this rollercoaster's a carousel and i'm getting nowhere → charli

En ce qui la concernait, Iggy n’était pas le moins du monde étonnée de voir que le type qu’elle avait choisi ressemblait presque trait pour trait à Jimmy. D’après elle, tous les hommes se ressemblaient déjà à peu près – le fait qu’ils s’habillaient et se coiffaient tous plus ou moins pareil n’aidait en rien, évidemment - mais alors ceux de cette catégorie – c’est-à-dire les riches prétentieux – encore plus. Suffisait de voir la plupart de ses ex-maris, à l’exception d’un ou deux. Mais ça, bien sûr, elle pouvait pas vraiment le dire à Charli. Mais sa fille, elle, avait apparemment envie de tirer des conclusions hâtives de ce choix. Faut dire qu’elle s’était lourdement trompée sur la nature de leur relation avec Jimmy alors c’était pas tout à fait de sa faute non plus. Même si Iggy croyait que ça lui était passé en faisant la connaissance de Sunny et en voyant qu’il n’avait absolument rien à voir avec des types de ce genre.
« Lui ? Jimmy ? Et pourquoi est-ce qu’on l’appellerait, hein ? Bon, c’est sûr aussi qu’il nous offrirait le champagne, mais ça serait pas vraiment un défi puisqu’il nous connaît déjà. »
Et pour couper court aux divagations de Charli, si jamais l’idée lui prenait, elle ajouta :
« Je te le répète, y a jamais rien eu avec Jimmy et y aura jamais rien. »
D’abord parce que les riches, c’était pas son truc à moins de pouvoir les dépouiller et lui était trop au courant de ses activités illégales pour qu’elle puisse le dépouiller, c’était donc réglé. Bref, pour en revenir à nos moutons, la discussion fut lancée avec le Jimmy numéro deux qui devait déjà être sur l’application puisqu’il répondit pratiquement dans la seconde. A la remarque de Charli, Iggy pouffa.
« C’est tellement plus facile de draguer derrière un écran qu’en vrai, en même temps. »
Pas qu’on puisse pas se prendre de râteau virtuel, bien sûr, mais ça faisait quand même moins mal et on pouvait se remettre en selle plus vite. Bref. La question maintenant c’était où se trouvait-il ? Sondant la foule du regard, elle cherchait un homme sur son téléphone. Et le fait est qu’il y en avait plus d’un. C’est sûr que c’était une autre époque…
« Bon alors, il t’a dit où il était ? »
Puis elle pointa du doigt un autre coin du carré VIP et demanda :
« C’est pas lui, là ? »

Fallait pas se leurrer, Iggy ne s’entourait jamais que de personnes dont elle pouvait tirer profit. En dehors de vous savez qui, maintenant, bien sûr. Jimmy ne faisait pas exception à la règle ; non seulement, il était son voisin, ce qui signifiait qu’elle pouvait toujours aller le trouver si elle avait besoin d’être dépannée d’une chose ou l’autre – et ce qu’il pouvait offrir allait de la brique de lait à une partie de jambes en l’air, si jamais ça lui disait – mais en plus, et surtout, il était au courant à la fois de l’existence de Charli et de ses activités illégales. Ce qui au fil du temps, en avait fait une sorte de confident. D’ami ? C’est ainsi qu’elle aimait le voir en tout cas, même si en ce qui la concernait en tout cas, elle était pas vraiment du genre à coucher avec ses amis mais ça… Enfin, ils n’avaient pas couché ensemble, mais elle savait que Jimmy ne dirait jamais non, lui, en revanche. Tout comme elles savaient toutes deux qu’il dirait jamais non si elles lui demandaient de leur offrir le champagne. D’un haussement d’épaules en réponse à celui de sa fille, elle répondit :
« Ils se ressemblent tous. »
Les riches. Mais aussi les hommes un peu en vrai. En fait, il existait plusieurs catégories d’hommes mais rarement un qui sorte du lot en tant qu’individu. Par catégorie, ils s’habillaient tous pareil, se comportaient tous de la même façon, conduisaient le même genre de voitures, pratiquaient les mêmes activités… C’est bien pour cette raison que c’était si facile de tous les manipuler. Les femmes, c’était un peu différent. Juste un peu. Tout ça pour dire qu’ils se ressemblent tellement tous que l’homme de l’application pourrait tout aussi bien être n’importe lequel des hommes présents ou presque. Parce qu’en effet, si elles ont une vague idée de ce à quoi il est censé ressembler, pas dit que ça soit réellement le cas. Pourtant, à force d’examiner toutes les têtes passant dans son champ de vision, elle finit par en repérer une qui pourrait correspondre à la photo du profil. Avec l’aide de Charli qui continuait de converser avec le type pendant ce temps-là, elles en eurent la certitude et Iggy remit aussitôt de l’ordre dans ses cheveux et vérifia que son décolleté était toujours aussi appétissant avant de se lancer à l’assaut de sa proie. Avant de bien vite revenir sur ses pas en demandant :
« Merde, comment il s’appelle encore ? »

Voilà ce que c’est que de se montrer à la fois trop pressée et trop intéressée, Iggy en vient à oublier de prendre les informations nécessaires pour briser la glace dès les premiers mots. Voilà d’ailleurs aussi qui ne lui ressemblait guère en temps normal, mais en temps normal, c’était comme si elle était au travail et qu’elle allait se faire taper sur les doigts si elle ne faisait pas les choses correctement et c’était un peu le cas puisque c’était la prison qui lui avait pendu au nez en ce temps-là. Alors que maintenant… On n’enfermait pas les gens pour s’être fait offrir du champagne, encore heureux. Quand elle entend le prénom du type, elle fait la grimace.
« Décidément, je savais pas que c’était un prénom si à la mode que ça par ici. »
Mais si on regardait bien les gens qui l’entouraient, à savoir Jimmy, Sam parfois, un autre voisin qui s’appelait Matthew, on n’avait pas vraiment à faire à des prénoms très originaux. En fait, le plus original de tous était probablement le sien, qui était d’ailleurs son vrai prénom, si vous vous posiez la question ; ça n’était ni un nom d’emprunt – elle en avait emprunté des tas d’autres, déjà -, ni un diminutif. Non, c’est juste que ses parents devaient être très fan d’Iggy Pop à sa naissance. Tout comme ils avaient dû être fan de Donald Duck à la naissance de son frère. Et ça ne les avait aucunement dérangé de voir qu’à la sienne, c’était une fille qui pointait le bout de son nez, voilà tout. Nouvelle grimace en apprenant les autres informations à son sujet. Pas parce que ça ne lui plaisait pas mais parce que ça ressemblait davantage à Sunny que ce qu’elle aurait voulu. Le but n’était clairement qu’elle tombe amoureuse non plus. Puis elle songea, très romantiquement pour Iggy soit dit en passant, que son cœur était déjà pris et que donc, y avait pas de risques que ça arrive, avant d’hocher la tête. Elle se chargerait de tout à partir de là. Plus qu’à prendre un air enjoué. Ce qu’elle fit avec beaucoup de talent. Et moins de dix minutes plus tard, elle revenait accompagnée du deuxième Kyle – en espérant qu’il y en aurait pas de troisième.
« Alors on va mettre les choses au clair tout de suite : non, n’espère pas de plan à trois parce que ça, c’est ma fille. Et comme tu peux le constater, elle est en âge de s’occuper d’elle-même. »
Elle aurait pu continuer en ajoutant que de toute façon, ça n’avait aucune espèce d’importance parce que ça n’irait pas plus loin que la bouteille de champagne mais, à en juger par la tête de l’intéressé, suite à cet aveu, ça serait peut-être aller trop loin. En revanche, elle précisa :
« Si je dis ça, c’est uniquement parce que c’était un truc qui avait l’air de brancher mon précédent date et qu’on voudrait pas avoir à nouveau une mauvaise surprise. »
Et voilà comment on se rattrape parce que ce Kyle-là, eut l’air de comprendre.

Pas les mêmes goûts ; non seulement ça lui semblait certain mais logique aussi en plus de ça. Une mère devrait clairement pas marcher sur les plates-bandes de sa fille. Ou de son fils, y avait tellement de combinaisons possibles. Puis Iggy le devrait encore moins que les autres parce que bon, elle était déjà pas une bonne mère alors faudrait surtout pas rajouter ça en plus. Pas de risques puisqu’elle aimait que les hommes en ce qui la concernait. Puis ceux qui étaient mûrs en plus de ça. Oh, l’idée de sortir avec plus jeune qu’elle lui avait bien traversé l’esprit une fois ou deux, mais ça n’avait été que parce qu’elle leur plaisait, pas parce qu’elle en avait vraiment envie. Iggy faisait partie de ces femmes qui plaisaient un peu à tout le monde. Et c’était pas tellement une question de physique parce qu’elle savait parfaitement qu’elle n’avait rien d’une beauté fatale – d’ailleurs, ça lui convenait très comme ça étant donné qu’elle plaignait un peu ces femmes -, c’était plutôt ce qu’elle dégageait. Partant de là, elle estimait que c’était une chance qu’elle fasse aussi partie de ces femmes qui ne jettent pas leur dévolu sur le premier venu. Bref, maintenant que les choses étaient mises au clair – ce Kyle avait d’ailleurs été un peu surpris qu’on puisse le croire capable d’une chose pareille avant de finalement accepter d’assez bonne grâce qu’on n’attende rien de plus qu’une amitié de sa part -, ils pouvaient tous passer au champagne. Oui enfin, ça, c’est ce qu’Iggy aurait cru si Charli, quant à elle, n’avait pas cru bon d’avertir Kyle que, si jamais l’envie lui prenait, il pouvait l’inviter à danser puisqu’elle aimait bien ça. C’est sûr que c’était vrai, mais à moins que ça lui rapporte quelque chose d’intéressant en échange, elle était pas non plus du genre à se frotter à de parfaits inconnus. Ce que ce Kyle était. Une chance pour elle que ce club était pas du style à passer des slows ou de la musique pour le troisième âge. C’était pas vraiment le genre de boîtes qu’elle fréquentait habituellement mais ça restait de l’électro, quoi. Et ça, à moins de vraiment le vouloir, c’était quand même compliqué de se frotter dessus.
« Ouais… Mais rien que d’y penser, ça me donne soif. On se prend un verre avant ? »
Voilà, on y était. Familière de cette technique, elle savait pertinemment que pour recevoir quelque chose, fallait donner quelque chose en contrepartie. Ou donner l’impression qu’on allait donner quelque chose en contrepartie. Mais là, comme elle avait grillé ses possibilités de promesse qu’elle n’aurait pas tenues en mettant les choses au clair d’emblée, elle savait qu’elle couperait pas à cette danse. Seulement, le moment venu, elle trouverait bien le moyen d’entraîner sa fille sur la piste. C’était son idée après tout.

Question subtilité, on repasserait. Mais bien qu’elle ne soit pas des plus discrètes, Charli va droit au but sans laisser de place au doute quant à ce qu’elle attend. Ce qui peut avoir de bons côtés comme de moins bons. En fait, tout dépend d’à qui on s’adresse. En l’occurrence, ça n’avait vraiment aucune espèce d’importance parce que tout le monde s’en foutait de ce Kyle, aussi Iggy ne fit-elle aucune remarque. C’est que ledit Kyle n’eut qu’à lever la main pour qu’un serveur vienne prendre sa commande. Tout ça avait l’air de l’amuser, un peu comme s’il faisait ça tous les week-ends mais qu’il avait pas vraiment l’habitude de tomber sur ce genre de femmes. Peu importe ce que ça voulait dire exactement, c’est juste qu’il avait l’air de s’amuser avec elles. Et y avait de quoi parce que toutes les femmes n’étaient sûrement pas comme elles. Tant mieux, tant pis, encore une fois, ça dépendait d’à qui on s’adressait. Bref, elles étaient donc sur le point de toucher au but quand l’alarme incendie se déclencha. Et par rapport à ça, Iggy était partagée. D’un côté, ça voulait dire qu’elle n’aurait pas à danser avec cet inconnu ni à faire semblant d’aimer ça. De l’autre, ça signifiait que quelque chose ne voulait pas qu’elles l’aient, cette bouteille de champagne. Incroyable. Bien sûr qu’Iggy pourrait l’acheter si elle le voulait mais ça n’avait jamais la même saveur que quand c’était offert. Bref, ce qui est sûre, c’est qu’elle est pas du tout affolée comme les gens devraient normalement l’être dans une situation comme celle-ci ; sa réaction n’aurait pas été différente si tout ça avait été orchestré – enfin si, justement, pour donner le change. Le truc, c’est que ça c’était le genre de choses qui arrivait assez souvent dans les rave parties qu’elle avait l’habitude de faire et elle avait retenu une leçon de tout ça : ça sert à rien de paniquer et de commencer à pousser tout le monde, c’est comme ça qu’on finit piétiné. Elle se leva donc et sans se presser, laissa les autres se ruer sur les portes. C’est comme ça qu’on finit cramé, ouais, mais à choisir…Charli et Iggy se perdirent un instant de vue, mais elle traîna suffisamment longtemps pour voir reparaître la tête de sa fille. Avec un air apparemment très fier d’elle. Du regard, elle l’interrogea pour savoir quelle pouvait en être la raison et vit Charli lui montrer la bouteille en question. Un sourire en coin étira ses lèvres tandis qu’elle prenait un air ému :
« Wow, qu’est-ce que je suis fière ! »
Puis, alors que tout le monde s’acheminait lentement vers la sortie, elle proposa :
« On largue le Kyle et on va se boire ça quelque part ? »
De toute manière, elles n’allaient probablement pas avoir trop le choix.
« Ou tu préfères qu’on rentre à la villa ? »