l’application de l’appareil photo pour filmer le premier bain. Je m’en tire pas si mal, même si Tegan ne se gêne pas pour y aller de son grain de sel. Je lui adresse une grimace enfantine. Ok, je ne gagnerai pas le festival de Cannes avec ça, mais ça fera toujours un souvenir.
Une fois le bain terminé, le jeune chien fou vient se secouer près de moi. Ça m’amuse plus qu’autre chose. « Tu vois, t’aurais dû venir avec nous dès le début. » Je voulais lui laisser ce premier moment de complicité seule avec lui. Et puis, je n’étais pas bien loin. Je donne la première recommandation, à savoir : pas de chien mouillé à la maison. Lorsque j’émets l’idée de trouver un nom à la boule de poils, Tegan me regarde avec des yeux ronds comme des soucoupes. Est-ce que c’est si fou que ça de vouloir donner un nom à un animal qu’on adopte ? Bon. La recherche est lancée, et Tegan communique avec le jeune retriever, lui demandant son avis. « Si ça se trouve, il n’a pas spécialement envie d’avoir de prénom... C’est un concept plutôt humain, ça. » Je me mets à rire un peu. La jeune femme a des idées sur les principes que j’aime beaucoup. « Oui, c’est un truc très humain, et très pratique aussi quand on veut qu’il rapplique et qu’il comprenne qu’on s’adresse à lui. » Je sais qu’elle n’est pas contre, je lui demande simplement de trouver une idée, mais on n’est pas aux pièces. Visiblement, elle a une lueur de génie assez rapidement. Meeko. Il me faut une demi-seconde pour retrouver dans quel Disney j’ai entendu ce nom. Pocahontas, évidemment. « Meeko Castillo. Ça sonne bien, je trouve. » Un large sourire étire mes lèvres. Je hoche alors la tête sans tarder, je trouve que ça sonne bien, effectivement. « Castillo-Carvalho. » Je ne m’attendais pas à ça, il faut bien l’admettre. J’accepte d’accueillir la boule de poils, mais je ne pensais pas en devenir la co-propriétaire. Est-ce que ça me plait ? Je crois que oui, mais ça va aussi très vite dans ma tête. Quand elle partira d’ici, comment on fera avec le chien ? C’est comme les gosses ça… Et puis qu’on soit clairs, j’ai pas eu la meilleure expérience qui soit de ce côté là. Je reste silencieuse et ne me prononce pas sur la question, je me laisse la nuit pour y réfléchir.
Tegan se redresse une fois le chien propre et séché, et je bloque un instant sur les gouttelettes qui ruissellent le long de son buste. N’importe quoi. Douche. Oui. Va prendre ta douche. Je hoche à nouveau la tête pour répondre à sa question, et gratifie Meeko d’une gratouille sur la tête lorsqu’il vient chercher une récompense câline. « On va aller trouver une couverture pour la nuit, et des gamelles de fortune, en attendant demain. » Je la laisse monter prendre sa douche, pendant que je m’occupe de trouver de quoi accueillir ‘notre’ Meeko ce soir. Je lui parle comme s’il me comprenait, et j’ai l’impression qu’il comprend.
Lorsque Tegan redescend, tout est prêt, un bol d’eau fraîche et celui, à côté, qui accueillera ses croquettes un peu plus tard. « Tout est prêt pour monsieur Meeko. » Et il se couche déjà sur l’épais tas de couvertures que j’ai placé à un endroit agréable du salon. « Ton téléphone n’a pas arrêté de biper pendant que tu étais sous la douche. Quel succès… » Je ne sais pas de quelle application il s’agit, mais quelqu’un - ou plusieurs personnes - cherche(nt) à communiquer, de toute évidence.

Je ne comprends pas encore trop bien ce qui me fait bloquer quand je vois Tegan sortir de la douche, ou se trimballer en petite tenue à la maison. Certes, elle a un corps magnifique, mais ce n’est pas comme si je voyais pour la première fois un corps de femme joliment sculpté dans mon champs de vision. Peut-être est-ce simplement le fait que Tegan aime les femmes, qui me rende aussi… étrange ? Ma meilleure amie aussi aime les femmes, mais étant ma meilleure amie, je n’ai jamais eu peur de l’ambiguïté, et il n’y en a même jamais eu entre nous. Pour la simple et bonne raison que je n’ai jamais été attirée par une femme. Et s’il avait été question d’en choisir une, il est évident que ça aurai été Celeste. Elle est - presque - en tous points parfaite. Mais… elle est amoureuse de ma soeur, d’aussi longtemps que je me souvienne. Et puis, la question ne se pose pas, puisque j’aime les hommes. Cette pensée fugace finit par quitter mon esprit lorsque j’annonce à ma jeune colocataire que son téléphone n’arrête pas de sonner dans tous les sens. « Ah ? Ah oui, pardon. T’as regardé ce que c’était ? » me demande-t-elle, alors que je reste un peu interdite. Est-ce une vraie question ? Ou plutôt une façon de savoir si je la flique ? Pourquoi ferais-je ça ? Je me contente de secouer un peu la tête. Non, je ne lis pas ses messages. « Non non… j’ai juste entendu que ça sonnait, plusieurs son différents d’ailleurs… » Je ne suis pas douée avec la technologie, je ne saurai dire quel son appartient à quelle application, j’ai même laissé sur mon téléphone la sonnerie initiale. Je ne saurai même pas comment la changer.
Pendant que je prépare le repas, la jeune femme s’empare de son téléphone pour, j’imagine, checker et répondre à qui de droit. Je ne comprends pas pourquoi je sens cette petite contraction au centre de mon abdomen, mais je décide d’en faire fi. Tegan lâche une onomatopée de surprise, et je tourne la tête dans sa direction. « Love Stewart vient de s’abonner à mon insta... » finit-elle par avouer alors que j’avait les yeux rivés sur elle. Oh. Effectivement. Je n’ai pas besoin de me creuser trop les méninges pour me souvenir de ce nom. Déjà parce qu’il se retient aisément, et aussi parce que Tegan nous a parlé de cette fille une soirée entière, à Riley et moi, le jour où elle avait rencontré l’actrice à son école. Je ne pensais pas que cette histoire aurait une suite, et sans comprendre non plus ce qui arrive, je sens monter en moi une légère vague de chaleur désagréable. « Super ! » dis-je plus ou moins emballée, ou au moins, essayant de lui montrer que je le suis. « Il faut que je lui envoie un message. Tu crois que je peux lui envoyer un message ? Enfin... C’est pas bizarre ? Si elle m’a suivi, c’est qu’elle en a un peu envie, non ? » Je cligne quelques fois des yeux, cherchant à l’intérieur de moi à savoir ce qu’il serait le mieux que je réponde. « Euh.. je sais pas… oui… sûrement… » Réveille toi Marley !! C’est moi qui jouais encore les cupidons auprès de ma soeur et de ma meilleure amie, qu’est-ce que je fous ? Est-ce que c’est la peur que Tegan se plante parce que cette actrice n’est… qu’une actrice ? Je secoue la tête pour moi-même, tentant de chasser ces pensées. « Tiens, prends-le. Il ne faut pas que je lui écrive dans cet état. J’ai qu’une seule chance, il faut pas que je fasse de conneries... Il faut que tu m’aides, là, Marley. » Que je l’aide ? Que… je baisse les yeux sur le téléphone qu’elle vient de mettre entre mes mains, alors que je ne sais même plus comment réfléchir. « Ok. Si tu le veux, il faudra me passer sur le corps… » dis-je sans aucune mauvaise intention, glissant le téléphone au niveau de mon aine, entre le tissus et ma peau. « Tu ferais quoi à ma place, toi ? » demande-t-elle, visiblement perdue. Je vois qu’on est deux, mais pour des raisons différentes. Réfléchis bien, Marley. « Ben… je sais pas trop. C’est particulier. Tu dis que vous avez eu une vraie connexion à l’école, donc je me dis que si elle te suit, c’est pour avoir un lien avec toi…? Et en même temps, je te cache pas que je suis un peu perplexe. Je connais pas cette fille, c’est une actrice mondialement connue, c’est pas un peu bizarre qu’elle discute sur Instagram avec ses fans ? » Parce que c’est ce qu’est Tegan, en réalité. Une fan de l’actrice… Et moi, j’ai juste peur qu’elle se casse la gueule, qu’elle mette des espoirs, qu’elle… tombe amoureuse ?

Je suis partagée face à la situation. Une partie de moi aurait envie d’être heureuse pour Tegan, et l’autre ressent cette petite angoisse, sans savoir vraiment comment l’analyser. Est-ce que j’ai peur pour elle, qu’elle se casse les dents ? Est-ce que j’ai simplement du mal à imaginer Tegan avec quelqu’un ? « Je sais pas. On a parlé de plein de choses, c’était pas juste... une actrice. » avoue-t-elle tout en triturant le jouet en plastique qu’elle a entre les mains. Je sens bien qu’elle a ressenti quelque chose, une sorte de crush pour cette fille, mais j’ai vraiment peur que ce ne soit pas une bonne chose. « Je veux dire c’est pas impossible qu’elle m’ait trouvé... intéressante, non ? » « Bien sûr, puisque tu l’es… » Comment ne pas la trouver intéressante au juste ? « On a le même âge. Peut-être que dans d’autres circonstances, on aurait pu être amies ? Ou... plus. » Je déteste cette sensation, mes entrailles qui se serrent en l’entendant prononcer ces mots. Je me contente de serrer les mâchoires, sans chercher à comprendre ce qui me secoue. Je pense que ce n’est pas le moment pour ça. « Oui, vous avez le même âge… » Je reste évasive, je ne me vois pas la pousser dans les bras de cette actrice, ça me semble bien trop dangereux. Mais alors que je m’apprêtais à lui poser une question, la jeune femme me devance. « T’as jamais rencontré un acteur, ou un chanteur qui te plaisait ? Quelqu’un à qui t’aurais pas pu dire non s’il voulait tenter quoi que ce soit ? » Je reste interdite quelques secondes face à la question, laissant mes pensées s’évader vers Austin. Un poids s’abat sur mes épaules et me noue l'estomac. De mieux en mieux. Je me sens incapable de répondre pour le moment, et ce n'est rien comparé à l’instant où Tegan s'approche de moi, le regard rivé dans le mien. Mon coeur s’emballe. « Imagine que t’aies le mec le plus beau que t’aies rencontré, en face de toi... que vous ayez une vraie conversation, ou il te raconte des trucs perso. Une vraie connexion, sans effort particulier... » Je ne la lâche pas des yeux, je crois simplement que j’ai oublié de continuer à respirer.
Je sens alors la pression de son index sur mon thorax, et je ne comprends toujours pas la horde de sentiments qui m’assaille. « T’aurais pas envie de tenter ? Même en sachant que c’est sans lendemain ? » Je me racle difficilement la gorge, perdue dans le tumulte de mes pensées. « Je… » Non. J'aimerai lui dire non, pour ne pas qu'elle vive la même chose que je vis avec Austin. Qu’elle se protège. « C’est un peu ça qui se passe, avec Love. » conclut-elle tout en retirant son index, rompant le contact tactile. « Je sais ce que les artistes dégagent, cet aura, ce charisme. J’en ai été victime, moi aussi. » Et Tegan dégage ça, elle aussi, même si c’est un peu différent. Ça l'est complètement à vrai dire. « Oui, j’ai rencontré ce genre de personnage, qui me plaisait et à qui je plaisais. Et je regrette de n’avoir dit non. » Aveu fait, je soupire et baisse le regard. « Mais ça n’a probablement rien à voir, peut-être que Love est quelqu’un de bien, et qu’elle ne te voudra aucun mal. » Je me mords un peu l’intérieur de la joue et tente de lui offrir un sourire rassurant, même si ce n’est pas exactement le sentiment qui en ressort…

J’en dis peut-être un peu trop, quand je vois les sourcils froncés de Tegan, je me dis que j’ai été un peu trop loin. Je vais devoir éviter son flot de questions, j’en ai peur. Je tente malgré tout de ramener la conversation à elle, à son histoire, ce qu’elle ‘partage’ avec cette actrice - même si ça ne me plait pas trop. Après tout, je ne suis que sa coloc, à quel moment j’ai un mot à dire sur les personnes qu’elle fréquente, ou veux fréquenter ? Tout ce que je peux faire, c’est tenter de la mettre en garde, histoire de ne pas regretter de ne l’avoir fait, si jamais ça se passe mal. « Marley Carvalho, quelle petite cachottière. Tu caches bien ton jeu, je t’imaginais pas du tout comme ça ! Je le connais ? » « Comme ça ! Tout de suite les grands mots ! » Je lève les yeux au ciel et tente de ne pas me montrer vexée. Quoi ? Tout le monde a le droit de faire des erreurs, non ? « J’en sais rien si tu le connais, et ne compte pas sur moi pour te donner son nom ! » Parce que c’est privé, que je n’ai pas envie d’en parler, et aussi parce que je ne veux pas prendre le risque de savoir si elle le connaît ou non. « Enfin, t’es pas obligée d’en parler, si tu veux pas. » Je reste silencieuse, et même si ça me fait mal au coeur de ne pas être prête pour lui en parler, j’espère simplement qu’elle comprendra. « Il t’a fait du mal... ? » Mon regard ancré dans le sien, je sens une boule se former dans ma gorge. Mes yeux s’embrument légèrement et je choisis de baisser les yeux tout en me raclant la gorge pour essayer de faire passer ce malaise désagréable. « Désolée, je voulais pas réveiller un mauvais souvenir. On n’est pas obligées d’en parler... Mais si tu veux le faire, tu peux. D’accord ? » Je serre les mâchoires et hoche simplement la tête, sans arriver encore à la regarder. « Tu pouvais pas deviner, j’aurai pu ne rien dire, j’ai juste… peur pour toi. » Je hausse les épaules pour tenter de dédramatiser les choses, et relève les yeux dans sa direction pour poursuivre. « Mais je vois les choses par mon expérience, et tu dois te faire ta propre expérience. » Je lui adresse un léger sourire, pour tenter de mettre un peu plus de positif dans cette discussion.
Sans réfléchir, je m’avance vers elle et l’entoure de mes bras pour la garder contre moi un instant, peut-être un peu plus long que ce que j’aurai pensé. « Je veux juste que tu prennes soin de toi, d’accord ? » Je finis par m’écarter et rompre l’étreinte en quasi totalité. Je garde une main sur son épaule, alors que de l’autre, je pointe son thorax, sur le côté du coeur. « Ne te barricade pas, mais protège ton petit coeur, c’est tout. » Nouveau sourire, et je m’approche à nouveau pour déposer un baiser sur sa joue avant de reprendre le cours de la soirée. « Bon, on en était où ? » Beaucoup d’émotions pour cette simple journée je dois dire…