touchdown → andrea

Si on lui avait dit un jour qu’elle irait d’elle-même à un évènement sportif qui n’était pas seulement de l’e-sport, Cleo n’y aurait jamais cru. D’abord parce qu’elle n’est pas très fan de sport – et j’insiste bien là-dessus parce que si vous lui demandez son avis, courir après des acteurs avec une perche à bout de bras, c’est sportif alors on peut dire qu’elle l’est aussi, d’ailleurs y a qu’à tâter de ses biceps pour s’en apercevoir et puis on parle quand même là d’une personne à qui on a retiré le permis de conduire et qui pédale presque tous les jours donc, on peut pas dire qu’elle n’est pas sportive – mais aussi et surtout parce qu’elle n’est pas très fan des gens en général. Bien sûr, son métier l’oblige à en côtoyer régulièrement mais justement, ça suffit ; qu’on la laisse se terrer dans sa grotte le reste du temps, merci. Et pourtant elle est là. Un mercredi après-midi, à faire le pied de grue sur une pelouse devant une espèce de stade. Suppose-t-elle bien sûr parce qu’elle n’a jamais mis les pieds dans ce genre d’endroits et quand elle voit, par-dessus ses lunettes de soleil qui ne lui servent pas à grand-chose aujourd’hui puisque le ciel est plus gris que bleu, tous ces gens amassés devant une table où siège un joueur vedette du coin – que Cleo ne connaît pas, bien entendu -, elle se dit que non, décidément c’est pas pour elle. Mais elle est là. Et pas par plaisir, comme vous l’aurez compris. Non, elle est là parce que ce type, ce fameux joueur, est l’idole d’une de ses collègues. Une collègue que Cleo apprécie assez bien, pour une fois. Et que cette collègue assiste à un enterrement. Rien de grave, je vous rassure, un grand oncle qu’elle n’a pour ainsi dire jamais vu mais c’est la famille alors faut bien parfois faire des sacrifices. Voilà qui explique la raison de la présence de l’écossaise à cet endroit précis. Ah oui, n’oublions pas de préciser que c’est la coupe du monde de rugby et que c’est pour ça que ce joueur est là aujourd’hui à signer des autographes et à poser pour des photos de fan. C’est d’ailleurs bientôt son tour de demander un autographe. Et de prendre une photo. Sur laquelle elle ne poserait pas, bien sûr. Et quand ça y est, plutôt que de dire la vérité, voilà que la blonde se met à jouer les fans. Ça serait trop compliqué à expliquer, ça lui demanderait de trop parler. Haha ouais, pour Gloria l’autographe, c’est elle. Elle a tout à fait une tête de Gloria. Il a l’air de trouver ça un peu bizarre qu’elle lui demande une photo sans qu’elle soit dessus mais il se plie volontiers à ses exigences. Puis il lui demande si elle veut lui faire une passe avec le ballon de rugby que les autres fans n’ont cessé de tripoter depuis tout à l’heure… Bah pas trop mais Cleo se rend bien compte que ses demandes sont un peu bizarres pour une soi-disant fan alors elle acquiesce avec un petit sourire aux lèvres. Mais faut croire qu’elle a plus de force qu’il n’y paraît – j’vous le dis, tout dans les biceps -, puisqu’il ne parvient pas à l’attraper et que le ballon va percuter une fille derrière. Elle grimace et lui fait un signe d’excuse de la main.
« Euh… Désolée. »

Cleo s’attendait à une volée d’insultes en réponse à ses excuses – très certainement parce que c’est ainsi qu’elle-même aurait réagi si le ballon avait choisi une partie de son corps comme zone d’atterrissage -, mais au lieu de ça, la jeune femme victime du ballon lui fait savoir que ce n’est rien. Ce qui la rend d’emblée sympathique. L’écossaise devrait en tirer une ou deux leçons. Enfin, si elle voulait paraître sympathique. Mais c’est pas tellement le cas. En fait, elle aime bien que les gens ne viennent jamais lui parler parce qu’elle ne saurait pas quoi leur dire. En dehors de banalités comme « c’est fou comme il fait frais aujourd’hui, y a plus de saisons, ma bonne dame » et elle trouve ça assez pitoyable pour ne pas avoir envie d’en arriver là. Bref, si ça n’avait tenu qu’à elle, Cleo en serait restée là, elle aurait abandonné le ballon, aurait récupéré son autographe et serait rentrée chez elle mais c’est alors qu’elle vit la jeune femme s’approcher pour gentiment lui tendre l’objet du délit. La blonde le récupère et étire un sourire confus suite à la question. Qu’on puisse croire qu’elle fait du rugby est surprenant.
« Pas du tout, je suis juste venue récupérer un autographe pour une collègue. Je plaide coupable : j’y connais absolument rien en rugby. »
Cette précision est accompagnée d’un petit rire un rien mal à l’aise. Maintenant que la jeune femme est plus proche, elle peut se rendre compte par elle-même que l’incident de tout à l’heure n’a pas fait trop de dégâts. C’est déjà ça.
« C’est sûrement pour ça que ma visée est pas encore au point. »
Parce que sinon, c’est le sportif qui se le serait pris, ce ballon. Mais il y était habitué alors ç’aurait été moins grave. Puis d’un coup d’œil, Cleo se rend aussi compte que la demoiselle n’a pas vraiment le gabarit d’une armoire à glace et qu’elle dénote également de ce côté-ci de la table.
« Et vous ? Quelqu’un vous a aussi tendu un piège pour que vous alliez lui chercher un autographe ou bien vous êtes une vraie fan ? »
Doit bien y en avoir d’autres que sa collègue, après tout. Sinon y aurait certainement pas tant de monde rassemblé ici aujourd’hui. Assez hallucinant, soit dit en passant.

Cleo pouffe en entendant son interlocutrice se rassurer du fait qu’elle ne lui ait pas envoyé le ballon dessus exprès. Totalement son genre, en vérité. Mais bien sûr, elle ne l’avouerait jamais ; le seul au courant de ça, c’est Seth. Lui sait qu’elle peut être fourbe à ce point. C’est que l’écossaise n’aime pas le conflit mais que, pour autant, elle n’est pas du tout du genre à se laisser faire, alors… Pas le choix. Bref, toujours est-il qu’en l’occurrence, c’est pas du tout fait exprès et elle n’a vraiment rien contre cette jeune femme. Et on va pas prétendre qu’elle n’avait jamais fait de délit de sale gueule non plus parce que c’est comme ça que Cleo fonctionne : si votre tête lui revient, tant mieux pour vous, sinon… Bon courage !
« Non, je vous rassure, c’est pas vous que je visais spécialement. »
Là-dessus, elle lui apprend qu’elle non plus n’est pas fan ; un bon point pour elle parce que la blonde est presque sûre qu’elle ne serait pas capable de s’entendre avec un fan de sport – autre que sa collègue et encore, c’est surtout parce qu’il le faut bien -, quelqu’un qui passe ses dimanches à regarder des matchs. Chacun fait ce qu’il veut mais elle n’a rien à dire à cette engeance. Alors qu’ici, y avait moyen de discuter un peu, semble-t-il. La jeune femme, visiblement pas contre l’idée d’entrer dans les détails, lui fait alors savoir qu’elle est là pour son image et Cleo arque un sourcil, quelque peu intriguée. Son image ? Ça veut dire qu’elle est quand même sportive, elle aussi ? La réponse ne tarde pas à venir : c’est une athlète elle aussi, mais pas aussi connue que tous ces gars. Bon, au moins l’écossaise ne se sent pas l’obligation de faire comme si elle savait qui c’était du coup, elle ne devrait pas être froissée.
« Oh, c’est très malin de votre part, je trouve. »
Elle n’est peut-être pas habituée à faire des compliments, la Cleo, mais elle sait reconnaître une bonne astuce quand elle en croise une. Puis elle observe un peu plus attentivement son interlocutrice et tâche de se figurer quel sport elle peut bien pratiquer. Athlète a-t-elle dit. Peut-être qu’elle se trompe, mais dans sa tête en tout cas, ça se rapporte à un sport pratiqué en stade. Course de haie, saut à la perche, lancer de javelot et tout ce qui s’ensuit. Bon, la jeune femme qui se tient devant elle n’a pas l’air complètement dopée, mais si ça se trouve, c’est plus comme avant, qu’est-ce qu’elle en sait ?
« Je peux pousser le vice jusqu’à vous demander quel sport vous pratiquez ? Ou essayer de deviner… Comme ça, je dirais gymnastique ou patinage. »
Seulement au gabarit.

Petite… Alors c’est sûr que Cleo a connu plus grande, mais elle a aussi connu plus petite. Et puis surtout, elle n’a aucune idée de si c’est un atout dans ces disciplines ou non. Sans doute que oui, maintenant que la jeune femme le lui fait remarquer mais sans ça, elle n’y aurait jamais pensé toute seule.
« Non, mais sans vouloir vous vexer, vous n’avez pas vraiment la carrure d’une bodybuildeuse. Et venant de moi, c’est plus un compliment qu’autre chose. »
Parce que qu’est-ce que c’est moche quand même… Bref, la jeune fille lui fait savoir que c’est pas la première fois qu’on essaye de deviner en étant carrément à côté de la plaque comme c’est manifestement son cas et ajoute qu’on lui a déjà sorti la course à pied aussi. La blonde hoche la tête. Elle aurait pu aussi le citer, c’est juste que selon elle, jogger, c’était pas vraiment un sport. Plutôt des exercices. Mais bien sûr, y avait pas que ça. Du coup, si les gens qui le pensent se trompent et si Cleo se trompe également avec ses suppositions, le mystère reste entier. Mais plus pour longtemps puisque son interlocutrice consent à lui révéler alors la vérité : c’est une cycliste. Mais pas dans le genre de l’écossaise qui tous les jours enfourche son propre vélo pour aller bosser – quand elle bosse, bien sûr – parce qu’on lui a retiré le permis voilà quelques années maintenant. Non, sur piste. Voilà encore un truc qu’elle n’aurait jamais imaginé. En même temps, en dehors de son job et du vélo pour se déplacer, Cleo ne pratique pas vraiment d’autres sports hormis ceux qui se jouent à la manette ou au clavier et à la souris. Et c’est bien suffisant, selon elle. Tout ça pour dire que dans les jeux vidéo, y a pas de cyclisme sur piste, y a du cyclisme en montagne.
« Oh ben de tous les sports qui existent, vous faites sûrement celui qui me parle le plus. »
Ce qui doit lui faire une belle jambe. D’autant qu’elle ne veut pas dire par là qu’elle s’y connaît, juste que ben elle fait du vélo elle aussi, pour se déplacer, quoi. Bref, ce qu’elle vient de dire prête sûrement un peu à confusion puisque la jeune femme lui demande alors si elle connaît. Autant être franche sur ce coup et avouer sa totale ignorance.
« Pas du tout. En fait, je savais même pas que ça se faisait sur piste, je pensais que c’était réservé aux voitures et aux rollers. C’est bien ? Vous vous ennuyez pas trop toujours avec le même paysage ? »

A la question de si elle fait du vélo, Cleo hoche vivement la tête. Bon, c’est pas vraiment de son fait et si on lui avait pas retiré son permis pour multiples excès de vitesse, c’est sûr certain qu’elle n’en ferait pas autant, mais au final, c’était pas plus mal comme ça puisqu’en plus de se muscler les bras au travail, elle avait aussi la possibilité de se muscler les jambes.
« Ouais, depuis que j’ai plus le permis, c’est devenu mon principal moyen de transport parce que je suis pas très fan des transports en commun. »
Trop de gens. Ça colle, ça pue, très peu pour elle. Sauf quand elle a pas le choix, bien sûr. Mais dans ces cas-là, elle tâche quand même un maximum d’éviter les heures de pointe. Et puis si elle est trop chargée, mieux vaut encore prendre le taxi. Puis non, ça la dérange pas d’avouer qu’elle n’a plus le permis et risquer qu’on la prenne pour une chauffarde de plus, parce que du coup, personne n’irait soupçonner qu’elle continuait à participer à des courses illégales malgré ça. Là-dessus, son interlocutrice réfléchit à ce que l’écossaise vient de dire et constate qu’en effet, il faut aimer tourner en rond. Cleo dit ça mais au fond, elle peut comprendre, elle est du genre à bien aimer sa petite routine et pas tellement les imprévus, contrairement à ce que peuvent proclamer beaucoup de gens. Pourtant, y a bien une raison pour qu’on pousse sans arrêt tout le monde à sortir de sa zone de confort : c’est parce qu’eux non plus n’aiment pas les imprévus et préfèrent la routine. Mais bon, si elle commence à se pencher sur les nonsenses des autres, elle pourrait y passer la nuit, voire même trois ou quatre d’affilée. En tant que cycliste, elle sait pertinemment que les intempéries sont le plus contraignant quand on se déplace à vélo. Elle hoche donc la tête.
« C’est vrai que c’est jamais très agréable de pédaler par grand vent ou sous la pluie. »
Et encore, en Nouvelle Zélande, les conditions météorologiques ne sont pas les pires et c’est sûr qu’en Ecosse, elle pourrait jamais prendre le vélo. Surtout que tout est loin de tout, là-bas, faudrait pas avoir peur d’y passer la journée. Cela dit, apparemment, le vélodrome de Wellington – parce qu’il y en a un, ça non plus, elle le savait pas – n’est pas couvert, lui, mais son revêtement est au moins une surface plane, à en croire la cycliste. La blonde étire alors un sourire un coin.
« Et c’est vrai aussi que c’est un autre avantage parce que je compte plus le nombre de fois où je me suis cassé la figure à cause d’un nid de poule. »
Ou encore d’un autre chauffard.

C’est là qu’on reconnaît une passionnée : elle semble vraiment beaucoup aimer pédaler sur piste et s’amuse même à lui faire la liste de tous les avantages de cette pratique. Ce qui fait sourire Cleo parce qu’à l’en croire, il n’y pratiquement que ça, ça donnerait presque envie de s’y mettre. Mais presque seulement parce que pour l’écossaise, c’était pas trop possible ; elle a pas le temps. Oh, elle pourrait l’avoir, bien sûr. Maintenant qu’elle est plus perchiste dans le porno mais juste productrice – bien qu’elle exècre ce milieu dans lequel elle a été forcée de travailler depuis ses quinze, force est de constater que ça brasse de la thune et que ça serait vraiment dommage de ne pas garder ça à l’esprit -, on l’appelle plus à toute heure du jour ou de la nuit parce que la production a miraculeusement réussi à obtenir une autorisation pour filmer dans un endroit à ciel ouvert, par exemple, mais qu’il faut agir à certaines heures seulement pour ne pas choquer certains. Alors oui, bien sûr qu’on continue de l’appeler quand y a un problème, mais c’est quand même beaucoup moins fréquent. Ce qui lui laisse des horaires beaucoup plus classiques à Whare Pikitia. Et donc du temps-libre, par la même occasion. Mais le fait est que généralement, ce temps-libre, elle préfère le passer à la maison, à traîner sur le canapé avec un livre, un film, une série ou à se lancer dans une compétition de jeux vidéo où le contact n’est que virtuel, où l’effort est seulement mental. Des moments dont elle a désespérément besoin tant la proximité d’autres personnes – en dehors de son mari, peut-être, bien qu’elle ne soit pas mécontente de le voir partir au boulot le matin pour avoir la maison pour elle toute seule alors qu’elle l’aime pourtant pour de vrai – a tendance à la rendre dingue.
« Wow, ça a l’air vraiment cool, de ce que vous en dites, en tout cas ! »
Surtout que ce que Cleo en retient, c’est que cette jeune femme est seule sur la piste. Pas de contact, donc. Ou très peu. Le genre d’activités qui lui plaît bien, comme vous l’aurez compris. Là-dessus, son interlocutrice lui apprend même qu’elle a une boutique de vélos dans le centre-ville et ça aussi, c’est très cool.
« Ah ouais ? Je veux bien l’adresse alors, c’est pas rare d’avoir de petits accidents sur la route. Une fois, on m’a carrément volé mon vélo après m’avoir renversée et conduite à l’hôpital, les gens sont fous. »
Elle n’était toujours pas sûre que le but avait été de voler le vélo, juste que le gars avait embarqué son vélo dans son coffre, dans la confusion, avait oublié de le lui rendre puis ça s’était éternisé jusqu’à ce qu’elle se décide à lui rendre visite accompagnée de la police. Qui n’avait pas été d’un grand soutien mais hé, au moins avaient-ils fait acte de présence.

Au fond, ça l’amuse d’entendre la jeune femme lui demander, avant tout autre chose, si elle a pu récupérer son vélo. Sûrement parce qu’elle n’avait rien eu de grave au moment de l’accident – en fait, l’infirmier qui s’était occupé d’elle avait beaucoup plus morflé quand elle lui avait écrabouillé la main alors qu’il lui faisait la piqûre pour pouvoir lui poser ses points de suture sans qu’elle sente quoi que ce soit -, sinon, ça la ferait quand même sûrement moins rire. Mais son vélo étant son principal moyen de locomotion, ça l’aurait quand même bien fait chier de le perdre. Avec un sourire en coin, Cleo opine du chef et empoche sa carte tout en notant dans un coin de sa tête qu’il faut qu’elle appelle avant de venir.
« Je retrouvé son adresse et je me suis un jour pointée chez lui pour réclamer mon dû. »
La vérité, c’est qu’elle avait commencé par lui pourrir son entrée en renversant ses poubelles sur son seuil. Voyant ça, un flic s’était arrêté pour lui faire la morale avant qu’elle lui explique la situation et qu’il l’aide à faire un peu pression sur l’autre connard. Qui a donc fini par lui rembourser le vélo qu’il lui avait pris et revendu, elle avait pu en racheter un et tout est bien qui finit bien.
« Oh oui, c’était pas grand-chose finalement. »
Elle en a gardé qu’une minuscule cicatrice qui s’est déjà pas mal estompée au fil du temps. Mais c’est vrai que ç’aurait pu être tellement pire. Acquiesçant avec vigueur, l’écossaise ajoute :
« Ouais, surtout que je savais pas qu’un vélo puisse valoir aussi cher à l’époque alors j’étais pas du tout sûre que c’était fait exprès. J’ai juste cru que, dans la confusion, il avait oublié mon vélo dans son coffre. C’est quand il m’a dit qu’il l’avait plus que je me suis dit que c’était quand même bizarre. »
Puis Cleo hausse les épaules. C’est vrai que ça l’a secouée sur le moment mais ça l’a pas empêchée de remonter littéralement en selle parce qu’elle a pas vraiment le choix ; Seth ne conduisant pas vraiment lui non plus – puis de toute manière, elle aurait détesté devoir dépendre de lui pour tout -, son unique autre possibilité aurait été de devoir prendre le bus et franchement, non merci. Ou le taxi mais elle a toujours tendance à oublier qu’elle est riche, maintenant. Puis son sourire revient.
« Je peux dire pareil, je suis contente d’avoir trouvé un ange gardien pour vélos. »
Et dans son cas, c’est on ne peut plus sincère puisqu’elle n’est pas vraiment là de son plein gré. Enfin si, mais elle est là par obligation et pas tellement parce que tout ça lui plaît vraiment.

Le vélo un business, qui l’eut cru ? Pas Cleo en tout cas. Pour elle, ça reste un moyen de transport. Voire de tourisme aussi et éventuellement un sport, sur place dans un salon ou dans une salle ou bien dehors dans un tour que seuls les papys regardent. Comme quoi, c’est juste parce qu’elle ne s’y connaît pas bien au fond. Et d’ailleurs :
« C’est fou. »
Est tout ce qu’elle trouve à répondre. Mais ça lui permet de mieux comprendre pourquoi l’autre con ne voulait pas le lui rendre, son vélo. Bref, son interlocutrice lui demande alors si elle en a terminé avec les corvées imposées par sa collègue et l’écossaise s’apprête à hocher la tête quand son téléphone vibre au fond d’une poche. Elle l’en sort prestement, s’attendant à voir le nom et la photo de son époux s’afficher sur l’écran mais il n’en est rien : c’est la collègue en question, comme si elle avait senti qu’on était en train de parler d’elle. Et Cleo soupire en lisant qu’en plus de l’autographe, on lui demande maintenant d’acheter un sweatshirt de l’équipe. Enfin, d’une équipe mais pas n’importe laquelle et pour qu’elle se trompe pas, on lui en donne même le nom.
« Je croyais que oui mais on dirait que non. Va maintenant falloir que je fasse la queue pour des goodies. »
Elle n’essaye même pas de faire croire que c’est pas une corvée pour elle, ça se voit sur son visage. Puis elle pousse le vice jusqu’à grimacer et propose plus qu’elle ne demande :
« Si ça vous prend pas trop de votre temps, vous pourriez peut-être m’aider ? J’ai que le nom de l’équipe or sur les sweats qu’il y a là, je vois que les logos. Peut-être que vous vous y connaissez un peu mieux que moi quand même. »
Ou pas. Au quel cas, elle ferait une recherche sur son téléphone. En fait, elle aurait sûrement plus vite fait de faire ça mais à la longueur de la file d’attente qui l’attend, elle se dit que ça serait pas plus mal d’avoir quelqu’un à qui faire la conversation pendant ce temps.