rock the boat → rafa

Maintenant qu’elle se promène sur le pont longeant les cabines des autres passagers, le vent froid lui cinglant le visage au point de lui rougir les joues et le bout du nez, Vesper se demande ce qui lui a pris d’accepter de faire une croisière en plein hiver. Elle qui trouve déjà qu’il fait drôlement froid en Nouvelle-Zélande – en tout cas en comparaison de tous les autres endroits où elle a vécu auparavant -, c’est évident qu’il fait encore plus froid en pleine mer. D’un côté, la texane se dit que si Rafa n’avait pas gagné des places à bord, elle ne serait pas venue. Et puis de l’autre, elle se rappelait d’à quel point elle adorait les bateaux. Elle en possède deux, rien que ça. Mais à choisir, elle préfère quand même attendre le retour du soleil et d’un vent moins piquant avant d’aller faire une balade au large. S’étant levée aux aurores, comme à son habitude, elle avait décidé de laisser Rafa profiter un peu de ses vacances et, après un très bref tour sous la douche, s’était emmitouflée dans plusieurs couches de vêtements avant de partir à la découverte de ce paquebot. Y avait vraiment des tas de trucs à faire : plusieurs piscines, un millier de bars à peu près, une salle d’arcades, des boîtes de nuit – encore fermées à cette heure matinale, bien que les bars ne le soient pas – et ainsi de suite.

C’est sûr qu’ils n’auraient pas vraiment le temps de s’ennuyer en théorie. Sans parler des activités que les membres de l’équipage leur ont réservées. Son téléphone dans la poche arrière de son jean se met alors à vibrer et elle voit que Rafa l’attend sur le pont principal qu’elle se hâte de rejoindre. L’apercevant, elle presse le pas et entoure sa taille de ses bras avant de venir déposer un petit baiser sur sa joue qu’elle hume au passage.
« Tu sens bon ! »
L’aftershave qu’il utilise est l’une de ses odeurs préférées. Elle jette un coup d’œil autour d’elle et voit tout un groupe de papys et mamies éclabousser toutes les personnes ayant le malheur de passer à proximité de la piscine en faisant de l’aquagym. Non, ça, ça ne sera jamais pour eux, c’est certain.
« Tu sais ce que j’ai vu en me promenant ? Des auto-tamponneuses. C’est fou, tu trouves pas ? »
Pourquoi pas une grande roue avec un stand de barbes-à-papa à son pied pendant qu’on y est.
« Ça te dit ? »

Il n'était jamais monté à bord d'une croisière, tout simplement parce que ce n'est pas quelque chose qui lui a déjà tenté, même si cela ne semble pas si mal de se prélasser au soleil, en attendant d'arriver à la prochaine destination. Malheureusement, aujourd'hui et pour les prochains jours, ils n'auront pas droit à une telle météo, plutôt au vent et aux frissons de la basse température, peut-être même à la pluie. Rafael avait gagné des places pour le Radiance of the Seas, avec un programme auquel il s'y attendait un peu, du bowling, des leçons de danse, le mini golf, mais bref, ce qui attirait le plus Rafael, c'était les auto-tamponneuses, peut-être le massage aussi. Et même s'il avait eu l’occasion de refiler les billets à quelqu'un d'autre, il ne l'aurait peut-être pas fait et ce, malgré le froid, parce qu'on ne va pas le nier, c'est pas le temps idéal, à vrai dire, on dirait même qu'ils ont voulu écouler les stocks -peut-être de nourritures ou quoi que ce soit- comme le black friday, trop beau pour être vrai, les rabais cachés cachent toujours quelque chose. En tout cas, cela faisait changement de voyager à l'autre bout. À son réveil, Vesper n'est déjà plus là, mais il en profite pour rester un peu au lit, le peu qu'il dort, il ne va pas gâcher quelques minutes de repos, puis il sort finalement du lit pour prendre une douche pour ensuite se vêtir chaudement, un gros pull devrait faire l'affaire. Lorsqu'il sort enfin de la cabine, il voit des personnes s'amuser dans l'eau, même qu'il y a carrément des gens en maillot de bain. Ce n'est pas que le froid lui fait peur, mais il a le sang chaud, il a toujours vécu dans des lieux où il faisait bon, avec des journées ensoleillées, il est donc surpris par cette audace, mais chacun fait ce qu'il veut. Rafa envoie un message à Ves pour pouvoir la retrouver et discuter du plan de la journée. Il sourit, lui attrape doucement les mains pour les embrasser. « Il y a au moins un rayon de soleil dans la place. » Ça ne va peut-être pas lui donner chaud, mais qu'importe, il ne serait pas là sans elle, ni sans ce concours. « Si ça me dit ? Tu me connais, je suis grave partant. » Bien plus que l'aquagym, ça va de soi. Il passe un bras autour de ses épaules puis ils se dirigent vers les auto-tamponneuses. « À moins d'être Russe ou bien nordique, je n'ai pas compris l'ambiance estivale sur ce paquebot. » Parce que même si ce sont les vacances pour beaucoup, il ne pourrait pas sauter dans l'eau sans tomber malade.

Y a pas à dire, Vesper trouve qu’ils sont mignons tous les deux. Qu’ils forment un joli couple, justement parce que toutes ces petites attentions sont naturelles et aucunement forcées. La blonde ne ressent jamais l’obligation de dire à Rafa combien elle l’aime, combien il est beau, combien il est important à ses yeux. Non, ça lui vient tout naturellement et c’est rarement dit exactement de cette façon parce qu’ils n’ont plus l’âge de se la jouer Roméo et Juliette, mais c’est bel et bien ce que ça veut dire. Aux anges – ce qui se remarque à son sourire radieux -, elle se laisse passer un bras autour des épaules et entoure sa taille du sien avant de se mettre en route en direction desdites auto-tamponneuses. Puis elle pouffe en entendant la réflexion de Rafa.
« J’ai deux théories à ce sujet : soit ils croient tous dur comme fer que ça va leur défriper la peau parce qu’ils ont entendu ça quelque part, soit ils ont tous été remplacés par leurs doubles reptiliens. »
Puisque les reptiles ont le sang froid, on imagine facilement que barbotter dans l’eau par ce temps ne les dérangerait pas tant que ça. Et si elle a raison, alors ils ont du souci à se faire étant donné qu’ils sont coincés sur l’océan en leur compagnie…

Ils arrivent alors sur ce qui ressemble fort à une mini-fête foraine puisqu’il n’y a pas que les auto-tamponneuses. Bon d’accord, y a pas non plus de grand huit, ça ne serait probablement pas rentré sur un bateau, aussi grand soit-il, mais y a un punching-ball et même un petit coin où on vend des barbes à papa et des pommes d’amour. Au cas où ils auraient un petit creux d’ici quelques temps. Bien que ça ne soit pas idéal comme déjeuner mais ils sont en croisière ! Ils ont bien le droit. Bref, la texane regarde les gens qui attendent leur tour et constate qu’il y a beaucoup d’enfants. Normal, sûrement, les vieux à l’aquagym, les enfants aux autos-tamponneuses, ça semble être dans la logique des choses. Quant à savoir si ça la dérange ? Pas le moins du monde ! Vesper aime bien les enfants. Enfin, elle aime surtout ses trois nièces à qui elle passerait tous les caprices alors que les autres un peu moins. Surtout s’ils sont mal élevés. Elle se hâte de leur prendre des tickets puis attend sagement qu’une auto soit libérée.
« Je prends la rouge ! »

Il ne croit pas qu'il aurait pu trouver mieux que Vesper. La présence de la blonde dans sa vie, il a l'impression de se sentir plus serein, plus heureux, c'est vraiment la perle sur laquelle il voulait tomber. Bien qu'il ne se soit jamais senti obliger d'être en couple, d'avoir une famille après l'armée, il est loin de se plaindre de ce qu'il a aujourd'hui, car pour rien au monde, il ne voudrait d'une autre vie ou d'une autre petite amie, aussi cliché que cela puisse paraître. Quoi qu'il en soit, il sait qu'il peut avoir confiance en elle, mais qu'ensemble, ils peuvent s'amuser, qu'importe l'âge, les auto-tamponneuses ne feront pas exception, rien de mieux pour commencer la journée. Rafael pouffe de rire face à ses deux théories. « Oui, c'est pas mal, ça se tient quand même ce que tu dis. Sinon, je pensais à une drogue quelconque. » Après tout, tout le monde est en vacances pour deux semaines, il y a sûrement des jeunes et des moins jeunes qui veulent se sentir ailleurs, mais ce n'est qu'une théorie parmi tant d'autres, à vrai dire, libre à eux d'imaginer ce qu'ils veulent, même si cela reste marrant. « Hé ben, dis donc, ils se sont lâchés sur les activités. » Qu'il lance à leur arrivée, ils peuvent même apercevoir au loin, la petite salle d'arcade, ce qui lui rappelle grandement l'époque des années quatre-vingt, passant le plus clair de son temps entre les bornes d'arcade et ses entraînements pour le préparer à l'armée. Les enfants les fixent, sûrement à se demander pourquoi deux adultes se retrouvent dans la file d'attente, mais Rafael n'y prête pas attention, il n'y a aucune restriction, alors, pas de problème. « Pas la rouge ! Je vais prendre la bleue, alors ! » Il la taquine, peu importe la couleur, il se précipite sur la bleue qui vient tout juste de se libérer, tant pis pour le gamin un peu boursouflé qui la voulait. « Que le meilleur gagne ! » Qu'il balance en mode compétiteur, alors, que ce n'est pas beaucoup le cas, enfin, si, sur les jeux vidéo, mais là, c'est pour s'amuser et surtout, il n'y a pas vraiment de gagnant et de perdant. L'attraction lancée, il commence à avancer et tente d'éviter les autres pour retrouver Vesper au loin.

Ah, y a plus de chances qu’il s’agisse d’une drogue quelconque, en effet. Ce qui serait tout de même un peu dommage parce que moins bien original mais la vie est ainsi faite. La texane pouffe à cette remarque.
« Tu dois sûrement avoir raison. Et si j’avais su, j’en aurais profité pour essayer d’écouler un peu de mon stock de « plantes médicinales ». »
Des plantes qu’elle continue de faire pousser dans le jardin de Rafa. Quitte à avoir la main verte, autant que ça serve. Même si c’est le plus souvent pour leur propre consommation. Puis elle acquiesce, c’est que c’est pas un bateau de croisière de tapette – qu’on lui pardonne l’expression ! Les auto-tamponneuses, la salle d’arcades, les piscines, les bars, les clubs, les boutiques, les buffets, les salles de sport, tout est fait pour que personne ne puisse s’ennuyer une seule seconde de leur séjour, même ceux qui refusent de descendre du bateau.
« C’est pour ça que ça coûte toujours une blinde, c’est comme une petite ville flottante. »
Mais rien à voir avec Waterworld. Dommage, la blonde aime bien l’idée d’un monde un peu postapocalyptique où la vie se passe sur l’eau. Sans doute parce qu’elle raffole de tout ce qui vogue dessus.

Bref, elle tâche de ne prêter aucune attention aux gamins qui les dévisagent, n’ayant pas l’air de comprendre que des adultes puissent avoir envie de s’amuser avec de petites voitures aussi – pourtant, c’est évident qu’ils ne peuvent pas se permettre de faire des carambolages pareils avec leurs propres voitures, donc autant le faire avec des voiturettes prévues à cet effet – et se ruent sur celles qu’ils viennent de repérer et de s’attribuer en rigolant. Vesper adresse un signe de la main à Rafa pour confirmer son propos, s’installe au volant et insère le jeton de la boîte pour faire démarrer le véhicule. De la même façon que son petit ami, elle slalome pour éviter les enfants et se concentrer sur Rafa. Sauf que les mômes cherchent un peu la merde en se mettant en travers de leur chemin à tous les deux, les empêchant de se retrouver. Et ce n’est pas une fois ni deux mais tout le temps. Ce qui commence tout doucement à lui taper sur le système. Haussant la voix pour couvrir le bruit environnant, elle demande :
« On se ligue tous les deux contre eux ? »
C’est puéril, oui. Mais à la base, ils avaient décidé de les éviter, c’est eux qui l’ont cherché.

Cette ambiance de fête foraine, cela remonte à très loin dans les souvenirs de Rafael, quoi qu'à vrai dire, il n'ait même pas souvenir d'avoir déjà été à une foire. Entre le fait d'avoir passé sa jeunesse à combattre des terroristes et se rendre compte qu'il était trop vieux pour ces conneries enfantines, il n'a jamais pris le temps de s'y intéresser. Oui, il a forcément manqué des activités pour jeunes adultes, mais cela ne le dérange pas tant que cela, il ne regrette pas son passage à l'armée et puis, finalement, il n'y a pas d'âge pour s'amuser, ils sont bien la preuve vivante. Elle n'a sûrement pas tort, les billets ne sont pas forcément donnés, mais reste raisonnable pour des gens avec un bon revenu comme eux, de plus, cela semble assez rentable d'organiser des croisières, en fin de compte, il y en a pour tous les goûts. Quoi qu'il en soit, une fois dans sa voiturette rouge, avec l'idée en tête qu'ils vont s'amuser à deux, mais non, des jeunes, plutôt des enfants, ont décidé de les mettre au défi, les provoquent clairement et il sent que s'ils ne font rien, ils vont vite être agacé à cause de ses gamins qui se prennent pour de petits durs. C'est drôle une fois ou deux, mais quand c'est à répétition, cela devient vite énervant et il est d'accord avec Vesper, il veut bien leur mettre une correction, par là, je veux dire une leçon, de quoi calmer les nerfs aux enfants qui n'ont pas l'air de vouloir laisser la place à quiconque. « Carrément, ouais. » Il suffit de les secouer avec la voiturette, de leur faire comprendre qu'ils ne vont pas rester là, à ne rien faire, aussi extrême que cela puisse paraître. Rafael décide de foncer dans une voiturette orange, celui qui se moquait d'eux, ils commencent déjà à comprendre, mais également à se plaindre. « On laisse la place aux grands, merci. » On réplique que c'est pour les gamins, mais il est évident que non, ils ne sont pas les seuls adultes sur la piste, peu nombreux, certes, mais pas seuls pour prouver qu'il n'y a pas d'âge limite.

C’est peut-être un peu mesquin, mais Vesper n’a absolument aucun scrupule à se liguer contre une bande d’enfants bien résolue à les empêcher de s’amuser un peu. Les parents n’ont qu’à mieux les éduquer après tout, mais le fait est que le respect envers les aînés se perd de plus en plus, c’est quelque chose qu’elle a pu observer depuis quelques années, déjà. Bien qu’elle n’ait pas côtoyé tellement de gamins non plus, en dehors de ses nièces. Mais il arrivait parfois qu’elle retourne au ranch et que Bobbi Jean et Daisy reçoivent des amies – pas encore Jewel qui est encore trop petite mais ça ne saurait tarder -, parce que tous les gosses d’Abernathy adorent venir passer l’après-midi au ranch, c’était déjà comme ça quand elle-même était enfant. En tout cas, c’est dans ces moments-là qu’elle se rend compte que l’éducation des enfants d’aujourd’hui laisse clairement à désirer. Pas un bonjour, pas un merci, pas un s’il-te-plaît, que des je veux tout le temps. Heureusement, sa sœur Angie n’élève pas ses filles comme ça. Pourtant, elle les adore mais avec leur propre mère, on peut dire qu’elle est allée à bonne école pour élever les futures héritières du ranch Walker.

Ce qui explique donc qu’au lieu de ne se concentrer que sur Rafa, la texane se met à foncer dans toutes les autres autos-tamponneuses se trouvant sur son chemin. Ce qui provoque bien sûr de petites crises de nerfs et de larmes ainsi que pas mal de reproches et de plaintes de la part des parents des mioches en pleurs. On aura tout vu ! Vesper se retient de leur faire bien comprendre que s’ils en sont arrivés là, c’est d’abord de leur faute à eux, à ces parents passant tous leurs caprices à leurs enfants au point d’en faire de petites teignes se mettant à geindre à chaque fois que quelque chose ne va pas dans leur sens, mais elle préfère en fin de compte les ignorer et continuer de tamponner tout le monde, enfants comme adultes. Parce qu’après tout, c’est pour ça qu’elle est là, pas pour se faire emmerder par une bande de chiards.
« C’est quand même mieux comme ça ! Bien qu’un peu bruyant, tu trouves pas ? »
En fait, ils auraient mieux fait de venir en soirée quand tous les mômes étaient couchés, s’ils voulaient vraiment en profiter. Mais bon, la blonde n’avait pas encore vu un seul enfant avant de venir là donc elle n’aurait pas pu se douter que ça serait la garderie.

Ils ont envie de s'amuser, même si l'attraction peut paraître enfantine, qu'à première vue, cela a été conçu pour eux, les enfants, mais pas du tout, c'est vraiment pour tous les âges, comme les jeux vidéo et les films d'animation. Il sait qu'ils ne pourront pas rire un bon coup si les gamins ne cessent pas de les importuner, comme s'il s'agissait de leur bac à sable. Pas question de les laisser prendre le contrôle de tout, il juge que la piste est assez grande pour qu'ils n'aient pas à se bousculer à chaque instant. Ainsi, il rejoint Vesper dans son idée de leur faire comprendre qu'ils n'ont pas à faire leur loi, mais surtout de leur ficher la paix. Bien sûr, c'est délicat, car tout ça parce que ce sont des gosses, des mioches qui ne connaissent pas la politesse et le respect, mais tant pis, après tout, ce sont eux qui ont commencé, pourquoi devraient-ils accepter ce sort ? Tout cela pour dire, que Rafael suit le mouvement, fonçant sur les autres autos-tamponneuses, quitte à entendre des plaintes de la part des parents, les pleurnicheries des enfants, il continue jusqu'à ce qu'ils -les gros bébés- décident d'arrêter, d'ailleurs, cela fait rire quelques adultes, sûrement des personnes comme eux, n'ayant aucun môme qui les attend à la maison, trouvant qu'ils ont bien fait, sans vraiment le dire à voix haute, le regard en dit long. Et ils sont là pour tamponner, s'amuser, rire un bon coup et merci bonsoir. Il rejoint Vesper et sourit. « Je suis absolument d'accord, un peu de paix et tranquillité entre adultes. » Il ignore si cela va durer, mais d'ici là, ils auront surement déjà quitté l'activité pour aller faire autre chose. Rafael repart faire un tour en bousculant tout le monde sur son passage, compris Ves, rien que pour le plaisir, d'avoir enfin la piste à eux. « Je n'avais jamais vraiment eu l'occasion de faire cela, à cause de l'armée, maintenant, c'est chose faite, je peux le rayer de ma liste ! » Et puis, à deux, il se sent moins con d'être là. Il y a déjà une bonne file d'attente, ce qui lui fait penser qu'ils vont bientôt devoir quitter, sauf s'ils arrivent à avoir un autre tour, quitte à attendre, mais elle a peut-être envie de tester autre chose.

Y a pas à dire, les enfants peuvent être vraiment insupportables quand ils s’y mettent. Et là, clairement, ils ont décidé de s’y mettre. Sous prétexte que c’est une activité pour eux. Alors d’accord, dans toutes les fêtes foraines et tous les parcs d’attractions qu’elle a pu visiter, il y avait pas mal de gnomes mais pas que ça non plus. La preuve que ça ne leur était pas réservé c’est qu’il existe des attractions qu’on ne peut pas faire en-dessous d’une certaine taille. Et des attractions comme celles-ci, y en a des tas. Bon, pas sur ce bateau en revanche parce que ça serait quand même un peu compliqué d’y faire entrer un grand huit, même si, si c’est possible d’en construire un au sommet d’un hôtel à Las Vegas, alors c’est certainement possible d’en construire n’importe où. Tout ça pour dire que les deux grands enfants qu’ils sont semblent très fiers d’eux d’être parvenu à faire évacuer les lieux et qu’ils en profitent autant que possible. D’ailleurs, ils ne sont apparemment pas les seuls à être content de la tournure que vient de prendre les évènements. Il faut croire qu’ils se sont mis les autres adultes sans enfants dans la poche en agissant ainsi. Et c’est tant mieux.

Au bout de quelques instants, Rafa lui fait savoir que c’est son baptême d’autos-tamponneuses et Vesper se souvient qu’ils n’en ont pas fait la fois où ils sont allés à la fête foraine tous les deux. Elle s’en serait voulu que des nains capricieux lui gâchent ce plaisir. Même si on est d’accord qu’il y a mieux.
« C’est vrai ? Je suis contente qu’on l’ait fait ensemble alors ! »
C’est que Vesper et Rafa s’étaient rencontrés et s’étaient mis ensemble sur le tard alors les premières fois qu’ils pouvaient partager ensemble se faisaient plus rares que celles d’un couple plus jeune. Mais justement, leur rareté les rend d’autant plus marquantes. Quelques minutes plus tard, voilà que l’auto de la texane s’arrête, signe qu’il faut retourner chercher un nouveau jeton pour qu’elle daigne se remettre à avancer. Et quand elle voit le monde qui fait maintenant la queue au guichet, ça la fait un peu soupirer. Chacun son tour de s’amuser après tout.
« On va se chercher une barbe à papa ? »
Pas qu’elle en raffole parce que ça n’est jamais que du sucre, mais ça va bien dans le thème.

Il n'y a pas à dire, il ne pensait pas faire de l'auto-tamponneuse en venant sur cette croisière, c'est jamais vraiment ce que l'on attend sur un bateau, si on compare cela à l'alcool, à siroter des cocktails et prendre des cours de danse qui serviront à rien dans le futur. Néanmoins, il n'est pas mécontent d'avoir enfin pu faire cette activité, surtout en compagnie de Vesper, bien que certaines personnes, c'est-à-dire les enfants, ont tenté de les exclure et de les faire fuir, ce fut un plaisir de pouvoir rester là, à les remettre à leur place et de profiter des dernières minutes à s'amuser sans se faire arrêter par un gamin pleurnichard et capricieux. « Et moi donc ! » Sinon, cela aurait été un peu louche de le voir seul entouré de mômes, vraiment, il n'y aurait eu aucun amusement à foncer dans les autres autos sans sa partenaire de vie. Rafael profite de l'attraction, un terrain presque devenu exclusivement adulte, de quoi avoir plus de plaisir, car aucun d'eux n'est en train de se plaindre et puis, l'avantage d'être adulte, c'est de pouvoir supporter le choc quand quelqu'un fonce sur la voiturette. L'attraction tire à sa fin, comme une panne de courant, tout s'arrête automatiquement et surtout, ils doivent quitter avant le prochain tour, bien qu'ils puissent remettre cela, la ligne d'attente est déjà à son comble et honnêtement, il préfère à attendre à un moment où il n'y aura que des adultes ou peut-être qu'ils seront que deux ou voire trois dans la soirée, qui sait. « Avec grand plaisir. » Autant en profiter de cette ambiance festive de fête foraine. Il achète une barbe à papa pour Ves et pour lui-même avant de s'éloigner pour laisser la place aux autres. « Le bon goût du sucre.. » Ce n'est pas mauvais, mais encore, il préfère un bon sac de chips ou un hot-dog à cela, cela dit, pour le peu de fois qu'il en mange, ce n'est pas désagréable non plus. « Qu'est-ce tu veux faire maintenant ? » Il commence légèrement à faire un peu plus frais, ce n'est pas demain la veille que Rafael va reprendre une croisière durant l'hiver, alors que c'est l'été ailleurs.

Maintenant que Vesper a sa barbe à papa entre les mains, elle se dit que c’est quand même pas banal. Et d’un autre côté, que faire par ce temps ? Rider dans la piscine ? Chauffée ou non, encore fallait-il en sortir et risquer la pneumonie. Un peu pareil pour tous les sports aquatiques. C’est bien pour cette raison que son choix s’était porté sur les auto-tamponneuses, parce qu’il ne fallait ni se mouiller, ni se désaper. Le fait est qu’ils ne pouvaient pas rester indéfiniment de ces voiturettes, aussi, quand Rafa lui demande ce qu’elle veut faire ensuite, elle passe en revue les activités que l’on peut faire sur ce bateau. Un peu tôt pour les boîtes de nuit et les bars, mais elle sait de source sûre qu’il y a un cinéma, un théâtre, un spa pour avoir vu des panneaux indicateurs au cours de son footing matinal ; elle a même déjà entendu parler de patinoires et de pistes de skate mais elle se demande quand même si, vu la taille du bateau, il y en a ici aussi. Laissant un peu de barbe à papa fondre sur sa langue, elle continue de réfléchir à la question. C’est alors qu’une idée lui vient.
« Je crois avoir vu qu’ils donnent des cours d’initiation à l’œnologie. Ça pourrait être sympa, qu’est-ce que t’en penses ? J’aime bien le vin mais je fais toujours semblant de pouvoir différencier un vin de qualité d’une piquette de supermarché. Ça serait l’occasion de ne plus avoir à faire semblant. »
Sans compter que c’est une excellente excuse pour commencer à boire aussi tôt dans la journée sans que personne ne vous voit comme un ivrogne. Et puis franchement, ce n’est que du vin, un des alcools les plus chics et cucul qui existe. Ce qui pousse la texane à se demander s’il existe des goûteurs de vodka ou de tequila ou même de whisky dont c’est le seul métier, à l’instar des œnologues. Sans doute pas. En tout cas, elle n’en a jamais entendu parler. Terminant sa barbe à papa, elle jette ensuite le bâtonnet sur lequel elle était enroulée dans la poubelle la plus proche et tâche de se rappeler où est-ce qu’elle a vu ça. Ce qui lui revient : juste en face du spa.
« Soit ça, soit on va se faire faire quelques massages et soins pour la peau. Dans un cas comme dans l’autre, je suis partante. »

Ce n'est pas le meilleur goût en bouche, ça reste du sucre avec des gouttes de colorant, mais ça va avec l'ambiance, morceau par-ci et par là, il termine sa barbe à papa en moins de deux, jusqu'à ce qu'il se demande ce qu'ils vont faire maintenant qu'ils ne feront pas un nouveau tour de piste. Il y a plusieurs choses à faire, mais la plupart n'attirent pas Rafael, les cours de danse, sauter dans la piscine en ce temps pas glacial, mais pour la peau, cela revient un peu à la même chose et aussi, il n'a pas tellement envie de regarder le film Titanic, d'ailleurs, quelle drôle d'idée cette séance. Il n'a jamais pu regarder le film au complet, entre longueurs et tragédies, rien de plus ennuyeux selon lui. Quoi qu'il en soit, Vesper propose des cours d'œnologie pour les débutants, ceux qui ne savent pas la différence entre les différents raisins, parce que pour lui, hormis la couleur, il ne voit pas beaucoup la différence, si ce n'est que le raisin vert est plus sucré. Il suit la blonde, il jette le bâton qui tenait toujours entre les mains, qui est maintenant inutile de garder sur soi. Autre suggestion, se détendre dans un spa, massage, bain de boue et masque facial, bien que cela semble relaxant, autant cela ne l'attire pas plus que cela. Il jette un coup d'œil à travers la porte, ils ont l'air de se faire chier un peu, enfin, c'est peut-être le manque de client aussi. Il se tourne finalement vers Ves. « Allons boire du vin ! » Même si ce n'est pas le but premier, ils devront sûrement goûter un peu à tout pour pouvoir connaître les différences entre les nombreux types de vin et puis, qui sait, un jour, ils auront peut-être envie de faire leur propre alcool, un jour lointain. Bref, ils se dirigent vers l'activité, qui se trouve un peu plus loin, étage en dessous d'où ils se trouvent, entrant dans la salle, se trouvant déjà quelques personnes à l'intérieur. On les invite à prendre place et il décide de s'installer près des bouteilles. « Ça en fait du vin ! » Les instructeurs attendent encore un peu avant de débuter la séance, expliquant les nombreux vins et raisins.

L’idée d’aller boire du vin la branche bien, Vesper. Non, c’est pas son alcool de prédilection – même si elle n’en a aucun en fait. Sans être abstinente, son mode de vie relativement sain l’empêche de se murger tous les jours -, mais elle n’est pas contre un verre de temps en temps. Et puis, elle voit ça comme une récompense un peu. Après son jogging matinal et le fait d’avoir dû endurer de sales mioches mal élevés. C’est vrai qu’elle aurait tout aussi bien pu se récompenser par un massage, mais c’est quand même moins rare de se faire masser. Surtout pour une sportive comme elle. Bref, la texane attend quand même la décision de Rafa parce que si lui préfère aller se détendre, elle le suivra mais il s’avère qu’une fois de plus, ils sont sur la même longueur d’ondes. Passant devant l’entrée du spa, ils poursuivent leur chemin et descendent d’un étage pour pousser la porte du cours d’œnologie. D’autres personnes d’environ leur âge attendent déjà et on leur demande bien vite de prendre place. Vesper suit Rafa qui décide de s’asseoir tout à côté des bouteilles et lâche une exclamation qui la fait sourire.
« Et encore, je suis sûre que c’est rien du tout à côté de ce qu’ils cachent en réserve. »
Les quantités pour un bateau de cette taille et autant de passagers devaient être gargantuesques et la blonde préfère ne même pas imaginer le gaspillage que ça doit représenter. En même temps, les croisières c’est pour les riches et aucun d’eux ne regarde jamais à ça, pas vrai ? Le cours commence alors et le personnel pose devant chacun trois verres vides qu’on vient leur remplir ensuite. Mais ils ne sont pas encore invités à goûter en revanche. Tout d’abord, on leur demande de prendre le verre de vin blanc en main et de bien le regarder, leur montrant le mouvement du poignet pour faire tourner le liquide dans son récipient. Chose que Vesper trouve inutile pour sa part ; elle ne voit pas du tout ce qu’on essaye de lui montrer. Même si ces gens ne cessent de répéter qu’un des sens les plus importants pour repérer un bon vin, c’est la vue. D’accord, mais pourquoi ? Des fois que le bouchon se soit désagrégé un peu à l’intérieur ? Elle en doute. Sceptique, elle se penche de nouveau vers Rafa.
« Tu vois quelque chose de particulier, toi ? »

Rafael est presque impressionné par la quantité de bouteilles de vin qui se trouvent près d'eux, Vesper ajoute qu'ils doivent en cacher davantage dans la réserve, enfin, cela ne l'étonne pas, car sûrement du côté des bourgeois, ça doit faire aller la coupe de vin du matin au soir pour pouvoir endurer l'ambiance et souvent son partenaire. C'est peut-être juste un cliché hollywoodien que l'on retrouve dans les films, mais honnêtement, d'après ce qu'il a pu voir jusqu'à maintenant, cela se rapproche plutôt bien de la réalité. Quoi qu'il en soit, il a hâte que cela commence, le personnel se présente alors avant de distribuer des verres, qu'il commence à remplir avec des différentes saveurs et couleurs. Ils commencent par le vin blanc, Rafa imite l'instructeur et il se permet de sentir par simple curiosité. Il hoche les épaules face au questionnement de Ves. « C'est que du vin blanc, non ? » Il se fait légèrement regarder de travers, puisqu'il n'avait pas vraiment murmuré ces paroles, cependant, pour lui, rien ne change, la vue est la même, cela ressemble à du vin quoi. Il est maintenant l'heure de goûter, normalement, c'est ce qui devrait faire la différence, enfin, c'est ce qu'il a toujours pensé, mais bon, apparemment l'instructeur semble mieux s'y connaître, répétant sans cesse la même chose, comme s'il était devant une classe de personnes inaptes à comprendre. « Je n'ai jamais compris c'était quoi un vin sec. » Et de là, l'homme répète qu'il s'agit d'une différence de couleur, celle-ci étant surtout translucide. Il goûte, le fait tournoyer, le goûte à nouveau, exactement la même saveur. Dans tous les cas, ils passent au vin suivant, le rouge. Même histoire, ils doivent encore bouger le poignet, vérifier la couleur et sentir l'odeur de l'alcool, un peu plus sucré selon lui, mais c'est peut-être juste une idée comme ça. « Tu préfères lequel ? »

Vesper continue de regarder le vin tout en cherchant ce qu’on essaye de lui montrer. Ça doit avoir de l’importance mais elle ne voit aucune différence. Peut-être que si on lui alignait plusieurs verres de vin blanc les uns à côté des autres, elle serait plus à même de dire s’il y a une différence de couleur ou non, mais là… Impossible pour elle de se rappeler quelle est censée être la couleur d’un vin blanc. Autre que vaguement jaune, mais moins que le champagne. C’est déjà pas si mal en vrai. Tout ça pour dire qu’elle acquiesce à la remarque de Rafa : tout ça, c’est que du vin blanc et ils se ressemblent tous, n’en déplaise aux connaisseurs. Puis la réflexion qui suivit la fait rire et la texane approuve d’un hochement de tête.
« Moi non plus, pour moi, ils sont tous mouillés, exactement comme tous les liquides. »
Et s’ils ne le sont pas, alors a-t-elle seulement envie de les boire ? Non, pas trop parce que ça lui donne tout de suite l’impression d’un liquide épais qu’on a du mal à avaler comme un sirop quelconque, par exemple. Dans tous les cas, cette remarque a le don de leur attirer des regards noirs. Ce que Vesper a bien du mal à comprendre étant donné qu’elle se croyait à un cours d’initiation.

Bref, des fois, vaut mieux pas chercher. Et c’est partant de ce principe qu’elle passe au verre de vin rouge posé devant elle, faisant fi des expressions outrées de tous ces snobes. Cette fois encore, il n’est pas question de goûter tout de suite mais plutôt de faire tournoyer le vin au fond de son verre et de le lever à la lumière pour en admirer la robe. Là encore, la blonde se dit qu’elle est rouge et que c’est assez normal étant donné qu’il s’agit d’un vin rouge. Si on veut pousser le vice, on peut même aller jusqu’à dire bordeaux mais elle n’est pas vraiment du genre à se la péter avec de telles précisions. A la question de Rafa, elle hausse les épaules avant de glisser un coup d’œil à droite, à coup d’œil à gauche et de prendre d’abord une lampée de vin blanc puis une de vin rouge quand elle est sûre que personne ne la regarde. Elle les fait rouler sur sa langue histoire de se faire une meilleure idée.
« Hm le blanc, j’ai l’impression qu’il est moins écœurant. Et toi ? »