the universe is rarely so lazy → charli

Ce que j’attends de ce moment avec Sunny ? Je l’ignore. Ce qu’il attend de ce moment avec moi ? Je ne suis pas certaine qu’il le sache non plus. Nous ne nous connaissons pas vraiment et le point commun qui existe entre nous est Iggy. C’est son ex-femme et c’est ma mère – celle qui m’a laissée en Europe pendant plus de dix-sept ans, alors je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure des bases pour une histoire. Peut-être que nous n’avons pas besoin de ça, après tout : peut-être que nous ne nous reverrons pas après cette pause dans ce café. Si c’est le cas, autant en profiter au maximum avant qu’il ne soit trop tard, n’est-ce pas ? Avec mes nombreuses questions destinées à Sunny, je prends cette idée un peu trop à cœur, mais c’est sûrement mieux que de rester là, face à face, à attendre que le temps passe, sans qu’un mot ne sorte de nos bouches. Au fil du temps, j’apprends que le brun est parti au Chili, pour y trouver quelque chose, qu’il ne cherchait pas à la base. J’avoue que dit comme cela, ça sonne bizarrement. Mais je suppose qu’à partir du moment où il est heureux, le chemin qui l’a amené à cela ne compte pas vraiment. Quoi qu’il en soit, malgré les éléments qu’il m’apporte, il reste quelques zones d’ombres : je suis rousse et non blonde, mais j’ai du mal à faire toutes les connexions. Ne m’étant pas privée jusque là, je décide d’enchaîner avec mes questions. « Un enfant ? » Dis-je, par surprise. Au terme "personne", c’est à une femme que je pense, plutôt qu’un enfant. Mais je suppose que nous n’avons pas les mêmes objectifs, que nous ne sommes pas aux mêmes niveaux dans nos vies. « C’est.. surprenant. » Ou peut-être pas. Quelqu’un qui le connaît, quelqu’un comme ma mère, ne serait peut-être pas étonné comme je le suis aujourd’hui. « C’est pour cette raison que vous vous êtes séparés avec Iggy ? Enfant et elle, ça ne fait pas vraiment bon ménage. Je suis plutôt bien placée pour le savoir. » Ces derniers mots résonnent dans ma tête et je ne peux m’empêcher de rire un peu. À Noël, ou du moins juste après, lorsque je connaissais enfin l’existence de Sunny – et réciproquement, je me suis intéressée à leur histoire. Je n’ai sûrement pas été cherché très loin, alors il y a un bon nombre de détails qui m’échappe encore. « Mais c’est cool, si c’est ça que tu recherchais. » Je lui offre un tendre sourire, honnête – qu’il en profite. « Est-ce que tu as déjà eu l’occasion de la revoir depuis ton retour ? Est-ce qu’elle sait pour tout cela ? » La Charli curieuse n’est pas restée loin trop longtemps, mais il faut me comprendre, quand ça concerne ma mère, les commérages ne sont pas négligeables.

Je ne sais pas trop pourquoi, mais être ici avec Sunny me donne une sensation bizarre. Bizarre, dans le sens où je ressens des choses un peu contradictoires. D'un côté, je ne le connais pas vraiment et il est un peu étrange de me retrouver seule ici, avec lui, à discuter de la pluie et du beau temps, comme si de rien était. Mais d'un autre côté, c'est sûrement, même si c'est sûrement encore plus bête d'en arriver à cette conclusion, mais il est ce qui pourrait se rapprocher le plus d'un père pour moi. Je ne l'ai jamais connu avec Iggy, mais leur histoire est sûrement mieux que celle qu'elle a eu avec mon père biologique – il faut dire que ce n'est pas compliqué de faire mieux. Est-ce que j'ai besoin de ce genre de relation ? Je ne sais pas, n'ayant jamais grandi avec une figure paternelle, je ne me suis jamais posée la question. Et puis là, il est bien trop tôt pour en arriver à ça, à des conseils que seul un homme pourrait me donner. Surtout que bientôt, il ne sera plus seul et qu'il aura du boulot à faire. Je ne suis pas mère, mais je suppose qu'avoir un enfant au quotidien, c'est du boulot. Un boulot qu'Iggy n'a jamais voulu, pour moi ou avec lui, juste avant leur divorce. Néanmoins, malgré leur mésentente sur ce sujet, ma mère ne l'a pas repoussé quand il est venu lui annoncer la bonne nouvelle. Du coup, qu'elle est été heureuse pour lui, ça ne m'étonne pas vraiment. Surtout que cet enfant n'aura rien à voir avec elle et ça, c'est sûrement le plus important pour elle – il se pourrait que je le prenne mal sinon, même si de l'eau a coulé sous les ponts depuis ma naissance et qu'avec le temps, ma mère a peut-être gagné en responsabilité auprès des enfants en bas âge. « Si tu veux le revoir en vie.. » Volontairement, je laisse ma phrase sans réelle fin. Ainsi, l'homme a toute la liberté d'imaginer ce qu'il veut, même si bien souvent, dans ce genre de situation, cela a tendance à aller dans le mauvais sens du terme. « Je rigole ! Ce n'est pas quelque chose dont je raffole, mais je crois que je m'en sors pas trop mal avec les enfants. Ils m'aiment bien généralement. » Je parle comme si j'avais le CV de baby-sitting le plus long de la ville, alors que je n'ai gardé que deux bambins – des bébés suffisamment grands pour ne pas dormir à longueur de journées, mais encore trop petits pour se débrouiller vraiment seuls. Cependant, si on regarde comme ça, comme ça s'est toujours bien passé, je reste sur un ratio de cent pour cent et ça, ça reste impressionnant, surtout quand on sait qu'avant d'arriver en Nouvelle Zélande, les personnes de mon entourage n'avaient pas d'enfants. « Je suppose que tu es en plein préparatif pour le recevoir. Chambre bleu, jouets, tout ça, tout ça. »

Que ce soit Iggy ou moi, je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée de nous laisser la responsabilité d’un enfant. Mais ça, je suppose que Sunny finira par le voir de lui-même. Même si pour être honnête, tous les enfants qui ont été sous ma responsabilité quelques minutes sont toujours vivants aujourd’hui, malgré le fait que je suis en train d’affirmer le contraire à l’homme qui se trouve face à moi. Je rigole, bien sûr, mais au moins, il ne pourra pas dire qu’il n’a pas été prévenu le jour où cela arrivera, si cela arrive. « De la paperasse.. » C’est donc à ça qu’il résume son fils. Heureusement, même si je ne connais pas très bien Sunny, je ne suis pas bête au point de ne pas comprendre que cette phrase est dite sur le ton de l’humour. Même si pour le coup, s’il avait été des plus sérieux, alors j’aurais facilement pu comprendre ce que lui et Iggy avait en commun : quelques mois avant ma majorité, c’est un peu ce que je suis devenue pour ma mère, de la paperasse en attendant que je passe mes dix-huit ans. Malheureusement pour elle, je ne suis pas repartie – j’étais logée et nourrie, alors que si je repartais en Suède, je n’avais rien, le choix a vite été fait. Néanmoins, à en voir les moyens mis en place par Sunny pour accueillir un enfant ,en bas âge, chez lui, il y a une différence entre lui et Iggy – qui a sûrement causé leur séparation : il est prêt à devenir père, alors que ma mère l’est devenue par obligation. Lorsque j'évoque le fait que les enfants semblent m'apprécier, l'homme ne tarde pas à rebondir dessus, me laissant un peu perplexe. Le vérifier ? Est-ce qu'il suppose que l'on se reverra une fois que ce petit garçon sera rentré dans sa vie ? Si c'est le cas, je suppose que c'est uniquement en lien avec Iggy. Je n'ai jamais eu de grandes explications – et je ne les ai jamais vraiment demandées – mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu'il y a toujours quelque chose entre eux, malgré le divorce prononcé il y a plusieurs années maintenant. Plutôt bavard au sujet de cette adoption, je rentre volontairement un peu plus dans le sujet en évoquant les préparatifs qui doivent lui prendre du temps. Je vise juste, à une exception près : la couleur de la chambre. Du violet.. c'est original. Et je ne peux m'empêcher de me demander s'il a fait cela uniquement pour ne pas tomber dans le cliché du bleu. Ou alors, peut-être qu'au départ, il ne savait pas qu'il allait avoir un garçon. Bref.. à trop se perdre dans les détails, Sunny suppose que je pourrais avoir envie de parler d'autres choses. S'il pense à ma rupture, il se trompe, je préfère encore évoquer un petit garçon que je ne connais pas – et que je n'apprécierais peut-être pas s'il est trop bruyant. « Tu as sûrement raison. En plus, si on me voit avec un vieux comme toi, ma côte de popularité risque de prendre un sacré coup. » Dis-je, alors qu'il est prêt à me laisser partir, si je suis attendue ailleurs. Bien sûr, je rigole. Si vraiment je le considérais comme un vieillard, de ceux qui ont les cheveux blancs et qui ne se redresse pas totalement à cause de leur dos douloureux, je ne crois pas que je l'aurais dit à voix haute. « Je ne voudrais pas te retarder dans ta peinture. » Finalement, peut-être que nous avons tous les deux des choses à faire. « Mais je suppose que nous allons bientôt nous recroiser ? » Au moins une fois, le jour où il viendra présenter son fils à Iggy, si je suis à la villa moi aussi.